dimanche 31 octobre 2010

Pour voir si ça marche toujours (mais pas seulement)

Maintenant que j'ai trouvé comment on fait.....




Encore un air qui m'a fait très tôt rêver (la chanson est de 1964). D'abord, le titre, que, bien sûr, je ne comprenais pas. Melocoton, en espagnol, veut dire "pêche". Je le sais maintenant, et alors? Moi, ce qui me plaisait, c'était cette mélodie un peu répétitive, à la fois douce, mélancolique et gaie, et surtout la voix de Colette Magny qui me transperçait de chaleur. Colette Magny est morte en juin 1997.

Momentini

- Hier, journée dans la Bresse. Que d'eau, que d'eau! Et je ne parle pas ici des étangs dont l'étranger nous achète les carpes pour s'en régaler alors que nous, nous les boudons. Repas grenouilles, agrémenté de rires et de plaisanteries diverses (Qui a été surpris du rince-doigts qu'on lui offrait?!). J'ai pu revoir Aurélien un instant, entre deux repas de sa fille qui, pour six mois, est déjà une grande costaude. Comme papa!

- Le matin, passage à Saint-Chef (en Dauphiné), que j'avais découvert l'an dernier à la nuit tombante. Cette année, c'était sous la pluie et dans le froid. Il faudra reprendre ça calmement et y retourner dans le but unique de visiter. Petite devinette: qui est la gloire du village (abbatiale mise à part), au point qu'on a donné son nom à une des places, devant la maison où il habita?

- Nicolas rencontré à la Part-Dieu. Je cherchais un égouttoir, lui des étagères pour salle de bain! Passionnant, non? (Je sens que ça va plaire à Lancelot!). De quoi avons-nous parlé, nos paquets encombrants sous le bras? Du roman qu'il vient de publier et de mon blog. On est vraiment capables de s'abstraire totalement de la réalité ambiante, tous les deux!

- Je suis un fou gourmand de pâte de coings (entre autres!). Depuis que mon père, qui en faisait une excellente, est décédé, l'éventualité d'en voir apparaître une petite barquette dans mes placards est devenue assez mince. Parfois mon frère. Alors que faire? Ce soir, j'ai répondu: la faire soi-même! Elle est entrain de refroidir dans deux récipients, bien lissée à la spatule avant qu'elle ne durcisse. Je ne sais pas si elle sera bonne, mais elle ressemble assez à ce qu'elle doit être, normalement.

- Si je dis que les scorpions du jour sont Marie Laurencin (1883) (oui, oui, celle des aquarelles de Joe Dassin!), Colette Magny (1926), Roger Nimier (1925), Jan Vermeer (1632), Adamo (1943) et Jeanie Longo (1958), certains vont-ils encore crier à la manipulation et au scandale!!! En tout cas, les susnommés (que je ne nommerai pas, d'ailleurs) seront bien obligés de reconnaître que je ne suis pas sectaire!

La ménagerie de mon bureau (3)

Un petit âne noir aux quatre sabots blancs. Provenance inconnue. Il était à Pierre. Rapporté sans doute d'un pays du sud, Espagne, Sicile ou Maroc, je pense. Un air assez mutin, du genre à ne pas trop obéir aux rênes de cuir rouge qui lui pendent au cou. Un vêtement de franges et de pompons, une selle de velours. Un beau chapeau de paille, transpercé par deux oreilles, je ne vous dis que ça. Et la queue bien dressée. Il ne rappelle plus rien à personne. Il ne me gêne pas, dans le coin d'une bibliothèque. Je ne sais pourquoi, cet objet m'évoque, lorsque je le vois devant une série de livres de psychologie de l'enfant et de pédagogie (il est bien placé, n'est-ce pas, mon âne!), l'odeur du mimosa et un marché de Provence.

(Derrière l'âne, on peut aussi voir sur la photo le cheval et le toucan.)

samedi 30 octobre 2010

Pourvu que Dieu leur prête vie

Il y avait bien aussi une petite femme à la belle voix. Elle s'appelait Frida Boccara, mais qui se souvient d'elle?

Au Concours Eurovision 1969, la France finit, avec cette chanson, première ex æquo, partageant le podium avec l'Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.



(Vous avez vu, j'ai bien retrouvé le son!)

vendredi 29 octobre 2010

Petits scorpions deviendront grands

Les nés du jour, catégorie acteurs:
Eddie Constantine (1917)
Pierre Doris (1919)
Edwige Feuillère (1907)
Richard Dreyfuss (1947)
Jess Hahn (1921)
Gérard Klein (1942)
Winona Ryder (1971)
Akim Tamiroff (1899)
Du beau monde, non?
Chez les écrivains: Jean Giraudoux (1882)
Et enfin, nos deux héros nationaux, sans qui nos ancêtres les gaulois n'auraient pas été ce qu'ils ont été: Astérix et Obélix (1959)

jeudi 28 octobre 2010

A vau l'eau

Il est bientôt minuit. Combien de fois me suis-retrouvé depuis trois ans devant cet écran à cette heure-ci? Combien d'heures ai-je passées à lire les autres, à écrire, à mentir, à faire croire que j'étais gai alors que j'étais triste, à faire croire que j'étais triste, à accentuer ma tristesse pour me faire plaindre, à enjoliver les choses du vécu, à faire d'un rien un écheveau de sensations, d'une anecdote un ressenti profond, à lancer des messages, à brouiller des pistes? Combien?

Et pourtant si je reprenais ces billets depuis le premier, si j'avais le temps et le courage de les relire, ces 1924 traces laissées derrière moi comme un escargot sa bave, je suis sûr que le portrait serait assez ressemblant à l'original, avec quelques ombres par ci, quelques gommages par là mais, au final, profondément honnête, ou pas plus malhonnête que l'image donnée de moi dans la vraie vie, donnée par chacun de nous dans la vraie vie.

J'entendais un jour quelqu'un dire qu'il fallait se méfier des relations virtuelles, que les amitiés sur le net n'étaient pas faites pour durer, que certains dont on s'était senti proche disparaissaient un soir sans un mot d'explication, encore moins d'au revoir. Mais en est-il autrement dans la "vraie" vie? Retournez-vous, regardez dix ans en arrière: combien vous en reste-t-il, de ces amis indéfectibles, combien vous ont lâché, combien en avez-vous lâché, combien la vie en a-t-elle éloigné? Je disais autrefois, et c'était vrai, que j'étais plus fidèle en amitié qu'en amour (physique). J'ai changé et c'est aujourd'hui l'inverse. Les amis, je les laisse dériver. Ceux qui comptaient le plus sont morts aujourd'hui. Les autres sont libres. S'ils s'en vont, leur absence me surprend, elle ne me peine plus guère. Est-ce cela vieillir?

En relisant ce billet, je me rends compte que mes pensées sont un peu parties à vau l'eau. Dégénérescence cérébrale, vous croyez? Déjà?

Message à caractère privé

Je tiens à prévenir Dame K. que la marchandise a été chez elle envoyée, comme promis, en cette semaine de vacances. Troisième volet donc, à l'heure où le monde referme les siens! Ce fut un bon moment pour moi!

mercredi 27 octobre 2010

Congestion

Voici ce qu'en ouvrant comme tous les soirs la boîte mails de mon blog, j'ai découvert tout à l'heure (en spam, il est vrai!)

Cher Membre.
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Ces informations seront utilisées pour vous fournir un accès personnalisé.
Merci et bonne chance.


Bien que touché au plus profond par ma reconnaissance de "cher membre" en début de message, je voudrais dire au monsieur (ou à la dame, ne soyons pas sexiste!) qui m'a envoyé ça:
1°) que je suis désolé pour tous les utilisateurs congestionnés mais qu'avec ce changement de temps, il n'y a rien d'étonnant: qu'ils se tiennent au chaud et si les symptômes persistent, qu'ils n'hésitent pas à consulter.

2°) que le futur du verbe être à la première personne du pluriel, c'est nous "SERONS" mais que l'infinitif d'un verbe du premier groupe est en -ER. Ainsi en va-t-il pour "fermer".

3°) que le mot "compte" en français est masculin, et qu'il n'existe pas au féminin de "comptesse"!

4°) que dans la plupart des langues du monde, nous avons à disposition une ponctuation destinée à la meilleure compréhension du texte et qu'elle n'est pas faite pour les chiens.

5°) que je le (la) remercie pour ses vœux de bonne chance en fin de message, bien que je ne voie pas en quoi remplir un questionnaire relève d'une quelconque intervention de la chance, mais qu'il (elle) n'aura pas celle de lire mes réponses que je garde par devers moi si ça ne le (la) dérange pas.

6°) que je suis prêt à lui donner quelques cours d'orthographe et de grammaire moyennant paiement par carte bancaire dont il voudra bien me confier le code secret.

7°) que, s'il cherche à récupérer son message, il est dans la poubelle où je l'ai mis, seul endroit digne de lui à mon sens et où je lui réserve, moi aussi, un accès personnalisé!.

mardi 26 octobre 2010

Le dernière cueillette

Ce matin, il faisait beau sur la vallée de l'Azergue, même si la température ne dépassait pas les 5 degrés. Les ors et les rouges étaient enfin là, magnifiés par le soleil. Dernière cueillette au Col des Echarmeaux, même si, au final, cette récolte ne fut pas moindre que les précédentes en violets et en chanterelles grises (plus quelques ceps dont il faudra vérifier s'ils sont comestibles ou pas). Les sous-bois étaient encore gelés par endroit. J'avais mis une de ces grandes chemises de mon père, que l'on enfile par le bas et dont le pan très long sur les fesses rend totalement hermétique au froid.

A midi, l'Auberge des Tilleuls étant fermée, nous nous sommes rabattus sur sa voisine, beaucoup plus ancienne si l'on en croit les reproductions de vieilles cartes postales épinglées sur le mur de la salle à manger: l'Auberge des Echarmeaux. Menu à 10 Euros, tout simple: charcuterie ou salade, couscous, fromage ou dessert. Un euros de plus pour le café et 6 pour le pot de Côtes. Correct, non? Et bon.


Mais l'intéressant, c'est l'auberge elle-même qui, autrefois, a dû posséder des chambres et dont la publicité vantait la salle d'une capacité de 300 couverts. Aujourd'hui, tout cela s'est endormi: on entre par le bar, vieillot, dont la seule originalité est une douzaine de pendules murales, toutes les mêmes, donnant l'heure dans les différents coins du monde; A gauche, une salle avec des tables métalliques, autrefois salle du billard dont il ne reste rien. Au fond, des toilettes à classer, question "esthétique", immédiatement après celle du restaurant de la Chaise-Dieu qui jouxte l'abbatiale.

Pour parvenir à la salle à manger, il faut traverser le bureau du patron où l'on est surpris de voir l'écran d'un ordinateur allumé près d'une "desserte" des années cinquante en faux bois de palissandre et d'un vieil appareil de chauffage des mêmes années dont le tuyau chemine un moment dans la pièce avant de disparaître dans le mur. Comme cela me faisait repenser au Cantal de cet été!

La salle: des nappes vichy sur les tables, un plancher en tommettes rouges dont certaines (emplacement d'un mur autrefois?) ont disparu, un papier peint (chambre rose) que je pensais ne plus jamais revoir et des décorations improbables. Au fond, une fenêtre obturée donnant sans doute dans un hangar. Coup d'œil trop rapide en passant pour pouvoir décrire les cuisines.

L'établissement est à vendre. Le patron semble avoir la soixantaine; la serveuse est attentive et experte. Pourtant on ne sent pas la vie ici: quelque chose au contraire qui s'endort, qui s'éteint, qui meurt. Il y en a combien en France, de ces auberges campagnardes qui connurent leurs heures de gloire et de prospérité à l'époque où les habitants des grands centres urbains, encore nouvellement arrivés en ville, avaient besoin, le dimanche, de retrouver la terre sous leur souliers, l'odeur des bois dans leurs narines et les franches agapes autour d'une grande table rustique? Aujourd'hui, cela n'intéresse plus guère, à part les ramasseurs de champignons, quelques fous du vélo et deux ou trois touristes qui mangent là parce qu'il est midi. Pas de quoi les faire vivre! L'Hôtel des Nations, également sur le Col, est fermé depuis septembre. Si nous repassons par là l'an prochain, l'Auberge des Echarmeaux existera-t-elle encore? J'en doute!

lundi 25 octobre 2010

Des Hommes et des Dieux

Parler d'un film après les autres, quand tout le monde ou presque l'a encensé, est assez difficile. Cet après-midi, j'ai vu Des Hommes et des Dieux, de Xavier Beauvois. Petite salle (le film est tout de même sorti depuis presque deux mois), public peu nombreux et assez âgé. Seule la vibration d'un quelconque appareil d'aération est venu parfois perturber le calme ambiant.

Bien sûr, on ne peut pas, je pense, ne pas aimer ce film pétri de bonnes intentions et de bons sentiments, mais jamais simpliste et dont la manichéisme est pratiquement absent. On ne peut pas non plus lui reprocher, comme certains l'ont fait, de présenter à dessein une image idyllique de ces huit moines pour en faire, comme pourrait le suggérer le titre mal interprété, des dieux, ou des saints, après avoir été des hommes.

Mais même avec sa durée de deux heures, ce film est un film, c'est à dire une expression artistique pour moi trop rapide si je la compare aux heures passées à la lecture d'un roman, à s'imprégner vraiment d'une atmosphère, de personnages qui finissent par "prendre chair" en nous. Je n'ai jamais cette sensation au cinéma. Ici plus qu'ailleurs sans doute: raconter les trois dernières années de vie de ces moines du Monastère du Haut-Atlas , leurs doutes, leurs peurs, leur foi, leur engagement et leur acceptation de la mort en si peu de temps relève de l'exploit (J'en profite pour préciser que l'acceptation de leur destin par ces hommes n'est en rien, jamais, une recherche du martyre mais bien plutôt le choix de rester en conformité avec ce qu'ils ont toujours été, ce qui les a toujours tenus).

Ce n'est donc pas cet aspect qui m'a le plus ému ou intéressé, pas plus que les chants religieux dans leur chapelle ou les images de neige dans la campagne algérienne. Ce qui m'a fasciné, ce sont les visages de ces hommes. Comme pour Thérèse, d'Alain Cavalier (du moins, c'est le souvenir que j'en ai), les gros plans sur ces visages contiennent toute la force du film: qu'on les regarde comme ceux des vrais moines de Tibhirine ou, avec un peu de recul, comme ceux des acteurs en train de jouer, ils sont splendides.

Une des scènes ultimes les montre accueillant le dernier venu, le soir, autour de la table où tous, exceptionnellement, tiennent un verre de vin à la main. Beauvois a choisi, pour accompagner ce passage, la musique du Lac des Cygnes de Tchaïkovski. D'abord choqué par ce choix, j'en ai été ensuite profondément ému lorsque les expressions des moines passent de la gravité au rire puis à la douleur, aux larmes et à une certaine sérénité. Ce sera leur dernière soirée au monastère.

En cela, ce film est un grand film: dire sans une phrase, sans un mot, rien qu'avec des rides et des yeux, autant d'amour et de souffrance, autant de peur et de sérénité, c'est rare.

Je ne voudrais pas finir sans dire combien j'ai aimé Michael Lonsdale, ici Frère Luc au service des populations locales, un des seuls à ne jamais avoir douté de sa décision de rester. Bêtement, sans cesse en le voyant, j'ai pensé à mon père.

dimanche 24 octobre 2010

Momentini

- Levé tôt ce matin, malgré la grisaille. Peu dormi et pourtant en forme. Ménage, cuisine et marché à Saint-Louis, je ne sais plus dans quel ordre. L'après-midi chez ma mère, abruti par une sieste profonde. Lu du Zweig et repris, enfin, L'Histoire d'Edgar Sawtelle. Pour rien au monde, je n'aurais bougé davantage.

- L'ancien cimetière de la Guillotière commence à se réveiller. On y croise des gens à l'air un peu perdu (eh oui, ils ne viennent qu'une fois par an), les bras chargés d'un chrysanthème surdimensionné, comme si la taille effaçait tout, le visage de ceux qui veulent donner à croire qu'ils accomplissent un acte définitif. Demain, ils auront oublié. Je les envie parfois.

- Je suis en vacances. J'ai bien l'intention d'en profiter pour, encore une fois, ranger, trier, jeter, donner. Le ferai-je? En tout cas, l'intention, je l'ai.

- J'ai commencé à tailler les plantes de mes balcons. Si le froid persiste et s'aggrave, je ne tarderai pas à les rentrer. C'est un cérémonial que j'aime, celui de leur trouver une place harmonieuse sur le palier. Ensuite, il faudra nettoyer les balcons et fermer les fenêtres. Je ferme déjà les volets la nuit, pour garder la chaleur.

- Je trouve que, depuis deux ans, l'automne se marque moins de couleurs flamboyantes, de ces ors et bordeaux qui font que je l'aime tant. Maintenant, on passe du vert au terne et au flétri sans transition ou presque. Aujourd'hui ne ressemblait à rien.

- J'ai eu vendredi pour la première fois en main une pièce de 5 euros. Elles ne sont pas belles, trop blanches. Et Marianne a de plus en plus l'allure d'une fille délurée, plus attentive à mettre en évidence les atouts de son buste qu'à défendre la réalité des trois mots qui sont gravés sur l'autre face.

- Mes Momentini font des petits chez les Bretons, mâle et femelle. J'en suis très heureux! Mais au fait, comment appelle des petits de momentini? Des momentinouni? Des momentininetti? Je crois que, pour ma part, je vais faire mienne l'idée de Valérie de Haute-Savoie d'une photo par jour illustrant un moment de cette journée.

Le Bouquiniste Mendel

Parfois mon libraire scolaire me fait des cadeaux. Vendredi, j'ai ainsi récupéré une nouvelle de Stefan Sweig offerte par Grasset pour l'achat de deux "Cahiers rouges": Le Bouquiniste Mendel. Je l'ai lue aujourd'hui pour oublier le temps qu'il faisait dehors.

Sweig semble être très à la mode en ce moment. De lui, j'ai lu bien sûr La Confusion des sentiments et une biographie, Marie Stuart, livres que j'ai appréciés sans qu'ils me touchent vraiment.

Or la nouvelle lue aujourd'hui m'a bouleversé, sans doute parce que j'y ai trouvé beaucoup de résonances intimes. A Vienne, pour se protéger d'une violente averse, un homme entre dans un café et finit par se rendre compte qu'il fréquentait ce même café des années plus tôt quand il était étudiant. Là, il s'était pris de vénération pour un vieil homme, bouquiniste à la mémoire phénoménale plongé sans cesse dans les livres ou les catalogues. La nouvelle raconte, par l'intermédiaire de la seule survivante de l'époque à l'avoir connu, comment cet homme a disparu dans la tourmente de la guerre.

Livre court (une cinquantaine de pages), écrit à l'ancienne (c'est-à-dire, pour moi, dinosaure, bien), la nouvelle s'attache moins aux mouvements de cette époque tragique qu'à la personnalité de cet homme, fou magnifique, à qui l'amour des livres masque totalement le monde qui l'entoure. Et c'est sans doute ça qui m'a touché au plus profond.

Mendel n'était plus Mendel, comme le monde n'était plus le monde. Quand il lisait, il ne se berçait plus dans une contemplation béate. Il restait assis immobiles, ses lunettes braquées machinalement sur le livre. On ne savait au juste s'il lisait ou rêvait. Souvent, sa tête s'inclinait lourdement sur le livre, il s'endormait en plein jour. Parfois,il fixait pendant des heures le bec fumant de la lampe à acétylène qu'on avait mise sur sa table à cette époque où l'on manquait de tout. Non, Mendel n'était plus Mendel. Il n'était plus un être miraculeux, mais une misérable loque humaine affalée sur son siège. Il ne faisait plus la gloire du café Gluck. Il n'était plus qu'un importun, un parasite crasseux et dégoûtant. C'était du moins l'opinion du nouveau propriétaire, M. Gurtner, qui ne pouvait surtout pas admettre qu'on occupât une table du matin au soir en ne consommant que deux bols de lait et quatre petits pains.
(Le Bouquiniste Mendel, Grasset, trad. de Manfred Schenker.)

Tout au long de ma lecture, j'ai eu en tête ce vieil homme qui habitait la rue voisine de la mienne, que je croisais parfois plié à l'équerre sur son panier et dont il ne reste plus aujourd'hui que deux fenêtres dans un immeuble étrangement ouvertes sur l'obscurité.

Autrement

Je viens de découvrir un texte assez intéressant de ce vieil Hérodote (V° siècle avant J-C) qui me semble bien approprié en ces temps de "réflexion" sur la différence:

Les Égyptiens, qui vivent sous un climat singulier au bord d'un fleuve d'une nature différente de celle des autres fleuves, ont adopté aussi presque en toutes choses des mœurs et des coutumes à l'inverse des autres hommes.

Chez eux, ce sont les femmes qui vont au marché et vendent les produits au détail, les hommes restent à la maison et tissent. En tissant, dans les autres pays, on pousse la trame vers le haut; en Égypte, on la pousse vers le bas. Les hommes y portent les colis lourds sur la tête; les femmes sur les épaules. Les femmes urinent debout, les hommes accroupis. Ils font leurs besoins dans les maisons et mangent dans les rues, en expliquant qu'il convient de faire en se cachant les choses indispensables qui sont indécentes, et en public les choses qui ne le sont pas.

(...) Il n'est pas du tout obligatoire pour les fils de nourrir leurs parents s'ils ne veulent pas le faire, mais pour les filles, c'est une obligation stricte, même si elles ne veulent pas. Dans les autres pays, les prêtres des dieux portent les cheveux longs; en Égypte, ils se rasent. Chez les autres peuples, c'est la coutume, en cas de deuil, que les proches se tondent la tête; les Égyptiens, quand des décès se produisent, laissent pousser leurs cheveux et leur barbe, alors que jusqu'alors ils étaient rasés.

(...) Les Grecs alignent les caractères d'écriture et les cailloux des comptes en déplaçant la main de gauche à droite; les Égyptiens de droite à gauche et, ce faisant, ils disent que ce sont eux qui sont droitiers et que les Grecs sont gauchers.

( Hérodote d'Halicarnasse , L'Enquête, II,35-36. Les Belles Lettres, trad. de Ph-E Legrand.))

Brace Hérodote, ouvert au monde mais dans les propos duquel on sent tout de même parfois le jugement pointer le bout de son nez (grec!) au milieu de la constatation!

samedi 23 octobre 2010

La ménagerie de mon bureau (2)

Elle m'avait rapporté ça d'un voyage au Brésil. Pourquoi à moi, je ne l'ai jamais su. C'était une élève sage et assez effacée, peu sûre d'elle, dont le rouge teintait violemment le visage dès qu'elle osait enfin, du fond de la classe, lever la main pour donner une réponse. Sa meilleure amie était la fille d'une restauratrice de Fourvière, tout aussi timide qu'elle.

Marie-Laure, elle, était la fille de la secrétaire. Des années plus tard, j'ai appris qu'elle s'était mise en ménage avec quelqu'un de beaucoup plus vieux qu'elle et que les rapports avec ses parents s'étaient tendus à l'extrême, à cause de cette relation en particulier. Elle avait fait front et n'avait pas cédé. Marie-Laure, la si douce, avait sorti les crocs!

Il est toujours sur mon bureau, ce toucan porte-bonheur. Je ne sais pas s'il a rempli son rôle depuis toutes ces années. Il est parfois caché sous les piles de documents et de papiers divers qui encombrent régulièrement mon meuble de travail. C'est un toucan de pierre, en trois pierres exactement, dont je ne connais pas les noms: une veinée claire (comme du marbre) pour le socle, le bec et le sommet du crâne dans une autre, jaune vif, et le corps taillé dans une troisième, noire brillante, où l'empennage des ailes et de la queue est stylisé à l'extrême.

C'est un des objets auxquels je tiens, celui-ci par reconnaissance. Il y en a quelques-uns chez moi, peu mais qui ne me quitteront pas. J'ai revu Marie-Laure une seule fois au collège, après sans doute la réconciliation avec ses parents. Je lui ai rappelé le toucan. Elle ne l'avait pas oublié.

Solution

Oui, c'était bien la proposition d qu'il fallait choisir. La a, la b, la e et la f ne pouvaient convenir, l'adjectif n'y étant pas accordé avec le nom. La g était aussi incorrecte puisque le mot "fiançailles" ne possède pas de singulier. La c était tentante mais "aucun" ne prend la marque du pluriel qu'avec des mots toujours pluriel, comme fiançailles justement, alors que "risque" au singulier existe. Bravo à (presque) tous. Personnellement, j'ai appris quelque chose: jusque-là, je pensais que "aucun" ne pouvait se mettre au pluriel (sauf dans "d'aucuns", bien entendu, mais qui a un autre sens). Allez, je vous mets tous 10, comme à l'École des Fans.

vendredi 22 octobre 2010

Et si on jouait au prof de français....

D'après vous, et sans tricher, quelle est la seule correcte parmi les propositions orthographiques suivantes? Pouvez-vous expliquer pourquoi? Si vous vous trompez, ce n'est pas bien grave: je l'ai moi-même appris seulement ce matin par la radio (et ai pris tout de même la précaution de vérifier):
a)aucun travaux
b)aucune funérailles
c)aucuns risques
d)aucunes fiançailles
e)aucuns résultat
f)aucunes chance
g)aucune fiançaille

jeudi 21 octobre 2010

La ménagerie de mon bureau (1)

Le petit cheval de bronze est là, tout près du clavier, à la fois stylisé et singulièrement expressif. Il n'a quasiment pas d'épaisseur, à peine plus qu'une feuille cartonnée. Il doit se regarder de profil, avec ses arabesques sur le corps et sa crinière peignée et rangée en symétrie. Une légère patine verte sur les flancs, alors que, je m'en rends compte ce soir, ses naseaux brillent comme s'ils avaient été frottés. Le déplacerais-je toujours par ce côté, sans même m'en rendre compte? Il est là depuis longtemps, depuis les nombreux voyages en Grèce avec les élèves de Langues Anciennes. Il me les rappelle, les élèves et les voyages, et derrière lui se profilent, quand je le regarde, une rue ensoleillée d'Athènes, les routes tortueuses du Péloponnèse ou le goût d'une orange fraîche à l'ombre des blocs de Mycènes.

mercredi 20 octobre 2010

En passant

En passant, et sans vouloir me moquer, je précise à tous ceux qui se sont extasiés il y a dix jours sur la date du 10/10/10, qu'aujourd'hui nous sommes le 20/10/2010. Et ça, personne n'en parle, sauf Calyste bien sûr!

Au chat et à la souris

Puisque les incidents remontent presque maintenant jusqu'à ma porte, à la station de métro Garibaldi par exemple, j'ai voulu cet après-midi aller voir d'un peu plus près l'œil du cyclone, la Place Bellecour.

Sur Gambetta où ont défilé les dernières manifestations, beaucoup de monde à pied, non pour manifester mais la plupart sans doute pour économiser les derniers litres d'essence. Quelques vitrines présentent des impacts de projectiles, je n'en ai vu aucune détruite. Sur le pont de la Guillotière, beaucoup de monde aussi mais ambiance calme, comme détendue par l'apparition tardive du soleil.

Les premières forces de l'ordre bloquaient l'entrée de la rue de la Barre en direction de Bellecour. A partir de là, elles étaient omniprésentes, en voitures banalisées, en estafettes ou à pied. Les gens n'avaient pas l'air particulièrement inquiets. Sur la place, de nombreux jeunes, rassemblés surtout au pied de la statue de Louis XIV, beaucoup avec une capuche sur la tête ou le visage masqué par un foulard. Moyenne d'âge d'une quinzaine d'années, exceptés quelques adultes qui n'avaient pas particulièrement l'air d'étudiants en révolte.

J'ai remonté la rue Victor Hugo en slalomant entre des cordons de gendarmes ou de CRS jusqu'à la place Ampère. Sur cette section de rue, les dégâts étaient plus importants. Beaucoup de commerces étaient fermés, ceux qui étaient ouverts n'avaient que rarement étalé de la marchandise à l'extérieur. Aucun café n'avait installé sa terrasse. Les boutiques les plus vandalisées semblent être celles de vêtements et de chaussures "tendance", ce qui confirme à mes yeux l'implication contestataire profonde et l'engagement politique réfléchi de cette frange de la jeunesse (bien entendu, cette dernière phrase est à prendre au deuxième degré!).

En redescendant vers Bellecour, j'ai vu les premiers accrochages se produire sur la place où un groupe important de jeunes courait en direction de Saint-Jean. Beaucoup de passants, sur les trottoirs, se protégeaient le nez avec un mouchoir. J'ai appris plus tard que l'on avait tiré des grenades lacrymogènes. Comme je devais à peine plus tard rejoindre ma mère, je n'ai pas voulu insister et risquer de me trouver coincé sur la place. J'ai regagné le Rhône par Antonin Poncet puis le quartier de la Guillotière, encore calme à cette heure-là mais où j'ai appris qu'un peu plus tard de nombreux affrontements avaient eu lieu.

Rue Victor Hugo, j'ai été surpris par le nombre non pas de forces de l'ordre (ça, je m'y attendais un peu), mais de journalistes et de photographes. Ce que je ne savais pas, c'est qu'un illustre personnage, que l'on pourrait surnommer Easyjette tant il a de facilité à remplir les avions de retour au pays, m'avait précédé de peu sur les lieux. C'est d'ailleurs son cortège de motards et de voitures officielles que j'ai dû croiser ensuite en rentrant chez moi.

Ce que je pense de tout ça? Je n'ai jamais aimé ceux qui sèment et attisent la haine, de quelque bord qu'il soit. Je n'ai jamais aimé ceux qui profitent des revendications de gens honnêtes pour commettre vols et saccages. J'ai eu l'impression, en ville cet après-midi, d'assister à un immense jeu "au chat et à la souris". Je n'ai pas remarqué que les véhicules des forces de l'ordre manquaient de carburant (il faudra qu'ils me donnent l'adresse de leur pompe), pas plus que l'hélicoptère qui tournait inlassablement en rond dans le ciel de Lyon.

Ce que je n'aime pas, c'est l'image que donne d'elle-même une partie de la jeunesse aux autres strates de la population. Ce déchaînement d'imbécilité, de violence gratuite et de plaisir de détruire n'est pas à leur honneur. Je sais bien que s'ils me lisaient, c'est un bras du même honneur qu'ils m'adresseraient mais j'aimerais que ces jeunes retrouvent (où? par qui?) la dignité qui construit l'être humain et qui leur fait complètement défaut. Je suis d'ailleurs bien sûr qu'eux-mêmes ne doivent pas s'aimer et ne doivent pas être tant à l'aise que ça dans leurs tout nouveaux grelons.

mardi 19 octobre 2010

Momentini

- Rien ne m'énerve autant que de me réveiller avec une radio qui m'explique que suite à un mouvement de grève, France Inter n'est pas en mesure de....Et puis de la musique, à la chaîne, insipide, sans aucun intérêt, comme si l'on avait tiré au sort dans les laissés pour compte. Ce matin, ils se sont donnés bonne conscience en passant L'Aigle Noir, de Barbara. La petite touche intello au milieu du dépotoir. La seule chanson de Barbara que je n'aime pas. Et en plus, après, il faut aller écouter les infos sur RTL. La joie m'inonde!

- Des dégâts dans mon quartier ce matin: vitrines brisées, voitures endommagées, charge de CRS, etc. Eh oui, ça ne se passe pas que chez les autres! Je n'ai rien vu. Arrivé après la bataille. "On se serait cru en mai 68", m'a dit ma vieille voisine qui a embrayé sur les grèves de 36.

- Une demi-heure dans un autre monde, hier, avec J-C. Au port Edouard Herriot. Tout est à une autre échelle, on se sent petit face aux entrepôts et aux camions. Chez un récupérateur de métaux, la cour des miracles. Je crois bien que, pour une fois, j'ai été impressionné. Figures patibulaires de tous ces hommes qui viennent déposer sur la bascule les fruits de leur quête (ou de leurs vols?) en échange de quelques sous.

- J'ai revu Marie ce matin, dans un couloir mais au calme. Je sais maintenant d'où venaient les propos mensongers que j'aurais prononcés lors de l'accident de voiture avec l'adolescente. Je ne suis pas étonné. Je ne l'ai pas retenue longtemps: elle est déjà passée à autre chose.

Lectures à raser.

Une chose que je ne regretterai pas quand je ne serai plus chargé d'enseignement, c'est bien la lecture des romans pour la jeunesse! Pour un valable (La Rivière à l'envers, par exemple, de Jean-Claude Mourlevat, ou La Rencontre, de Allan W. Eckert), combien d'insipides, de mal écrits, de racoleurs, de sans autre intérêt que l'illustration facile d'un aspect du programme de français ou d'histoire. Le marché est juteux. On publie donc n'importe quoi. Aux enseignants de faire le tri en passant des heures à soupirer en tournant les pages.

Nous étions à la recherche d'un roman historique sur le Moyen-Age pour des élèves de cinquième, si possible écrit en français à l'origine, pour éviter les traductions, et si possible dans le texte original et non dans une de ces adaptations imbéciles qui ne sont, à mes yeux, que des escroqueries de la part de ceux qui les écrivent, puisqu'il se servent du génie par exemple d'un Chrétien de Troyes pour empocher des revenus bien mal acquis.

Le premier que j'ai lu, ce week-end, s'intitule La Croix des Pauvres et porte sur l'épisode précis de la croisade de 1096, connue sous le nom de Croisade des Gueux et qui se termina à Civitot, en Asie Mineure, par un terrible massacre des croisés par les turcs. L'auteur, Pierre Davy, est sans doute un homme sérieux et documenté mais que son livre est ennuyeux à lire! Pas un instant on ne voit derrière les personnages un être de chair et de sang, autre chose qu'une illustration d'un archétype. Raconter cette longue pérégrination à travers l'Europe en 160 pages relève de la gageure! C'est fait!

Mais qu'y a-t-il d'essentiel dans ce livre? Les personnages? Je viens de dire que non puisqu'ils n'ont aucune épaisseur. Les aventures de cette foule en haillons? Chaque épisode est beaucoup trop vite traité pour que l'on ait le temps de s'y intéresser. Alors quoi? L'aspect historique? Consulter un manuel spécialisé risque fort d'être plus productif. Le récit est suivi d'un dossier pédagogique à l'attention des professeurs que je n'ai pas lu, par lassitude et ne sachant que trop bien quelles platitudes on y trouve en général.

Je l'ai déjà dit: j'en ai assez que l'accès à la culture passe aujourd'hui obligatoirement par des questions financières ou de guerres entre les éditeurs et que tout, ou presque, ce qui paraît soit d'un niveau intellectuel aussi lamentable. Je prône depuis des années l'étude des textes classiques. Il semble que, peu à peu, l'idée fasse son chemin dans les directives ministérielles. Mais bouger le mammouth, savez-vous, ce n'est pas toujours aisé!

Finalement, nous allons sans doute opter pour Le secret de la Cathédrale, de Béatrice Nicodème , qui, s'il n'est pas un chef-d'œuvre, est bien écrit, se lit sans déplaisir et risque "d'accrocher" les élèves. Faute de grives....

(J'ai comme une petite gène en notant le tag "Littérature" en bas de ce billet, mais bon...)

lundi 18 octobre 2010

En descendant sur la plaine

Nous n'étions que deux, samedi, à repartir aux Echarmeaux pour la seconde cueillette de champignons. Frédéric, pas très en forme, avait préféré renoncer, vu le temps. Et il fit bien car de la journée nous ne vîmes le soleil. A peine un léger gris plus pâle un moment en redescendant sur la plaine du Forez.

La récolte fut nombreuse. Nous ramassâmes plusieurs kilos de chanterelles grises sans même nous éloigner trop de la voiture. Mais au bout de 2h30 sous les arbres, il fallut se rendre à l'évidence: la pluie, ou l'écoulement d'icelle sur les sapins, avait transpercé nos vêtements et nous commencions sérieusement à avoir froid. Jean-Claude n'arrivait plus qu'avec peine à plier jambes et doigts. Heureusement, il avait prévu quelques vêtements de rechange. Moi, je n'avais qu'une paire de chaussettes sèches.

Même restaurant au col, bien plus: même menu tant nous nous étions régalés la semaine précédente. Ensuite, au lieu de repartir sur le Brionnais, nous avons piqué sur la Loire. But du voyage: Charlieu, délaissé la dernière fois par manque de temps. Deux monuments au programme: l'abbaye bénédictine et le couvent des Cordeliers.

L'abbaye, fort endommagée au cours des siècles, comme sa voisine de Cluny, est antérieure (872) à cette dernière pour la construction. Il en reste cependant de très beaux vestiges, comme les fondations de trois églises successives, un splendide porche du XII° donnant accès au narthex, un cloître gothique, la chapelle du prieur (XV°) et la salle capitulaire (XVI°) qui contient une rareté: un lutrin sculpté à même la colonne centrale. Dans une des anciennes caves se tient un musée d'art religieux et lapidaire. L'ancien bâtiment des novices a fort bien été rénové dans un style alliant ancien et moderne et accueille des expositions.

Mais, malgré la beauté de cette abbaye, en particulier son porche, je crois que ce que j'ai vu de plus enthousiasmant, c'est le couvent des Cordeliers. Situé un peu à l'écart, sur la commune voisine de St Nizier sous Charlieu, ce couvent de frères mineurs a eu du mal à s'implanter, les Bénédictins du Prieuré ne voyant pas d'un bon œil l'installation des Franciscains. Il y parvint cependant à la fin du XIII° siècle. Aujourd'hui, on commence la visite par l'ancien scriptorium transformé pendant des années en appartement et où logea, nous dit le guide, une famille de six enfants. La voûte en est gracieuse et particulièrement fine.

De l'autre côté de la rue, on entre dans le cloître gothique du XIV° qui a failli totalement disparaître au début du XX° siècle. En effet une riche américaine avait eu l'idée de l'acheter, de le faire démonter pierre à pierre pour le transporter aux États-Unis où il aurait servi d'ornement à son court de tennis privé. Quelques habitants du lieu parvinrent à empêcher le déménagement. La partie nord possède une intéressante collection de chapiteaux illustrant les vices et les vertus.

Le choc, je l'ai eu en entrant dans l'église (XIV°), une nef unique et immense surmontée d'un chef-d'œuvre du travail du bois: la charpente du XVII°, longtemps cachée sous des lambris mais aujourd'hui apparente, une imposante coque de navire renversée à vous couper le souffle de par sa beauté. Aux murs, quelques traces de peintures dont une Vierge à l'Enfant. Au sol, près du chœur, les gisants des seigneurs de Chateaumorand (XV°)

Arrêt à Chauffailles pour acheter le gâteau du soir et retour à Lyon par la même route que je ne vis guère, ne parvenant pas à tenir les yeux ouverts plus d'une minute ou deux. Fin de la trilogie. Depuis, les chanterelles ont été mangées, et appréciées.

dimanche 17 octobre 2010

La Mycolotrilogie

Vous avez aimé le premier épisode de cette saga champignonnesque où nos trois héros partaient à l'assaut des Monts du Lyonnais, sacs plastique à la main avec la ferme intention d'en découdre avec pieds et chapeaux dissimulés sous les feuillages. Chapeaux, ils en trouvèrent d'autres, rappelez-vous, dont, à défaut du goût, ils apprécièrent la texture.

Vous avez poussé des soupirs de bien-être, et parfois d'angoisse, en découvrant ces trois aventuriers du XXI° siècle aux prises avec le terrible débeurdinoir ou tentant d'apprivoiser la prononciation locale dans les plaines grasses et peuplées du riche Brionnais.

Vous ne manquerez pas le troisième épisode de cette série palpitante où l'on voit deux de nos héros (mais qu'est-il arrivé au troisième?) mouiller la chemise, et le reste, et en être récompensés au-delà de leurs plus folles espérances. Les aventures en forêts alterneront bien sûr avec tout un volet culturel, aspect qui fait la qualité de cette production originale et la distingue de toutes les autres qui s'essaient au même créneau .

Alors surveillez vos écrans et soyez les premiers à découvrir la suite de ces pérégrinations mycolo-culturelles, encore plus débridées que les précédentes. A paraître très bientôt sur la chaîne Potomac, la seule chaîne à faire de l'ombre à sa rivale gallo-germanique.

( Bon, je vous quitte. Pour l'instant, il faut que j'étende ma lessive.)

samedi 16 octobre 2010

Merci

J'ai reçu ces jours-ci un courrier du Foyer Notre-Dame des Sans-Abri de Lyon, à qui j'avais proposé de récupérer quelques meubles, livres et objets dont je voulais me débarrasser.

Lors de mon coup de téléphone à leur service Collecte, j'avais été surpris et un peu déçu de tomber sur un répondeur, comme si, lorsque l'on donne, on voulait tout de même que quelqu'un le sache. Ils assuraient qu'ils rappelleraient rapidement. J'en avais douté. Une demi-heure après, c'était fait: un homme très professionnel et en même temps chaleureux dans son timbre de voix. Il organisa la transaction cet été et tout fut fait exactement comme il me l'avait annoncé, confirmation de la venue des déménageurs le jour dit compris, horaire de rendez-vous respecté.

Que me voulaient-ils maintenant? Je m'attendais, en déchirant l'enveloppe, à trouver à l'intérieur un vague message de remerciement cachant mal par sa brièveté l'essentiel du courrier reçu: une demande de don en espèces. Rien de cela, en fait. Uniquement, et simplement, et humainement, une lettre de remerciement de leur part. Mais c'est moi qui aurais dû les remercier d'avoir accepter de prendre des meubles dont je m'étais servi pendant des années et dont je ne voulais plus maintenant. Peut-être la demande d'argent viendra-t-elle plus tard et sans doute ne m'y soustrairai-je pas. Mais voilà en attendant un bel exemple de savoir vivre et de simplicité!

Séquelles

Elle est venue vers moi juste quand il ne fallait pas, la petite Marie. Au moment où je montais en cours et où les élèves, après la récréation, se pressaient vers les escaliers pour regagner les salles, encore tout excités de leur quart d'heure de liberté. Elle n'est plus dans une de mes classes cette année et je n'entendais pas ce qu'elle voulait me dire. Je l'ai entraînée un peu plus loin, là où les décibels étaient supportables.

Elle était pâle, mais comme à l'accoutumée, pas plus, du moins il me semble. Elle parlait fort mais son débit haché faisait que je ne comprenais pas. Je lui ai fait répété plusieurs fois et j'ai fini par entendre ce qu'elle avait à me dire. Suite à l'accident, il y a presque un an, où je l'avais renversée un matin, alors que tous deux nous rendions au collège, elle m'avait fait la tête. Je l'avais bien noté mais en attribuais la cause à la douleur, surtout psychologique, que je lui avais fait subir. Elle ne travaillait pas bien en latin et semblait ne pas accepter une seule de mes remarques.

Ce matin (pourquoi ce matin?), elle venait me donner la clef. On lui avait rapporté des paroles sur son compte que je n'avais jamais prononcées, à savoir que lors de l'accident, elle s'était (volontairement?) jetée sous mes roues. Elle savait maintenant que ce n'était pas vrai et tenait à s'excuser de son attitude.

Qui a bien pu lui dire une telle saloperie? Comment a-t-elle pu y croire? Je ne lui en veux pas: comment aurais-je réagi à sa place? Mais la timidité l'a ce matin rendue impulsive à un moment peu propice. Il faudra que je la revoie, calmement, sans stress et sans précipitation, et que nous parlions, une bonne fois pour toutes.

jeudi 14 octobre 2010

Un autre vieil homme

J'avais décidé d'aller à mon rendez-vous à pied. Je n'avais pas beaucoup de temps mais le cabinet n'était pas très loin. Il faisait beau, même si l'air parfois devenait un peu plus aigre. Une marche à peine forcée me réchaufferait davantage que le vélo.
Des travaux sur Gambetta, dans le square Aristide Briand, côté 7°. On a coupé les vieux platanes, malades sans doute, anciennes grilles arrachées, le sol ne ressemble plus à rien, fontaine et bancs ont disparu, SDF aussi. Seul le jaune agressif des engins de chantier sauve de la déconfiture. D'autres travaux sur Saxe, trottoirs envahis de motos à vendre. Je passe devant chez mon ophtalmo. J'y suis allé il n'y a pas longtemps, pour rien: ma vue n'a, parait-il, pas bougé.

J'ai vécu dix-sept ans dans ce quartier, à deux pas à peine de la préfecture. Je l'ai aimé, je ne le regrette pas envahi des banques et boutiques de crédit. A l'angle de Servient, juste après l'église, il y a toujours la petite boutique d'art et de matériel pour la peinture. En face, cet immeuble cossu des Frères Lumière que j'ai quitté en 91 pour venir ici. Il m'apparaît aujourd'hui un peu lourd, j'ai cessé de courir après la reconnaissance bourgeoise.

Au milieu de Servient, il y a l'arrêt du tram, d'une ligne de tram, je ne sais pas laquelle. La foule y est rare, quartier oblige. Il est là assis sur le muret de pierre plutôt que sur le minuscule siège de bois sans dossier. Je le reconnais tout de suite. Il est donc encore en vie et n'a pas beaucoup changé: grand (on le devine bien qu'assis), mince, voire sec, le cheveu blanc encore abondant, sans prothèse sur le nez, qu'il a plutôt aquilin, bien pris dans son inusable imperméable beige. Je n'hésite qu'une demi-seconde avant de traverser la voie et de lui tendre la main. Je serai en retard à mon rendez-vous.

L'accueil n'est pas méfiant ni hautain. Il a peut-être l'habitude qu'on le reconnaisse et qu'on lui adresse ainsi la parole. Combien sont passés devant lui au cours de sa carrière? Il me demande mon nom mais cela ne semble rien lui rappeler. Je n'avais que 19 ans à l'époque, débarquais de ma campagne et ne faisais pas beaucoup de vagues dans cet univers nouveau pour moi et ô combien impressionnant. Il s'enquière de mon travail, de l'attitude des élèves dans mon collège. Je prends aussi de ces nouvelles. Il m'avoue très fier qu'il a maintenant quatre-vingt dix ans et qu'il travaille encore, en bénévole, dans une association chrétienne.

Je le retrouve le même, avec la même grâce, une certaine noblesse dans le port de tête. Quelqu'un d'élégant, de racé. Il a toujours le même sourire, à la fois chaleureux et vous tenant à distance, comme s'il était déjà ailleurs alors qu'il vous l'adresse. La rame arrive. Un instant son œil cligne. Je vois qu'il hésite à prendre congé de manière aussi rapide. C'est moi qui le ferai, prétextant mon rendez-vous urgent. Nous nous serrons la main. C'est probablement la dernière fois que je le vois. Avant que le tram ne démarre, je traverse pour rejoindre le trottoir. Je ne regarde pas la rame s'éloigner.

C'était mon professeur de grec à l'université.

mercredi 13 octobre 2010

Le Vieil Homme et la mer

Entre ces deux billets, j'ai terminé les quatre ou cinq pages qu'il me restait à lier du Vieil Homme et la mer, d'Ernest Hemingway. De lui, j'avais lu, il y a des années, ou plutôt tenté de lire, Pour qui sonne le glas?, et je n'avais pas aimé.

Pour Le Vieil Homme et la mer, c'est un peu différent. Je ne comprends pas qu'on le fasse lire à des enfants parce que ce que ressent le vieil homme dans son bateau, d'abord pendant la bataille avec l'espadon, ensuite lors de l'attaque des requins, n'est compréhensible qu'avec un certain nombre d'"heures de vol" ou une vie aux péripéties lourdes à porter. Le voir comme un roman d'aventures serait une absurdité, comme la narration d'un exploit sportif encore pire.

Pour ma part, je n'ai pas accroché immédiatement, ce n'a pas été une de mes lectures préférées mais je reconnais une sorte d'"exploit" littéraire à avoir écrit ainsi cent cinquante pages sur presque rien. Il m'est même arrivé, au long de quelques pages, de me laisser prendre par le récit. Mais je pense que je suis irrémédiablement réfractaire au style d'Hemingway, au rythme de ses phrases.

L'incipit est pourtant un petit bijou, à mon goût.

Il était une fois un vieil homme, tout seul dans son bateau, qui pêchait au milieu du Gulf Stream. En quatre-vingt quatre jours, il n'avait pas pris un poisson. Les quarante premiers jours, un jeune garçon l'accompagna; mais au bout de ce temps, les parents du jeune garçon déclarèrent que le vieux était décidément et sans remède salao ce qui veut dire aussi guignard qu'on peut l'être. On embarqua donc le gamin sur un autre bateau, lequel, en une semaine, ramena trois poissons superbes.
(Le Vieil Homme et la mer, Gallimard. Trad. de Jean Dutourd)

Momentini

Comme me le faisait remarquer Lancelot, d'habitude les Momentini, c'est plutôt le dimanche. Eh bien pourquoi pas innover et présenter les momentini de la semaine? Allez, j'essaie. On verra ce que ça donne.

- Notre archéologue habituel est venu ce matin au collège. Encore une fois, surprise des élèves qui s'attendaient à voir entrer un Indiana Jones barbu, buriné et sentant plus ou moins le bouc. Le nôtre à nous (ça fait tout de même quatre ans qu'il se prête gratuitement au jeu!) est mince, voire filiforme, propre sur lui et adopte parfois des attitudes Marie-Antoinette qui ne manque pas de me faire sourire. C'est un pro qui sait de quoi il parle et chaque année nous sommes, Stéphane et moi, très contents de sa prestation.

- En l'espace de quelques minutes, vu deux automobilistes emprunter à Lyon des voix en sens interdit. Banal, me direz-vous! Oui, si la voie est une rue rectiligne et plate où l'on peut voir arriver l'autre en face. Beaucoup plus stressant si ce qu'ils empruntent, c'est l'un une des galeries devant la gare de Perrache qui conduisent au tunnel de Fourvière, l'autre la montée de Choulans, tout en virages assez prononcés et d'où les voitures dévalent à grande vitesse. Les deux fois, je les ai vus à la dernière minute. Ne pouvant plus leur faire d'appel de phares, je les ai énergiquement klaxonnés pour les prévenir du danger. Jusqu'où sont-ils allés ainsi?

- Quand je pense que depuis quinze jours et pour encore une semaine, je devrais être en train de corriger les copies d'un grand concours national! Deux jours avant le rendez-vous fixé pour récupérer la pile de devoirs, une lettre est arrivée précisant que ma collègue et moi n'étions plus concernés. Rétrospectivement, je tremble à l'idée de n'avoir pas, ces derniers samedis, pu profiter du soleil, des bois à champignons et de l'architecture romane des églises du Brionnais...

- J'ai vu à la télévision cette sorte de cage-ascenseur qui sert au Chili à remonter les mineurs enfermés depuis deux mois dans les entrailles de la terre. On a aussi montré ce que chacun verrait en s'élevant peu à peu (une heure!) dans le boyau de sauvetage. Les images, sombres et un peu floues, de leur prison souterraine ne m'avaient pas autant impressionné que la simple vue de ce cylindre enserré dans un puits étroit. Je suis maintenant certain d'être claustrophobe: comment aurais-je réagi à l'annonce de cette seule voie de sauvetage? Je l'aurais fait, sans doute, mais quelle horreur! Et je suis moi-même fils et petit-fils de mineur!

- Une élève de troisième, que j'ai eu en classe pendant trois de ses quatre années de collège, m'a demandé ce matin si j'accepterais, en fin d'année, que celles que je connais depuis si longtemps me fassent la bise avant de partir au lycée. Je crois bien que je vais me laisser tenter!

mardi 12 octobre 2010

Vox regis-populi, vox dei




Ces dernières pour satisfaire Cornus. Je crains qu'elles ne soient moins intéressantes, l'église l'étant elle-même, à part le gisant de Sybille, dame de Dyo et de Sigy (fin XIII°)

Ça va me manquer.

Jean-Claude a terminé la première (deuxième? troisième?) tranche de travaux aujourd'hui. Demain, il viendra récupérer une partie de son matériel. Lundi, nous avons rendez-vous l'après-midi pour faire un ultime (?) voyage à la déchetterie. Ensuite, il faudra attendre un peu pour qu'il revienne poursuivre la remise en état de mon appartement.

Bien sûr, je suis très content de ce qu'il a fait, salle de bains, rangement, buanderie, cuisine, des conseils qu'il m'a donnés, des choix qu'il m'a fait faire. Il travaille bien et tranquillement. Quand je l'ai vu partir tout à l'heure, j'ai eu un petit pincement au moral: j'avais pris l'habitude de sa présence, discrète et efficace, des repas plus ou moins improvisés, des instants de rigolade, des virées dans les magasins de bricolage, à nous moquer de tel ou tel; j'avais pris l'habitude de trouver quelqu'un en rentrant chez moi, de m'apercevoir, en enfonçant la clé dans la serrure, que la porte était déjà ouverte. Ça a été comme ça pendant plusieurs mois. Ça va me manquer.

lundi 11 octobre 2010

Comment ?

Valérie parlait l'autre jour de l'impossibilité pour elle de s'imaginer morte. Lancelot a écrit également sur le sujet, Karregwenn aussi. Ça sent la Toussaint, non? Moi, la question que je me pose parfois, ce n'est pas si je vais mourir ou quand, mais plutôt comment. Dans certaines familles, il y a des rites, des habitudes: chez les Trucs, on part du poumon; chez les Bidules, c'est le cœur qui lâche; chez les machins, on surveille le sang.

Qu'en est-il chez les Calystee. Difficile à dire. Jugez-en par vous-mêmes: mon grand-père maternel est mort il y a si longtemps (ma mère avait 7 ans) que j'ai oublié de quoi, si je l'ai jamais su. Mon aïeul du côté paternel est resté coincé, écrasé, entre deux butoirs de wagons, sur son lieu de travail, à la mine, pendant un couvre-feu de la deuxième guerre mondiale; mon père (P1) avait un cœur trop gros, ce qui, à l'époque de sa mort, ne se soignait pas; mon père (P2) a lutté en vain contre un cancer de l'œsophage; un de mes oncles est mort de la silicose après avoir avalé pendant des années de la poussière de charbon; mon autre oncle est mort je ne sais de quoi; mon frère résiste tant bien que mal à un cancer du rectum. Voilà pour les hommes. Côté femmes, ce n'est guère moins éclectique: ma grand-mère maternelle n'a eu qu'une maladie dans toute sa vie: un cancer du colon (avec ensuite métastase au cerveau); ma grand-mère paternelle a fait un AVC; ma mère souffre de la maladie de Parkinson; ma petite sœur est morte hydrocutée. Les autres, pour l'instant, vont bien, je vous remercie.

Alors, qu'en déduire? Une petite faiblesse dans les parties basses, certes, mais rien de bien définitif. Et d'ailleurs, je passe très sagement mes coloscopies quand il le faut. Lorsque, petit garçon, je mimais la mort pour effrayer ma grand-mère paternelle, je ne pensais pas qu'il faudrait y songer plus sérieusement un jour. Il y a quelques années, lorsque j'imaginais l'instant de ma mort, je me voyais au soleil, dans mon jardin, en train de m'occuper des plants de tomates, un tablier bleu noué autour de la taille, la tête protégée de la chaleur par un grand chapeau d'osier. Tout près de moi, bien à l'ombre dans la vasque naturelle de la source, de l'eau fraîche, meilleure que tous les alcools. Je tomberai le nez dans les tomates et je m'en irai définitivement avec cette odeur que j'aime dans les narines. On me retrouverait le soir, à la lumière rasante, un sourire aux lèvres, comme si la terre m'avait déjà raconté sa meilleure histoire.

J'ai le tablier bleu et le chapeau d'osier, sagement rangé depuis que je ne vais plus en Haute-Savoie. L'ennui, c'est que je n'ai pas de jardin et que les tomates restent à planter. Mais! Mais! Peut-être que ce sera ça pour moi, le secret de l'immortalité: ne jamais, au grand jamais, m'approcher des jardins potagers!

A la demande

Ca, c'est pour Nicolas qui, depuis Toulouse, se languit de cette région. Voici l'hôtel qui se trouve exactement au col des Echarmeaux: l'Hôtel des Nations. Je pense que c'est celui dont tu parles car il n'y en a pas d'autres. Moi aussi, je l'ai remarqué en passant, d'autant qu'il est fermé depuis septembre de cette année et semble un peu à l'abandon. Un petit côté "Shining"? Quant aux chocolats Dufoux à La Clayette, je voulais en parler et puis, ffffttt: oublié.



Toutes les photos qui suivent sont pour Karagar: l'église de Bois-Sainte-Marie, dans le Brionnais. En te priant de m'excuser pour la piètre qualité de certaines.

dimanche 10 octobre 2010

En Brionnais


Certains disent que la Touraine est la plus douce des régions françaises. Il ne doivent pas connaître la Bourgogne en automne! Car Cornus a tout deviné, tout décrypté: c'est bien dans le Brionnais que nous étions hier, en Bourgogne du sud.

Le matin, aux portes de Lyon, nous prenons la vallée de l'Azergue bordée de ces villages anciens: Chessy, Châtillon, Le Bois d'Oingt. Après Lamure, le soleil pas encore très bien réveillé pâlit un peu sous une légère brume qui rend plus belle encore la végétation qui commence à rougeoyer: il faudrait y retourner la semaine prochaine pour avoir tout le nuancier automnal. Tout près du col des Echarmeaux, Jean-Claude retrouve son bois à champignons et nous allons crapahuter plus de deux heures sur les pentes abruptes plantées de sapins et de rochers moussus. Je fais souvent appel à Frédéric pour vérifier ce que je cueille: je ne suis pas un spécialiste en mycologie. Bonne récolte: des chanterelles grises et des petits violets principalement, mais aussi quelques cèpes et pieds de moutons.

A midi, apéritif et repas au col, qui se trouve sur la commune de Poule-les-Echarmeaux. L'Auberge des Tilleuls est très certainement une très bonne adresse, où l'on peut manger une viande excellente et boire un fameux rosé pour un prix tout à fait correct. Si vous passez par là, arrêtez-vous! Après le repas, plongée de l'autre côté, sur le versant Loire et Saône-et-Loire des monts, avec l'intention de visiter La Clayette et Charlieu. Nous n'aurons pas le temps de pousser jusqu'à Charlieu et son abbaye bénédictine tant le Brionnais offre à lui seul de richessses à découvrir.

J'étais pour ma part déjà venu dans cette région il y a deux ou trois ans. Les deux autres découvraient. Tout cela sous une belle lumière dorée et une température très agréable. Cornus a bien deviné que l'exercice de prononciation portait sur cette petite ville de La Clayette, dont le nom doit être prononcer "Clète", car c'est son nom d'origine, orthographié de différentes façons selon les siècles, le "y" étant venu se rajouter à une époque plus récente on ne sait pas trop pourquoi.

A l'office du tourisme, une dame pleine d'humour et de culture nous a fourni une bonne documentation et en particulier nous a aiguillé vers l'église romane de Bois-Sainte-Marie, à quelques kilomètres e La Clayette. Je n'en avais jamais entendu parler, bien qu'ayant pas mal bourlingué en Saône-et-Loire et visité un nombre assez conséquent d'églises de cette époque que j'aime particulièrement. Je m'attendais à en voir une semblable aux autres, à quelques variantes près. Je fus ébloui par ce que je découvris. En entrant, on est surpris de se trouver dans une nef très élancée et surtout aux proportions et à l'équilibre parfait. Eglise claire, où la lumière entre et se joue des colonnes du gracieux déambulatoire, le seul du Brionnais. Les chapiteaux de la nef rendent naïvement l'âpreté du combat entre le Bien et le Mal et sont d'une grande expressivité.

Le circuit fléché étant entamé, nous le suivîmes jusqu'à l'étape suivante mais, sur le bord de la route nous attendait une autre surprise: le château de Drée, au milieu des champs vallonnés et de troupeaux de charolais, et qui, bien que privé, peut, au contraire de celui de la Clayette, se visiter. L'heure avançant, nous ne sommes pas entrés, nous contentant d'admirer de l'extérieur les très beaux jardins à la française qui s'étirent devant la vaste façade classique du XVII°. Sur le bord de la route, le colombier était ouvert. J'y ai appris quelque chose de très intéressant (voir photo jointe). De ce joyau de notre patrimoine, je n'avais, non plus, jamais entendu parler.

Je me suis ensuite retrouvé en pays connu en traversant les villages de Vareilles, Amanzé ou Saint-Germain-en-Brionnais. Dans ce dernier, qui possède lui aussi une très intéressante église romane du XI°siècle (malheureusement un peu gâchée par sa décoration intérieure), on remarque dans un mur de cet édifice robuste et trapu un trou, aujourd'hui obturé par des planches de bois, qui fait la réputation du village: le débeurdinoir. Qu'est-ce que c'est? Vous connaissez sans doute, par le film La Soupe aux choux, le sens du mot bredin: un être frustre et un peu simple, pas méchant pour un sou mais pas non plus très développé intellectuellement. Le mot s'est sans doute déformé ici mais le sens en reste le même. Ainsi, le débeurdinoir servait aux "beurdins" à passer la tête, car le trou était censé leur mettre un peu de plomb dans la cervelle et quelques neurones dans la matière grise. Mais attention: on dit que parfois, c'est l'inverse qui se produit, et que le pauvre qui y engage le chef se voit assailli par toute la bêtise que les autres y ont laissée.

Nous avions ensuite le choix entre filer vite, très vite sur Charlieu ou s'attabler tranquillement à la terrasse d'un bar de La Clayette. Vous devinez sans mal ce que nous avons finalement choisi afin de terminer au mieux ce périple castello-romano-mycologique. Qu'elle est douce, la fraîcheur d'un Perrier citron tranche alors que la lumière rasante d'une fin de magnifique journée d'automne fait scintiller les vitres jusqu'au fond de la rue!

Un bon complément au voyage déjà fait dans cette région avec Frédéric, voyage qui nous avait déjà permis de visiter quelques-unes de ces petites églises et chapelles, dont celle, magnifiquement restaurée de Gourdon.

samedi 9 octobre 2010

Mais où?

Alors, hier, pas beaucoup le temps. Et pas beaucoup l'envie non plus! Si, si, ça arrive! Et aujourd'hui, alors. Oui, limite, un petit effort avant que le samedi ne se transforme en purée de citrouille devant le dimanche. Pas deux jours de silence, tout de même!

Aujourd'hui, brume le matin, soleil ensuite, route avec sapins, fougères et myrtilles résiduelles, champignons dans les mousses, échappées sur des monts tranquilles et de grasses prairies, nombreux broutants à la robe claire, un itinéraire fléché pour nous montrer des merveilles d'architecture, un bon repas au sommet, une leçon de prononciation du nom d'une petite ville, un débeurdinoir, un grand château avec jardins à la française...

Mais où étions-nous? Pouvez-vous le deviner? Réponse demain soir!
Un petit indice en photo dès ce soir, cependant.

jeudi 7 octobre 2010

Invisible

On arrive le matin. Il va faire beau, on se sent bien. Encore un peu frais mais même ce frais est agréable. On sourit dans la cour à quelques élèves que l'on connaît, on entre dans la salle des professeurs en disant bonjour à la cantonade, comme on le fait chaque jour. On pose son cartable sur une table pour aller jusqu'à son casier où l'on prend le matériel nécessaire, manuels et feuilles polycopiées, pour les deux heures suivantes.

Et là, on se rend compte, par un vide quelque part dans le cerveau, une sorte de manque que l'on a failli déjà classé sans suite, que personne ne vous a répondu, pas un seul de vos collègues ne vous a rendu la politesse. Pourtant, lorsque vous avez ouvert la porte, il vous ont vu entrer, interrompant un quart de seconde leur conversation particulière. On se dit qu'un ou deux ont pu ne pas faire attention, que ce n'est pas bien grave. Mais tous? Et lorsque, encore souriant, on regagne la table où attend son cartable, personne ne semble vous voir. On est devenu invisible, mort, néantisé, annihilé. Une idée de ce que ce sera lorsque vous ne serez plus là. Le trou dans l'eau laissé par votre départ se refermera vite et les ronds à la surface disparaîtront jusqu'au dernier.

Et puis, plus tard dans la journée, un bisou sur la nuque alors que vous travaillez assis, un pincement à la taille, une main qui se tend vers la vôtre et s'attarde, un clin d'œil complice d'un bout à l'autre de la salle, et vous réapparaissez. Vous existez au monde, le monde existe à nouveau pour vous. Le soleil sort des nuages. Vous vous dites que vous avez été bien bête d'en douter: on vous aime.

Décalage horaire

Mardi, en fin de réunion parents cinquième, alors que je tentais désespérément de me débarrasser d'un pot de colle en jupons qui pensait que son rejeton avait beaucoup plus d'importance que la faim qui commençait à me tenailler l'estomac, une autre femme arrive dans le couloir:
- Bonsoir Monsieur, je cherche la salle des 5°D pour la réunion de parents.
- C'est bien ici, madame, mais la réunion est terminée.
- Mais on m'avait dit que je pouvais rencontrer des professeurs, après.
- Après la présentation par le professeur principal, Madame, c'est à dire à partir de 18h15 et ce jusqu'à 19h30. Tous les horaires étaient spécifiés sur la circulaire que vous avez reçue. Il est maintenant presque 19h45.
- Mais que puis-je faire, alors?
- Vous pouvez, si cela vous paraît indispensable, prendre rendez-vous avec l'un ou l'autre des professeurs de votre fille. Mais, en tant que professeur principal, il me semble pouvoir vous dire sans grand risque de me tromper qu'elle n'a pas de difficultés scolaires en ce moment.

Jusque là, je m'étais tenu à une attitude polie même si ferme. Après tout, cette femme sortait peut-être de son travail et j'essayais de lui répondre au mieux. La phrase suivante de sa part gâcha tout. Me montrant les autres salles encore ouvertes où mes collègues ne parvenaient pas à conclure, elle me lança, sur un ton presque revêche:
- Mais regardez: les autres n'ont pas fini, eux!
J'ai eu très peur pour elle qu'elle ne rajoute:
- Je paie, tout de même!
Heureux de moi! Je venais de faire d'une pierre deux coups, car le pot de colle, oubliant son charmant bambin au profit du public relation, se proposa de l'accompagner jusqu'à sa voiture en lui résumant l'essentiel des interventions des professeurs.

Ainsi mon estomac aurait-il pu ne pas avoir à souffrir trop longtemps si mon réfrigérateur avait été mieux garni!

mercredi 6 octobre 2010

Momentini

- A nouveau, j'entends le son de voix de mon ordinateur. Finie, la bouderie? L'engin n'y était, en fin de compte, pour rien: en farfouillant pour tout autre chose dans la toile d'araignée de fils électriques qui grouillent derrière la colonne, j'ai repéré une petite prise, une toute petite prise, qui n'était branchée à rien et que je n'avais pas vue auparavant car elle était restée coincée sous la colonne. Quand je l'ai prise entre mes doigts, elle a émis un léger bruit de protestation. Il ne m'en a pas fallu plus pour comprendre! Enfoncer la prise mâle de couleur dans la prise femelle de même couleur de l'ordinateur fut un jeu d'enfants! Et le son fut, alléluia! Deux mois sans! Il y a vraiment des jours où les claques se perdent!

- Hier, réunion de parents de cinquième. Dans ma classe, c'était moi Monsieur Loyal. J'avais repéré sur la liste le nom d'une mère enquiquineuse que je connais depuis près de quinze ans (oui, un retour de flammes, sans doute!). Elle n'est pas venue à la réunion. Mais ne vous inquiétez pas: une autre a pris sa place, du genre à vouloir vous dire "juste" un mot en privé après la réunion et à vous tenir la jambe pendant une demi-heure!

- J'ai racheté un pèse-personne et évite absolument au supermarché le rayon chocolat. Comme ça, je n'aurai plus d'excuses! J'ai racheté aussi deux poêles à frire (pour les grillades, sans doute). Et puis, bien sûr, je n'ai pas pu tenir: Le Faussaire, de Inoué, et Le Songe de Monomotapa, de Pontalis. Mais la boulimie de lecture, ça ne fait pas grossir, hein?

- Un nouveau podologue, jeune, a remplacé l'ancien, parti à la retraite. Premier abord un peu froid puis le contact s'est peu à peu réchauffé au cours de la séance. Qu'est-ce qui pousse ces gens-là à choisir ce métier? Je n'arrive pas à comprendre. Je dis ça mais il y a une foule d'autres métiers que je n'exercerais pas non plus, comme sans doute, beaucoup hésiteraient avant de devenir enseignant.

Le carrelage de ma cuisine est réparé, et ça tient. Jean-Claude a fait ça le lendemain. Il a dû voir combien cette cicatrice dans le mur me chiffonnait, moi qui aime tant ce nouveau cadre. La "buanderie" prend aussi belle allure ces derniers jours. Jean-Claude en est à installer les deniers rayonnages au-dessus de la machine à laver. Comment fait-il pour travailler aussi bien?

Bernard et Colette

Ça ferait un beau titre de film, je trouve: un film sans prétention, familial, tendre, drôle et nostalgique, un film que l'on se laisse tenter de regarder un dimanche pluvieux d'automne finissant. Se sont-ils jamais rencontrés, ces deux là qui meurent presque en même temps?

Un peu comme un couple d'amis que l'on a beaucoup aimés et que l'on a depuis longtemps perdus de vue. On apprend leur mort et l'annonce vous touche, tout de même. On n'en souffre pas, non. C'est quelque part un peu de votre histoire qui s'en va aussi. Mais il faut bien, n'est-ce pas.

Bernard Clavel, pour moi, c'est avant tout Malataverne, ce roman des Monts du Lyonnais où j'ai, pour la première fois de ma vie, réellement rencontré en littérature la violence et la culpabilisation. Ces trois adolescents, ni pires ni meilleurs que tous les autres, qui allaient, à partir du simple projet d'un vol de fromage, assassiner une fermière, la mère Vintard, me marquèrent durablement, même si, aujourd'hui, au milieu de la violence sociale urbaine, ils feraient pâle figure. C'est sans doute, avec La Cicatrice, de Bruce Lowery, lue à peu près à la même époque, le livre qui m'a le plus fait réfléchir sur la responsabilité de chacun face à son comportement quotidien.

Colette Renard, il me semble que c'est encore plus loin. Chansons appréciées de ma mère, fredonnées par mon père, gouaille et petit minois. Je ne revois d'elle qu'un visage de jeune femme, celle qu'elle était dans mon enfance. Je savais qu'elle jouait un rôle de grand-mère dans une série télévisée. Pourquoi pas? Mais j'ai voulu garder pour moi l'image de la jeune chanteuse, celle qui, ne boudant pas la grivoiserie, s'amusait à chanter:

Que c'est bon d'être demoiselle
Car le soir dans mon petit lit
Quand l'étoile Vénus étincelle
Quand doucement tombe la nuit,

Je me fais sucer la friandise
Je me fais caresser le gardon
Je me fais empeser la chemise
Je me fais picorer le bonbon
(....)
(Les nuits d'une demoiselle.)


Et encore davantage celle qui me faisait rêver par ces mots simples:

Y avait une fois une rose
Une rose et un marin
Le marin était à Formose
La rose était à Dublin.

Jamais au monde ils n'se virent
Ils étaient beaucoup trop loin
Lui n'quittait pas son navire
Elle quittait pas son jardin.

Au-dessus de la rose sage
Les oiseaux partaient tout le temps
Et puis aussi des nuages
Des soleils et des printemps.

Au-dessus du marin volage
Des rêves étaient tout pareils
Aux oiseaux et aux nuages
Au printemps et au soleil.

Le marin périt en septembre
Et la rose le même jour
Vint se flétrir dans la chambre
D'une fille en mal d'amour

Jamais personne ne suppose
Qu'il y ait le moindre lien
Entre le marin de Formose
Et la rose de Dublin

Et seul un doigt sur la bouche
Un ange beau comme un éclair
Jette quand le soleil se couche
Des pétales sur la mer.
(Le marin et la rose)

Une pensée douce au passage pour un temps révolu.

mardi 5 octobre 2010

Le Fusil de chasse

Trois lettres à Josuke Misugi: une de Shoko,la fille de sa maîtresse, une de Midori, son épouse et une dernière de sa maîtresse, Saïko, peu avant sa mort. A peine 90 pages en livre de poche. Un bijou. Rien de trop. Pas un mot à enlever. Une délicatesse extraordinaire dans l'analyse des sentiments et de la confusion des sens. Monsieur Inoué (Yasushi) était décidément un grand monsieur

Assez étrangement, je me sentais calme, comme si je m'étais trouvée au bord de la mer, le soir, à regarder la marée monter vers moi, depuis le large. Je vis presque le moment où j'allais lui prendre la main, lui exprimer ma sympathie, et dire: "Ah! vous savez donc. Vous savez tout."
La catastrophe que j'avais tant redoutée était arrivée, mais je n'en étais pas effrayée. On eût dit que les bruits assourdis de la plage remplissaient l'espace entre nous deux. Un instant avait suffi pour que le voile du secret, que toi et moi avions jalousement gardé pendant treize ans, fût brutalement arraché, mais ce que je trouvais était bien différent de la mort à laquelle je m'étais attendue. Cela ressemblait -comment dire?- à de la sérénité, à de l'apaisement. En vérité, c'était une paix bien étrange. Je me sentais délivrée. Le triste et lourd fardeau qui avait pesé sur mes épaules n'était plus. A sa place, il ne restait qu'un vide qui me mettait bizarrement au bord des larmes. Je sentis qu'il me fallait penser à un tas de choses. Non point à des choses sombres, tristes, effrayantes, mais plutôt immenses, vagues, sereines et paisibles. Je fus comme soulevée par un sentiment de ravissement ou, mieux encore, par le sentiment de ma libération.

(Le Fusil de chasse, Yasushi Inoué, Stock. Trad. de Sadamichi Yokoo, Sanford Goldstein et Gisèle Bernier.)

lundi 4 octobre 2010

Ça peut s'améliorer sur le soir!

C'était il y a trois ans, le 4 octobre 2007. Je ne savais pas alors si cela allait durer. Je l'espérais sans en être certain. Trois ans, c'est peu et c'est beaucoup!

Quand on imagine par avance un anniversaire, on voit de la bonne humeur et du soleil. Il a plu presque tout la journée sur Lyon et j'ai été avec tout le monde, élèves, amis, famille, tout ceux que j'ai rencontrés, aussi gracieux qu'un pitbull. Voilà!

Mais ça ne fait rien. Il y a bien trois ans aujourd'hui que je navigue sur les eaux du Potomac. Et ça, ça me fait bigrement plaisir. Tiens, de quoi me coucher moins en rogne.

Un jour, t'en souvient-il....

Samedi, un petit monsieur légèrement grassouillet, les cheveux courts et grisonnants, se tenait devant la porte d'un bâtiment annexe du Musée du chapeau à Chazelle-sur-Lyon alors que nous sortions de visiter la partie principale de ce musée. Je crus que l'heure des visites était passée et qu'il s'apprêtait à fermer. Il me rassura bien vite et se proposa même pour nous guider dans les quatre salles consacrées à la thématique de l'animal et du chapeau (matières ou formes).

Quand je passai devant lui pour pénétrer dans la première pièce, j'eus soudain l'impression d'avoir déjà vu ce visage ailleurs, il y a très longtemps. mais où? C'était la première fois que je mettais les pieds à Chazelle, la première aussi au musée du chapeau. Un autre coup d'œil discret dans sa direction pendant qu'il commençait sa présentation me confirma mon impression. Lui aussi, d'ailleurs, semblait réfléchir tout en me regardant. La situation risquant de devenir délicate (était-ce un ancien amant, un parent d'élève, un ami de Pierre?), je me jetai à l'eau et posai la question. J'avais vu juste, mais notre rencontre remontait à beaucoup plus longtemps que cela.

Jean-Pierre avait été l'amant d'Yvon, mon ami d'enfance, au début des années soixante-dix. Il était alors comédien de théâtre avec un autre de ses amis et nous avions passé quelques soirées chez eux dans leur appartement du Vieux Lyon. Je me souviens que ce garçon m'agaçait prodigieusement, moi qui étais nettement moins sensible à tout ce qui brille qu'Yvon, et que je trouvais ses enthousiasmes et sa fougue un peu artificiels et forcés. Mais n'est-ce ainsi que l'on devait être lorsque l'on faisait du théâtre dans ces années-là (et à cet âge-là)? Leur relation amoureuse ne dura que peu de temps et nous les perdîmes ensuite de vue. Puis Yvon mourut et j'oubliai quasi totalement ces deux personnages en quête de talent.

L'homme de soixante ans que j'avais samedi en face de moi n'était plus le même. Même si traînait sur son bureau de l'entrée un livre de Thomas Bernhard, il me parut totalement humain et libéré de tout maniérisme, de toute posture faussement intellectuelle. Quand il me reconnut, il me tutoya immédiatement et m'embrassa chaleureusement, comme si nous avions été les meilleurs amis du monde. J'eus droit aussi à la même embrassade quand nous quittâmes les lieux. Entre temps, il me raconta qu'il n'avait jamais réellement percé dans le milieu du théâtre et qu'il avait même fini par perdre son statut d'intermittent du spectacle. Son honnêteté me toucha. Après tout, il pouvait bien me raconter n'importe quoi, je n'allais pas vérifier.

Étrangement, cette rencontre vient en même temps ou presque que d'autres petits riens, anodins ou pas, qui ne cessent en ce moment de me replonger dans un passé plus ou moins lointain que je ne tiens pas à réveiller, non qu'il soit particulièrement pénible, mais parce que je ne veux plus me retourner. Je ne lui ai pas demandé son téléphone.

dimanche 3 octobre 2010

Momentini

- Comme chaque année à la rentrée des classes, les écoles et collèges se transforment en véritables lieux de culture. Vous semblez étonnés: c'est des bouillons de cultures que je parle, où se côtoient, forniquent, croissent et se multiplient virus, microbes et autres cadeaux immédiatement transmissibles même si l'on n'en a pas besoin. Dans mon petit soulier: mal de gorge, toux qui pique et grandes eaux des éternuements. Merci, Petit papa septembre!

- Ce matin, c'était la grande fête sportive de la course à pied à Lyon, avec, entre autres, marathon et semi-marathon. Il y a deux ans, j'y étais. L'an dernier aussi, mais côté public à regarder les autres courir, le moral au plus bas. Cette année, je n'y suis pas allé. Pas envie de me faire mal. Petit tour aux Puces, pour remplacer. Qui se ressemble s'assemble, ne le dit-on pas?

- En ce moment, je suis la cible de toutes les remarques désagréables de ma mère. On dirait qu'elle me les réserve exclusivement: je suis un incapable, je suis un maladroit, je suis à la limite de l'honnêteté, etc, etc. On a beau se dire que la maladie est pour beaucoup dans une telle attitude, ça n'aide pas toujours à faire passer la pilule.

- Un pan des carreaux multicolores de ma cuisine étaient en train de se décoller du mur où ils avaient été mis. Jean-Claude les a enlevés. Résultat: ma cuisine, que j'aime tant, est à nouveau en chantier en ce moment. Je n'aime pas la voir abimée comme ça. Mais il n'y avait rien d'autre à faire! Les nouveaux carreaux sont déjà arrivés.