lundi 30 juin 2014

Momentini

- A croire que tout le monde s'est donné le mot pour les faire en même temps : repas de fin d'année au collège, repas chez Maryvonne (bourguignon, je ne vous dis que ça !), repas chez Jean-Claude, repas chez moi (Maria nous avait fait une paella dont il n'est rien resté), repas chez Ludivine (qui fêtait, sous la pluie ses 40 ans), bientôt départ à la retraite de Jean-Marie, dimanche prochain repas chez Mimi, et j'en oublie sans doute ! Déjà un kilo de plus sur le petit bidon !

- Enterrement de Françoise aujourd'hui. C'était une aide-soignante de ma mère, intelligente, belle, très douée pour le dessin, activité à laquelle elle faisait participer les malades. Elle avait un cancer du sein, était restée absente près de neuf mois, avant de reprendre pour quelques jours. Son état s'est rapidement aggravé.Je vais avoir du mal à accepter de ne plus la voir dans les couloirs avec son beau sourire.

- La semaine du bruit : jeudi l'hélicoptère, vendredi les voisins du rez-de-chaussée de l'immeuble à côté, samedi ceux du première étage. La nuit dernière, rien mais match encore ce soir. Combien d'hélicoptères cette fois-ci ?

- Semaine des fleurs aussi : Jean-Claude m'a offert une orchidée et Maryvonne et Frédéric un spathiphyllum. En revanche, les roses blanches que j'avais achetées n'ont guère tenu le coup !

dimanche 29 juin 2014

Cartes blanches (6)

Peggy Lee (1920-2002)

L'oeuvre aux noires (6)

Shirley Bassey (1937)

samedi 28 juin 2014

C'est à vous

A vous, si cela vous dit, de mettre sous cette photo un titre, une phrase ou un petit texte qu'elle vous aurait inspiré. (Vous pouvez l'agrandir en cliquant dessus.)


Printemps au Prater

Zweig encore, avec deux nouvelles : Printemps au Prater, universellement connue bien que très courte,  et La Scarlatine.

J'ai entendu à la radio l'autre jour que Sweig, un moment oublié, revient fort à la mode en ce moment. Et moi qui commence à m'en lasser ! Décidément, il faut encore une fois que je ne mette pas mon pas dans celui des autres!

A force d'en lire, j'en suis venu à me dire que, malgré l'excellence du style et la finesse dans l'analyse des sentiments, ses personnages ne sont pas des personnages comme je les aime, c'est à dire à qui l'on peut s'identifier ou que l'on peut haïr selon le cas. Plutôt des types humains, des cas soumis au génie de l'écrivain. Mais cela ne leur donne pas une réelle consistance. A moins que cela ne vienne du genre utilisé, la nouvelle, qui n'est pas celui que je préfère car trop rapide et donc frustrant pour moi.

Je ne vais pas l'abandonner mais me tourner plutôt pour un temps vers ses biographies qui, elles, me satisfont pleinement.
( Stefan Sweig, Printemps au Prater et La Scarlatine. Ed. LDP. Trad. de Hélène Denis.)

vendredi 27 juin 2014

Beaucoup de bruit pour rien !

Quand ce ne sont pas les voisins, c'est le foot ! Comment ignorer à Lyon que l'équipe d'Algérie s'est qualifiée pour la suite ?

Il y a quelques jours, klaxons pendant des heures, drapeaux aux portières des voitures, cris d'allégresse et dérapages volontaires mais plus ou moins contrôlés aux carrefours dont celui devant chez moi ! Je veux bien croire qu'ils sont contents, mais bon !

Hier soir, rebelote ! J'ai tout de suite compris. Mais la fête s'était sans doute déplacée car peu de bruit dans la rue ! Une nuit plus tranquille s'annonce. Enfin, je le croyais car, à peine mon soupir de satisfaction poussé, voilà qu'un hélicoptère survole mon quartier. On a employé les grands moyens pour éviter les débordements à Lyon ! Et, quelques minutes plus tard, le même hélicoptère au-dessus du pâté de maisons. Il doit rentrer, songeais-je, in petto...

Que nenni ! Le survol a duré plus d'une heure, et je peux vous assurer qu'un moteur d'hélicoptère, ça fait un autre bruit que quelques voitures en liesse ! Vivement que tout cela se termine ! Après, il y a le Tour de France, mais c'est plus calme, d'habitude. Enfin, j'espère...

jeudi 26 juin 2014

Italie, années soixante-dix

Les arènes de Vérone sont pour moi associées à plusieurs souvenirs, certains agréables, d'autres moins.

Dans ce qui m'a marqué en bien, le site d'abord, bien sûr, grandiose, la magie de ces vieilles pierres où le chant lyrique a remplacé les cris des gladiateurs, la fébrilité avec laquelle on y pénètre comme dans un sanctuaire. La qualité des spectacles donnés aussi : j'y avais entendu une Aïda inoubliable ainsi qu'un Samson et Dalila non moins talentueux.

Il se trouve que, le même été, le festival de Fourvière avait aussi produit son Aïda, que j'avais vue avant l'autre. Et la comparaison n'était pas à l'avantage de Lyon, moyens financiers obligent sans doute. Là où quelques figurants occupaient la scène de Fourvière, à Vérone ils se comptaient par centaines. On y avait même présenté des girafes et des éléphants. Et puis les petits lumignons qui s'éclairent lorsque la nuit tombe sur la ville de Roméo et Juliette....

Après la représentation, le spectacle se poursuit dans la rue proche des arènes, aux terrasses des cafés. Alors que Pierre et moi, nous prenions un verre, un mouvement de foule attira mon attention : la diva sortait à pied et se faisait acclamer par la foule enthousiaste. Surchargée de bouquets offerts par ses admirateurs, elle adressait à chacun ses sourires et ses gestes d'amitié. Jamais plus qu'en Italie, je n'ai vu un peuple aussi fervent d'art lyrique !

Dans les souvenirs moins agréables, il m'en reste deux qui me font sourire aujourd'hui. Alors que nous étions installés sur les gradins, une famille d'allemands arriva pour s'asseoir également. Le père, considérant qu'ils n'avaient pas assez de place, me regarda froidement et me lança un "Raoust schnell" qui me fit bondir. Je ne sais s'il comprenait le français mais il eut tout le loisir de voir que j'étais hors de moi ! Il n'insista pas. Le lendemain, c'était une bonne mamma italienne qui occupait les places derrière nous avec sa petite marmaille. Oui, en Italie, même les enfants vont à l'opéra ! Mais, malheur, elle avait apporté avec elle un énorme paquet de bonbons dont les enfants ne cessaient de froisser les papiers avant de les manger ! En bruit d'accompagnement, il y a mieux : elle le comprit à mon regard exaspéré.

J'ai dit que nous nous étions installés à une terrasse de bar tout près des arènes. On y servait, entre autres, de la bière, en différentes quantités. Comme il faisait très chaud, j'en pris une botte, c'est à dire un litre servi dans un verre en forme de chaussure. J'avais présumé de mes capacités à ingurgiter sans conséquence une telle dose de liquide alcoolisé. Sur la route du retour, en pleine nuit, je demandai à Pierre de s'arrêter parce que je ne me sentais pas bien. A peine sorti de la voiture, ce qui devait arriver arriva : mon estomac se révolta et déversa dans un fossé ce qu'il ne pouvait plus supporter. Alors que je me relevais, je vis alors seulement ce qui nous entourait : nous nous étions arrêtés dans un endroit exclusivement fréquenté par des dames de petite vertu et par leurs clients. Notre intrusion ne leur plaisait guère, surtout après ce que je venais de faire. Nous ne fûmes pas longs à déguerpir !

Hier soir, devant la télévision, j'ai repensé à tout cela. C'est si loin, maintenant !

Soirée sur canapé

Ah ! quelle belle soirée je viens de passer devant la télévision ! Non, pas à suivre le match de football Équateur/France (j'aurais dû écrire Équateur Vs France, puisque c'est la grande mode en ce moment !), mais bien plutôt, sur Arte, Carmen, de Bizet retransmis depuis les arènes de Vérone, et, excusé du peu, mis en scène par rien moins que Franco Zeffirelli !

Mis à part le physique un peu empâté des principaux protagonistes (Carmen elle-même, Don José et Escamillo) et la présence dans un rôle secondaire d'un chanteur asiatique que, avec toute la meilleure volonté du mode, on avait vraiment du mal à prendre pour un espagnol, tout était parfait ! La mise en scène, subtile, les décors, tout en demi-teintes, le savoir être en scène des 450 choristes et figurants, la direction du maestro hongrois, tout. Avec, pour moi, une mention particulière pour la cantatrice russe qui interprétait le rôle de Micaëla, Irina Lungu : voix superbe et physique que l'on aurait dit fragile, presque frêle, correspondant à la grande douceur de son personnage.

Et puis revoir ces arènes que je découvris dans les années 70, en été, par une nuit comme celle de ce soir, à écouter Aïda de Verdi  et Samson et Dalila de Saint-Saëns !  Beaucoup de souvenirs, que je laisse pour demain.

(PS :un opéra français sur un drame espagnol chanté en Italie ! Ça aussi, c'est l'Europe ! Et maintenant, je vais rejoindre Zweig, l'autrichien... Fi du mondial, le vieux continent me suffit)

mardi 24 juin 2014

Une rumeur sans fondement ?

En écoutant la radio tout à l'heure, j'ai appris quelque chose de surprenant, tellement surprenant que j'ai vérifié dans W-i-k-i, croyant à un canular. Et j'ai eu confirmation que ce que je venais d'entendre était bien une des hypothèses de l'origine d'un hymne universellement connu. Savez-vous d'où vient le Good save the Queen, ou, en l’occurrence, the King ?

Louis XIV, entre autres désagréments dans sa vie, souffrit douloureusement d'une fistule anale. Ses médecins expérimentèrent divers traitements et diverses interventions sur du vulgum pecus avant d'oser toucher enfin au fondement royal. Un peu comme on teste aujourd'hui certaines thérapies sur des souris blanches.

Pendant ce temps, Madame de Brinon, ursuline supérieure de la Maison royale de Saint-Louis, qui deviendra plus tard le Saint-Cyr où furent jouées plusieurs pièces de Jean Racine, composa également un chant pour la bonne santé du roi qui devait inaugurer l'établissement et était alors malade. Elle s'inspira, apparemment, d'un motet extrait d'un verset du psaume XIX de David : "Domine, salvum fac Regem...".

On ne sait qui de la religieuse ou des médecins fut le plus efficace. Ce qui est sûr, c'est que le chant fut plus tard adopté par les Anglais pour leur hymne national. Les voix du Seigneur sont parfois impénétrables mais tout ceci mérite bien d'être consigné dans les An(n)ales !

lundi 23 juin 2014

Fête du bruit

Ou du n'importe quoi ! Du bruit, de la viande saoule ou sous autre anesthésiant : voilà ce qu'une fois encore, je retiendrai de la fête de la musique samedi soir.

Nous avions eu l'idée de nous faire un petit restaurant, Jean-Claude, Frédéric et moi, histoire de marquer l'arrivée de l'été. Celui que nous avions choisi étant complet pour la soirée en terrasse, nous nous sommes rabattus sur un tout proche où nous aurions de la place une heure et demi plus tard. En attendant, un petit tour dans le vieux Lyon, en quête d'un café où nos oreilles n'auraient pas trop à souffrir de tous les "artistes" d'un soir. Le temps d'une bonne bière bien fraîche, de deux cigarettes et retour à la terrasse du restaurant.

Et nous avions bien fait de patienter : une découverte que ce Sathonay des familles, sur la place du même nom. Un restaurant sans prétention où l'on mange divinement bien : après les salades (pour moi la "Gnafron": verte avec boudin froid, andouillette et quenelle froide), un tartare dont je me souviendrai longtemps, tant l'assaisonnement en était parfait ! Et les pruneaux au vin avec boule de vanille à la cannelle ! Si bon que nous en avons vite oublié le trublion qui s'escrimait à brailler au coin de la rue en s'accompagnant d'un instrument que je n'ai même pas réussi à identifier.

Les Hauts de Hurle-vent

Il ne faut jamais revenir sur les lieux du crime ! C'est ce que je me suis dit en relisant ce roman, découvert au moment de l'adolescence, en version un peu abrégé il est vrai.

Je n'ai rien retrouvé de ma passion pour cette sombre histoire d'Emily Brontë. J'ai tenu bon, je l'ai terminé au prix d'un grand effort (mais la dernière partie m'a paru plus intéressante). On aimait écrire longuement à cette époque, prendre son temps dans les scènes et les dialogues, ou dans l'analyse des sentiments ! Mais aujourd'hui cela est-il lisible ? Cet ouvrage, "emprunté" à la bibliothèque du collège l'an dernier, n'en était pas sorti depuis 2001. Et je doute, à voir les noms de certains élèves qui l'eurent entre les mains, qu'ils l'aient réellement lu !

Étrangement, j'avais, à l'adolescence, ostensiblement mis à l'écart le roman de Charlotte, sœur d'Emily, Jane Eyre, parce que sans doute trop mièvre. J'ai fini par le lire il y a quelques années et j'ai été, à ce moment-là, subjugué par la modernité de ce texte, en particulier sur la façon de concevoir la condition féminine. Un livre à lire, celui-là !

samedi 21 juin 2014

Cartes blanches (5)

Nancy Sinatra (1940)


L'oeuvre aux noires (5)

Ella Fitzgerald (1917-1996)


vendredi 20 juin 2014

Gerberas, barbecue et vieux collègues

Hier soir, c'était le repas de fin d'année du centre scolaire où je travaillais et qui regroupe plusieurs établissements.

Accueil sous petite tente charmante avec tapis vert, brassée de gerberas (j'ai une sainte horreur de cette fleur !) et musique d'un petit orgue à partitions en carton perforé qui nous a cassé les oreilles pendant tout le début de la soirée. Évidemment, il fallait aussi chanter, et le premier sollicité, ce fut qui, je vous le demande ? Refus catégorique, bien sûr !

Ensuite discours interminable de l'imbécile qui nous sert de directeur général et qui, cette année, pour la première fois, n'a même pas pris la peine de citer les enseignants qui partaient à la retraite : il a eu le culot de préciser qu'il ne mentionnerait que ceux qui s'étaient investis dans la vie du centre (au Conseil d'administration, par exemple). Parce qu'un prof qui y a passé une quarantaine d'années de sa vie, il ne s'est pas investi, lui !!!!???

Repas barbecue ensuite où il a fallu que je râle pour obtenir un pichet de rosé ! Ils ont ainsi pu voir que je n'avais pas changé !

Heureusement, joie de revoir des tas de "vieux" collègues, en retraite ou pas, avec qui j'ai passé une très bonne soirée. Pourtant, je ne sais pourquoi, en repartant le soir, je me sentais un peu triste.

jeudi 19 juin 2014

De la nostalgie, M'sieurs-Dames (24)

Colette Deréal, A la gare Saint-Lazare (1969)



Feuillet 48



En ressortant de ma bibliothèque ma vieille édition des Hauts de Hurlevent, celle que j'avais enfant, j'ai eu la surprise de voir tomber du livre une feuille jaunie pliée en quatre dont l'encre d'une écriture manuscrite avait transpercée le côté visible. J'ai cru un instant qu'il s'agissait d'une liste un peu coquine que j'avais établie au moment de mes premiers émois sexuels et que j'ai si bien cachée aux regards indiscrets que jamais plus je ne l'ai retrouvée.

En fait, ce n'est pas ça du tout, c'est beaucoup plus que ça. J'ai mis un moment avant de reconnaître ce papier, un feuillet numéroté 48, que j'avais complètement oublié depuis des années et qui est réapparu aujourd'hui par le plus pur des hasards. Que faisait-il dans ce roman ? Je n'en sais rien, mais le retrouver m'a beaucoup ému une fois que j'ai su ce dont il s'agissait.

Il date de 1953 et a été écrit par mon père alors que je n'avais que quelques mois. Ainsi, jour après jour, avait-il pris la peine, de sa belle écriture, de noter consciencieusement pendant plus d'un mois l'évolution de mon poids de nourrisson. On voit d'ailleurs que je me portais bien , même si, je le sais, cela se gâta par la suite.

Découverte émouvante parce que c'est l'écriture de mon père dont je ne possède que peu d'exemplaires. Émouvante aussi parce qu'elle me prouve l'amour et l'attention qu'il me portait et dont je parlais justement dans un de mes derniers billets.

 Celui qui s'intéressait tellement à ma vie n'avait, lui, plus que trois mois à vivre.

mercredi 18 juin 2014

Traduttore traditore

Les italiens emploient souvent cette formule pour indiquer que la traduction d'un texte d'une langue à une autre ne peut pas toujours rester fidèle au texte d'origine. En voici un exemple avec l'incipit d'un roman très célèbre que je suis en train de lire et que beaucoup d'entre vous reconnaîtront facilement. Il se trouve que j'en possède deux éditions : l'une, la première, datant de mon enfance, chez G.P. (trad. de Geneviève Méker), la seconde en livre de poche, chez Payot (trad. de Frédéric Delebecque):

1801- Je viens de rendre visite à mon propriétaire, le seul voisin dont je sois désormais encombré. La région, certes, est magnifique ! Il m'eût été impossible, je crois, de trouver dans toute l'Angleterre un coin si bien à l'écart de l'agitation du monde : le paradis du misanthrope.

1801- Je viens de rentrer après une visite à mon propriétaire, l'unique voisin dont j'aie à m'inquiéter. En vérité, ce pays est merveilleux ! Je ne crois pas que j'eusse pu trouver, dans toute l'Angleterre, un endroit plus complètement à l'écart de l'agitation mondaine. Un vrai paradis pour un misanthrope.

Proches, certes, et pourtant différentes. Mais vous, avez-vous trouvé de quel roman il s'agit ? Je vous laisse réfléchir, ce n'est pas très difficile.

Des fleurs (18) : le dahlia

 

Le dahlia doit son nom au botaniste suédois Anders Dahl (XVIII° siècle) mais les aztèques, paraît-il, le connaissaient déjà sous une apparence un peu différente et l'appelaient "Cocoxochitl" : ses feuilles servaient de nourriture à leurs animaux mais il avait aussi, selon eux, des vertus diurétiques et calmaient les maux de ventre. Deux espagnols en ramenèrent quelques plants dans leur pays et les premiers furent plantés en 1789 à Madrid puis, peu après, au jardin des plantes de Paris. Mais, plus que son goût trop amer, ce furent ses fleurs qui charmèrent l'Europe.

Il en existe de multiples variétés, d'où sa présence quasi permanente dans les jardins. Ma mère en cultivait dans le sien et nous en rapportait de volumineux bouquets qui trônaient sur la table de la salle à manger. Aujourd'hui, c'est Émile, lorsque je lui rends visite en Savoie, qui m'en offre chaque fois quelques tiges. Hélas, le voyage retour, bien que court, a vite fait d'assoiffer cette fleur avide d'eau et les bouquets ne résistent guère.

J'en ai trouvé hier au marché des quais du Rhône, blancs avec une légère teinte de mauve au centre de la boule. Durera ce que durera...

mardi 17 juin 2014

Homo telephonicus

L'homme est un animal des plus bizarres, particulièrement lorsqu'il est au téléphone. Et particulièrement sur son téléphone portable ! Accessoire indispensable de la modernité, on dirait souvent qu'il fait régresser son propriétaire à l'état de primate des temps préhistoriques.

Il n'est a qu'à regarder autour de soi dans la rue : on se balade avec sa prothèse collée à l'oreille, comme si rien n'était plus urgent, plus important que de savoir où se trouve l'autre ou de lui indiquer sa propre position : "t'es où, là ?" est devenu très vite le refrain des trottoirs. Et si l'on est deux à marcher de conserve, les deux conversent avec deux autres qui ne sont pas là. Vive la communication !

Avez-vous remarqué aussi comme la plupart parle fort en tenant leur portable, même quand il n'y en a aucune nécessité. Ainsi a-t-on la grande joie de ne rien perdre de dialogues qui feraient pâlir d'envie le pauvre Alfred Jarry. Mais, plus drôles encore ceux qui, grâce à un système très "élégant" placé derrière l'oreille, conservent leurs deux mains libres. Là, nous n'avons pas seulement le son, mais aussi l'image. Mimiques du visage (froncement de sourcils, yeux exorbités, sourire charmeur...) et abondance de gestes circonstanciés, comme si l'autre était réellement là, tout près.

Le théâtre est dans la rue. Pourquoi s'en priver ?

lundi 16 juin 2014

L'élastique

Après avoir vu hier, je crois, le film Secrets et mensonges de Mike Leigh, qui raconte les retrouvailles d'une jeune femme avec sa mère qui l'avait abandonnée alors qu'elle venait de naître, j'ai repensé à mon père, celui qu'ici, j'appelai P1 lorsque j'en parlais. Cela n'a rien à voir et pourtant.

J'aurai 62 ans à la fin de cette année. Mon père est mort à 24, j'avais 7 mois à l'époque. Sur les photos en noir et blanc, il a l'air tellement sérieux qu'enfant, je n'ai jamais compris qu'il était si jeune. Et plus je vieillis, plus je trouve cette mort scandaleuse. Pour lui, et pour moi aussi.

Je dis toujours que je ne l'ai jamais connu. Pourtant, je l'ai connu 7 mois, il m'a porté dans ses bras (il paraît qu'il était très fier d'avoir un fils, comme, je le suppose, tout père doit l'être, mais je ne connais pas la paternité), je l'ai touché, mes yeux l'ont vu, et je ne me souviens de rien, bien sûr. Scandale aussi pour moi.

Le plus étrange, c'est que je suis toujours son fils et que cela agit comme un élastique : je ne peux l'imaginer vieux (il aurait aujourd'hui 86 ans), alors quelque part, en moi, je suis toujours son bébé. J'ai grandi, j'ai vieilli, l'élastique s'est étiré jusqu'à ce soir, et se redétend parfois parce qu'une partie de celui qui le tire est resté accroché là-bas. Mais l'élastique est solide et accepte chaque fois de se retendre. Il n'a jamais craqué. La vie, quoi.

dimanche 15 juin 2014

Le grand Coeur

Rouge Brésil m'avait déjà beaucoup plu. Il en est de même pour Le grand Coeur, de Jean-Christophe Rufin. Ces pseudo-Mémoires de Jacques Coeur, argentier du roi Charles VII, extrêmement documentés et crédibles pour les parties de fiction, se lisent avec grand plaisir et tout aussi grand intérêt.

La lente ascension sociale de ce fils de bourgeois amené peu à peu à fréquenter les têtes couronnées et les papes, à parcourir le monde de la Méditerranée à la Flandre, son amour "fraternel" pour Agnès Sorel, la maîtresse de  Charles VII, puis, après la mort de celle-ci, le procès intenté par un roi jaloux de la puissance de son argentier, sa fuite et son bref séjour dans l'ile de Chio, au large de la Turquie, sont passionnants. Le tout écrit par un monsieur qui sait le faire ! Un petit bijou !

Et puis, je me souviens encore du tombeau de la Dame de Beauté, à Loches, l'été dernier...
( Jean-Christophe Rufin, Le grand Coeur. Ed. Gallimard.)

samedi 14 juin 2014

Momentini

- La fin de l'année scolaire arrive, enfin pour mes ex-collègues, parce que pour moi... C'est l'époque des repas réunissant l'ensemble du personnel, où je suis invité, des départs à la retraite, où je suis invité, des anniversaires, où je suis invité. Je vais reprendre le chemin du collège, que je n'ai pas emprunté depuis bien longtemps. J'espère ne pas être trop .... dépaysé !

- Mes photos, depuis quelques temps, affichaient une partie un peu floutée que je croyais due au vieillissement de l'appareil. Or, l'autre jour, j'ai découvert sur l'objectif, une énorme trace de doigt. La honte ! Comment est-elle venue là ? Mystère ! Une certitude : je suis le seul fautif ! Une fois cette trace essuyée, ça va beaucoup mieux. Mais, avec le chèque des collègues pour ma retraite, j'ai fait l'acquisition d'un appareil tout neuf. Je le teste et je vous en parle.

- J'ai suivi les conseils de Plume et lu Le Grand Coeur, de Jean-Christophe Rufin. Encore une dizaine de pages à terminer et je vous livre mes impressions. Ce sera sans doute pour demain.

- Le troll aux grands pieds a refait son apparition au supermarché du coin. Emploi protégé ? Un garçon que l'on a parfois du mal à comprendre, mais d'une grande gentillesse, trop peut-être car, si vous lui demandez un renseignement, vous aurez du mal à vous en défaire.

- Ma fougère est en train de crever, comme mon laurier rose et mon dernier hibiscus. Le lierre, lui, a l'air de vouloir repartir. Bah ! c'est la vie (et la mort) des plantes. Et toutes celles-là ont déjà un âge plus que canonique.

C'est à vous

A vous, si cela vous dit, de mettre sous cette photo un titre, une phrase ou un petit texte qu'elle vous aurait inspiré. (Vous pouvez l'agrandir en cliquant dessus.)

vendredi 13 juin 2014

Cartes blanches (4)

Janis Joplin (1943-1970)


L'oeuvre aux noires (4)

Nina Simone (1933-2003)


jeudi 12 juin 2014

La podosphère

Oui, un titre avec un mot d'origine grecque qui nous change un peu de l'anglais football dont j'ai déjà une indigestion. Pourtant stéphanois d'origine (et en plus dans les bonnes années du club), j'ai toujours détesté ce sport dont on m'a gavé enfant.

Un jour, au lycée, un  prof a absolument voulu m'obliger à jouer. C'est lui qui m'a prié de quitter le terrain au bout d'à peine cinq minutes. Il faut dire que j'y avais mis toute la mauvaise volonté dont j'étais capable. J'aimais le rugby, le handball, le basket, le hockey sur gazon les rares fois où l'on nous en proposait, mais pas le foot. Et plus l'on a insisté, plus j'ai détesté. Alors, on a fini par me laisser sur la touche avec quelques autres et nous y discutions.... littérature. Un peu de provocation n'a jamais nui !

Depuis un mois, on nous tanne à la télévision avec le Brésil, ses villes, ses stades, son passé glorieux dans ce sport et, comme il faut tout de même faire semblant d'être objectif, avec des images de grèves et de gens que la dépense occasionnée par cette coupe du monde écœure. Mais rassurons-nous : la prochaine aura lieu au Qatar et je doute qu'on y aperçoive l'ombre d'un seul manifestant !

J'ai voulu voir, par curiosité malsaine, la cérémonie d'ouverture : une vingtaine de minutes dont j'aimerais savoir combien elles ont coûté. En tout cas, on peut dire merci à Decouflé qui, à Albertville en 1992, avait proposé quelque chose de vraiment original pour les Jeux d'hiver : tout le monde, depuis, l'a copié, avec plus ou moins de bonheur. Plutôt moins d'ailleurs.

Un des trois tableaux de cette ouverture à Sao Paulo concernait la nature, et le commentateur français de s'extasier sur la représentation d'un arbre à la silhouette originale qui prospère dans le pays. Un des symboles du pays, cet arbre ? Alors qu'ils en profitent tant qu'il en reste encore quelques-uns et tant que l'on n'a pas totalement mis à mort la forêt amazonienne et, du même coup, l'atmosphère respirable dans le monde.

Allez, laissons-les taper dans leur ballon rond et rejoignons nos livres : il faut aussi couper des arbres pour la pâte à papier mais, au train où vont les choses en ce qui concerne la lecture, on n'est pas encore prêts à massacrer toutes les forêts.

mercredi 11 juin 2014

Mépris

Lorsque je suis chez ma mère, en fin d'après-midi, il m'arrive souvent de regarder avec elle les jeux de telle ou telle chaîne, la 3 en général. Ainsi bien souvent j'assiste à Slam ou/et Questions pour un champion. Outre le fait que le présentateur de ce dernier jeu m'insupporte considérablement, je suis de plus en plus outré par le niveau de débilité des questions posées non pas aux concurrents mais aux téléspectateurs et auxquelles ils doivent répondre par sms ou en composant un numéro de téléphone. Et la pratique tend à se généraliser.

Deux exemples aujourd'hui. Le premier peu avant quatorze heures, où un présentateur aux yeux que l'on dirait faits propose une recette de cuisine. En fin d'émission, on nous montre aujourd'hui dix cerises et la question est : combien y a-t-il de cerises sur cette photo ? Le deuxième ce soir, dans Slam. Il s'agit de trouver la lettre qui manque par deux fois au mot suivant : T-RZ-N. On nous précise qu'il s'agit du nom du "roi" de la jungle et, afin d'être sûr que personne ne se trompera, on rajoute que la lettre manquante est un A ou un U.

Quand je pense que des milliers de gens vont se précipiter pour répondre avec l'espoir insensé d'être tirés au sort pour gagner la somme en jeu, je ne peux qu'être ébahi par l'imbécillité de ce "concours". Bien sûr, les chaînes de télévision récupèrent au passage des sommes considérables dont elles ne rétrocèdent qu'une infime partie (mais qui se rend vraiment compte de l'arnaque ?). Mais ce qui m’horripile le plus, c'est de voir en quelle estime on tient ces spectateurs. De telles questions sont des injures à leur intelligence ou à  leur culture, si minimes soient-elles sans doute parfois.

Alors pourquoi, me direz-vous, regarder ces émissions, je n'y suis pas obligé ? Sans doute pour voir en quel état va le monde et entretenir ma part de misanthropie naturelle.

mardi 10 juin 2014

Trop bref

Lyon regorge maintenant de petits lieux où se tiennent des expositions, principalement de peintures et de photographies. Toutes ne sont pas passionnantes mais certaines peuvent être très intéressantes.

Le problème est alors que, étant donné la relative exiguïté des lieux, le nombre d’œuvres est assez restreint et ne permet pas de suffisamment s'imprégner de "l'âme" de leur auteur. Il en va ainsi pour les deux dernières que j'ai visitées : celle de Georges Rousse (Utopies partagées) au Conseil Régional, et celle de Maximilien Musetti (Autour du sensible) au Musée des Moulages.



Pour Georges Rousse, je suis un peu fautif : il existe des visites guidées mas je n'avais pas trop le temps d'attendre. J'aurais certainement gagné à écouter des explications supplémentaires sur ces œuvres qui ne peuvent que me plaire par leur urbanité. D'ailleurs ceux qui sont intéressés peuvent avec profit aller lire le blog Respublica (référencé dans mes liens) qui lui a consacré un excellent article.


Les œuvres trop peu nombreuses et répétitives de Musetti ne m'ont que peu touché. Cependant la visite n'était pas inintéressante et me permit également de faire quelques photos des travaux des élèves d'un lycée lyonnais qui y sont également présentés.








lundi 9 juin 2014

Traditions

Enfin, cette fois-ci, nous avons eu un temps splendide pour ce week-end de Pentecôte dans le Jura. Dès l'arrivée, bien sûr, détour par la fromagerie pour y faire nos provisions de Comté et autres délices du lieu. Mais il faudra se passer de lait : les services vétérinaires en ont interdit la vente dans le magasin ! Pourquoi ? Même le petit nous a été compté.

Samedi et dimanche d'agapes comme d'habitude : apéritifs chez deux des voisins, repas dehors, à l'abri du soleil, barbecue traditionnel et parties de belote tout aussi traditionnelles.

Les Dupond(t) nous accompagnaient et nous ont régalés de leurs trouvailles bien involontaires. Même Jean-Claude commence à les guetter et à nous prévenir du regard, Frédéric et moi,  de peur que nous n'en laissions échappé. Allez, je ne résiste pas :

- Dupond : "Le curé a célébré la messe en habits. Il portait un magnifique rocher." (Son petit nom ? Sisyphe, sans doute !)
- Dupont : " C'est mon voisin, qui habite à côté, qui m'a prévenu." ( C'est celui qui plaît aux nas(m)es ?)
- Dupont : " Vous êtes allés en Crète et vous avez fait Irak-Lyon direct ? (Au fait, les habitants de l'île, ce sont les Crétois ou les crétins ?)

vendredi 6 juin 2014

Cartes blanches (3)

Arletty (1898-1992)


L'oeuvre aux noires (3)

Billie Holiday (1915-1959)


mercredi 4 juin 2014

Ecoute la pluie

Elle, Michèle Lesbre, je ne la connaissais pas avant de la voir à la Grande Librairie, un jeudi soir où elle m'avait fait forte impression. Elle y parlait de ce livre, Écoute la pluie, en des termes qui ne pouvaient qu'émouvoir.

Las, l'ouvrage, paru dans une petite maison d'édition, me parut trop cher pour sa petite centaine de pages. En attendant qu'il paraisse en poches, j'en ai lu un autre, du même auteur : La Petite Trotteuse, qui m'avait touché.

Écoute la pluie est maintenant sorti en poches. Ce roman correspond parfaitement à l'image que je m'étais faite de celle qui l'a écrit. A partir d'un fait-divers tragique, un vieillard qui se jette sous la rame de métro après lui avoir souri, Michèle Lesbre raconte sa nuit d'errance dans la ville, à la recherche d'un calme mis à mal et analysant sa relation avec son compagnon du moment.

Petit livre nostalgique et doux, rarement dur malgré ce qu'il aborde, au style lisse, sans effet littéraire recherché, il était le bienvenu après le bruit et la fureur du précédent que je venais de terminer.
( Michèle Lesbre, Écoute la pluie. Ed. Gallimard.)

lundi 2 juin 2014

Momentini

- Rempoté quelques plantes qui végétaient ces derniers temps, dont une fougère, la seule que j'aie pu garder si longtemps, et un lierre qui, comme le précédant qui gela un hiver, n'avait plus que des racines dans le pot.

- Ce soir, à la télévision, Le Juge et l'assassin, de Bertrand Tavernier, et Orfeo negro, de Marcel Camus. Cruel dilemme, quant au  choix.

- Rencontré hier dans la rue une des anciennes voisines, de mon appartement précédant. Une infirmière à la retraite qui m'a appris le décès de son mari médecin. Nul n'est à l'abri. C'étaient des gens bien dans le profil, à l'époque, de cet immeuble des beaux quartiers : charmants mais discrets et réservés. Ensuite sont venus les nouveaux riches, et je suis parti.

- L'hortensia de la cour, sectionné à la base par un habitant de l'allée à côté, repart. Mais sans doute pas de fleurs cette année.

- Ma mère est tombée de son fauteuil roulant hier, alors que sa "dame de compagnie" la promenait dans le parc. Une plaie entre les deux yeux, là où les lunettes ont tapé, et une autre sur le nez. Encore un bel hématome en perspective, mais rien de cassé. Il était bon, le matériel, à cette époque !

Marthe

Vous ai-je déjà parlé de Marthe ? Elle était buraliste tout près de chez moi et j'y allais acheter mes cigarettes, de préférence au bureau de tabac plus proche mais dont les tenanciers n'avaient rien pour attirer la sympathie. Marthe, au contraire, m'avait tout de suite plu quand je l'avais connue. Une dame mince, frisant la maigreur, à la taille élancée, à la voix forte et à la gouaille toute lyonnaise (en tout cas dans le quartier de la Guillotière).

Parfois, elle était secondée par son fils, mais je préférais tomber sur elle : toujours souriante, toujours un mot gentil à chacun, une mère pour la moitié du quartier. A ceux qui étaient un peu à court, elle faisait crédit, mais jamais personne ne l'a volé, tant on la respectait. Je ne sais rien de plus sur elle et, lorsqu'elle a vendu son commerce, une partie de l'âme de cette rue s'en est allée. Ses successeurs n'avaient pas son charisme.

Parfois, je la croise dans les alentours où elle doit toujours habiter. Ce fut le cas cet après-midi et nous avons bavarder un moment. Elle va bien et garde encore sa bonne humeur malgré une quasi cécité qui la handicape beaucoup. Me reconnaît-elle vraiment ? Je ne sais pas : elle avait toujours beaucoup de monde dans son magasin. Mais, quoi qu'il en soit, elle aime la compagnie et m'a fait promettre de ne jamais hésiter à l'aborder quand je la verrai, car, elle, hélas, ne peut plus voir les gens que lorsqu'ils sont tout près d'elle. Allez, Marthe, à bientôt.

Wilderness

Rarement, je suis sorti aussi fourbu de la lecture d'un roman. La seule fois que cela m'était arrivé, c'était pour La Femme des sables, de Abé Kôbô, et pour les mêmes raisons : la souffrance absolue du personnage principal. Ici, un vieil homme, Abel Truman qui, après la guerre de Sécession, était parti, suite à la mort de sa femme et de sa fille, dans l'ouest américain, au bord du Pacifique, pour tenter d'oublier.

Mais sa mémoire le poursuit et, à la fin de sa vie, malade, il décide de faire le chemin inverse, en égrenant, tout au long de la route, les atrocités vécues lors de cette guerre civile américaine, en particulier au moment de la bataille de la Wilderness, une des plus sanglantes entre nordistes et sudistes.

Comme toujours dans les romans publiés par Gallmeister, la nature joue un rôle prépondérant dans l'action et la psychologie des personnages. Mais plus que d'habitude, ce sont ici ces personnages qui poignent, les bons comme les méchants, sans que l'on puisse dire parfois qui se situe de quel côté. Un premier roman magistral dont, je le redis, on ne sort pas indemne.
(Lance Weller, Wilderness. Ed. Gallmeister. Trad. de François Happe.)

dimanche 1 juin 2014

Absence immobile

J'aime ces moments de somnolence où, étendu sur le lit après le repas, on sent le bras qui, sans qu'on l'ait décidé, va se ranger le long du flanc en prenant bien soin de ne pas lâcher le livre entrepris, pour garder la page, pour éviter qu'il ne tombe, et où l'on plonge soi-même dans un entre-deux, où les yeux fermés gardent encore le souvenir de la chambre, de la fenêtre en face du lit et de la cour de l'autre côté, où un homme, torse nu, fume nonchalamment sa cigarette en laissant le soleil caresser sa peau blanche des jours de l'hiver passé.

Ce moment où l'on est encore là et où l'on n'y est plus, où l'on sait que le bruit que l'on a entendu  est celui de la voisine dans sa cuisine qui finit de ranger la vaisselle du repas et où l'on se retrouve dans un pré, en plein été, au pied des Alpes, avec en bas une maison fermée dont le jardin propose un généreux hortensia aux fleurs d'un bleu encore jamais vu.

Ou bien à Sienne, sur la place du Palio, assis à la terrasse d'un café encore dans l'ombre mais que le soleil va bientôt toucher dans sa course autour des murs ocres, à regarder la tache laissée au fond de la tasse par un espresso trop vite dégusté. Où l'on sait que l'on est étendu sur son couvre-lit dont on sent la fraîcheur un peu rêche du velours noir, que Sienne est dans le livre que l'on vient d'abandonner et que seul son personnage visite la Toscane mais où la contradiction n'empêche pas d'apprécier le corsé du breuvage.

Au réveil, la montre marque une demi-heure de plus. Où a-t-on voyagé dans son errance immobile ? Quel lointain souvenir est revenu, que l'on a déjà à nouveau perdu ? Les images s'estompent, vite, comme les paysages entrevus à la vitre d'un train que même la beauté ne parvient pas à arrêter et que l'on aura oublié lorsque le grincement des roues nous avertira de la gare. La cour est revenue, inondée de soleil, et la façade de l'immeuble d'en face, si belle dans sa banalité.