mercredi 30 avril 2014

De la nostalgie, M'sieurs-Dames (22)

Avril s'en va. Arrive mai, le joli mai en barque sur le Rhin.
Cette chanson, parce que je l'ai entendue cet après-midi et parce qu'on a trop vite oublié Mouloudji.


lundi 28 avril 2014

Dans l'Ombre de la lumière

J'en avais entendu parler, peut-être à La grande Librairie, j'avais gardé l'idée de le lire dans un coin de ma tête, mais je suis tombé dessus un peu par hasard, en fouillant dans les rayons de la boutique.

Ce qui m'attirait vers ce roman, c'est la lecture, il y a des années des Confessions de Saint Augustin qui m'avait passionné, à part quelques pages à la fin, trop pointues spirituellement pour mes petites connaissances. Ici, Claude Pujade-Renaud donne vie à cette femme dont il est rapidement question dans les Confessions, une femme qui aurait partagé la vie d'Augustin avant qu'il ne se convertisse au catholicisme et ne devienne évêque, et dont on ne connaît pas le nom.

L'auteur lui donne celui de Elissa, l'empruntant à celle que l'on nomma aussi Didon, la reine de Carthage dont fut épris Énée avant de l'abandonner pour accomplir son destin de fondateur de la dynastie qui donnerait naissance au peuple romain. C'est en effet à Carthage que vit cette concubine après avoir été répudiée par le futur saint.

Elle nous raconte, à la première personne, sa vie tout entière consacrée au souvenir de son grand amour, qu'elle reverra quelquefois à Carthage alors qu'il est venu prêcher dans une basilique depuis son évêché d'Hippone, mais de qui elle ne se fera jamais connaître.

Un portrait en creux, donc, apparaissant au fil de l'évocation de leur rencontre, de leur passion, de "l'aventure italienne" (Milan), puis de l'ascension d'Augustin dans la lumière alors qu'elle restait définitivement dans l'ombre.

Une relecture en négatif photographique de ces Confessions que j'avais tant aimées, où la foi manichéenne, première chez Augustin, la vie du peuple de l'époque en Afrique du nord, les invasions barbares, la chute de Rome et de bientôt tout l'Empire sont décrites avec un sérieux historique qui ne gâche à aucun moment le plaisir de la fiction. Un livre à lire donc, si l'on s'intéresse à toutes ces "vieilleries" qui m'ont toujours passionné.
(Claude Pujade-Renaud, Dans l'Ombre de la lumière. Ed. Actes sud.)

Azalée, c'était elle.

Le Manège enchanté, Margotte, Pollux, Zébulon, Ambroise et Azalée. Si Jacques Bodoin prêtait sa voix à Pollux, Ambroise et Zébulon, la vache Azalée, c'était elle, Micheline Dax, morte hier à 90 ans.
Tout ça me ravissait quand j'étais gamin. Bon d'accord, j'ai grandi.



(A bien regarder et écouter, je ne suis pas sûr que cet épisode date de mon époque !)

samedi 26 avril 2014

Reliques

J'aime bien le musée d'art  religieux de Fourvière. D'abord pour sa situation au sommet de la ville, et l'on ne se lasse pas de l'admirer, cette ville, depuis le belvédère, et puis parce qu'il est si petit ( trois salles et un couloir) que je n'ai jamais le temps de m'y ennuyer.


Même avec des expositions qui, comme celle actuellement présentée, ne sont pas, à proprement parler, une priorité pour moi. Le musée expose en ce moment des reliquaires et, la notice distribuée à l'entrée précisant qu'il ne s'agit pas seulement d'une expositions d'objets précieux, c'est pourtant ce qui m'a principalement intéressé. Je n'éprouve que fort peu d'attirance pour de minuscules bouts d'os attribués à tel saint ou à tel martyr. Ma foi s'est toujours passée de ce genre de supports.


Je pensais, avant d'entrer qu'une relique n'était que cela : un morceau de squelette. Or il n'en est rien : on trouve aussi des morceaux de vêtements et même, ce que j'ignorais totalement, des sortes de galettes fabriquées avec de la poudre d'ossements trouvés dans les catacombes et de la cire de cierge. Les plus célèbres sont évidemment le Saint Suaire de Turin et la Couronne d'épines de la Sainte Chapelle de Paris.


Pourtant, même si l'on ne pratique pas ce genre d'adoration, on ne peut qu'être respectueux de la vénération dont  les ont entourées des milliers de fidèles au fil des siècles. Et l'on ne peut qu'admirer la beauté de certaines d'entre elles, véritables œuvres d'art qui valent bien une exposition comme celle-ci.

vendredi 25 avril 2014

C'est à vous

A vous, si cela vous dit, de mettre sous cette photo un titre, une phrase ou un petit texte qu'elle vous aurait inspiré. (Vous pouvez l'agrandir en cliquant dessus.)

Voisins, voisines

Ce matin, un voisin d'un immeuble à côté a collé une affichette sur la porte de la cour nous annonçant la fête des voisins pour le mois de mai et proposant une petite réunion dans cette cour commune.

Personnellement, je ne m'y vois guère. Cela fait 23 ans que j'habite ici et les voisins que j'ai à connaître, je les connais déjà. Pas besoin d'une circonstance forcée pour faire leur connaissance. J'ai horreur de ces fêtes qui n'en sont pas.

Si j'y allais, ce serait pour me plaindre de ceux qui prennent cette cour pour une décharge publique en y entreposant tout et n'importe quoi, ou de ceux qui y jettent leurs vieux croûtons de pain pour attirer les pigeons, ou encore de ceux qui, fenêtres ouvertes, balancent de la musique plein pot jusqu'à des heures pas possibles. Alors, je préfère m'abstenir.

Le bon voisinage, ce n'est pas une fois par an, c'est tous les jours... et toutes les nuits.

jeudi 24 avril 2014

Devinez ce qui m'est arrivé ?

Devinez ce qui m'est arrivé ?
Non, non, pas d'emballement : il ne m'est rien arrivé de particulier. Je me pose simplement des questions sur la formulation de cette phrase. Spontanément, c'est ainsi que toujours je la rédige ou je la dis. Or il se trouve que, de plus en plus souvent, je lis ou j'entends : "Devinez ce qu'IL m'est arrivé ?".
Alors, quelle est la bonne formulation ? Sont-elles correctes toutes les deux ? Suis-je dans l'erreur ? Je ne parviens pas à le savoir. Quelqu'un a-t-il des lumières sur le sujet ? Cela n'empêche pas la terre de tourner, mais tout de même, j'aimerais savoir.

Version stéphanoise

Je vous propose un petit texte rédigé avec des mots (en italiques) du patois stéphanois, le "gaga", comme on l'appelle. Un petit exercice de version où j'espère que vous brillerez. Allez, traduisez-moi ça, si vous pouvez.

" Malgré sa gôgne et sa joue enfle, elle leur avait préparé un bon mâchon avec des barabans et de la râpée. Le coissou en particulier aimait bien ça et elle tenait à le cacauder. Un mâchon qui ne leur ferait pas regret, quoi. Elle avait invité son voisin, l'ébiganché qui, deux jours avant, avait débaroulé et s'était tout émaselé. Mais pas sa sœur, trop babielle et qui aimait se poutringuer. Elle espérait bien qu'ils ne pichorgneraient pas, sinon, elle attraperait le babaud !"

mercredi 23 avril 2014

Et un peu de musique, ça vous dirait (136)

Juste pour me faire plaisir, ce soir, même si, peut-être, j'ai déjà posté ici ce morceau que j'aime tant.
Bach, Suite pour violoncelle n°1, Rostropovich.


Délires

Il y a longtemps que je n'ai pas parlé de ma mère ici. Tout simplement parce que j'essaie de conserver un peu de légèreté à ce blog qui m'est un espace de liberté que je ne veux pas plomber et qui m'est cher.

En fait, les choses se dégradent et, j'ai l'impression, de plus en plus vite. Elle tombe depuis quelque temps dans un délire paranoïaque de plus en plus fréquent. Un jour, les aides-soignantes la battent et la volent. Ça, c'est pour les moments softs.

Hier, alors qu'il y avait son amie, ex-infirmière de la clinique à la retraite, elle m'a dit devant elle que c'était une menteuse et que, si elle me parlait, c'était parce qu'elle me "voulait" : elle est très obnubilée par le côté sexe en ce moment, elle qui, dans sa vie ultérieure, était d'une pudeur frôlant la pudibonderie. Comme j'essayais de changer de sujet de conversation, elle m'a menacé, geste à l'appui, de me jeter son dessert lacté à la figure, ce qu'elle fera sans doute un jour ou l'autre.

Aujourd'hui, dès que je suis arrivé, elle m'a parlé d'une petite fille qu'on avait enlevée ou qui avait disparu, je n'ai pas très bien compris. J'ai cru qu'elle avait entendu cette info à la télévision (mais elle n'est plus guère capable de se concentrer à ce point devant le petit écran). C'est lorsqu'elle a prononcé le prénom de Christine que j'ai compris qu'elle évoquait ma petite sœur, morte en 1971, à onze ans. Ce qui me fut confirmé par l'infirmière qui, dans la journée, avait fait venir le psychiatre contre qui elle s'était mise à hurler.

On m'avait dit que sa maladie évoluerait en ce sens. Ce n'est donc pas de la surprise que je ressens en ce moment, mais de la fatigue. Une grosse fatigue psychologique en ressortant presque chaque soir de sa clinique. Ce soir, il faisait beau. Alors j'ai pris une cigarette et regardé le vert tendre des arbres sur l'avenue. Toujours ça de pris.

mardi 22 avril 2014

Trans

J'entre dans la pharmacie, pas celle où je me sers habituellement, une près de chez mon kiné, pour acheter une broutille. Devant moi, deux clients et, ça tombe bien, deux personnes pour servir : la pharmacienne et une employée. Je n'aurai pas à attendre.

Alors que la pharmacienne est physiquement insignifiante, l'employée, elle, est mignonne. Taille moyenne, longs cheveux bruns, élégant chemisier noir échancré sur une poitrine menue mais qui a l'air bien formée, jean moulé, belles courbes féminines sans exagération.

Alors que je regarde ailleurs (c'est fou ce que l'on peut vendre dans une pharmacie !), j'entends une voix mâle derrière le comptoir. Tiens, un troisième employé pour venir nous servir ? Et là, j'ai la surprise de mon après-midi : pas de nouvel employé mais la jolie jeune femme qui vient d'ouvrir la bouche. J'ai dû rester l'air idiot. La jeune femme est un homme, ou plutôt devait être un homme auparavant. J'ai tout de suite pensé au roman de Irving que je viens de terminer et aux transsexuelles dont il parle.

Mais je n'étais qu'au début de mes surprises : la deuxième suivit sur le champ. A l'homme qu'elle servait et qui lui demandait le plus discrètement possible du spray pour les poux de corps, elle répliqua de sa belle voix virile (et audible, ô combien audible !) : Oui, pour les morpions, quoi !". Le client me tournait le dos mais j'imagine sa tête !

lundi 21 avril 2014

De la nostalgie, M'sieurs-Dames (21)

Régine, Ouvre la bouche, ferme les yeux. (1967) Paroles : Serge Gainsbourg.

Un an après Les sucettes à l'anis, le monsieur remet çà sur le double sens.


En arrière toutes

Les parchemins de l'antiquité étaient assemblés en rouleaux que l'on déroulait pour les lire. Peu à peu cependant, ils furent remplacés par des codex, c'est à dire les ancêtres de nos livres. Les feuilles, au lieu d'être reliées les unes à la suite des autres, verticalement, l'étaient côte à côte, ce qui rendait l'objet moins encombrant et plus facile à lire, en tournant les pages de droite à gauche, comme aujourd'hui.

Or, hier, une particularité d'Internet m'est apparu : nous sommes revenus en arrière, puisque le texte sur l'écran se déroule verticalement, comme pour les rouleaux de nos ancêtres. Étrange revirement de l'histoire. Mais est-ce le seul point de civilisation sur lequel nous ayons régressé ?

samedi 19 avril 2014

Loyasse

Le cimetière de Loyasse, datant de 1807, est le plus ancien cimetière de Lyon, un peu notre Père Lachaise à nous. J'aime parfois aller faire un petit tour dans ses allées qui dominent la ville, dans le cinquième arrondissement. Sa situation sur la colline escarpée lui donne un aspect insolite, bien loin des allées plates et droites de celui de la Guillotière (le nouveau).


Il abrite les sépultures d'un certain nombre de personnalités lyonnaises, des maires (Rambaud, Gailleton, Herriot) aux artistes (Adolphe Appian, le "Delacroix du fusain", Antoine Berjon, un portraitiste...), des architectes (Pierre Bossan, à qui l'on doit les églises les plus laides de la région) aux banquiers (Louis Pons, fondateur de la banque Morin-Pons). Et bien d'autres encore, dont un cher à mon cœur de stéphanois : Paul de Vivie, dit Vélocio, en l'honneur de qui une course cycliste a lieu chaque année dans les environs de Saint-Étienne.


Mais l'hôte le plus étrange du cimetière est sans aucun doute Nizier Anthelme Philippe, plus couramment désigné comme Maître Philippe (1849-1905), un mystique et guérisseur aux dires des uns, un charlatan pour les autres. Quoi qu'il en soit, sa tombe est encore aujourd'hui abondamment fleurie et sur l'arbuste derrière, on trouve de petits papiers fixés aux branches, demandant sans doute des faveurs depuis l'outre-tombe.


(Il est grand temps que je change mon appareil : toutes mes photos ont maintenant, en certains points, un petit voile flou très désagréable.)

C'est à vous

A vous, si cela vous dit, de mettre sous cette photo un titre, une phrase ou un petit texte qu'elle vous aurait inspiré. (Vous pouvez l'agrandir en cliquant dessus.)

vendredi 18 avril 2014

Les clochettes sont en avance, cette année.


Bien sûr, il est un peu tôt pour poster une telle photo, mais qu'y puis-je si le muguet est très en avance ?

Hier, direction l'Isère, avec Jean-Claude, pour ma traditionnelle cueillette annuelle. Arrivé sur place ( non, je ne dirai pas où exactement : chaque année, je suis seul dans ces bois-là, et je tiens à ma tranquillité !), je me pose l'éternelle question : quelle est, à partir du village, la bonne route entre les deux qui se proposent ? Et, comme toujours quand on se pose des questions pour éviter de se tromper, on se trompe.

Changement de cap, donc. Mais où a bien pu passer le chemin de terre que j'empruntais ensuite ? Je ne reconnais rien ! On s'enfonce dans une sente à peine carrossable et boueuse. Au bord, dans une sorte de marécage en formation, quelques feuilles de muguet aperçues de la route. Mais pas une seule clochette !

Tours et détours : c'est de pire en pire. Et dire que la première où j'y étais retourné, après vingt ans d'absence, je l'avais retrouvé immédiatement, ce satané chemin ! Jean-Claude est du genre patient. Ça m'arrange bien, mais vers 11h30, ras le bol. Nous décidons d'aller manger à Crémieu (super, la pièce de boeuf sauce au bleu avec frites maison et salade !) et de reprendre les recherches après, une fois le ventre plein.

Nous retournons à l'endroit où nous avons aperçu quelques feuilles et pataugeons un peu dans la gadouille pour récupérer trois ou quatre fleurs. Mais plus loin, dan un sous-bois pentu, alors que nous allions abandonner, un tapis de fleurs blanches. Enfin ! Nous nous en donnons à cœur joie, quitte à déranger un sanglier qui ne demande pas son reste.

Aujourd'hui, c'est la distribution autour de moi. Et ça sent bon !

Une Journée de début d'automne

C'est le titre, tout simple, qui m'a attiré vers ce livre de Sôseki. De quoi parlent ces quelques récits ? De rien, ou plutôt de riens, de ces riens que j'aime quand quelqu'un de talent les évoque. Et c'est le cas ici.

Sôseki retient, comme dans Choses dont je me souviens, quelques instants de sa vie, une arrivée vespérale à la gare de Kyôto, la mort d'un moineau dans sa cage, les bruits dans la chambre d'hôpital voisine de la sienne et raconte.

C'est ce que j'admire dans une bonne partie de la littérature japonaise : le pouvoir de transformer ces moments insignifiants en pages d'une grande poésie : J'ai craint que l'haleine que j'exhalais subitement ne fasse vibrer dans le soir l'air tranquille de la ville.
(Sôseki, Une Journée de début d'automne. Ed. Picquier. Trad. de Elisabeth  Suetsugu.)

Incipit d'actualité

A l'occasion d'un sujet d'actualité, une petite devinette : de qui est cet incipit de roman ? Pour corser la chose, je le donne dans la traduction italienne.

" Molti anni dopo, di fronte al plotone di esecuzione, il colonnello Aureliano Buendia si sarebbe ricordato di quel remoto pomeriggio in cui suo padre lo aveva condotto a conoscere il ghiacccio."

Il ne s'agit donc pas de la langue d'origine, mais quelques indices (au moins un) peuvent vous aider.

mercredi 16 avril 2014

Les yeux ouverts

En lisant le roman d'Irving, je me remémorais ces années terribles où le sida fit tant de ravage : les années quatre-vingt, et la façon dont, au départ, cette maladie fut accueillie : une punition contre l'homosexualité considérée comme une perversion, jusqu'au jour où les hétéros furent aussi touchés. Moi, j'avais une petite trentaine à ce moment-là, et j'avais plus que profité de la libération des mœurs qui suivit 68. J'ai eu la chance de passer entre les gouttes. Mais il me fallut, comme les autres, reconsidérer ma façon de faire. La légèreté disparut, gangrenée par la peur.

Autour de nous, les gens disparaissaient, de vagues connaissances puis bientôt des amis plus proches. Jean-Luc fut l'un d'eux. Il n'eut pas ma chance. Je découvris, en allant lui rendre visite à l'hôpital, ces corps allongés dans les chambres, dont certains n'étaient plus que des cadavres décharnés, la peau marquée, les joues creuses, les yeux enfoncés dans leurs orbites. Ce qui restait pour moi dans le domaine de l'imagination devenait tout à coup réalité : on mourait du sida, et dans quelles souffrances.

Après son séjour à l'hôpital, il fut envoyé dans une "maison de convalescence" dans le Beaujolais. Nous savions tous, et lui le premier, qu'il n'y aurait pas de convalescence. Sa chambre donnait sur la campagne et les prés. Et je cachais mon malaise en regardant par la fenêtre, en attendant d'être délivré, de me retrouver, moi, au soleil, vivant, honteux de l'être mais vivant. Il faut bien que je le dise : j'avais peur, en lui rendant visite, de contracter moi aussi la maladie. Bien sûr, cela paraît absurde aujourd'hui, mais, à l'époque, on se méfiait de tout : de la salive, de la transpiration, d'une simple poignée de main.

Jean-Luc était courageux, il ne se plaignait jamais en notre présence. Il en aurait pourtant eu l'occasion plus d'une fois. Ce courage me fit honte, à moi qui l'étais moins que lui. Il avait besoin de tendresse, de chaleur humaine, et moi, je faisais tout pour éviter le moindre contact. Il souriait, s'étant sans doute parfaitement rendu compte de la situation et de ma prudence.

Pourtant, un jour, je fis le pas. Il n'en avait plus pour très longtemps à vivre et le savait. Alors, en entrant dans sa chambre, je l'ai embrassé. Il avait les joues froides et en même temps couvertes de sueur. Je ne fis aucun geste pour m'essuyer les lèvres. De ce jour, ma paranoïa tomba. Je m'en veux encore de l'avoir laissé me gouverner si longtemps.

Le jour de ses funérailles, je lus les dernières phrases des Mémoires d'Hadrien, de Marguerite Yourcenar : Petite âme, âme tendre et flottante, compagne de mon corps, qui fut ton hôte, tu vas descendre dans ces lieux pâles, durs et nus, où tu devras renoncer aux jeux d'autrefois. Un instant encore, regardons ensemble les rives familières, les objets que sans doute nous ne reverrons plus... Tâchons d'entrer dans la mort les yeux ouverts.

A moi seul bien des personnages

A consulter la liste des œuvres de John Irving, je me rends compte que j'ai presque tout lu, à l'exception d'un récit et d'un texte pour la jeunesse, jamais vus en librairie. J'ai découvert cet auteur avec Le Monde selon Garp qui m'avait littéralement fait l'effet d'un coup de poing dans le ventre. Puis sont venus L'Hôtel New Hampshire et L'Oeuvre de Dieu, la part du Diable où je suis peu à peu entré davantage dans l'univers de cet écrivain. Rares ensuite sont les titres qui m'ont déçu.

A moi seul bien des personnages est dans la lignée de ses autres romans : même univers grandement déjanté, même présence de la lutte (qu'Irving pratique lui-même) et des transexuel(le)s, même déploiement de l'histoire sur plusieurs années de vie du héros. Et surtout, même absence du père. Je n'ai appris que récemment que John Irving n'avait, lui non plus, jamais connu le sien.

C'est visiblement un roman qui porte la marque de la maturité (Irving a maintenant 72 ans ! Je n'en reviens pas !). Une narration souvent explosée, qui se répète (à dessein), pour aborder (mais pas seulement) la vie (et la mort) des gays aux États-Unis pendant les années-sida (j'ai horreur de cette expression). Ce n'est pas celui-ci que je conseillerais de lire d'abord à quelqu'un qui ne connaît pas cet auteur. Il risquerait, faute de références au monde si particulier de Irving, de le trouver un peu caricatural.
(John Irving, A moi seul bien des personnages. Ed. du Seuil. Trad. de Josée Kamoun et Olivier Grenot.)

lundi 14 avril 2014

De la nostalgie, M'sieurs-Dames (20)

Lui, c'était un des acteurs préférés de mes parents. Je l'aimais bien aussi, mais plutôt dans ses rôles sérieux.
Un qui me bouleversa : le personnage de brave type qu'il incarne dans Fortunat, aux côtés de Michèle Morgan (et de Gaby Morlay, Rosy Varte, Pierre Doris, Maurice Garrel et Frédéric Robert, c'est à dire Frédéric Mitterrand).
Et puis cette chanson, en 1961 : Le petit Bal perdu (titre d'origine : C'était bien) !



Momentini

- Avons souhaité les 72 ans de Maryvonne samedi soir. Elle était pimpante et s'est mise en équipe avec moi pour gagner deux parties de belote. Jean-Claude avait, comme d'habitude, fait un dîner sur mesure, sur les conseils de Frédéric, il est vrai.

- Ma mère, très encombrée des bronches, refuse que son nouveau kiné la touche pour des massages de la poitrine. Un homme ! Et dans sa chambre ! On a parfois de ces coquetteries à 90 ans !

- Comme régulièrement tous les trois ou quatre mois, un phare de ma voiture a rendu l'âme. Je trouve ça un peu court comme durée de vie d'une ampoule. Prévoir rapidement de râler très fort chez Citroën !

- Mes voisins du dessous ont, paraît-il, encore faire des leurs vendredi en début de soirée. Je n'étais pas là et c'est à moi, une fois de plus, qu'on demande de prévenir la propriétaire. Prévoir, à l'avenir, de me rendre transparent.

- Les puces à la Feyssine dimanche matin. Gros travaux en cours pour démolir l'usine voisine et agrandir la surface consacrée aux stands. Rencontré l'ancienne standardiste de la clinique, partie en retraite juste avant moi. Son mari est brocanteur mais elle était là en simple visiteuse, comme nous. Rien vu de particulièrement intéressant.

dimanche 13 avril 2014

En panne

Je me mets devant l'écran de cet ordinateur et je me dis : "Allez, un petit effort, et ça va venir. Tu as bien des choses à raconter, tout de même, des choses qui t'intéressent, qui te font réagir...."

Eh bien non, rien. C'est déjà arrivé mais là, ça dure ! J'ai l'impression d'être complètement amorphe et décérébré. Alors, télé et petits jeux à la con. Et le bouquin qu'on me demande pour juin et qui n'avance pas parce que je n'ai pas envie en ce moment. Et le projet d'animation qui ne m'intéresse plus non plus.

Il paraît que la sève monte au printemps. Je demande à voir !

samedi 12 avril 2014

Maryse

Elle s'appelait Maryse. Une belle femme de près de 80 ans, grande, blonde, avec un maintien de princesse. Avant, elle était esthéticienne et en gardait une grande attention à sa façon de se vêtir et à sa coupe de cheveux (teints, bien sûr) toujours impeccables.

Samedi dernier, elle est allée dans sa chambre. On l'a retrouvée morte, assise sur les toilettes. Point final.

Maryse était sociable, souriante et aimait bavarder. Quand les infirmières couchaient ma mère, je m'asseyais près d'elle devant la télévision. Toujours elle s'enquérait de la façon dont s'était passée la journée. Puis, au bout de quelques secondes, elle voulait savoir si j'habitais loin, ou encore l'âge de ma mère.

Un silence puis les questions reprenaient : "Alors tout s'est bien passé ? Et vous habitez loin ? Et votre mère, elle a quel âge ?".

Maryse perdait ce qui lui restait de tête... Maintenant le fauteuil est vide. C'est toujours le premier que je vois en entrant au salon. Maryse avait choisi une position stratégique dans sa politique de communication.

mardi 8 avril 2014

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (135)

Benjamin Britten.War Requiem, In paradisum.
Là, on n'est pas loin de Fauré !


Peter Grimes

Le 10 avril débute à l'Opéra de Lyon un festival Britten qui propose trois de ses opéras : Curlew River, Le Tour d'écrou (d'après une nouvelle d'Henry James) et Peter Grimes.

J'ai assisté hier soir à la générale de ce dernier opéra qui, chronologiquement, fut le premier (1945) et rendit le compositeur célèbre. Je ne connaissais auparavant Benjamin Britten que par des compositions pour chœurs et le fameux War Requiem, que je ne suis jamais parvenu à écouter en entier.

Que dire de la représentation d'hier soir ? Une trop grande première partie (deux heures) avant l'entracte, suivie d'une seconde d'à peine une demi-heure. N'y avait-il pas moyen de faire autrement ?

Omniprésence des chœurs, mais ça, je ne m'en plains pas. Belles voix de solistes.  Mise en scène intéressante, au décor minimaliste, mais loin derrière l'inventivité de celle de Cœur de Chien, précédent spectacle auquel j'ai assisté.

Enfin, de la place où nous nous trouvions, seul le sous-titrage au-dessus de la scène était visible, pas ceux latéraux, ce qui obligeait à une gymnastique à la longue pénible du cou, le texte étant très développé.

En résumé, un plaisir mitigé mais la confirmation d'une certitude : j'aime la musique de Britten.

lundi 7 avril 2014

Mickey Rooney (1920-2014)

Vous vous souvenez de lui ? Moi, je le croyais disparu depuis longtemps. Eh bien non ! Il est mort hier à l'âge de 94 ans. Je l'aimais bien quand j'étais enfant, avec sa bonne bouille pas franchement sexy, sa petite taille et sa vitalité débordante.

Il a d'ailleurs débuté très jeune, à cinq ans sur les planches, à six à l'écran. Son physique peu hollywoodien ne l'a pas empêché de se marier huit fois, dont une avec la sublime Ava Gardner, avant qu'elle ne soit célèbre. Mais c'est surtout de sa relation privilégiée à l'écran avec Judy Garland dont je me souviens.

On doit faire des cabrioles aujourd'hui au paradis...


dimanche 6 avril 2014

Formichina

“Formichina, formichina
dove vai questa mattina?”
“Vado in giro per il mondo,
tutto tondo, tutto tondo,
ma un bel giorno tornerò
e un bacino ti darò ;
ti darò un bel bacino
sulla punta del nasino”.

Je cherchais à vérifier les paroles d'une comptine italienne dont je me sers souvent pour chatouiller mes amis (enfin, un de mes amis surtout). Je ne l'ai pas trouvée. En revanche, j'ai découvert celle-ci, toute mignonne, toute gentille, que j'ai bien l'intention d'utiliser aussi une fois que je l'aurai apprise.

La traduction ?

"Petite fourmi, petite fourmi,
Où vas-tu ce matin ?"
Je vais faire un tour de par le monde,
Tout rond, tout rond,
Mais un beau jour, je reviendrai
et un baiser te donnerai ;
Je te ferai un beau bisou
Sur la pointe de ton petit nez."

C'est plus joli en italien, non ?

Un week-end éreintant !

Un week-end passé à festoyer ! D'abord samedi, midi et soir, chez Patrick et Francine, pour l'anniversaire de Jean-Claude et Pierre. Toute la journée dans le restaurant ou à la terrasse, pendant que ces dames du quartier arpentaient le trottoir avant de pénétrer dans une voiture qui les ramènerait quelques instants plus tard pour.... arpenter le trottoir et monter dans une autre voiture qui les... etc. Bon repas, comme d'habitude, trop abondant comme d'habitude. Patrick fait un punch qui me rappelle celui de Kicou.

Aujourd'hui, chez Colette, pour l'anniversaire de.... Jean-Claude et Pierre. Et que du léger : de la choucroute en plat principal ! Vous voyez : pas d'excès ! Ce soir, même pas faim, même pas soif. Dodo devant la télé ! Et, juste après ça, dodo tout court.
PS : les Dupond(t) se sont tenus à carreau. Ou alors je ne les écoute plus assez .)

vendredi 4 avril 2014

De l'Italie, entre autres

Soirée chez Jean-Claude hier pour y faire la connaissance d'un très vieil ami à lui, qu'il n'avait jamais revu depuis plus de trente ans, et de son ami. L'un lyonnais d'origine, l'autre parisien. Toujours un peu délicat, ces soirées. Pour J-C d'abord : les années passant, a-t-on encore quelque chose à sa dire ? L'amitié qui liait a-t-elle perduré ? L'autre n'a-t-il pas trop changé ? Pour moi aussi : je suis toujours un peu en retrait lors de la rencontre de nouvelles connaissances. Et si il n'y avait aucun atome crochu ? Ce genre de soirée peut être terriblement ennuyeuse.

Me voilà rassuré aujourd'hui : Daniel et Henri m'ont immédiatement plu. Par leur simplicité d'abord et par leur bonne humeur. Pas de gêne entre les participants, à aucun moment. Et puis, ce sont deux amoureux de l'Italie qu'ils connaissent bien. Inutile de dire sur quoi la conversation a porté une bonne partie du repas. A tel point qu'en rentrant chez moi, je me sentais un peu gêné d'avoir autant "tenu le crachoir" ! Il ne faut jamais me brancher sur un tel sujet...

C'est à vous

A vous, si cela vous dit, de mettre sous cette photo un titre, une phrase ou un petit texte qu'elle vous aurait inspiré. (Vous pouvez l'agrandir en cliquant dessus.)

jeudi 3 avril 2014

Paradoxe

Repris aujourd'hui l'écriture de mon "livre". Toujours sans plan, je ne sais pas faire autrement. J'espère que cela plaira mais je redoute le travail de remise en forme ultérieur. Quand un professeur de fac m'avait traité d'impressionniste, il n'avait sans doute pas tort. Je crois que, outre mon aversion d'origine de me laisser contraindre dans ce que j'écris, la tenue de mon blog peut aussi expliquer cet état de fait. Rien de plus libre que ces billets quasi journaliers, aussi bien pour la forme que pour le fond. Je ne suis que mon bon vouloir.

Marie-Claire, rencontrée l'autre jour par hasard, me le faisait justement remarquer : ce qui me ralentit beaucoup sur ce projet, c'est le fait qu'il m'ait été "imposé". Je suis comme le loup face au chien dans la fable : je ne supporte pas le collier, même si en porter un peut contribuer à améliorer l'ordinaire.

Mais j'ai conscience en même temps que ce que j'écris là est totalement paradoxal. Si je n'avais pas été "contraint", je ne l'aurais jamais fait. D'ailleurs, dès que je m'y remets, ce qui me demande toujours un effort, j'y prends vite un grand plaisir et les idées jaillissent au fil de la plume. Alors ? Alors rien : je dois foncièrement être un anarchiste qui a besoin d'être guidé !

mercredi 2 avril 2014

Surfaces annonciatrices



Lorsque j'ai commencé ma collection d'Annonciations, ce qui m'intéressait, c'était le sujet religieux, l'immensité du symbole que représentait ce moment suspendu entre l'avant et l'après. Bien vite cependant, je me suis davantage intéressé aux détails qu'aux deux personnages principaux, souvent académiques et contraints par les lois de la peinture religieuse de l'époque. L'arrière-plan surtout me fascinait : les artistes, qu'ils soient d'Italie ou des Flandres, y représentaient presque toujours un paysage de campagne ou de ville, tantôt réaliste, tantôt totalement onirique : ce que l'on voyait par la fenêtre.

Quand je me suis mis à la photographie, j'ai vite été attiré par les fenêtres et par les portes, humbles ou massives, ouvragées ou simplissimes. Et par la prise du même lieu, une place, un immeuble, à divers moments de la journée ou de la nuit, en différentes saisons, sous le soleil ou par temps brumeux. Je crois que cet engouement me vient de cette vieille collection d'annonciations qu'il faudrait bien que je mette à jour à un moment donné. 

Et ça, je l'ai compris cet après-midi en visitant l'exposition de l'espace culturel de la Fondation Bullukian, place Bellecour. En ce moment, la salle présente une exposition, Passages, en collaboration avec le Musée Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône. Peu d’œuvres présentées mais de qualité, de six artistes régionaux : Damien Beguet, Fabrice Lauterjung, Jérémy Liron, Aurélie Pétrel, Jean-Antoine Raveyre et Jacques Truphémus.

Pour ma part, je ne connaissais que ce dernier. Mais ce sont les toiles de Jérémy Liron qui m'ont le plus retenu. Une série de sept tableaux, intitulée Tentative d'épuisement, représentant la façade d'un immeuble, toujours le même, d'où sans doute le titre. Un immeuble moderne aux lignes géométriques et rugueuses avec, parfois, invasion du végétal qui, alors, fait peut-être figure de danger. Cela ne pouvait que me plaire.

D'ailleurs, le prospectus de la Fondation, fait référence, pour présenter Jérémy Liron, à une phrase de Maurice Denis. Or, c'est en découvrant une des Annonciations de ce peintre que j'ai eu, il y a très longtemps, l'idée de commencer ma collection.

Jérémy Liron vit et travaille à Lyon.

mardi 1 avril 2014

Buongiorno Roma

Voilà, je peux vous l'annoncer aujourd'hui avec certitude. J'attendais par peur que cela ne marche pas et que l'affaire me passe sous le nez. D'ici quelques mois, le temps de régler les affaires en cours, je pars m'installer à Rome.

J'ai trouvé un petit appartement dans le Trastevere, grâce à Stefania, la dame qui nous a loué pendant deux ans et qui désire se débarrasser de son bien. L'avantage, c'est que je le connais déjà. Pas besoin de plusieurs allers et retours inutiles. En plus, ce petit nid sous les toits m'a toujours plu.

Inutile de vous dire ma joie à cette perspective! Moi qui en ai toujours rêvé ! Je m'imagine déjà déambulant en toutes saisons dans les rues de la Ville Éternelle, la plus belle au monde pour moi, prenant mon verre de blanc frais aux terrasses de Sainte-Marie du Trastevere, visitant les nombreux musées que je ne connais pas encore et me fondant dans cette foule à la fois joyeuse et mélancolique.

J'espère bien, une fois installé, avoir la visite de quelques-uns d'entre vous. Nous mangerons des Penne al dente....

Tous les bonheurs sont provisoires

Une sorte de chronique douce, parfois amère, de Pascal Sevran, en dehors de son journal. J'y ai retrouvé le même style simple et fluide, et son humour parfois un peu acide : Mes copains de classe voulaient être gendarme ou pompier. Moi, j'envisageais sérieusement d'être trapéziste chez Pinder. Étrange vocation et preuve formelle s'il en est, qu'il ne faut pas céder aux enfants qui veulent aller au cirque avant d'avoir terminé leurs devoirs de français.

Petit livre consacré essentiellement à son prix Roger Nimier, à l'amitié de Dalida et à l’élection de Mitterand à la Présidence avec narration de l'ascension de la roche de Solutré avant et après. Lecture qui fut un bonheur rapide, et sans doute provisoire...
(Pascal Sevran, Tous les bonheurs sont provisoires. Ed. Albin Michel.)