jeudi 7 octobre 2010

Invisible

On arrive le matin. Il va faire beau, on se sent bien. Encore un peu frais mais même ce frais est agréable. On sourit dans la cour à quelques élèves que l'on connaît, on entre dans la salle des professeurs en disant bonjour à la cantonade, comme on le fait chaque jour. On pose son cartable sur une table pour aller jusqu'à son casier où l'on prend le matériel nécessaire, manuels et feuilles polycopiées, pour les deux heures suivantes.

Et là, on se rend compte, par un vide quelque part dans le cerveau, une sorte de manque que l'on a failli déjà classé sans suite, que personne ne vous a répondu, pas un seul de vos collègues ne vous a rendu la politesse. Pourtant, lorsque vous avez ouvert la porte, il vous ont vu entrer, interrompant un quart de seconde leur conversation particulière. On se dit qu'un ou deux ont pu ne pas faire attention, que ce n'est pas bien grave. Mais tous? Et lorsque, encore souriant, on regagne la table où attend son cartable, personne ne semble vous voir. On est devenu invisible, mort, néantisé, annihilé. Une idée de ce que ce sera lorsque vous ne serez plus là. Le trou dans l'eau laissé par votre départ se refermera vite et les ronds à la surface disparaîtront jusqu'au dernier.

Et puis, plus tard dans la journée, un bisou sur la nuque alors que vous travaillez assis, un pincement à la taille, une main qui se tend vers la vôtre et s'attarde, un clin d'œil complice d'un bout à l'autre de la salle, et vous réapparaissez. Vous existez au monde, le monde existe à nouveau pour vous. Le soleil sort des nuages. Vous vous dites que vous avez été bien bête d'en douter: on vous aime.

10 commentaires:

KarregWenn a dit…

Aaah un bisou sur la nuque ! C'est vrai que c'est toute la douceur de vivre...Veinard, va !

Valérie de Haute Savoie a dit…

Un bisou sur la nuque au boulot ? Mais moi je veux travailler chez toi.

Lancelot a dit…

Exactement la même chose que mes deux copines ci-dessus, j'allais dire ! Incroyable, ça. Eventuellement, au travail, on pourrait me donner une bise sur la joue à l'improviste. Mais dans la nuque..? Mazette !

Jérôme a dit…

Mais quel est le plus important: "to love" ou "to be loved"? ;-)

[Nicolas] a dit…

J'apprécie quand même bien qu'on réponde à mon bonjour...

Cornus a dit…

Mais Lancelot avait raconté quelque chose de très similiaire (par rapport à ton arrivée le matin) quand il parlait aussi de son invisibilité par rapport à ses collègues. Chose que je ne connais pas, mais on est sans doute moins nombreux et plus soudés. Le contraire m'énerverait.
Quand au bisou dans le cou, c'est super mignon !

karagar a dit…

Tiens, bonne idée, je vais faire un bisou sur la nuque à notre comptable lundi... enfin euh...

Anonyme a dit…

Karagar > Ah je serais prête à payer très cher pour voir ça !!!!!!

KarregWenn a dit…

Merdum, l'anonyme c'est moi, évidemment, qui d'autre !

Calyste a dit…

L'inconvénient, quand on attend pour répondre aux commentaires, c'est que la liste s'allonge!
Oui, Messieurs, mesdames: des bisous sur la nuque! Par une ou deux de mes collègues (et amies) féminines. Et j'adore ça! Ça me fait de ces trucs!

Aimer ou être aimé, demandes-tu, Jérôme? A choisir, je prends les deux.

Heureux de savoir que l'anonyme, c'est toi, Karreg, mais moi, c'est pas merdum, c'est Calyste, ton petit Calyste adoré. Tu ne m'as pas reconnu? :-)