On riait, on mettait nos capuches, on les enlevait, selon l'humeur du temps qui ne réussissait pas à attrister la nôtre, on se prenait la main, on se faisait plein de petits bisous (encore place Bellecour, et puis partout), quelques-uns plus gros (ah, la traboule!), on se racontait de petits bouts de vie, on échangeait nos savoirs (St-Bonaventure), on se faufilait au milieu des milliers de badauds, on fonçait, on bousculait, on tanguait en pouffant sur la passerelle trop chargée de piétons, on photographiait, J. se réchauffait les mains, au milieu de la foule, dans l'entrebâillement de ma braguette, qu'il m'avait conseillé de laisser ouverte pour éviter d'avoir trop chaud, l'hypocrite (mais je ne m'en suis jamais plaint!).
Si l'on nous voyait, J. m'avait suggéré de dire que je sortais mon cousin un peu demeuré, à tenir de près. J'ai réagi: "Non, je dirai la vérité!".
"Et quelle est-elle, cette vérité? continue J.
"C'est justement ce que je suis en train de me demander."
Et nous éclatons de rire tous les deux, très fort. Connivence.
Au retour, au milieu du pont de la Guillotière, J. me parle de l'une de ses soirées précédentes.
Je réalise tout à coup (non, je m'en étais déjà fait la remarque) combien il s'intéresse à de nombreuses choses, combien il fréquente des gens différents, combien il est ouvert et vivant. Je tente de lui dire comme ça me plait mais l'émotion me gagne. Je commence ma phrase mais ne trouve pas mes mots, que je voudrais les plus exacts possible, parce que ce que je veux lui dire est profondément sincère. Et je ne lui parle que de son ouverture d'esprit. Il approuve moyennement et se réfugie dans la photographie. Là, les gamins avaient grandi. Il était ému et moi aussi ( à tel point qu'une mamie en a profité pour me voler la place contre le parapet). Mais parfois il n'y a pas besoin de trop de mots pour se comprendre.
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