samedi 30 juin 2012

Un Été ardent

Et un Camilleri, un. Un de plus de cet auteur prolixe qui me convient parfaitement lorsque je n'ai pas envie de me casser la tête. J'aime son commissaire Montalbano, parce qu'il est sicilien, parce qu'il est sensuel, parce qu'il aime bien manger, parce que je me retrouve dans ses colères comme dans ses pudeurs. Ça suffit pour éprouver du plaisir à lire, non?
(Andrea Camilleri, Un Été ardent. Fleuve noir. Trad. de Serge Quadruppani, avec l'aide de Maruzza Loria.)

Momentini

- Barbara plusieurs fois à la radio aujourd'hui. Une voix claire, rafraîchissante par cette torpeur, puis de plus en plus hésitante au fil des années. Souvenir de ses concerts à Lyon, où le charme opérait toujours. Comme je l'ai aimée! Comme je l'aime.

- Deuxième jour de rien. Après-midi dans la pénombre de mon appartement, à lire un polar, à somnoler, à rêver, de quoi? je ne sais plus. Dehors, le silence d'une ville engloutie dans la chaleur.

- Je ne sais toujours pas si j'aime l'été.

- Prévoir du rangement pour ces vacances. Un nouveau tri dans les vêtements, dans tout ce qui m'entoure et dont je ne me sers pas. Je vais bientôt pouvoir dans la cellule d'un moine si je continue comme ça. Enfin, presque.

- Lundi et mardi (si nécessaire), correction du brevet. Je suis découragé à l'avance de ce que je vais trouver dans certaines copies. Peut-être d'heureuses surprises...

- Le jour de l'épreuve de français, une élève m'appelle et me montre l'en-tête de sa copie à remplir. Me pointant du doigt la ligne "né(e) le...", elle me demande ce qu'elle doit y mettre!!! Réponse fulgurante de ma part: "Le prix au kilo!". Elle n'a pas compris! 15 ans!

Et un peu de musique, ça vous dirait? (114)

 Patti Smith, Gloria


vendredi 29 juin 2012

Rien

Rien. C'est ce qu'avait écrit Louis XVI dans son journal pour la journée du 14 juillet 1789, parlant non, comme on le croit, des événements qui secouaient Paris, mais du résultat de sa chasse.

Rien. C'est ce que je pourrais écrire aujourd'hui. Jour sans cours, sans réunions, sans surveillances, sans corrections. Un petit ilot de farniente avant le vrai départ en vacances.

Rien, ça veut dire visite à la banque de ma mère et à la mienne pour récupérer des chéquiers, repas avec Frédéric chez Patrick (lapin à la moutarde et soupe de fraise au gingembre), détour par le coiffeur pour la coupe d'été (il parait que je ressemble à un premier communiant! On va sans doute me donner le Bon Dieu sans confession!) et repas de ce soir chez Jean-Claude.

Rien, ça veut dire réveil à 8h30 dans un environnement étonnamment calme, ça veut dire petit déjeuner tranquille et lent derrière les persiennes à peine entrouvertes et qui laissent passer sur le sol des rais de lumière, ça veut dire écoute des dernières émissions de la saison sur France-Inter, ça veut dire papotage avec une de mes vieilles voisines.

Quelque chose dont je me demandais si ça ressemble à ça, une vie de retraité...

jeudi 28 juin 2012

28 juin 2012

28 juin 2012: on me livre mes nouveaux canapés.
28 juin 2012: je surveille l'épreuve de français du brevet dans une salle de 73 élèves.
28 juin 2012: j'y retrouve une ancienne élève qui est au bord des larmes de me revoir.
28 juin 2012: c'est le 7° anniversaire de la mort de Pierre.
28 juin 2012: Frédéric et Jean-Claude chez moi ce soir. Nous avons bu du champagne pour fêter les canapés, l'été, que sais-je.
28 juin 2012: la vie continue et je l'aime alors que je n'y croyais plus.
28 juin 2012: le bel aujourd'hui.

mercredi 27 juin 2012

Philoctète



Le dernier rôle de Laurent Terzieff, quelques jours avant sa mort. Nous y étions, Frédéric et moi. Sublime.

Alea de la mémoire

Certains sont morts mais sont restés dans les mémoires, le nom des autres, bien vivants, s'estompent peu à peu de la liste de ceux sur qui on remet une tête. Ils partagent le même anniversaire, aujourd'hui:
Isabelle Adjani, Jacqueline Delubac, Geneviève Fontanel, Philippe Nicaud, Magali Noël, Laurent Terzieff.

So british

Moi qui voulais essayer de m'arrêter de fumer cet été, je ne sais pas si je ne vais pas revoir ma position. Pourquoi ? Allez donc faire un petit tour ! C'est P.P le Moqueur qui a découvert cette petite merveille so british!

mardi 26 juin 2012

Rouge antique

Théâtre romain de Fourvière

Momentini

- Fin des cours aujourd'hui. Après, surveillances, corrections, réunions... jusqu'au 5 juillet. Je me demande ce que je préfère.

- Rendu des livres ce matin. Pendant qu'ils étaient pointés, je me disais qu'il est tout de même drôle que les livres de travail, on les empile alors que ceux qu'on lit pour le plaisir, on en présente la tranche. Une salle pleine de livres scolaires ressemble à un cimetière.

- Il faudra un jour qu'on m'explique ce qu'il y a d'intéressant dans le football et dans son univers à la con.

- Ma dernière sortie des classes "normale". L'an prochain, ce sera l'ultime, donc forcément pas normale.

- A midi, des tomates à la provençale. C'est simple, c'est facile à faire, c'est bon avec un petit rosé bien frais. Remarque sans aucun intérêt, juste pour me faire plaisir.

- Ce soir, une aide-soignante: "Votre maman est de plus en plus lourde à assumer." Tu t'es vue ?

- Ce matin, un sixième: "J'ai oublié ce que je voulais dire, mais je vais en parler tout de même." Et il l'a fait!


lundi 25 juin 2012

I say goodbye

Qu'est-ce que j'en attendais au juste? Rien et beaucoup, sans doute. J'ai été à leur début, à l'époque artisanale ou je les filmais avec une vieille caméra dont les batteries se déchargeaient si vite que j'avais à peine le temps d'aller à la sacristie récupérer la suivante, où nous coupions dans les bois des branches de sapin pour confectionner des couronnes de Noël à vendre pour récupérer quelques sous destinés aux déplacements (je me souviens encore: le premier fut à Grenoble), où tout se faisait dans une fête permanente qui occupait la moitié de nos nuits. Puis des voyages plus lointains: l'Allemagne, l’Écosse, la Russie... Je les ai quittés lorsque Pierre est tombé malade.

Hier, c'était le 25° anniversaire. Grande salle antique de Lyon, bondée sous une chaleur quasi saharienne. Il fallait y tenir pour aller les entendre chanter: quartier bouclé, impossible de trouver une place de stationnement, entrée par le bas du théâtre, obligés par les barrières de monter tout en haut avant de redescendre. Nous avons tout supporté. Les choses ont commencé à se gâter lorsque Isabelle m'a appelé sur mon portable pour me dire que, bien qu'handicapée, on lui refusait l'entrée par le haut. Elle a tout de même fini par avoir gain de cause lorsque je lui ai conseillé de demander son nom au cerbère de service.

Et puis le concert: sono réglée trop fort, démarrage avec la chanson qui a fait leur succès dans un film et que j'ai entendu répéter pendant plus d'un an (ras le bol!), deux chants sacrés dans la soirée et, pour le reste, des chansons des Beatles massacrées pour certaines, des solistes à la voix aigre et prétentieuse, un jeune adulte, fils de célébrités du show-bis, qui n'avait rien à faire là. Seule une petite fille s'en est admirablement sortie dans son interprétation de L'Hymne à l'amour d’Édith Piaf. Mais est-ce vraiment une chanson pour son âge? (Je me ferais teindre en blonde,....). Bref: du commercial de qualité médiocre et le pire, c'est que la plupart des spectateurs avaient l'air enchanté.

Je ne suis pas triste de ne plus faire partie du voyage, tant l'égo du chef de chœur a grossi en proportions de son estomac!

Les Jardins statuaires

On est presque heureux de terminer un roman pareil, heureux de sortir de l'enfermement où il nous a installés dès les premières pages et dont je n'ai jamais eu d'autres exemples qu'avec Les Saisons de Maurice Pons et La Femme des sables d'Abé Kobo. Ce sont là, avec celui-ci, Les Jardins statuaires de Jacques Abeille, des livres envoûtants, au sens premier du terme, qui font presque mal à lire et dont on ne peut s'extraire.

Un étranger pénètre dans ces domaines des jardiniers qui, à longueur d'année, cultive des statues qui poussent comme des légumes et que l'on façonne peu à peu pour leur donner la forme définitive qu'elles semblent vouloir prendre. Derrière ce pays des domaines, où la vie se déroule calme et un peu surannée, s'étend la steppe, mystérieuse, d'où le danger peut surgir à tout moment, comme des lointains du Désert des Tartares . Le voyageur s'y rendra et découvrira ce que tout les autres ne savent pas encore.

Un livre simple par le style mais à la matière féconde, que l'on ne peut lire trop vite  et dont on ne sort pas indemne. Un roman inclassable que j'ai découvert par hasard, en lisant la quatrième de couverture qui, pour une fois, ne ment pas: "A la fois récit d'aventure, conte initiatique et rêve éveillé, Les jardins statuaires fascine par son ampleur et sa puissance évocatrice."
(Jacques Abeille, Les Jardins statuaires. Ed. Atila, Folio.)


dimanche 24 juin 2012

Au fil des rues (4)














Le Cours Gambetta, à Lyon, sépare le 7° du 3° arrondissement, sur la rive gauche du Rhône. Il suit exactement un tracé est-ouest, et lorsque le soleil, avant de se coucher derrière la colline de Fourvière, illumine cette artère, c'est pour moi, chaque fois, un enchantement. Moment où j'aime me trouver dans la rue à prendre des photos à contre jour. La luminosité particulière des soirs d'été rend cet endroit méconnaissable, comme sorti d'un rêve de sépia.

samedi 23 juin 2012

Les Invites

Onzième édition de ce "festival pas pareil" de Villeurbanne. J'y suis allé faire un petit tour cet après-midi, du côté des Gratte-ciel et de l'avenue Henry Barbusse. J'en avais gardé le souvenir heureux de certaines années où l'on avait pu assister à des spectacles de rue de qualité, et souvent très drôles.

Ce ne fut pas le cas aujourd'hui: moins de lieux de représentations dans le centre, une foule plus clairsemée et des numéros relevant d'un amateurisme affligeant. Peut-être ne suis-je pas tombé sur les bons? Mais j'ai tout de même l'impression que la crise est passée par là et que la ville se contente maintenant d'une animation à bon marché relevant plus d'une fête de collège de fin d'année que d'un réel effort culturel.

Emotion

Hier, c'était le départ des troisièmes, avant les révisions pour le Brevet. La dernière heure, ils la passaient avec moi, en latin. J'avais été très réticent à leur idée de goûter mais ils m'avaient préparé bien mieux.

A mon arrivée dans le couloir, une haie d'honneur tout en scandant mon nom si fort qu'une collègue en est restée tout ébaubie. Puis, dans la classe, une grande carte avec leurs signatures et des mots de remerciements pour l'année écoulée. La direction leur avait donné le droit de se déguiser et ils ne s'en sont pas privés: j'ai eu droit aux deux Dupond(t), au Diable et à un ange, à des gitanes et je ne sais plus quoi. Les garçons, bien sûr, sont restés plus discrets dans leur accoutrement, se contentant d'un petit quelque chose en plus par rapport à l'habitude.

Et puis, est venu le temps des photos, en groupe, individuelle: on se serait cru à Cannes, à la montée des marches. Pour la première fois de ma carrière, je leur ai même donné mon adresse mail pour qu'ils m'en envoient quelques-unes. Parce que, cette fois-ci, ce n'était pas comme les autres fois. Habituellement, on sent, derrière leur enthousiasme et leurs rires, surtout la joie d'en avoir fini et une politesse respectueuse. Mais hier, aux moments des embrassades qu'ils ont demandées, j'ai été très ému, au point d'en avoir un moment les larmes aux yeux. Parce qu'ils manifestaient là une réelle amitié, une tendresse infinie vis à vis de ce vieux prof qui, pourtant, ne les a jamais ménagés. C'est la première fois que je ressens cette émotion à ce point. Je vieillis, je vous dis.

vendredi 22 juin 2012

Souviens-toi: il faut oublier.

"Souviens-toi: il faut oublier." Étrange phrase trouvée dans le roman que je lis actuellement. Paradoxe apparent dans sa formulation. Certains, pour faire mode, parleraient d'oxymore. Et pourtant...

 J'y ai repensé tout à l'heure en écoutant de la musique. M'est venue à l'esprit l'époque où je découvrais pour la première fois certains airs d'opéras, certaines mélodies, profanes ou sacrées. La première écoute d'une interprétation dont j'ai encore les vieux disques. Je me suis souvenu du plaisir de la découverte, à un âge où je faisais mes premiers pas dans la connaissance de la musique classique.

 Et ma seconde réaction fut de comparer ce que j'entendais avec ce que j'avais en tête depuis ce temps-là, les rythmes, les voix, le phrasé, tout ce qui fait d'un disque une entité unique. Puis-je encore découvrir ces airs que je connais par cœur et ressentir une émotion nouvelle alors que la plus ancienne ne s'est jamais effacée?

 J'ai pour habitude de ne pas relire les romans appréciés dans mon adolescence et après, par peur d'être déçu, de ne pas y retrouver ce que j'y avais puisé à l'époque. N'en est-il pas de même pour la musique. A moins que je ne fasse mien ce paradoxe précité: "Souviens-toi: il faut oublier."

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (113)

Antonin Dvorak, Rusalka. Renée Fleming.

jeudi 21 juin 2012

Pages marquantes (40)

Eguchi desserra son bras qui la tenait fortement, et quand il eut disposé le bras nu de la fille de telle sorte qu'elle parût l'enlacer, elle lui rendit en effet docilement son étreinte. Le vieillard ne bougea plus. Il ferma les yeux. Une chaude extase l'envahit. C'était un ravissement presque inconscient. Il lui sembla comprendre le plaisir et le sentiment de bonheur qu'éprouvaient les vieillards à fréquenter cette maison. Et ces vieillards eux-mêmes, ne trouvaient-ils pas en ces lieux, outre la détresse, l'horreur ou la misère de la vieillesse, ce don aussi d'une jeune vie qui les comblait ? Sans doute ne pouvait-il exister pour un homme parvenu au terme extrême de la vieillesse un seul instant où il pût s'oublier au point de se laisser envelopper à pleine peau par une jeune fille. Les vieillards cependant considéraient-ils une victime endormie à cet effet comme une chose achetée en toute innocence, ou bien trouvaient-ils, dans le sentiment d'une secrète culpabilité, un surcroît de plaisir ? Le vieil Eguchi, lui, s'était oublié, et comme s'il avait oublié de même qu'elle était une victime, de son pied il cherchait à tâtons la pointe du pied de la fille. Car c'était le seul endroit de son corps qu'il ne touchait pas. Les orteils étaient longs et se mouvaient gracieusement. Leurs phalanges se pliaient et se dépliaient du même mouvement que les doigts de la main, et cela seul exerçait sur Eguchi la puissante séduction qui émane d'une femme fatale. Jusque dans le sommeil, cette fille était capable d'échanger des devis amoureux rien qu'au moyen de ses orteils.
Yasunari Kawabata, Les belles endormies. (Livre de poche)

Le bel endormi

Que nous dit un visage endormi, sur l'oreiller, là, tout près de notre tête, si près qu'on en sent le souffle régulier sur sa peau? Est-il le reflet de la vérité de l'être qui partage notre lit, y lit-on, comme sur la page, des messages effacés au moment du réveil ? Y voit-on ce qui se masque au jour et ne veut pas paraître? Ou bien n'est-il que le masque d'un étang trop profond pour qu'on en sonde les abîmes, ces traits de cire que l'on prêtaient autrefois aux morts illustres et qui en perpétraient l'éternelle rigidité?

Et derrière cette énigme, se cache la question essentielle, celle à laquelle nous n'aurons jamais de réponse: que dit le nôtre lorsque nous fermons les yeux, quel secret, à nous-mêmes inconnu, dévoile-t-il à celui qui nous regarde?

mercredi 20 juin 2012

Reflets

Quelque chose du masque des Perses dans mes rideaux, ce jour-là.

Raout

Hier soir, c'était le grand raout dans la cour du collège, pour fêter avec les établissements associés, la fin de l'année scolaire. Autrefois, nous appelions cela le buffet campagnard. C'était convivial, la nourriture était bonne et le vin se déclinait en trois couleurs: rose comme le teint de nos joues au plaisir de se revoir, blanc comme la moitié de la nuit que nous allions passer, rouge comme le sang qui bouillonnait en nous et nous faisait inventer, changer, essayer et réussir.

Comment appeler cette réunion d'hier, au nombre de convives rétréci, à la présentation culinaire aussi prétentieuse qu'était insipide ce qui se trouvait dans nos assiettes, aux discours inconsistants et hypocrites, au départ chacun seul dans un chez soi que l'on n'aurait pas dû quitter?

L'an prochain, c'est moi sans doute qui aurait droit à un fragment de ce discours prononcé (est-ce le mot ?) par un homme qui me révulse et à qui j'évite depuis longtemps de serrer la main. Irai-je ce soir-là entendre ses mots ânonnés qu ni l'un ni l'autre ne croirons ? Rien n'est moins sûr.

Joie pourtant de revoir quelques anciens, depuis plus ou moins longtemps partis à la retraite, et quelques plus jeunes avec qui j'ai su créer des liens forts d'amitié. Joie aussi de voir la directrice venir trinquer avec moi après le rude combat que nous avons dû mener contre l'excité de la plainte pour insulte à sa fille. Joie enfin de retrouver un peu de tendresse d'autrefois dans cette institution où ne compte plus maintenant que la rentabilité.

mardi 19 juin 2012

Mâle ou femelle ?

Dieu sait, et tous les autres aussi, que j'aime les Romains, leur langue et leur civilisation. Je suis tombé dedans tout jeune et, depuis, je n'en suis jamais ressorti. J'ai même espéré autrefois que la future Europe se ferait sur les frontières approximatives de leur ancien empire au moment de son apogée. L'Histoire a en décidé autrement, malgré quelques velléités sudistes récurrentes.

Pourtant quelque chose me chiffonne, un détail certes, dans leur mythologie: la façon qu'ils ont de nommer arbres et fleuves. En latin, en effet, tous les noms d'arbres sont féminins et ceux des fleuves masculins. La légende dit que, sous chaque ombrage, se cachait une nymphe, petite divinité agreste, qu'il ne fallait pas offenser. Dryopé, dans les métamorphoses d'Ovide, en a fait les frais. Paradoxalement, ces noms féminins ont tous une terminaison attribuée généralement au masculin: populus (le peuplier), quercus (le chêne), laurus (le laurier).

Quant aux fleuves, ils sont traditionnellement représentés, en mosaïques ou statuaire, sous la forme de dieux barbus d'un âge canonique. Au pied de la Bourse des valeurs de Lyon, un artiste du siècle dernier a respecté cette tradition en sculptant le Rhône étendu nu dans un élan viril mais, innovant pour le coup, l'a fait chevaucher une Saône aux attributs bien féminins. Comment d'ailleurs aurait-il pu faire autrement? On n'imagine pas, sur le parvis d'une aussi auguste institution, deux mâles s'enlaçant dans un désir amoureux.

Cette attribution romaine des principes masculins et féminins m'a toujours surpris: l'arbre, dans son élancement et sa force vénérable,  son rôle protecteur aussi par gros temps, m'a toujours paru mâle, alors que l'eau des fleuves et des rivières, apaisante et douce, relève pour moi d'un aspect féminin. Bachelard n'a rien dit d'autre dans son épistémologie. Et n'est-ce pas la douce Ophélie qui flotte comme un lys blanc sur les eaux qui lui servent à jamais de linceul? Quand l'imagerie sémantique a-t-elle changé, lorsqu'elle a changé? Voilà bien une question dont la recherche de la réponse a de quoi m'occuper lorsque le temps de l'otium sera venu.

lundi 18 juin 2012

Des conseils pas toujours classe!

C'est comme les cerises, sauf que ça revient plus souvent dans l'année: la saison des conseils de classe. Dernière série pour 2011/2012. A midi et tout le monde a faim. Le soir et tout le monde est excité.

Toujours le même cérémonial: les parents d'abord qui, en fin d'année, n'ont plus grand chose à dire, sauf exception excitée comme tout à l'heure. Les élèves délégués ensuite, toujours un peu impressionnés: une douzaine de profs et la direction, ça calme! Et puis, le cas par cas, élève après élève: encouragements, félicitations, avertissements, passage dans la classe supérieure ?

 Ambiance calme au début. On écoute le professeur principal faire le bilan et les propositions. On rajoute (certains) son grain de sel, on se veut équitable, impartial, plutôt positif. Peu à peu, les deux du coin de la salle se mettent à bavarder, elles qui reprochent si souvent aux élèves d'en faire autant. Les mères déléguées font entre elles des commentaires à voix basse. La direction est appelée pour régler un problème dans le collège. Le professeur principal se trompe dans ses papiers. "Où on en est? On parle de qui ? Finalement, on lui a mis les félicitations, à Arthur ? Moi, je voudrais revenir en arrière, parce que pour Julie, je trouve que....".

 L'heure avance, la liste moins. On essaie d'accélérer le mouvement, ce qui a pour effet immédiat d'exacerber encore davantage les apartés, les bavardages et les "je ne comprends plus rien". D'autres profs attendent dans le couloir pour le conseil suivant. On les entend plaisanter trop fort derrière la porte. "Allez, on avance!" Et le rythme se fait encore plus rapide. La prof d'anglais s'en va avant la fin, parce que ses enfants attendent et que l'on a dépassé l'horaire.

 Moi, je vous le dis, il vaut mieux, pour un élève, avoir un nom commençant par les premières lettres de l'alphabet. Et c'est encore pire quand on fait, en plus, circuler des petits gâteaux!

Chansons d'antan (2)

Fréhel, La Coco.

dimanche 17 juin 2012

Info

Je me demandais depuis longtemps ce que portent les écossais sous leur jupe plissée. Eh bien, ce soir, j'ai la réponse: rien, absolument rien. Et ne me demandez pas comment je le sais...

samedi 16 juin 2012

Trouvailles

Entendu chez des amis ces jours derniers:
- "Cette femme est assez nerveuse en ce moment, ça doit être la monopause! "
Elle n'est pas passée par la case départ et elle n'a pas touché...
- "A la suite de son opération au ventre, il a développé un hématome qui lui appuie fortement sur le pilori."
Quel supplice!
( Ne croyez pas que je me moque: j'adore ces amis et je suis si heureux de leurs trouvailles lexicales. Elles me font bien rire et approvisionnent ces billets quand je ne sais quoi dire!)

De la lecture comme enfermement

Sont-ce nos lectures qui influent sur notre sensation d'être, bien ou mal, à un moment donné, ou est-ce parce que l'on est bien ou mal que l'on choisit telle ou telle lecture à ce moment-là? Pourquoi préférer tel livre à tel moment ? Pourquoi, outre le talent de leur auteur, certains vous marquent-ils plus profondément, alors que d'autres sont tout aussitôt oubliés  ou vous ennuient même alors que vous en tournez les pages?

Il est certain qu'à l'adolescence, l'influence qu'avaient les romans sur moi  était considérable et je comprenais que, lorsque Goethe écrivit Les Souffrances du jeune Werther, sa publication fût suivie d'une vague conséquente de suicides. Je n'en suis, heureusement, jamais arrivé là. Mais c'est tout de même à la lecture de Cronin que je me mis dans la tête, pour longtemps, de devenir missionnaire.

Aujourd'hui, je suis plus détaché de ce que je lis. Parfois même, la lecture, si elle reste vitale, n'est pas loin de devenir un passe-temps comme un autre. Pourtant, je constate que deux ou trois romans ont ce pouvoir, que l'on pourrait dire magique, de vous envoûter, c'est-à-dire de vous enfermer dans leurs phrases au point que vous en sentiez le poids oppressif sans connaître la volonté nécessaire de vous en échapper. Sont-ce ceux qui, sans que vous le sachiez, se rapprochent au plus près de l'être inconnu que vous tâchez de ne pas voir en vous? Mais si vous tentez de comprendre le pourquoi de cette attirance morbide, vous restez bien souvent sur votre faim. Peut-être, après tout, est-ce mieux.

vendredi 15 juin 2012

Ça bouge à l'Académie

Cette vénérable institution qu'est notre Académie bien Française n'a pas l'habitude d'avoir les honneurs des médias. La plupart des gens savent vaguement qu'elle existe et cantonnent son rôle à l'écriture d'un dictionnaire jamais terminé. Aussi les Immortels furent-ils sans doute surpris, voire heureux, d'être ce mois-ci deux jours quasi consécutifs sous les feux de l'actualité. Vous rendez-vous compte: on en a même parlé à la télévision, même sur la première chaîne. Peut-être pas le présentateur du journal de 13 heures au sourire ravageur et immortel lui aussi, mais le soir, au 20 heures.

Une première fois pour le décès d'Hector Bianciotti, écrivain français d'origine argentine, qui faisait partie de l'institution, un homme élégant dans sa mise comme dans son style. Je me souviens avoir lu de lui, dans les années quatre-vingt, L'Amour n'est pas aimé et surtout Sans la Miséricorde du Christ qui m'a laissé un souvenir durable de beauté.

D'autre part pour la réception sous la Coupole d'un autre franco-étranger, Amin Maalouf, lui d'origine libanaise dont les romans m'ont longtemps enchanté. Le premier dont j'ai eu connaissance, Samarcande, m'avait été offert par mes élèves, à une époque où les élèves faisaient des cadeaux ou bien où ils savaient lire, au choix.

Hommage donc à ces deux hommes amoureux de la langue française qu'ils manient si bien.

jeudi 14 juin 2012

Une histoire de grenouille

La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf.

Une Grenouille vit un bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant : "Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ? -
Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ?

- Vous n'en approchez point.". La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.

Jean de La Fontaine

 Je ne sais pourquoi, en suivant, ces jours-ci,  les aventures politiciennes de nos aspirant(e)s député(e)s, m'est venue en mémoire cette fable apprise lorsque j'usais mes premières culottes sur les bancs de l'école.

Molière et Wagner, même combat.

Lu cet après-midi dans une copie de cinquième: "Molière a vécu au XIX°/XX° siècles et, pour ses comédies ballets, il s'est associé à Wagner". Et ça fait trois semaines qu'on travaille sur le Bourgeois Gentilhomme! Allez, je vais me servir un apéro... A la vôtre!

Peuple, oui, mais lequel ?

C'est fou ce que le mot "peuple" peut prêter à confusion. Tout le monde l'emploie, à gauche comme à droite. On s'en gargarise, comme, il y a quelque temps, de l'expression "ce pays" que les politiciens susurraient comme si de dire la France leur écorchait la langue. On s'en revendique, on sait ce qu'il pense, ce qu'il aime, ce qu'il espère, ce qu'il veut. On le flatte, on lui rend visite, on lui fait des promesses. Mais est-ce bien le même à chaque fois?

Les Romains de l'Antiquité, précis comme à leur habitude, avaient deux mots pour le nommer. Le "populus", assemblée des citoyens, de ces gens issus au départ des "gentes", grandes familles patriciennes qui se partageaient le pouvoir avant d'être obligées d'en accorder un peu aux autres. L'équivalent le plus proche aujourd'hui me semble être "aristocratie" ou "ploutocratie" comme on voudra, classe où l'éclat de l'argent a remplacé celui de la particule. Et puis "plebs", la plèbe, ceux qui travaillaient et qui furent longs à obtenir les droits les plus élémentaires, comme celui du mariage reconnu et de l'héritage. Hier "populo", aujourd'hui "quart-monde".

Alors, messieurs les orateurs au petit pied, messieurs les affamés de pouvoir, serait-ce trop vous demander de clarifier dans vos discours ce que, pour vous, "peuple" veut dire.

mercredi 13 juin 2012

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (112)

J'en étais tout aussi amoureux que de Pétula Clark dans mon enfance. Surtout dans cette chanson, qui, pour une fois, n'est pas de Ferrat. Je les trouve toujours aussi belles aujourd'hui, émouvantes, chanson et interprète. Je sais, je dois passer pour un ringard, mais pas grave. Isabelle Aubret, La Source.

Je goute, tu goûtes, ils goûtent

-M'sieur, est-ce qu'on pourra faire un goûter pour le dernier cours avec vous?
- NAN!
Est-ce que j'ai une tête à faire des goûters? Il en font déjà dans bien d'autres cours. Facile de les occuper à si bon compte, mais pour moi, c'est de la démagogie. Pas envie de les voir se goinfrer de cochonneries sur des tables glissantes de coca ou autres boissons hyper sucrées. Et de doubler le temps de travail de la femme de ménage le soir.
Alors, je leur souffle d'autres idées (non, pas l'éternel pendu non plus, faut pas pousser). Par exemple acheter un petit cadeau, maxi 2 euros, tout mettre en commun et distribuer au hasard. Ils sont contents de partir avec quelque chose et en plus, ça leur fait se creuser les méninges pour trouver une babiole pas chère et "intéressante". Ils ont aimé la proposition. Suffit juste parfois de leur donner un coup de pouce.

mardi 12 juin 2012

Tu peux toujours attendre...

Tiens, il y avait longtemps que je n'avais pas eu affaire à une bande d'excités au boulot! C'est chose faite depuis une semaine. Un parent d'élève a inondé ma directrice de mails incendiaires sous prétexte que j'aurais insulté sa fifille adorée ( comme si j'avais l'habitude d'insulter les élèves!) en lui demandant de justifier son absence à une retenue que je lui avais mise! Il exige que je lui présente mes excuses! Rien que ça! Faute de quoi, il menace de saisir le rectorat ou je ne sais quoi. La jeunette n'a en fait pas apprécié que je lui fasse dire qu'elle avait rendez-vous chez un médecin (qui plus est, un psy), ce dont à aucun moment elle ne m'a informé alors que, le matin même, je lui ai rappelé sa colle.

Bien sûr, la directrice n'a pas accepté le ton que ce monsieur employait dans ses revendications et a désamorcé la bombe. Cette élève n'est pas revenue à mes cours depuis une semaine. Croisée ce matin dans l'escalier, elle m'a dit attendre que l'on parle de l'incident pour faire sa réapparition. Je suis à son entière disposition, mais ma version risque de différer un tant soit peu de la sienne. Je me demande simplement comment l'on peut parler si elle continue à être absente. Mais ça, l'écervelée n'y a sans doute pas songé! Et dire qu'en latin, je tente de leur inculquer un commencement de début de frémissement de logique....

lundi 11 juin 2012

Charade à tiroirs

- Mon premier est un assassin.
- Mon deuxième apporte le courrier.
- Mon troisième ne rit pas jaune.
- Mon quatrième n'est pas rapide.

Mon tout est un célèbre écrivain français du XIX° siècle. De qui s'agit-il ?

Jouissances programmées

Billets quotidiens, ou presque, d'un blog. Étrange chose.Comment les voir, les siens propres, en prenant un peu de recul? Masturbations vespérales  dont l'envie, sitôt assouvie, revient vite?  Propositions putassières que l'on glisse, comme autrefois dans les saloons, près du sein de qui l'on veut se faire aimer? Calculs qui encombrent un esprit vésiculaire et dont on se débarrasse avant qu'ils ne fassent trop mal? Je vais y réfléchir. Je ne donnerai pas ma réponse.

dimanche 10 juin 2012

Chansons d'antan

 Berthe Sylva, Du Gris

Phrases

Et ce petit garçon que je vois dans tes yeux, perdu dans ceux d'un grand, lutin ou batailleur, pensif ou apeuré, qui n'a pour apparaître que le fond d'un regard. Comment s'appelait-il avant d'avoir un nom? Quels fantômes hantaient sa nuit calme ou troublée? Qu'a-t-il abandonné, que cache-t-il encore? Et ton rire parfois où l'on entend sa voix, comme elle était jadis lorsqu'un chat trop câlin lui caressait la jambe. Il ne reste de lui que ces instants volés, que deux mots qui échappent, qu'un Noël fugace, qu'un trouble récurant arraché par surprise et que bien vite il cache sous la blouse des vieux.

samedi 9 juin 2012

Silhouettes du jour

- Un homme qui essaie de redresser l'arrière-train de son vieux chien pour qu'il puisse faire ses besoins contre un arbre.

- Une femme qui essore un grand linge près d'une tente, sous le béton d'un pont.

- Un enfant invisible qui passe l'après-midi à hurler dans la cour comme barrissent les éléphants.

- Un vieillard qui n'en finit pas de frapper de sa canne la longue ligne droite de la rue.

- Une mère que sa monstrueuse obésité empêche de monter seule les trois marches d'un escalier.

- Des gens qui prient devant une tombe avec l'air de ceux qui commettent un méfait.


L'après de Galatée

Ovide, dans ses Métamorphoses raconte que Pygmalion, "plein d'horreur pour les vices que la nature a prodigalement départis à la femme", vécut longtemps sans compagne. Un jour, il façonna dans le plus bel ivoire une statue que nul être de chair et de sang ne pouvait approcher par sa beauté. Il pria tant Vénus de donner vie à son œuvre que la déesse, touchée par tant d'amour, finit par accéder à son désir. Ainsi naquit au monde Galatée qui engendra, "quand, pour la neuvième fois, le croissant de la lune se referma sur son disque plein, Paphos de laquelle l'île tient son nom".

Mais qu'advint-il ensuite de ce couple mythique? L'histoire ne le dit pas. Pygmalion sut-il aimer jusqu'au terme de sa vie cette créature de ses mains façonnée ou bien, soit parce qu'il en aperçut peu à peu les imperfections, soit parce qu'avec les années, la créature de rêve se transforma d'elle-même contre sa volonté, finit-il par mépriser ce dont il était lui-même l'auteur?

Ainsi en est-il aujourd'hui des pervers narcissiques dont, selon les experts, le nombre ne cesse de croître.

jeudi 7 juin 2012

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (111)

Les Platters, The great Pretender.
Le dernier, la voix, vient  de décéder. Que de slows dansés sur cette musique dans ma jeunesse folle!

mercredi 6 juin 2012

Coup de poing

Je ne sais pas comment je ne l'avais pas vue auparavant. Il y a bien une quinzaine de jours que ces panneaux commémoratifs des quarante ans de l'association scolaire sont en place dans les couloirs du collège, j'étais passé devant des dizaines de fois en y jetant un coup d'œil distrait sans m'attarder. Et ce matin, je n'ai vu qu'elle, penchée sur un élève qu'elle conseille, la tête au ras du bureau, le stylo pointé sur la feuille blanche, les lunettes glissées, comme toujours, au presque bout du nez, l'air sérieux qu'elle prenait dans ces cas-là, elle qui aimait tant rire.

La photo m'a arrêté net dans ma course, comme si j'avais reçu un coup de poing. Car c'est bien de la douleur que j'ai ressentie à ce moment-là, quelque chose de fulgurant, une immense tristesse subite, un ascenseur qui se décroche. Je me suis approché et je l'ai regardé longuement. Les élèves passaient autour de moi et me regardaient d'un air perplexe. Quelle figure devais-je avoir, ainsi plié en deux, le regard fixé sur le panneau ?

Et puis, la foule des souvenirs heureux s'est pressée dans ma tête, nos soirées, nos discussions, mes anniversaires, les pièces de théâtre qu'elle jouait avec une troupe d'amateurs et où j'étais toujours convié, les journées de jardinage, les bons repas où tout devait être parfait, les n'importe quoi qui nous faisaient tant rire, les engueulades aussi, quand nous n'étions pas d'accord ou quand elle voulait trop jouer à la maman avec moi. Et quand je me suis redressé, j'étais heureux, tellement, de l'avoir revue.

Elle, c'est Kicou. Je ne peux pas dire: c'était Kicou.

Chronique junienne

Il m'avait éveillé au monde de la science-fiction avec ses Chroniques martiennes lues à l'adolescence. Je l'ai retrouvé plus tard chez Truffaut avec un Fahrenheit 451 qui a trop vieilli aujourd'hui. C'était un ami de Jean Joubert, un écrivain pour la jeunesse qui était venu au collège et m'en avait montré un autographe. Ray Bradbury. Il a aujourd'hui rejoint une autre galaxie.

mardi 5 juin 2012

Générique

Frédéric Rossif, La Vie des animaux.

Cris dans la pénombre

Il fait lourd, ce soir. Des hirondelles tournent en criant dans la cour.Je ne m'étais pas encore rendu compte cette année qu'elles étaient là, comme j'ai laissé passé le temps des jonquilles. Leur cri, je ne le confondrais pas avec un autre. On l'explique, ce cri, lorsqu'elles rasent les façades des immeubles et poursuivent sans cesse leur ronde folle: pression atmosphérique ou quelque chose d'approchant, mais j'ai oublié et je ne veux pas savoir. Leur cri, c'est l'été, les soirs qui s'éternisent, les fenêtres ouvertes, le bruit de la cuisine et les regards furtifs sur les chambres éclairées.

Mais que sait-on de ce qu'elles disent? Et si c'était leur angoisse, leur fatigue, leur testament sonore à l'approche de la nuit. Cette stridence a quelque chose de légèrement angoissant, comme l'hystérie de leur vol. Dans le Jura, l'autre semaine, nous avons écouté, Frédéric et moi, une chouette effraie qui hululait un peu plus loin, en bordure de forêt, et c'était un cri doux et apaisant, un chant de bienvenue à la pénombre, pendant qu'une chauve souris tournait autour de la lumière de la place à la chasse aux insectes. Une façon de dire que tout est bien.

lundi 4 juin 2012

Un petit coin à lui seul réservé

Au Monastère de Brou. J'ai connu pire!

En-dessous de la ceinture

Frédéric m'a rappelé l'autre jour un mot que l'on disait autrefois et que l'on n'entend plus guère: le "sguègue", pour désigner le pénis dans le langage adolescent. Je l'employais moi aussi, quelques années avant lui. Avec d'autres, tout aussi démodés. Combien y en a-t-il, de ces mots évoquant le sexe masculin ? Autant sans doute que pour le féminin.  Allez, tiens, je tente une petite liste: outil, engin, bazar, biroute, bite, bâton, bout, oiseau, pine, popol, quéquette, queue, robinet, tringle, trique, zézette, zizi, zigounette, zob, zozio, bout, gourdin...
A vous de compléter... Il doit bien exister des particularismes locaux!

Esclavage estival

Hier, sur le chemin du marché,un club de gymnastique. Il fait chaud, les vasistas du premier étage, où doit se situer la salle d'entraînement, sont ouverts. On en sent la moiteur jusque sur le trottoir. Dominant les bruits de la rue, une voix terrible, une "coach" qui se veut mâle et hurle dans son micro d'un ton à faire passer les défilés de Nuremberg pour une parade de Disney. "Plus vite! Accélérez! On se tient droit! Allez, allez! " et d'autres gracieusetés du même acabit. Et j'imagine tous les ventripotents prêts à tout pour perdre un peu de leur pneu avant la bronzette estivale, toutes les secrétaires et leurs bouteilles d'eau vidée à petites gorgées, tous les bodybuildés jetant un coup d'œil amoureux sur leur reflet dans le miroir...

Moi, je les aime bien, les petits ventres confortables...

dimanche 3 juin 2012

Du matin

Il y en a un a qui je voudrais dire merci: c'est Didier M. Chaque matin, quelles que soient la saison, la météo et l'humeur du jour, je trouve son nouveau billet au saut du lit. Je sais qu'il sera là, petit texte tantôt joyeux, tantôt grinçant, tantôt triste, tantôt philosophique, accompagné de l'un de ses dessins, de l'une de ses peintures. Une bien agréable façon pour moi de prendre pied dans le jour qui vient. Alors, merci, Didier.

Momentini

- Fête des mères. Mère déchaînée...

- Les branleurs du sol ! Petite perle trouvée sur Internet! Sans doute voulait-on se renseigner sur Poséidon, appelé ainsi par Homère dans l'Odyssée, mais avec un l' !

- Éjaculation moins précoce ces derniers temps pour écrire des billets. J'ai peut-être tout dit, déjà.

- Aujourd'hui, c'était l'anniversaire de  Joséphine Baker, Evelyne Buyle, Yvonne Clech, Tony Curtis, Paulette Goddard, Daniel Ivernel, Dominique Laffin. Entre autres.

La Rivière de sang

On ne sait pas quoi lire, on demande à la libraire. La jeune fille nous recommande ce polar, un premier roman. Pourquoi pas ? La question est éternelle: qui a tué ? Mais la liste des suspects est plus originale. S'y trouvent inscrits de drôles de paroissiens: propriétaires de ranches jaloux, Église des saints des derniers jours, écolos portés sur l'attentat et nazillons organisés en milice. A tel point que l'on s'y perd un peu parfois. Seul reproche à ce livre plaisant, qui fait la part belle à la pêche à la truite, si l'on excepte son titre racoleur. (La Rivière de sang, Jim Tenuto, ED. Gallmeister. Trad. de Jacques Mailhos)

samedi 2 juin 2012

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (110)

Claude Debussy, Beau Soir

Des mots démodés (4)

Désuets même, aux dires de certains. La maraude en est un, que l'on a oublié. Et lorsque, l'autre jour, un journaliste de France-Inter fait mine de l'employer, il prononce "marotte" en évoquant le vol des cerises que des enfants gourmands allaient cueillir sur l'arbre du voisin. Souvenirs d'enfance et de lecture aussi lorsqu'une ridicule Philaminte s'en prenait à Martine:
- Quoi, je vous vois, maraude ?
Vite, sortez, friponne ; allons, quittez ces lieux,
Et ne vous présentez jamais devant mes yeux.  
 ( Molière, Les Femmes savantes, II, 6)

Interrogation fondamentale (2)

Juin. Les matins encore frais où les oiseaux réveillent, ne pas se lever mais que le ciel est beau, le café qui ronronne et la fenêtre ouverte où s'enfuit la fumée de la première cigarette, les cuisses fuselées des coureurs qui transpirent une sueur saine, les doigts qui s'imaginent aux pliures intimes, les repas de verdure et la bière mousseuse, les premiers Campari, les glaçons que l'on suce une fois le verre vide, les soirées qui  ne veulent pas s'enfuir tant se pressent les choses inutiles, le rougeoiement du ciel derrière le rideau tiré, les nuits nu sur un lit ou dans les bras d'un autre, ouvrir les yeux plus tard et se dire qu'il est là, effleurer une peau comme la brise effleure, les nuits si courtes et les rêves plus beaux.

Et, comme à chaque fois, je me pose la même question: combien en reste-t-il, de ces étés de draps froissés?

vendredi 1 juin 2012

Interrogation fondamentale

Juin. J'en vois déjà, des tous bronzés, des moitié nus, des en décapotables qu'on dirait toujours toutes neuves, la musique à fond, bien sûr, j'en entends des qui font la fête, le soir, fenêtres ouvertes sur la caisse de résonance de la cour, j'en sens des tout suants, des puants de la veille ou de l'avant-veille, j'en devine des fatigués du cerveau qui ont décidé qu'un mois avant les vacances, c'est déjà les vacances, j'en devine certains à la libido chargée, parce que c'est l'été, alors il faut bien baiser, sinon quand?, j'en soupçonne des prévoyants qui savent déjà tout ce qu'ils vont faire, jusqu'à l'heure du pastis, sous l'auvent de la tente avec les éternels voisins.

Et, comme à chaque fois, je me pose la même question: est-ce que, finalement, j'aime l'été?

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (109)

 Ce que j'ai pu l'aimer, celle-ci, à l'époque!