mercredi 30 novembre 2011

Pages marquantes (22)

Marley était mort, pour commencer. Là-dessus, pas l'ombre d'un doute. Le registre mortuaire était signé par le ministre, le clerc, l'entrepreneur des pompes funèbres et celui qui avait mené le deuil. Scrooge l'avait signé, et le nom de Scrooge était bon à la bourse, quel que fût le papier sur lequel il lui plut d'apposer sa signature.

Le vieux Marley était aussi mort qu'un clou de porte.

Attention! je ne veux pas dire que je sache par moi-même ce qu'il y a de particulièrement mort dans un clou de porte. J'aurais pu, quant à moi, me sentir porté plutôt à regarder un clou de cercueil comme le morceau de fer le plus mort qui soit dans le commerce; mais la sagesse de nos ancêtres éclate dans les similitudes, et mes mains profanes n'iront pas toucher à l'arche sainte; autrement le pays est perdu. Vous me permettrez donc de répéter avec énergie que Marley était aussi mort qu'un clou de porte.

Scrooge savait-il qu'il fût mort? Sans contredits. Comment aurait-il pu en être autrement? Scrooge et lui étaient associés depuis je ne sais combien d'années. Scrooge était son seul exécuteur testamentaire, le seul administrateur de son bien, son seul légataire universel, son unique ami, le seul qui eût suivi son convoi. Quoiqu'à dire vrai il ne fût pas si terriblement bouleversé par ce triste événement, qu'il ne se montrât un habile homme d'affaires le jour même des funérailles et qu'il ne l'eût solennisé par un marché des plus avantageux.

La mention des funérailles de Marley me ramène à mon point de départ. Marley était mort: ce point est hors de doute, et ceci doit être parfaitement compris; autrement l'histoire que je vais raconter ne pourrait rien avoir de merveilleux. Si nous n'étions bien convaincus que le père d'Hamlet est mort, avant que la pièce commence, il ne serait pas plus étrange de le voir rôder la nuit, par un vent d'est, sur les remparts de sa ville, que de voir tout autre monsieur d'un âge mûr se promener mal à propos au milieu des ténèbres, dans un lieu rafraîchi par la bise, comme serait, par exemple, le cimetière de Saint-Paul, simplement pour frapper d'étonnement l'esprit faible de son fils.
Charles Dickens, Le Conte de Noël.

Que la fête commence

Dernier jour de novembre. Le mois a passé comme un éclair. Déjà les conseils de classe de fin de premier trimestre, le plus long, celui où il faut tout mettre en place. Opération réussie pour les sixièmes, cinquièmes et troisièmes. Je traîne encore un peu les quatrièmes comme un boulet.

Et il ne se décide toujours pas à faire froid. Une nuit, la température a frôlé le zéro. J'ai rentré mes plantes le lendemain. Bien inutilement: le temps s'est radouci. La dernière fleur d'hibiscus vient à peine de faner, le bougainvillée et les géraniums se portent encore très bien. Et la grande plante à fleurs blanches dont je ne connais pas le nom n'en finit pas de lancer ses lianes à l'assaut du tuteur.

Déjà les papillotes et les chocolats dans les magasins. Sur les panneaux publicitaires, on annonce un peu partout dans la ville les réjouissances de la Fête des Lumières, prévue cette fois du 8 au 11 décembre. Cette appellation de Fête des lumières m'agace un peu, de par son côté commercial et parce qu'elle masque totalement l'origine religieuse de cette soirée du 8 décembre. D'ailleurs, d'année en année, les projections et les jeux de lumière sur les sites principaux de la ville ont peu à peu fait oublier et dépérir le rite des petits lumignons sur le rebord des fenêtres. Je n'ai pas encore acheté les miens mais ça ne saurait tarder et je serai encore un des rares dans mon quartier à perpétuer la tradition.

Demain, décembre. Allez, que la grande fête commence...

Films culte (5)

All about Eve. Mankiewicz, 1950.

mardi 29 novembre 2011

Momentini

- La vieille dame de la clinique, liseuse acharnée, est tombée plusieurs fois ces derniers jours, dont trois fois de son lit la nuit, et s'est fracturée le nez. J'ai appris ça ce soir, alors que je demandais des nouvelles. Elle ne marche plus. Plus de cigarettes fumées ensemble dans la cour lorsqu'il ne fait pas trop frais.

- Un enfant de trois ans dans un lave-linge pour le punir de sa conduite à l'école! Le roman que je lis en ce moment sur l'épopée des premiers cow-boys est moins violent que ça.

- Ce soir, je clique, à droite, à gauche, je lis les autres, je commente, et je n'ai rien à dire. Il a pourtant fait beau aujourd'hui.

- C'est confirmé: Victor Hugo est bien né en 1802. (message subliminal).

- Je n'ai plu que 4 minutes pour aller chez Georges, pour notre rendez-vous de 22h22. Plus que trois. Allez, je me dépêche.

lundi 28 novembre 2011

Italia mia



Hier soir, canapé, plaid, oreiller pour la tête et en avant la soirée. Un Théma sur Arte à l'occasion du cent cinquantième anniversaire de l'unité italienne. En début de programme: Le Guépard de Visconti.

Aux premières images, j'étais déjà ému: les voilages des fenêtres flottant au vent sur la façade du vieux palais baroque du Prince Salina et je me retrouvais en Sicile, il y a combien de temps déjà ? J'aime ces façades lépreuses des palazzi italiens qui cachent tant l'opulence des intérieurs. La prière familiale et l'annonce de l'arrivée sur l'île, à Marsala, des troupes garibaldiennes, la beauté de Lancaster en aristocrate vieillissant, la fougue et la beauté d'un Delon jeune et la grâce irradiante d'une Claudia Cardinale resplendissante. Et puis d'autres dont j'avais oublié la présence dans le film: Romolo Valli en jésuite compréhensif, le père Pirrone, Pierre Clémenti dans le rôle de l'un des enfants de Salina et Serge Reggiani, le garde-chasse bougon attaché à son maître.

Et la beauté des paysages, et les scènes de bals alternant valses et mazurkas, et la scène finale où le Prince croise au petit matin un curé allant avec un enfant de cœur donner l'extrême onction à un moribond des quartiers populaires de Donnafugata, et cette réflexion sur la vieillese et la mort que l'on retrouve, thème cher à Visconti, dans Mort à Venise et dans Violence et Passion.

Je n'avais pas vu le film depuis très longtemps. Je ne me souvenais pas combien il était beau. Sans doute, comme pour Mort à Venise, mon œil perçoit-il aujourd'hui différemment les choses, maintenant que je me sens plus proche du prince Salina que de son neveu Tancrède, du professeur Gustav von Aschenbach que du jeune Tadzio. Mais quelle époque que celle-ci pour le cinéma italien! En me couchant, je ne pensais plus qu'à une chose: me réinscrire au cinéclub de la Dante Alighieri, à Lyon. J'ai dû rêver en italien, cette nuit... Et dire qu'autrefois j'avais lu le roman dans sa langue d'origine. En serais-je capable aujourd'hui?

dimanche 27 novembre 2011

Déception

Vendredi, revu le film La Mort aux trousses d'Hitchcock. Pas désagréable pour passer une soirée tranquille. Mais en regardant Cary Grant, je me suis demandé comment j'avais pu être pendant si longtemps fasciné par la beauté de cet acteur. En particulier de ses oreilles dont je m'étais fait un véritable fantasme. Aujourd'hui, je lui trouve le physique un peu trop lisse, une sorte de gendre parfait toujours tiré à quatre épingles, trop propre sur lui. Bref, son charme maintenant me laisse froid, aussi froid que les "omelettes norvégiennes" dont ce réalisateur, depuis Grace Kelly jusqu'à Tippi Hedren en passant par Eva Marie Saint, a exploité l'allure réfrigérante.

Exaspération.

Voilà bien une chose qui excite mon exaspération. Tous ces gens qui apparaissent à la télévision, chanteurs, comédiens, ou je ne sais quoi, affublés d'un couvre-chef la plupart du temps ridicule ou de lunettes noires qui empêchent de voir leur regard. Le galurin sert sans doute à affermir une personnalité dont, il faut bien le dire, il est le principal, voire le seul, argument. Et pendant qu'on regarde le chapeau, on n'écoute pas la voix ou les idées (si tant est qu'il y ait de l'un ou de l'autre). Les lunettes vous classent immédiatement dans la catégorie des durs, de ceux qui sont cools mais à qui il ne faut pas venir chercher des noises. Moi, lorsque je rencontre quelqu'un, j'aime bien voir ses yeux parce qu'ils sont la partie vivante du visage et souvent le reflet de la personnalité réelle. Et puis, mais c'est sans doute un concept largement oublié, mais il y a aussi la politesse.

Dépression

Elle lisait. Beaucoup même. Plusieurs romans par semaine. N'importe quoi, ce qui lui tombait sous la main. Je lui avais donné des sacs entiers de bouquins, pour elle et la bibliothèque dont elle s'occupait. Il fallait voir son sourire lorsqu'elle me voyait arriver avec le précieux chargement. Il était immédiatement décortiqué et commenté. Après le repas, elle s'isolait dans la petite cour, sa fine cigarette mentholée à la main et, à l'ombre du platane, se jetait dans le premier qu'elle avait minutieusement choisi. Elle n'aimait pas qu'on la dérange alors.

Depuis quelques semaines, plus de livre à la main, un repas qui traînait et qu'elle regardait avec dégoût, le sourire disparu, un air blafard, une démarche traînante, comme si elle avait tout à coup vieilli de vingt ans. Après le repas, plus de moment sacré sous l'arbre, elle remontait immédiatement dans sa chambre. J'essayais parfois de capter son regard. En vain.

Avant-hier, je l'ai vue dans la cour. Elle m'a souri, faiblement, lorsque j'ai passé le seuil et a accepté d'échanger quelques mots. Elle ne sort plus jusqu'au bibliobus, elle n'a plus le droit de s'absenter. "Dépression, m'a-t-elle dit. On ne sais pas d'où ça vient. Je l'ai refusée trop longtemps." Parfois, au cours de la conversation, elle avait de longs silences dont elle ne semblait émerger qu'avec des efforts surhumains. Elle me confia que c'était comme si elle avait soudain des trous blancs dans la tête. Elle s'en excusait avec sa mine de petite vieille fripée. Je lui ai tenu la porte pour qu'elle regagne le salon et l'ai regardée s'éloigner de sa démarche hasardeuse.

samedi 26 novembre 2011

Mon arbre

Il était beau, cet arbre, juste derrière la maison qui commençait à s'effondrer. Ce n'était pas un chêne, ni un platane, ni un peuplier. Un bel arbre, inconnu de moi, un arbre immense, un étalon d'arbre, qui dressait sa silhouette sur le pré en pente et se découpait le soir sur la cime, plus sombre que le ciel du crépuscule.

Quel âge avait-il ? Centenaire, sûrement, peut-être plus, imposant de dignité et de beauté. Sur la pente, quelques racines apparaissaient mais il ne semblait pas décidé à tomber. Il aurait pu rester là encore longtemps. Sous son ombre, en automne, ça sentait bon la terre humide et la décomposition des feuilles. Vu du pied, il semblait encore plus impressionnant. Les oiseaux y fourmillaient. Assez de place pour tous. Il me semblait invulnérable et me faisait revenir aux moments de l'enfance où tout nous paraît si grand.

Un jour, en revenant en vacances, j'ai senti que quelque chose avait changé, mais je n'aurais su dire quoi. Ce n'est qu'à la nuit tombante que j'ai vu: sa silhouette noire ne se découpait plus sur le clair de lune. Le voisin l'avait coupé. Trop dangereux, avait-il décidé.

Films culte (4)

Le Magicien d'Oz. Victor Fleming, 1939.


Lavements

Voilà déjà plusieurs fois que des gens arrivent chez moi en tapant comme mot de recherche "clystère"!! Et j'ai beau chercher, je me demande quand j'ai bien pu parler de ça! Je suis remonté jusqu'à la cinquième page de Google, parce qu'heureusement, je ne suis pas sur la première, et je n'ai pas trouvé mon nom, ce qui me rassure. D'ailleurs, autre question: qui peut bien vouloir des renseignements là-dessus? Peut-être des obsédés du lavement? Peut-être des élèves étudiant une comédie de Molière? A tout prendre, j'opte pour la deuxième solution, même si je crains que ce ne soit pas la bonne. On met son "honneur" où l'on peut!...
Mais, avec le titre de ce billet, la fréquentation risque encore d'augmenter, même si c'est sans "fondement".

vendredi 25 novembre 2011

Les douze coups

Vite, vite, vite... Je viens de rentrer. J'ai failli perdre une pantoufle. Après, je ne pourrai plus écrire. Je me transforme déjà en citrouille.
( C'est vrai que je me sens un peu légume à cette heure!)

jeudi 24 novembre 2011

Films culte (3)

La Belle et la Bête. Jean Cocteau, 1946.

Réponse pétillante

Autant, en latin, j'ai plaisir à aller en troisième, autant mes quatrièmes m'insupportent. Des ados intéressés par rien, quelle que soit la présentation, des partisans du moindre effort, si tant est qu'ils connaissent le sens de ce mot. Ils étaient déjà comme ça l'an dernier en cinquième.

Alors, en début de semaine, je leur avais préparé un petit contrôle gentil comme tout, histoire de les remotiver, avec plein de questions de civilisation, parce que les déclinaisons, hein, ils sont allergiques. Je leur demandais entre autres de me citer le nom d'une des sept collines "historiques" (parce que, quand on va sur place, il y en a beaucoup plus). J'ai failli m'étouffer en trouvant sur une copie la réponse suivante: le Célestin!

Alors, pendant que j'y étais, j'ai complété la liste, et si je les ai encore l'an prochain en troisième, c'est à celle-ci qu'ils auront droit:
- le Célestin
- le Singlinglin
- le Toultintouin
- le Gardénal
- le Clairchazal
- le Ralebole
- le Pétrus (célèbre pour son château)

Pas chiche ? C'est mal me connaître. Je me demande juste s'ils se rendront compte du changement...

mercredi 23 novembre 2011

Adieu, Gutenberg

Avez-vous vu la pub sur le dernier petit gadget à la mode, indispensable, bien sûr, aux gens qui savent vivre? Un ordinateur où plus n'est besoin de clavier ni de souris, un ordinateur avec des oreilles qui vous écoute parler et se charge de retranscrire. Et bien sûr qui est devant cet ordinateur dans cette pub? Un gamin ! Ravi comme on ne peut pas l'être, sourire jusqu'aux oreilles ( les siennes, pas celles - virtuelles - de l'ordinateur!)! Gageons que ce miracle va se vendre mieux que des petits pains au moment des fêtes de fin d'année.

Et qui est-ce qui s'escagasse à leur apprendre l'orthographe, aux mouflets? Qui est-ce qui se tue le tempérament à leur faire aligner deux phrases à peu près compréhensibles dans leur langue pourtant natale? Qui est-ce qui tâche de leur faire passer leurs tics de langage? Et tout ça pour ça! Bonjour les dégâts à venir. Allez, Gutenberg, ta galaxie a du plomb dans l'aile...

Soleils levants

Ce matin, mes élèves de troisième travaillaient sur un contrôle d'une heure. J'avais prévu d'autres copies à corriger mais je n'arrivais pas à fixer mon attention sur ce que j'avais à faire. Je les regardais, eux, lancés dans le portrait de Catilina, à huit heures du matin, alors que le soleil levant promettait une belle journée. J'avais envie de leur dire: "Levez la tête, regardez dehors, c'est magnifique !" Mais je ne voulais pas interrompre leur concentration. Ils étaient beaux ainsi, penchés sur leur tâche , le cerveau en marche derrière leurs mines d'enfants sages. Je voudrais savoir dessiner pour faire une esquisse de ces moments éphémères, mais je n'en ai pas le talent.

En les regardant, je pensais que la plupart avaient la vie devant eux mais qu'ils en terminaient sans doute un des plus beaux épisodes. Combien ensuite d'années de labeur pour tenter d'obtenir un diplôme, pour décrocher un travail, combien d'angoisses et d'incertitudes pour rencontrer l'homme ou la femme, les hommes ou les femmes, qu'ils aimeront, combien de pertes autour d'eux (car ils ne savent pas encore que leurs parents sont mortels), combien de virages, combien de hauts, combien de bas ? Combien de joies, surtout ?

Ce devenir, nul ne le connaît, et surtout pas eux. J'ai passé mon heure à ces pensées stupides. Et lorsqu'ils ont terminé, ils sont sortis de la classe, redevenus des enfants rieurs et bruyants, prêts à passer à autre chose, avec cette facilité propre à leur âge. La salle était illuminée de lumière. Aucun ne l'avait remarqué. Je me suis mis à sourire.

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (60)

Nina Simone, I put a spell on you. (Je t'ai jeté un sort.)

mardi 22 novembre 2011

Pour quelqu'un qui ne veut rien dire....

Rien, à vrai dire, en dehors de ses rapports avec Nicomède, ne fit décrier ses mœurs, mais l'opprobre en fut grave et durable et l'exposa aux outrages de tout le monde. Je passe ses vers si connus de Calvus Licinius:
" Tout ce que la Bithynie et l'amant de César ont jamais possédé..."
Je tais également les discours de Dolabella et de Curion le père, dans lesquels Dolabella l'appelle "la rivale de la reine, la planche intérieure de la litière royale" et Curion "l'écurie de Nicomède" et "la prostituée de Bithynie". (...). Caïus Memmius lui reprocha d'avoir, avec d'autres mignons, offert à Nicomède la coupe et le vin, dans un festin nombreux, où assistaient plusieurs banquiers romains dont il mentionne les noms. Cicéron, non content d'avoir écrit dans certaines lettres que César avait été conduit dans la chambre à coucher royale par des satellites; qu'il s'était couché sur un lit d'or, vêtu d'une robe de pourpre; et que le descendant de Vénus avait prostitué en Bithynie la fleur de son âge, l'apostropha un jour au sénat où César défendait la cause de Nisa, fille de Nicomède et rappelait les obligations qu'il avait à ce roi: "Laisse tout cela, je te prie, lui dit-il; on sait ce qu'il t'a donné et ce que toi-même tu lui as donné."

(Suétone, Les douze Césars. César, chap. XLIX. Trad. de Maurice rat, Ed. Garnier Frères.)

Films culte (2)

La Nuit du chasseur. Charles Laughton, 1955.

Sur l'étagère

Sur la photo d'hier, il y a un ressort, un gadget qui a fait fureur il y a quelques années. Il a toujours été sur mes étagères. C'est un élève qui me l'avait offert, une sorte de dur à cuire que j'avais fini par apprivoiser et dont la tendresse m'était devenue indéfectible à partir du jour où il avait appris que j'aimais bien la ligne des anciennes jaguars, comme son père. En fin d'année, il y avait eu ce cadeau: le ressort, et puis une photo de la voiture de son père, parce que, m'avait-il expliqué, il ne pouvait m'en offrir une grandeur nature. Je sais qu'il travaille pas très loin de chez moi. je n'ai jamais osé le contacter. Peur de m'imposer après toutes ces années et surtout peur d'être déçu. Saurait-il me parler aussi sincèrement qu'il l'a toujours fait au collège?

En fait, lorsque je regarde autour de moi, il y a encore quantité d'objets qui me rappellent d'anciens élèves devenus adultes aujourd'hui: un petit pot grec rapporté de l'un des voyages là-bas comme le petit cheval de bronze, une statuette de toucan noir au bec jaune, acheté pour moi au Brésil et censé me porter bonheur (il est sur mon bureau),..... et des boîtes remplies de mots de fin d'année, pour se quitter joyeusement, pour dire qu'ils avaient aimé leur sixième, ou leur cinquième, et que je ne relis pas tant ils sont imprégnés de la sincérité de l'instant.

J'ai jeté des tas de choses, pas ça.

Aujourd'hui, plus rien, plus de cadeaux, plus de pages barbouillées de mots définitifs à l'orthographe incertaine. Des bonbons parfois...

lundi 21 novembre 2011

Pendant que je travaille

Lever la cuisse

En farfouillant dans les spécimens de manuels scolaires envoyés chaque année par les éditeurs aux enseignants, j'ai découvert une aventure du Roman de Renart que je ne connaissais pas. Habituellement, nous avons invariablement droit aux anguilles, aux bacons, à la pêche sur l'étang gelé, à la bêtise de Chantecler, à la finesse de la mésange ou au fromage fort du célèbre corbeau.

Rien de tout cela, cette fois-ci. Un texte surprenant mais bien dans la mouvance de ce Moyen-Age qui aimait tant se moquer et n'avait pas peur des mots. Voilà l'affaire: Renart se présente chez Dame Hersent, la louve, épouse d'Ysengrin, qui vient de mettre au monde quatre louveteaux. Comme elle lui reproche de ne point s'être inquiété pour elle pendant sa grossesse, Renart lui fait accroire que c'est parce Ysengrin, qui ne l'aime pas, l'espionne sans cesse et soupçonne une liaison entre eux. Voici ce qu'Hersent, outrée, répond au goupil:
"C'est bien à tort qu'on me soupçonne! C'est en croyant venger son honneur qu'on fait son malheur. Je n'ai pas honte de le dire, je n'ai jamais pensé à mal"

Jusque là, rien que de bien moral! Écoutons la suite:
"Mais puisque mon mari s'en est plaint, je veux que désormais vous m'aimiez. Revenez souvent me voir, vous serez mon ami de cœur. Prenez-moi dans vos bras, embrassez-moi. Profitez-en, il n'y a personne ici pour nous accuser."
Renart s'approche pour l'embrasser sans dissimuler sa joie et Hersent, qui se plaisait à, ce jeu, lève la cuisse.


Diantre, la bougresse, comme elle y va! Et comme cet éditeur me fait plaisir qui n'a pas gommé la grivoiserie de nos ancêtres. pas comme celui qui, dans un texte où Renart était menacé d'avoir les couilles coupées, a pudiquement remplacé les parties qu'il jugeait sans doute honteuses par des oreilles !

Retour de (petite) flamme

L'envie de faire des photos me reprend en ce moment. Le rythme s'accroît peu à peu, et, après avoir longuement hésité, j'ai finalement reconduit mon abonnement pour deux ans à Flick'r. Ce n'est plus l'addiction totale comme ça l'a été, mais ça revient. Le seul ennui, c'est que, depuis que je mitraille mon quartier et Lyon en général, je ne trouve plus grand chose de nouveau (et d'intéressant) à mettre dans la boîte. Il reste pourtant certaines silhouettes, certaines lumières inhabituelles, certains détails jamais remarqués ou les occasions de la vie quotidienne. Mais, la faute à pas de chance, c'est souvent lorsque je n'ai pas mon appareil en poche qu'elles se présentent. Il faudra bien aussi qu'un jour, je complète la collection d'œil de mes collègues qui est loin d'être achevée, même parmi ceux qui accepteront et que j'ai envie de photographier.

dimanche 20 novembre 2011

La tête et le reste, alouette

Parfois, on sort de sa rêverie, de son ailleurs, parce que l'on a mal physiquement. Et l'on s'aperçoit que (depuis combien de temps?) on a les mâchoires serrées l'une contre l'autre, à s'y renfoncer les dents, ou le pouce replié et prisonnier des autres doigts qui le broient. Alors on se dit que le corps est plus fort que la tête et que les "anti-virus" de l'esprit ne fonctionnent pas si bien que ça avec lui.

Films culte

Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? Robert Aldrich, 1962

Aveuglement

A la Pinacothèque de Paris se tient actuellement une exposition intitulée Giacometti et les Étrusques. J'ai découvert ça par hasard un soir à la télévision. Je ne savais pas que ce sculpteur s'était autant intéressé à l'art magnifique de cette civilisation antique.

Drôle de cheminement de l'esprit, tout de même. J'ai toujours beaucoup apprécié les sculptures longiformes de Giacometti, en particulier celles de L'Homme qui marche. J'ai également toujours été un ardent admirateur de l'art étrusque, découvert vraiment lors d'un séjour à Rome, par la visite du musée de la Villa Giulia. Et je n'ai jamais pensé faire le rapprochement entre ces deux expressions artistiques, rapprochement qui s'impose pourtant.

Bien pire, lors de ma visite au musée Guarnacci de Volterra, en Toscane, je n'ai même pas remarqué la statue étrusque à laquelle on a donné le nom de L'Ombre du soir (ce nom,Ombra della Sera, serait à attribué au poète italien Gabriele d'Annunzio), cette représentation votive d'un jeune garçon s'étirant sur près de 58 centimètres et qui daterait du III° siècle avant J.-C. En tout cas, je n'en ai aucun souvenir. Elle est pourtant le symbole de Velathri,l'ancienne lucumonie étrusque.

Une conclusion s'impose: "Ils ont des yeux et ils ne savent pas voir"...

samedi 19 novembre 2011

Autobiographie en libre-service

Ayant, il y a déjà quelque temps, suite à une sorte de pari que j'avais fait avec un de mes collègues, rédigé plusieurs billets autobiographiques sur des souvenirs d'enfance (heureux ou malheureux) ou des lieux habités à l'époque, je sais maintenant exactement à quel moment de l'année les élèves de troisième abordent le sujet en cours de français.

Il me suffit pour cela de consulter mon "Reader" où je vois affluer de nombreuses recherches émanant de France, bien sûr, mais aussi de divers pays francophones, en particulier du Maroc. C'est le cas en ce moment. Si on peut être utile à quelque chose, hein ! J'espère seulement que ces internautes en herbe ont l'intelligence de ne pas reproduire in extinso ces souvenirs qui me sont propres et de les adapter à leur environnement personnel !

Pages marquantes (21)

(En clin d'œil à Charlus...)

Nous étions à l'Étude, quand le Proviseur entra, suivi d'un nouveau habillé en bourgeois et d'un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail.
Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maître d'études :
– Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l'appelle son âge.
Resté dans l'angle, derrière la porte, si bien qu'on l'apercevait à peine, le nouveau était un gars de la campagne, d'une quinzaine d'années environ, et plus haut de taille qu'aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de village, l'air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu'il ne fût pas large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en bas bleus, sortaient d'un pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de clous.
On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n'osant même croiser les cuisses, ni s'appuyer sur le coude, et, à deux heures, quand la cloche sonna, le maître d'études fut obligé de l'avertir, pour qu'il se mît avec nous dans les rangs.
Nous avions l'habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d'avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c'était là le genre.
Mais, soit qu'il n'eût pas remarqué cette manœuvre ou qu'il n'eût osé s'y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C'était une de ces coiffures d'ordre composite, où l'on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d'expression comme le visage d'un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis s'alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin ; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d'une broderie en soutache compliquée, et d'où pendait, au bout d'un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d'or, en manière de gland. Elle était neuve ; la visière brillait.
– Levez-vous, dit le professeur.
Il se leva ; sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire.
Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d'un coup de coude, il la ramassa encore une fois.
– Débarrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui était un homme d'esprit.
Il y eut un rire éclatant des écoliers qui décontenança le pauvre garçon, si bien qu'il ne savait s'il fallait garder sa casquette à la main, la laisser par terre ou la mettre sur sa tête. Il se rassit et la posa sur ses genoux.
– Levez-vous, reprit le professeur, et dites-moi votre nom.
Le nouveau articula, d'une voix bredouillante, un nom inintelligible.
– Répétez !
Le même bredouillement de syllabes se fit entendre, couvert par les huées de la classe.
– Plus haut ! cria le maître, plus haut !
Le nouveau, prenant alors une résolution extrême, ouvrit une bouche démesurée et lança à pleins poumons, comme pour appeler quelqu'un, ce mot : Charbovari.
Ce fut un vacarme qui s'élança d'un bond, monta en crescendo, avec des éclats de voix aigus (on hurlait, on aboyait, on trépignait, on répétait : Charbovari ! Charbovari !), puis qui roula en notes isolées, se calmant à grand-peine, et parfois qui reprenait tout à coup sur la ligne d'un banc où saillissait encore çà et là, comme un pétard mal éteint, quelque rire étouffé.

(Gustave Flaubert, Madame Bovary.)

Momentini

- Samedi écourté par une demi-journée de présentation du collège aux futurs parents. Démarrage lent puis du monde, peu à peu. J'ai eu la chance d'y échapper un moment pour m'occuper de chaperonner le correspondant du journal local. Avons parlé photos. Ça change des programmes de français et des méthodes pédagogiques à rabâcher devant chaque famille.

- Terminé le premier épisode de Lonesome dove. Pas déçu du tout par ce long roman d'aventures où les cow-boys apparaissent comme dans les westerns que j'aime. Entamé le second dans la foulée.

- Une collègue qui demande si, pour faire des tableaux sur Excel, il y a besoin d'une souris!!! Grande désespérance! Beaucoup la croient idiote. Moi, depuis toujours, je dis que c'est une fumiste. Nous sommes maintenant de plus en plus nombreux à le penser.

- De plus en plus de mal à me lever le matin, même en me couchant plus tôt et en dormant bien. Je n'aime pas l'entrée dans l'hiver.

- Mangé chez Patrick et Francine l'autre jour avec Frédéric. Au menu, joue de bœuf! Certains vont encore frémir. C'est finalement ce genre de viandes ou d'abats que je préfère. Surtout comme ils savent les préparer! De la cuisine casalinga, comme disent les italiens.

vendredi 18 novembre 2011

Du vin au vin

Soirée chez Jean-Claude, comme tous les vendredis ou presque. On a ouvert une bouteille de Beaujolais, plus par conformisme que par goût personnel. Aussi bien J-C que Frédéric que moi, nous ne sommes pas des fanatiques de ces vins nouveaux. Un Brouilly, je ne dis pas, mais le nouveau, j'ai du mal. Eh bien, cette année, comme l'année dernière d'ailleurs, j'ai été agréablement surpris. Du vin qui se laisse boire, sans trop d'acidité et sans que l'on puisse le confondre, comme souvent selon les bavards de l'œnologie de bas étage, avec du jus de banane, de cerise, de violette ou de je ne sais quoi. Un vin qui a le goût du vin, c'est tout de même mieux, non?

Clope, hein? Clope, ans

Deux morts dans une maison de retraite pour une cigarette mal éteinte. Pourtant il parait que les fabricants ont changé la composition du papier pour que la cigarette s'éteigne si l'on ne tire pas dessus, ce que j'avais constaté depuis quelques temps avec les miennes.
Encore quelqu'un à qui l'on a fourgué les vieux stocks!

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (59)

Niagara, Soleil d'hiver.

jeudi 17 novembre 2011

La grenouille qui se prenait pour Hibernatus

Une petite grenouille nord américaine a trouvé un moyen très ingénieux pour se protéger des grands froids. Lorsque le climat devient par trop inclément, elle est capable d'arrêter totalement son rythme cardiaque. Complètement immobile, elle gèle et devient aussi dure qu'un caillou, à tel point que ceux qui la rencontrent sur leur chemin la croit définitivement morte. Que nenni! Dame batracienne attend seulement les beaux jours et, lorsqu'ils sont de retour, reprend tranquillement vie comme si de rien n'était! Étonnant, non ?

Trois Pierre et un Igor

C'était le dernier Pierre survivant. Après Desgraupes et Lazareff, c'est Dumayet qui tire sa révérence. Le quatrième larron, Igor Barrère est mort lui aussi, depuis dix ans. Aucun survivant de cette épopée des débuts de la télévision, une seule chaîne en noir et blanc à l'époque.

Si je ne garde que peu de souvenirs de l'émission Lectures pour tous, j'ai encore bien en tête le générique de Cinq Colonnes à la Une qui me faisait autant vibrer que celui des Dossiers de l'Écran un peu plus tard. Une de mes vieilles grandes tantes ne manquait jamais cette émission qu'elle avait rebaptisée, étant un peu sourde "Saint Paul dans la lune".

Même si, au début, je n'en comprenais pas tous les tenants et les aboutissants, j'étais fasciné par ces reportages sur l'actualité de France ou de pays plus lointains et puis, un peu comme la météo marine de Marie-Pierre Planchon, j'aimais la voix de l'homme qui égrenait la litanie des noms des quatre journalistes en début de chaque programmation.

Une petite vidéo pour se remémorer ces années soixante débutantes.

Cursus honorum (?)

La Plume, qui n'en manque pas, m'a donné l'idée de récapituler tous les "emplois" que j'ai occupés depuis que je suis en âge de travailler (et même un peu avant). Eh oui, moi aussi, il va bientôt falloir que je me penche sérieusement sur mon dossier retraite!

Alors voilà, sauf omission bien involontaire:

- gardien de (petits) troupeaux de chèvres et de moutons (je les perdais souvent à force d'avoir le nez collé sur un bouquin)
- (mini) docker aux halles de ma ville natale
- magasinier dans une alimentation
- vendeur dans la même alimentation (le vendeur en titre en profitait, lui, pour aller se rincer la gorge)
- laveur de vitres dans le quartier chic de Lyon (beaucoup de mal pour se faire payer)
- "retrouveur" de sites pour les Antiquités Historiques (j'ai adoré, étant tout le temps dehors, par monts - du Lyonnais- et par vaux)
- inscrit aux "Assez, Dick"!
- plongeur dans un restaurant (là, ça s'est arrêté au premier coup de téléphone: on me trouvait trop diplômé)
- pion dans une école privée (vidé pour avoir osé demander que l'on me paie mes déplacements)
- prof de "Connaissance du Monde" (j'ai oublié l'intitulé exact) dans un LEP (ça allait de la Quatrième république au fonctionnement de la dynamo!)
- prof de français dans un LEP
- prof de musique, d'instruction civique, de français, de latin dans une école privée.
Pas mieux que La Plume, mais c'est déjà pas mal, non ?

mercredi 16 novembre 2011

Automne (10)







Soleil couché.

Ruse auvergnate

Échanger une chemise trop petite pour une plus grande, rien de plus simple. On va au magasin, on repère la taille au dessus et l'on présente le ticket de caisse (sans le prix, puisqu'il s'agissait d'un cadeau) et le produit dans son emballage d'origine. Sauf que la chemise avait été achetée à son prix véritable et qu'aujourd'hui elle bénéficiait de 30% de remise. J'ai eu beau faire valoir la chose, le vendeur ne voulait rien savoir: un échange se fait dans les mêmes conditions de prix.

Alors une idée diabolique (ou auvergnate!) a germé dans ma tête. Puisque j'avais la possibilité soit d'échanger cette chemise soit de bénéficier d'un avoir valable pendant un an, j'ai opté pour l'avoir. Et lorsque je l'ai eu en main, de la somme sans les 30% de réduction, je l'ai utilisé immédiatement et, avec le trop perçu, j'ai pu en plus acquérir un pantalon, lui aussi en promotion, qui ne m'a presque coûté que la peine de le payer. Et là, le vendeur n'a pas pu faire d'objection. Non mais!

La main de Calyste dans la....

Alors là, vous savez quoi? Il est dans tous ses états, le Calyste. Tout chamboulé, tout retourné, et fier comme Artaban! Depuis cet après-midi, il est en lévitation, il ne touche plus terre, il a la tête dans les étoiles, le roi n'est pas son cousin. Et il n'est pas près de se laver la main droite, la peau devrait-elle s'en desquamer pour le restant de ses jours! Dans sa jeunesse, il avait raté la poignée de main d'un pape de peu, mais là, là... Tiens, les mots lui manquent, ce qui n'est pas peu dire dans son cas!

Voilà la chose: Calyste ressortait tout benoîtement du centre commercial de la Part-Dieu vers 16 h, après avoir échangé une chemise à lui offerte par son frère qui l'avait imaginé un peu moins carré qu'il n'est en réalité (oui, ou un peu plus mince!) et s'apprêtait à refermer son trois-quarts pour se protéger de l'air extérieur, un peu frisquet après l'étuve des magasins. Alors qu'il mettait la main à la poche pour en extirper la première cigarette après plus d'une heure d'abstinence, qui voit-il à quelques pas de lui? Je vous le donne en cent comme en mille. Il n'en croyait pas ses yeux lui-même, votre humble Calyste.

Pourtant pas d'erreur possible: il l'avait suffisamment vu à la télévision ces jours derniers, suffisamment entendu à la radio (oui, il lui a même parlé!) pour être sûr de son fait. C'était bien lui, en chair et en os. Et pas prétentieux pour un sou! S'en est suivie une petite conversation badine et décontractée où le fin psychologue que vous connaissez pour le lire tous les soirs a soigneusement évité les questions rabâchées auquel a tant eu droit ce pauvre homme durant ce début de mois de novembre. Et profitant du fait que le Calyste n'était pas, dans sa lévitation débutante, encore trop éloigné du sol, ils se sont quittés en se serrant la main. La main de Calyste dans la main de...

Mais la main de qui, au fait ? Je vous laisse languir encore un peu. A vous deviner. Après tout, j'ai bien le droit de me lancer dans les quizz, moi aussi...

mardi 15 novembre 2011

Automne (9)







Soleil couchant.

Fiat lux mais méfiat !

On en a tellement l'habitude qu'on n'y prête plus aucune attention. Quoi de plus naturel, lorsqu'on appuie sur l'un des interrupteurs de son appartement, de voir s'éclairer la pièce où l'on entre ? C'est si bête comme geste que jamais il ne nous passerait par la tête qu'il puisse en être autrement.

Eh bien, tout à l'heure, j'ai connu ma première coupure d'électricité depuis vingt ans que j'habite ces lieux. Tranquillement installé devant mon ordinateur, je l'ai vu soudain s'éteindre sans crier gare. Un moment, j'ai cru qu'il avait choisi ce soir pour me lâcher. Il ne se fait pas tout jeune, le bougre. Mais j'ai vite remarqué que la lampe sur mon bureau s'était aussi éteinte, qu'aucun des interrupteurs de l'appartement ne répondait à mes sollicitations. Le compteur aurait-il disjoncté? Rien sur le palier non plus, pas plus que dans la rue.

Un peu rassuré sur mon cas personnel, j'ai entendu la voisine du dessous ouvrir sa porte et essayer, elle aussi, d'éclairer l'escalier. Petite conversation inhabituelle à cette heure-ci. Naturellement, je n'ai pas de bougies, ma dernière lampe de poche est rangée je ne sais où et sa pile a dû rendre l'âme depuis des lustres. La brave femme a, dans le noir, réussi à me trouver deux bougies qu'elle m'a obligeamment données lorsqu'elle a connu ma carence. Et, au moment où je rentrais dans mon appartement, la lumière est revenue. Le tout a duré à peine dix minutes, suffisamment pourtant pour déstabiliser les consommateurs modernes que nous sommes.

Qu'est-ce que ça va être lorsque les allemands auront définitivement stoppé leur production en fermant leurs centrales nucléaires en 2022 !

Invitation foireuse

Je reçois depuis un certain temps, un mois environ, via ma boîte mails, des messages d'invitation ainsi rédigés: "J'aimerais vous inviter à rejoindre mon réseau professionnel en ligne sur le site LinkeIn."

Le premier venait d'un ami que je n'ai pas vu depuis le printemps dernier, un autre d'une collègue perdue de vue depuis longtemps et le troisième d'un collègue actuel. Renseignement pris, aucun ne m'a envoyé de mail de ce type. J'ai par hasard rencontré le premier ami cité cet après-midi: il m'a confirmé n'être pour rien dans l'affaire. Il reçoit d'ailleurs lui-même le même type de messages.

Je n'ai évidemment répondu à aucun mais j'aimerais bien savoir de quoi il retourne. Si vous avez des infos....

lundi 14 novembre 2011

Autre perspective

J'entendais tout à l'heure à la radio une émission consacrée à Jean-Philippe Blondel, un écrivain que je ne connais pas par ailleurs et qui parlait de la mort successive, à quelques mois d'écart, de sa mère et de son frère puis de son père dans des accidents de la route. Il disait que la fiction a des limites et que ce que certains êtres vivent dans leur vie réelle, transposé dans un roman, ne serait pas crédible. Il affirmait, d'autre part, que, devant le malheur, on se croit souvent transposé dans une fiction dont on serait le héros malheureux.

C'est exactement ce que j'ai ressenti à la mort de ma sœur à 11 ans alors que j'en avais 18. Ce n'est sans doute pas moi qui en ai le plus souffert, même si le choc fut rude. Mais mes parents, eux, ne s'en sont jamais vraiment remis, et la plupart des actes de mon autre sœur s'expliquent encore aujourd'hui par ce traumatisme de son enfance. Moi, j'ai quitté le giron familial l'année suivante pour venir faire les études à Lyon et j'ai pu, avec des hauts et des bas, me reconstruire plus facilement. Mais, à cette époque, je n'étais pas loin de penser inconsciemment que ce drame m'avait transformé en personnage intéressant, un de ces héros romantiques qui avait déjà une histoire douloureuse à porter malgré son jeune âge.

Aujourd'hui, je ne réagis plus de la même façon. Est-ce le vieillissement progressif, l'approche de sa propre mort qui change la perspective ? Sans doute. Plus rien de romanesque dans la disparition des êtres proches. Pas de peur non plus, mais une grande fatigue qui s'accentue à chaque départ.

Le Capitole et la Roche Tarpeïenne

Mes élèves de troisième traduisaient ce matin un texte latin dont le sujet portait sur la Trahison de Tarpeia, cette presque enfant, fille du gouverneur de la citadelle du Capitole, qui livra Rome aux Sabins pour quelques bijoux qu'elle n'eut même pas en récompense. Il y a quelques temps, je leur avais expliqué le sens de l'expression: "Il n'y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpeïenne", de la plus grande gloire au plus grand déshonneur, puisque de cette roche l'on précipitait, dans l'Antiquité, les traîtres à l'État.

L'Italie vient de connaître un beau remake de cette histoire ancienne avec l'éviction du gouvernement de Silvio Berlusconi. Lui qui faisait volontiers le parallèle entre Napoléon Ier et sa propre personne, qui se considérait comme le meilleur premier ministre que l'Italie ait jamais eu, le voici (pour un temps, sans doute, tant on connait la capacité de rebondir sur ses milliards de ce "cavaliere" qui, paraît-il, en est déjà à proposer une alliance avec un parti d'extrême droite pour se remettre en selle) hors circuit officiel. Lors de l'annonce de sa démission, des milliers de romains se sont amassés sur la place du Quirinal pour clamer leur joie de ce départ et abreuver d'insultes celui qu'ils avaient pourtant eux-mêmes porté au pouvoir dans des circonstances tout à fait légales.

Il faut lire là dessus le très bon billet de P.P Le Moqueur d'hier dont je ne peux qu'approuver l'analyse.

Automne (8)







Soleil levant.

dimanche 13 novembre 2011

Pages marquantes (21)

Jusqu'à ce que la nuit finisse et que les oiseaux se mettent à pépier dans les arbres, Jean restera assis à sa table devant une feuille blanche et un livre ouvert dont il ne tourne pas les pages. Une petite lampe jette sa lumière tranquille sur les mains de cet homme qui veille, de longues mains étroites qui semblent dormir, pareilles à des travailleurs fatigués.
Pas un bruit dans toute la maison, mais du jardin monte le chuchotement du tilleul où rôdent les premières brises de l'automne. Tout à l'heure il a plu et les bonnes odeurs de la terre envahissent peu à peu la chambre comme une bouffée de souvenirs. Chaque fois que Jean est inquiet et qu'il respire ce parfum venu des profondeurs du sol, il se sent rassuré jusqu'au plus intérieur de son être. C'est peut-être pour cela qu'il sourit.
Il paraît encore tout jeune, malgré ses tempes qui blanchissent. Son visage sans rides garde encore l'air un peu étonné qu'on voit aux enfants, mais il a la bouche et les yeux d'un homme qui a souffert, quelque chose de blessé dans le regard et quelque chose de réprimé dans le dessin des lèvres, comme si trop de paroles n'avaient pas été dites qui auraient dû l'être. S'il demeure à l'abri, s'il restreint encore sa courte ambition et reste fidèle à son livre et à son jardin, il ira sans bruit vers une mort honorable. Qu'il se cache donc et laisse la vie passer près de lui comme un grand fleuve sonore.

(Julien Green, Le Malfaiteur.)

Billet du soir

Billet du soir. Lourd, compliqué. Lourd du vin bu, de la nourriture mâchée au repas d'anniversaire des deux frères. La mère est heureuse: elle a tous ses enfants, ce n'est pas si fréquent. Le frère lui tient la main, tendrement. La sœur s'occupe de lui trancher sa viande. La belle-sœur s'occupe de son mari, malade, gravement. Lui, l'ainé, il est la caméra, il filme, il photographie ces images de ce qui se veut le bonheur et il est ailleurs, il voudrait savoir où. Il voudrait parler, il n'y parvient pas. Le mutisme lui est tombé dessus, dès la porte ouverte. Échange des cadeaux. Il n'a jamais su exprimer correctement sa joie dans ces moments-là. On croit souvent qu'il ne lui font pas plaisir. C'est faux. Mais il ne sait pas. Avant, il aurait fait le clown. Il était parfait dans ce rôle. Son père l'aidait. Maintenant, il ne sait plus. Le clown est peut-être mort, comme celui de la chanson. Ou bien s'est-il démaquillé, par lassitude d'un public qui ne regarde pas derrière le masque.
Les voitures roulent vite, on est pressé de rentrer, on ne veut pas manquer trop du film américain. Peut-être aura-t-on aussi le temps de baiser un coup, même si demain c'est travail. Juste rapide, histoire de ponctuer. Les écrans plats s'allument, accrochés au mur du salon. On regarde sans voir, comme les flammes dans la cheminée d'autrefois, la chaleur en moins.
Il hait les dimanches.

Billet du matin

Billet du matin. Plus léger, gratuit. Le soleil dehors. La machine à laver tourne, les draps ont été changés. Ne pas être pressé, pour une fois. Pas de stress. Paresser en écoutant à peine la radio et les voisins levés. Le marché attendra, les fleurs sont déjà dans les vases. Prendre le temps de déjeuner, ne pas avoir en tête la liste mentale qui paraît si longue aux premières heures du jour. Regarder dehors la rue vide. Arranger un pli sur le lit. Penser un peu aux futurs aménagements: un rideau ivoire dans le bureau. Ce sera bien sur le vert anglais des murs. Se dire que le soir, on retrouvera le bon roman en cours. S'étonner que le bougainvillée soit encore en fleurs à côté du chrysanthème. Bientôt, il faudra rentrer les fleurs pour l'hiver. Se jouer dans sa tête une cantate de Bach, la plus gaie, la plus brillante.
Un beau matin de dimanche de novembre.

samedi 12 novembre 2011

Remonter à la source

Caly est en train de lire mon blog depuis ses débuts, comme je l'avais fait il y a quelques années pour celui d'Olivier Autissier. Cela me fait énormément plaisir et me surprend en même temps beaucoup. De 2007 à aujourd'hui, cela représente plus de 2600 billets à avaler, les uns écrits avec les tripes, ceux du début, les autres plus anodins voire insignifiants. Une lecture de longue haleine donc, chronophage comme en a été l'écriture, et sans doute pas forcément intéressante à chaque fois. Que quelqu'un fasse cet effort me touche beaucoup. Même, surtout, mes amis les plus proches ne se sont jamais livrés à cet exercice.

Alors, Caly, d'abord merci. Et puis ne m'en veux pas trop si tu y perçois parfois un peu de flemme ou de facilité. J'ai eu plusieurs fois l'envie d'arrêter ce blog, en me disant "à quoi bon ?". J'ai tenu, je tiens encore malgré certains pessimistes qui ne lui donnaient que peu de temps à vivre. Et j'espère qu'il te donnera, en le lisant, autant de plaisir que j'en ai, le plus souvent, pris à l'écrire.

Automne (7)







Poor lonesome boat.

Communication

- On ne téléphone plus, on envoie des mails.
- On n'écrit plus, on "rédige" des SMS.
- On ne se réunit plus, tout passe par l'ordinateur.
- A défaut d'entendre des éclats de rire, on lit des MDR ou des LOL.
- On ne se voit plus, on se verra "un de ces jours".
- On n'achète plus un bouquin parce qu'il est bon, mais parce qu'il a eu un prix.
- On n'acquiert pas un tableau parce qu'il plaît mais parce qu'il peut prendre de la valeur.
- On ne visite pas un pays, on le "fait".
- On ne connaît pas ses voisins, on lit leur nom sur la boîte à lettres.

Mais, soyons rassurés, nous vivons dans un monde de COMMUNICATION! Et beaucoup croient encore au Père Noël!

vendredi 11 novembre 2011

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (58)



Jacques Douai invité par Jacqueline Joubert dans son émission "Rendez-vous avec", le 11 novembre 1956.

Je joins les paroles (pour ceux qui ne connaitraient que le premier couplet)

Automne (Colchique Dans Les Prés) (Auteur : Francine Cockenpot)

Colchiques dans les prés
Fleurissent, fleurissent
Colchiques dans les prés
C'est la fin de l'été

La feuille d'automne
Emportée par le vent
En rondes monotones
Tombant, tourbillonnant

Châtaignes dans les bois
Se fendent, se fendent
Châtaignes dans les bois
Se fendent sous les pas

La feuille d'automne
Emportée par le vent
En rondes monotones
Tombant, tourbillonnant

Nuage dans le ciel
S'étire, s'étire
Nuage dans le ciel
S'étire comme une aile

La feuille d'automne
Emportée par le vent
En rondes monotones
Tombant, tourbillonnant

Et ce chant dans mon cœur
Murmure, murmure
Et ce chant dans mon cœur
Murmure le bonheur.

Des plaques et des frontons

Quelques photos prises tout près du restaurant, à Saint-Nizier, avec des maisons pas du tout dans le style du pays: une remise et la bascule sous la protection d'une statue de la Vierge.












Des bruits et des odeurs

Grisaille en bas, brouillard au col, soleil perçant un peu plus haut. Des voitures garées tout au long de la route. Une seule là où nous allons. Et la récolte fut bonne: chanterelles à tube, comme d'habitude, violets à foison et quelques beaux bolets. A midi, notre auberge habituelle complète, jour férié oblige. J'ai une autre adresse dans la vallée, que m'a donnée une amie de ma mère. Style beaucoup rustique mais des prix imbattables pour un repas honorable sans chichi. A trois, l'addition s'est élevée (si l'on peut dire) à 45 Euros, menu complet, pot de rosé, bouteille (grande) d'eau minérale, kirs et cinq cafés. A conseiller donc (photo jointe)? C'est sur la nationale, sur la commune de Saint-Nizier d'Azergues.

J'aime être dans les bois, savoir que les autres ne sont pas loin et ne pas les voir, n'entendre que le bruit des branches ou la chute des châtaignes, sentir l'humus et la putréfaction, caresser la mousse et escalader les amas de gros rochers, revenir avec les mains salies mais qui sentent bon. En redescendant, le soleil s'était installé dans la vallée et les vignes rougeoyaient. Enfin.

jeudi 10 novembre 2011

Automne (6)







A l'autre bout du jeu.

Avertissement mycophile

Demain, c'est champignons. Et ils ont intérêt à être là, en rond, en lignes, en procession, en cavalcade, en robes du soir ou en guenilles, comme ils voudront! Parce que ça commence à bien faire! Allez, aux pieds!

A ne pas croire!

Vautré sur le canapé pour La grande Librairie. Busnel a invité J-M-G Le Clézio. Je m'en fais un plaisir par avance. Une beauté absolue dans le monde littéraire! Je n'ai rien lu encore de lui. Trop peur de briser quelque chose. Coup de téléphone! Je le prends dans mon bureau, bien décidé à faire vite. Au retour devant l'écran, j'ai comme un choc: qu'est-il arrivé à Le Clézio? Mutation style Portrait de Dorian Gray en fin de course: des lunettes, cheveux longs ne parvenant pas à masquer de trop grandes oreilles aux lobes un peu mous, costume-cravate, et tout à l'avenant!

Allez, Calyste, encore le haut-débit qui te joue des tours! Attends un peu et ça va revenir! Il n'a pas pu vieillir si vite, le Jean-marie Gustave! D'ailleurs, tout à l'heure, il ne parlait pas comme ça! Il ne se tenait pas comme ça! Il avait une certaine classe! Et puis, la caméra glisse dans le salon littéraire, et je comprends: Le Clézio est toujours là, dans le fauteuil à côté, exprimant un ennui certain, mais un ennui royal. L'autre, c'était Finkielkraut!

mercredi 9 novembre 2011

Portes ouvertes, neuvième y compris.

Hier soir, voulant me détendre, j'ai allumé la télévision. Sur une chaîne de la TNT, on passait un film de Polanski, La Neuvième Porte, tiré d'un roman d'Arturo Pérez-Reverte, Le Club Dumas. Polanski, Pérez-Reverte et Johnny Depp, je me suis laissé tenter, d'autant que, parfois, je ne déteste pas le fantastique.

Bof, bof, bof. Oui, trois fois bof! Scènes attendues, ficelles énormes, dialogues pauvrissimes, mise en scène grand-guignolesque, fin devinée une bonne heure à l'avance. Polanski n'arrivait-il pas à finir de payer son chalet de Gstaad ? Où était donc ce jour-là le réalisateur de Rosemary's Baby? Il enfonçait des portes ouvertes.

Automne (5)







Jeux interdits.

Les voix du silence

Depuis quelques jours, je suis très enroué, ce qui me force à parler moins (on ne rit pas, certains!) et de façon beaucoup plus douce. Bien sûr, il vaut mieux qu'un enseignant sache poser sa voix, sinon il ne tiendrait pas longtemps. D'ailleurs je me sers rarement des grandes beuglantes, sauf si je sors de mes gonds, ce qui arrive très peu devant les élèves.

J'ai découvert il y a longtemps que le silence les impressionnait beaucoup plus: ils se demandent toujours ce qui va bien pouvoir leur tomber sur la tête. Surtout si ce silence est appuyé par un regard de circonstances, et je suis très fort question messages du regard! Un haussement de sourcil, une fixité des prunelles, un léger voile annonciateur de grosses pluies et le tour est joué la plupart du temps. A ce petit jeu-là, je suis imbattable. Et ceux qui, parfois, se hasardent à passer outre doivent alors essuyer une ironie cinglante qui les calme durablement.

Mais rien de tout cela en ce moment. Curieux comme les enfants s'adaptent à l'état de fatigue de leur interlocuteur quand il s'agit de leurs enseignants. Si l'on n'est pas en pleine forme, ils se tiennent tranquilles. Résultat: des cours qui avancent, des classes plus attentives et même, souvent, des mots gentils. Allez, tout n'est pas à jeter chez ces petits cons!

mardi 8 novembre 2011

Automne (4)







Seul sur le Rhône.

Pour bien commencer.

Hier, pour bien entamer ma soixantième année, j'ai eu droit à repas excellent chez Jean-Claude, en compagnie de Frédéric qui, lui, m'a offert des fleurs (il sait que je les aime), une composition de grand art floral faite par une fleuriste japonaise qu'il connaît depuis longtemps.

Au menu:
- salade de mâche sauce au piment agrémentée de harengs et de gésiers confits. Un délice! Je n'aurais jamais pensé mélanger harengs et gésiers. Je crois que je vais retenir!
- tétine de vache chaude en persillade. Autre plaisir du palais! Ne vous laissez pas impressionner par l'idée que vous vous faites sans doute de la tétine. Je l'ai déjà dit: au goût, c'est entre le foie de veau et le foie gras.
- pas de fromage. L'estomac était déjà plein!
- tarte aux pommes maison, fondante sous la palais (j'ai demandé au reste de faire une petite place).

Et aujourd'hui, à midi, avec Frédéric qui m'invitait, coq au vin chez Patrick et Francine (notre "cantine" hebdomadaire). Là, j'ai eu droit à des roses et à un pot lyonnais à l'ancienne, celui avec le cul très épais.

Rencontré cet après-midi un ami que je n'avais pas vu depuis longtemps. Il m'a dit que j'avais maigri! Heureusement!

Le vieux sage aux chaussures de savane.

Je ne comprends rien à la façon dont fonctionne Google Images. Chaque fois ou presque qu'une recherche extérieure aboutit chez moi, celle de mes photos qui est proposée ne correspond en rien à ce qui est demandé. Parfois le thème général est respecté (la chapelle de Nohant pour la demande de la maison de George Sand), parfois pas du tout. Ce qui fait que je vais systématiquement vérifier afin de rire un peu.

Car c'est bien souvent très drôle! Ainsi, l'autre jour, à la demande "Vieil homme sage" est apparue une photo prise par moi au Musée du Chapeau de Chazelles-sur-Lyon (Loire) présentant des chaussures originales rappelant le zèbre ou la girafe! Un vieux monsieur affublé de tels ornements peut-il être qualifié de sage ? Je laisse la réponse à cette question à votre sagacité.

lundi 7 novembre 2011

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (57)

Barbara. Dis, quand reviendras-tu ?

dimanche 6 novembre 2011

Automne (3)









Saison bleue ?

Momentini

- Lundi à Morestel (Isère), visité une exposition de peintures de Nicole Avezard, plus connue sous son nom de comédienne, Lucienne Beaujon, la maigre des deux Vamps. Titre: les "Josianes", sortes de grosses bonnes femmes sympathiques et pleines de couleurs gaies. La propriétaire de la galerie nous a dit que Nicole Avezard avait un enfant autiste et qu'elle avait découvert qu'elle pouvait mieux communiquer avec lui par ces peintures à la facture naïve.

- Un bon couscous hier soir avec Frédéric dans un restaurant marocain du centre ville. Petit tour dans deux bars homos ensuite. Un goût de solitude et de joie factice sous les éternels décors d'Halloween.

- Le vent a fait son œuvre dans les cimetières sur les chrysanthèmes de la Toussaint. Ramassé quelques-unes tout à l'heure sur les tombes. Et puis abandonné. Trop de travail. Mais pourquoi le vent ne les redresse-t-il pas lui-même?

- Nouvelle expo de peintures ce matin au château de Montchat. Quelques toiles intéressantes et de beaux bronzes au milieu de choses inintéressantes ou laides. Et les prix!

- Nous avons un prix Goncourt à Lyon. Certains de mes collègues en sont tout retournés, comme si la gloire déteignait! Stéphane, plus acide ou plus réaliste, et qui l'a côtoyé, m'a répondu lorsque nous en parlions: " Ça lui donnera l'occasion de se la péter encore un peu plus!".

Anonyme

Je m'appelle Quintus Purinus Apro. Mon nom n'a pas laissé de trace dans l'histoire. La sublime épopée de la conquête romaine a oublié de le mentionner. Aucun de ces grands historiens qui ont tant chanté la grandeur de l'Empire n'a cru bon de le citer. Je resterai à jamais un anonyme. Et pourtant.

Le siège a été long devant Syracuse. Il nous fallait cette île triangulaire qui sépare à peine l'Afrique de notre péninsule. Nous ne pouvions supporter la puissance de ces Carthaginois qui narguaient notre orgueil latin. La ville, isolée, affamée, tenait devant les aigles de nos légions et les bateaux de notre flotte. Peu à peu le découragement gagnait les soldats. Et si nous avions à subir un nouvel échec devant cet ennemi redoutable?

Un jour, notre flotte fut incendiée par un rayon solaire détourné sur nos navires. L'ennemi, ces grecs à l'esprit retors, avait réussi à capter l'astre du matin et à en faire une arme contre nous. Plusieurs bâtiments furent la proie des flammes. Beaucoup des nôtres se jetèrent à la mer pour échapper au brasier. La plupart moururent, emportés au fond des flots par le poids de leur cuirasse. Notre général, Marcus Claudius Marcellus, réussit cependant, dans les jours suivants, à redonner courage et vaillance à nos troupes fort affectées par ces pertes. Il fit tant et si bien que la ville finit par être investie. C'était en la cinq cent quarante et unième année après la fondation de notre Ville.

Le carnage et le pillage furent à la hauteur des souffrances et des affronts que nous avions endurés. Marcus Claudius Marcellus n'avait donné qu'un ordre: épargner un certain mathématicien grec qu'il estimait par dessus tout. Alors qu'avec mes compagnons, nous arpentions la ville à la recherche de quelque butin qui nous revenait de droit, je vis un homme penché vers la terre où je découvris, en m'approchant , qu'il traçait des figures géométriques. J'aurais volontiers laissé la vie à ce vieillard à l'allure bien inoffensive pour un rude soldat comme moi s'il s'était comporté comme le vaincu qu'il était. Mais le vieil homme, sourd à mes injonctions, continuait imperturbablement son jeu d'enfant sur le sol.

Alors que je m'approchais pour le rudoyer un peu (quel temps ne me faisait-il pas perdre dans la recherche de trésors plus substantiels!), ce fou sembla sortir un moment de sa stupide concentration et me lança dans la langue de son peuple: " Ne dérange pas mes cercles!", avant de se replonger dans son occupation infantile. Alors mon sang ne fit qu'un tour et je lui plongeai mon épée au travers du corps avant de repartir vers d'autres conquêtes.

Marcellus me fit convoquer dans sa tente quelques jours plus tard, après avoir organisé de couteuses funérailles en l'honneur du grand mathématicien qu'il avait voulu épargner et dont on avait retrouvé le corps, quelque part dans le chaos de la ville. C'en fut fini de ma carrière sous les armes. Je venais de découvrir qui j'avais tué. J'étais l'assassin d'Archimède.

samedi 5 novembre 2011

Automne (2)






Quand il n'y a plus que les feuilles pour s'asseoir au jardin.

Pages marquantes (21)

Les histoires que l’on me racontait étaient-elles plus vraies que celles que je fabriquais moi-même à partir de souvenirs épars, de suppositions et de choses apprises en écoutant aux portes ? Les histoires inventées devenaient parfois vraies au fur et à mesure, et nombre d’histoires inventaient la vérité.

Katharina Hagena, Le Goût des pépins de pommes. Ed. Anne Carrière. Trad. de Bernard Kreiss.)

Ma voisine

Pour la sixième ou septième fois, ma voisine du cinquième va se faire opérer. Elle a les artères des jambes en compote. A plus de quatre-vingt ans, elle est encore pleine de dynamisme. Je ne pense jamais qu'elle est aussi âgée. Elle est venue tout à l'heure m'emprunter quelques livres pour son séjour à la clinique. Parfois, ceux que je lui prête ne lui plaisent pas, parfois oui. Elle a toujours eu l'honnêteté de me le dire. Elle sera absente deux semaine environ. Nous ne nous voyons pas tous les jours mais j'aime la savoir là, et je pense que j'aurai beaucoup de mal à accepter sa disparition le moment venu. C'est la seule qui ait, je pense, compris, le lien qui nous unissait, Pierre et moi. Elle m'en parle parfois, avec des mots pleins de tendresse et de pudeur. Un voisinage précieux sans être envahissant.

vendredi 4 novembre 2011

Automne









Il monte ou il descend ?

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (56)

Jules Massenet, Méditation de Thaïs. Nathan Milstein.
(Juste guimauve ce qu'il faut avant d'aller dormir!)

Florilège

Extraits des plus belles sorties de certains (certaines) de mes collègues:

- Prof de math, sur un bulletin d'élève: "Aucuns travails! Doit faire des efforts!".
- Prof d'histoire, en cours: "Le plus beau livre de la Renaissance: l'Encyclopédie".
- La même: "Si l'on prend comme référence l'année 0, ..."!
- Prof de français, à qui je demandais si elle aimait Sacha Guitry: "Oh, moi, tu sais, ces chanteurs modernes!".
- Prof de bio, dans un cours sur la compatibilité des espèces pour se reproduire (j'étais entré dans son cours pour une information urgente à un élève): " Pensez-vous que M. Calyste et moi soyons compatibles?".
- Prof d'EPS, en conseil de classe, à propos d'un élève: "Je l'ai pris entre deux yeux et je lui ai dit: Tu as les pieds de Damoclès sur la tête Il faut prendre le cheval par les cornes!".
- Prof d'anglais: "Finalement, le latin, c'est une langue comme l'anglais, sauf qu'elle est morte.".

Allez, Calyste, reste calme!

jeudi 3 novembre 2011

Saloperie de rentrée

Dies reprisae, dies fatigae.
Ave

mercredi 2 novembre 2011

Bon anniversaire !

Non, non, je ne les connais pas, mais ça n'empêche pas d'être poli, tout de même! Alors bon anniversaire à Stéphane, Jules-Amédée, Patrice, Burt, Marie-Antoinette, Luchino et Jean-Jack.

Dans l'odre d'apparition: Audran, Barbey d'Aurevilly, Chéreau, Lancaster, Reine ayant mal finie, Visconti et Queyranne (pour les initiés lyonnais seulement!)

Vous avez un vieux short à laver ?

La méthode du cow-boy.

Dettes

Bon d'accord, il y va un peu fort, Papandreou, avec son idée de référendum dans le dos de l'Europe. Quand on a une dette pareille, on ne fait pas tant le mariole! Allez, à Cannes, comme un autre autrefois dut se rendre à Canossa. Au rapport, et vite!

Mais cette Europe des finances a-t-elle eu un jour l'idée de calculer ce qu'elle devait à la Grèce? L'idée même de démocratie semble y être née, notre architecture s'en est inspirée, notre statuaire lui en est encore redevable. Sans parler du théâtre, de la médecine, de la philosophie... Mais tout ça, ça n'est pas coté en bourse, vous me direz!

Et je vous fais grâce de l'Italie. Là aussi, si on regardait de quel côté penche la balance...

mardi 1 novembre 2011

Générique

Un de mes moments préférés, autrefois.

Place Belleville

Cette place du huitième arrondissement de Lyon, je l'ai photographiée des dizaines de fois, à toutes heures, en toutes saisons. Pourquoi ? Je ne le sais pas. Je passe régulièrement devant pour aller voir ma mère. Elle n'a rien de spécial, rien d'exceptionnel.

C'est une sorte de triangle dont les deux grands côtés sont occupés l'un par des immeubles ouvriers modestes du dix-neuvième siècle sans architecture recherchée, l'autre par une école primaire très Troisième République. Le petit côté, que je ne photographie jamais, est barré par un immeuble moderne immonde que la réfection de la façade en blanc n'a pas réussi à rendre plus attrayant. Quelques bancs, quelques arbres et un monument aux morts. Parfois des enfants qui jouent, quelques consommateurs à la terrasse du kébab du coin, face au nouveau fleuriste. Un tout petit marché certains matins de la semaine, où mon père aimait à se rendre. Une grosse horloge au sommet du fronton de l'école. C'est tout.

Alors pourquoi?

Polisse

Vu Polisse de Maïwenn Le Besco aujourd'hui. Inutile de tourner autour du pot: ça m'a plu. Particulièrement la façon de tourner certaines scènes (la majorité) comme s'il s'agissait d'un documentaire sur la Brigade de Protection des Mineurs de Paris. On oublie ainsi totalement les acteurs, dont la plupart sont connus, au profit des personnages qu'ils incarnent. J'avais un peu peur pour Joey Starr mais il se fond totalement, et bien, dans la distribution. Pas de pathos inutile dans l'exposé de ces situations sordides de viols d'enfants ou de violence à leur égard, de l'humour même, car il arrive souvent que l'on rie. Un seul défaut, que l'on peut mettre au compte de la volonté de trop bien faire: celui de vouloir, dans l'exposé des cas, couvrir la totalité des milieux sociaux et des classes professionnelles. Mais, contrairement à certains avis lus par ailleurs, l'intrusion dans ces faits divers de la vie familiale ou intime des personnages ne m'a pas du tout gêné.

La salle était comble, quinze jours après la sortie du film. Mais j'ai toujours la même impression lorsque je quitte l'une des salles de l'UGC Part-Dieu: alors que le grand hall d'entrée est plutôt sympathique, on vide les lieux par un couloir sinistre qui vous mène directement sur le toit du supermarché, le long d'un mur sordide de béton sans indication de direction à prendre nulle part. Allez, circulez, vous avez déjà vu!