mercredi 6 octobre 2010

Bernard et Colette

Ça ferait un beau titre de film, je trouve: un film sans prétention, familial, tendre, drôle et nostalgique, un film que l'on se laisse tenter de regarder un dimanche pluvieux d'automne finissant. Se sont-ils jamais rencontrés, ces deux là qui meurent presque en même temps?

Un peu comme un couple d'amis que l'on a beaucoup aimés et que l'on a depuis longtemps perdus de vue. On apprend leur mort et l'annonce vous touche, tout de même. On n'en souffre pas, non. C'est quelque part un peu de votre histoire qui s'en va aussi. Mais il faut bien, n'est-ce pas.

Bernard Clavel, pour moi, c'est avant tout Malataverne, ce roman des Monts du Lyonnais où j'ai, pour la première fois de ma vie, réellement rencontré en littérature la violence et la culpabilisation. Ces trois adolescents, ni pires ni meilleurs que tous les autres, qui allaient, à partir du simple projet d'un vol de fromage, assassiner une fermière, la mère Vintard, me marquèrent durablement, même si, aujourd'hui, au milieu de la violence sociale urbaine, ils feraient pâle figure. C'est sans doute, avec La Cicatrice, de Bruce Lowery, lue à peu près à la même époque, le livre qui m'a le plus fait réfléchir sur la responsabilité de chacun face à son comportement quotidien.

Colette Renard, il me semble que c'est encore plus loin. Chansons appréciées de ma mère, fredonnées par mon père, gouaille et petit minois. Je ne revois d'elle qu'un visage de jeune femme, celle qu'elle était dans mon enfance. Je savais qu'elle jouait un rôle de grand-mère dans une série télévisée. Pourquoi pas? Mais j'ai voulu garder pour moi l'image de la jeune chanteuse, celle qui, ne boudant pas la grivoiserie, s'amusait à chanter:

Que c'est bon d'être demoiselle
Car le soir dans mon petit lit
Quand l'étoile Vénus étincelle
Quand doucement tombe la nuit,

Je me fais sucer la friandise
Je me fais caresser le gardon
Je me fais empeser la chemise
Je me fais picorer le bonbon
(....)
(Les nuits d'une demoiselle.)


Et encore davantage celle qui me faisait rêver par ces mots simples:

Y avait une fois une rose
Une rose et un marin
Le marin était à Formose
La rose était à Dublin.

Jamais au monde ils n'se virent
Ils étaient beaucoup trop loin
Lui n'quittait pas son navire
Elle quittait pas son jardin.

Au-dessus de la rose sage
Les oiseaux partaient tout le temps
Et puis aussi des nuages
Des soleils et des printemps.

Au-dessus du marin volage
Des rêves étaient tout pareils
Aux oiseaux et aux nuages
Au printemps et au soleil.

Le marin périt en septembre
Et la rose le même jour
Vint se flétrir dans la chambre
D'une fille en mal d'amour

Jamais personne ne suppose
Qu'il y ait le moindre lien
Entre le marin de Formose
Et la rose de Dublin

Et seul un doigt sur la bouche
Un ange beau comme un éclair
Jette quand le soleil se couche
Des pétales sur la mer.
(Le marin et la rose)

Une pensée douce au passage pour un temps révolu.

9 commentaires:

Olivier Autissier a dit…

J'ai été très surpris de la mort de Bernard Clavel parce que je croyais qu'il était déjà mort depuis longtemps. Il me semble qu'il était déjà entré dans le registre des classiques. Mon seul souvenir, et ça date, reste "Malataverne" aussi.

Calyste a dit…

Il y a bien aussi L'espagnol, mais qui m'a moins marqué. Je lui avais même préféré l'adaptation à la télévision. Avec qui déjà?

FD a dit…

Jean-Claude Rolland (le comparse de Lino Ventura qui jouait aux dés et meurt après une bagarre avec les types du village dans "les grandes gueules" le film de Robert Enrico en 1965, avec aussi Bourvil, Michel Constantin, Marie Dubois, Jess Hahn et Paul Crochet).
Courte carrière pour lui puisqu'il se suicide peu de temps après la diffusion TV de "L'espagnol" (en 1967 je crois...)Il ne faut pas oublier non plus la présence de Dominique Davray (grand second rôle au cinéma notamment la mère maquerelle dans "les tontons flingueurs") pour sa formidable prestation dans cette adaptation TV.

Cornus a dit…

J'ai aussi découvert Clavel par l'intermédiaire de Malataverne au collège. Je me rappelais avoir plutôt aimé, mais je ne me souvenais pas trop de l'histoire que nous rappelle un peu ici. Par la suite, j'ai lu au moins deux autres de ses romans, mais j'ai été jusqu'à oublier leurs titres. J'ai aussi vu plusieurs adaptations à la télévision. En définitive, je trouve que Clavel c'est pas mal, mais cela ne m'a pas profondément marqué.

Calyste a dit…

Merci, FD! Tu sembles avoir une de ces cultures, cinématographiques! Serais-tu dans le 7°art?

Cornus, je vais t'avouer une chose: pour moi, Clavel fait partie d'une vie antérieure, de ces écrivains qu'on a lus autrefois et qu'on ne lit plus comme Cronin, Van der Meersch ou Jean-louis Curtis. Mais dont on garde un souvenir ému.

karagar a dit…

Pas mal ce texte de chanson... le second j'entends.

Calyste a dit…

Tu ne connaissais pas, Karagar? Il m'est revenu hier, à l'annonce de la mort de Colette Renard. Je me suis souvenu de ce texte que j'aimais beaucoup dans mon enfance (à cause de la rose ou à cause du marin?)

lancelot a dit…

Moi aussi, j'ai beaucoup aimé le texte de la seconde chanson. Tout à fait le genre de chose qui me plaît. Deux grains de sable qui ne se touchent jamais, mais pourtant, un lien ténu existe, quelque part.

Sur 'Malataverne', en revanche, je serais beaucoup moins enthousiaste. Je l'avais lu, non étudié. Ca m'avait laissé un profond souvenir d'ennui. Je ne crois pas que j'y reviendrai.

Mais, après tout, mon avis sur le livre, c'est à peu près aussi ténu que le lien entre la rose et le marin, pas vrai.

Calyste a dit…

Je crois aussi, Lancelot, que j'ai été sensible à Malataverne parce que j'habitais la proche région.