Puisque les incidents remontent presque maintenant jusqu'à ma porte, à la station de métro Garibaldi par exemple, j'ai voulu cet après-midi aller voir d'un peu plus près l'œil du cyclone, la Place Bellecour.
Sur Gambetta où ont défilé les dernières manifestations, beaucoup de monde à pied, non pour manifester mais la plupart sans doute pour économiser les derniers litres d'essence. Quelques vitrines présentent des impacts de projectiles, je n'en ai vu aucune détruite. Sur le pont de la Guillotière, beaucoup de monde aussi mais ambiance calme, comme détendue par l'apparition tardive du soleil.
Les premières forces de l'ordre bloquaient l'entrée de la rue de la Barre en direction de Bellecour. A partir de là, elles étaient omniprésentes, en voitures banalisées, en estafettes ou à pied. Les gens n'avaient pas l'air particulièrement inquiets. Sur la place, de nombreux jeunes, rassemblés surtout au pied de la statue de Louis XIV, beaucoup avec une capuche sur la tête ou le visage masqué par un foulard. Moyenne d'âge d'une quinzaine d'années, exceptés quelques adultes qui n'avaient pas particulièrement l'air d'étudiants en révolte.
J'ai remonté la rue Victor Hugo en slalomant entre des cordons de gendarmes ou de CRS jusqu'à la place Ampère. Sur cette section de rue, les dégâts étaient plus importants. Beaucoup de commerces étaient fermés, ceux qui étaient ouverts n'avaient que rarement étalé de la marchandise à l'extérieur. Aucun café n'avait installé sa terrasse. Les boutiques les plus vandalisées semblent être celles de vêtements et de chaussures "tendance", ce qui confirme à mes yeux l'implication contestataire profonde et l'engagement politique réfléchi de cette frange de la jeunesse (bien entendu, cette dernière phrase est à prendre au deuxième degré!).
En redescendant vers Bellecour, j'ai vu les premiers accrochages se produire sur la place où un groupe important de jeunes courait en direction de Saint-Jean. Beaucoup de passants, sur les trottoirs, se protégeaient le nez avec un mouchoir. J'ai appris plus tard que l'on avait tiré des grenades lacrymogènes. Comme je devais à peine plus tard rejoindre ma mère, je n'ai pas voulu insister et risquer de me trouver coincé sur la place. J'ai regagné le Rhône par Antonin Poncet puis le quartier de la Guillotière, encore calme à cette heure-là mais où j'ai appris qu'un peu plus tard de nombreux affrontements avaient eu lieu.
Rue Victor Hugo, j'ai été surpris par le nombre non pas de forces de l'ordre (ça, je m'y attendais un peu), mais de journalistes et de photographes. Ce que je ne savais pas, c'est qu'un illustre personnage, que l'on pourrait surnommer Easyjette tant il a de facilité à remplir les avions de retour au pays, m'avait précédé de peu sur les lieux. C'est d'ailleurs son cortège de motards et de voitures officielles que j'ai dû croiser ensuite en rentrant chez moi.
Ce que je pense de tout ça? Je n'ai jamais aimé ceux qui sèment et attisent la haine, de quelque bord qu'il soit. Je n'ai jamais aimé ceux qui profitent des revendications de gens honnêtes pour commettre vols et saccages. J'ai eu l'impression, en ville cet après-midi, d'assister à un immense jeu "au chat et à la souris". Je n'ai pas remarqué que les véhicules des forces de l'ordre manquaient de carburant (il faudra qu'ils me donnent l'adresse de leur pompe), pas plus que l'hélicoptère qui tournait inlassablement en rond dans le ciel de Lyon.
Ce que je n'aime pas, c'est l'image que donne d'elle-même une partie de la jeunesse aux autres strates de la population. Ce déchaînement d'imbécilité, de violence gratuite et de plaisir de détruire n'est pas à leur honneur. Je sais bien que s'ils me lisaient, c'est un bras du même honneur qu'ils m'adresseraient mais j'aimerais que ces jeunes retrouvent (où? par qui?) la dignité qui construit l'être humain et qui leur fait complètement défaut. Je suis d'ailleurs bien sûr qu'eux-mêmes ne doivent pas s'aimer et ne doivent pas être tant à l'aise que ça dans leurs tout nouveaux grelons.
mercredi 20 octobre 2010
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7 commentaires:
Les héritiers du lumpen-proletariat ! Je suis d'accord avec toi dans l'ensemble et je préfèrerais qu'ils détruisent ces chaussures thermoformées, fabriquées par des plus pauvres, plutôt que de se les coller aux pieds.
Hasard des événements, Christophe: il y a quelques jours à peine s'élevait sur la Place Bellecour une pyramide de vieilles chaussures pour Handicap International.
Ce sont déjà les soldes ??
En tant que frontaliers n'avons pas de souci à trouver du carburant, même sans aller en Belgique.
D'accrd à 99% avec toi. Saaf sur un détail, ou plutôt une phrase :
"Les boutiques les plus vandalisées semblent être celles de vêtements et de chaussures "tendance", ce qui confirme à mes yeux l'implication contestataire profonde et l'engagement politique réfléchi de cette frange de la jeunesse"
Même si ta remarque est à prendre au second degré, il conviendrait plutôt de dire « d’une PARTIE de cette frange de la jeunesse » (et puis, est-on sûr que tous les vandaliseurs et voleurs sont si jeunes que cela ?). Je sais bien que la fin de ta note rétablit l’équilibre, mais je n’aime pas l’idée de classer dans le même amalgame tous les lycéens et « jeunes » qui auraient fait partie de cette pagaille-là. C’est peut-être aussi dénaturer l’esprit qui est à la base de leur présence ce jour-là.
Loin de moi cette idée d'amalgame, Lancelot. Ce sera une fois de plus parce que je me suis mal exprimé! Quant à la jeunesse des casseurs, il n'est qu'à regarder les images! Bien sûr, elles peuvent être contestables, mais aucune boutique d'antiquaires (pourtant toutes proches) n'a été vandalisée, à ma connaissance!
Tous les "jeunes" ne sont en effet pas à mettre dans le même sac et tu as raison de pointer l'imbécilité du comportement des "casseurs" de vitrines, pur produit de la société de consommation dont les parents n'ont pas osé dire non devant leurs caprices d'enfants gâtés, même si les dits-parents n'en n'ont pas forcément les moyens.
J'ai du mal à comprendre la peur de l'avenir de ces générations alors que notre niveau de vie n'a jamais été si élevé. Ils devraient aller vivre quelques jours en Afrique ou à Haïti pour comprendre que leur avenir n'est pas si sombre que ça...
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