vendredi 29 avril 2011

Baci

Les cloches sont revenues depuis Pâques et moi, je vais vérifier si elles n'ont rien laissé traîner à Rome. Pas de billets donc pendant la semaine à venir. Je penserai bien à vous en dégustant une bonne bière tout près de la Place Navone, dans mon café préféré (j'en sens déjà le goût rafraîchissant dans ma gorge altérée) ou en côtoyant les chats du Palatin ou de la Place Argentine. La valise est faite, tout est vérifié, et je n'oublie pas l'appareil photos. Mille baci a tutti.

jeudi 28 avril 2011

Et un peu de musique, ça vous dirait? (12)

Ornella Vanoni - Mi sono innamorata di te

Et un peu de musique, ça vous dirait? (11)

Mina - Amor mio.
Un des tous premiers slows sur lesquels j'ai dansé dans les années 70.

Les gens (5)

Ecouter la musique.









4 juillet 2010

Antique patrie

Pas grand chose à raconter. Je suis déjà samedi matin où il faudra se lever tôt, très tôt, prendre un taxi pour Saint-Exupéry et faire enregistrer les bagages. Une heure et demi plus tard, ce sera Ciampino, à nouveau un taxi et la découverte de ce petit appartement dans le Trastevere où, paraît-il, il y a des orangers et des citronniers sur la terrasse. Rome vue des toits, retrouvailles avec cette ville qui me manque si vite.

Que vais-je leur faire visiter? Que faudra-t-il sacrifier par manque de temps? J'aimerais connaître la Maison Dorée de Néron où je n'ai jamais pu mettre les pieds pour cause de travaux prolongés. Dimanche, c'est la béatification de Jean-Paul II: il risque d'y avoir du monde autour du Vatican et aux abords de la Basilique Saint-Pierre. Pendant que j'écris, il me passe d'anciennes images qu'inconsciemment je vais sans cesse rechercher au cours de ce périple: le majestueux pin parasol du Palatin, les vols d'étourneaux sur le Tibre, les ruines romantiques des aqueducs dans la campagne du Latium, la fontaine des Tortues dans l'ancien ghetto juif, les pique-niques sur les pentes herbues du Circus Maximus, la douceur de l'Aventin...

Quand je vais à Rome, je n'ai jamais l'impression de partir à l'étranger; plutôt de retourner chez moi, un chez moi d'une autre vie dont la vivace réminiscence serait restée dans mon esprit, élément constitutif de ce que je suis. Mon dernier voyage date de cinq ans en arrière, un an après la mort de Pierre, et je n'avais pas été capable d'en jouir pleinement, englué dans un moi ténébreux où personne ne pouvait entrer. Aujourd'hui, je suis sorti de ce puits, j'ai retrouvé la lumière. Je peux remettre mes pas dans mes anciennes empreintes.

En écrivant cela, je souris: j'ai pensé que, probablement, en traversant la place de Venise, je me retournerais machinalement pour voir si les enfants suivent sans danger. Mais cette fois-ci, pas d'enfants à surveiller, à compter, à enseigner. Rien que deux amis, deux êtres auxquels je tiens tant. Et Rome, mon antique patrie.

mardi 26 avril 2011

Dix, comme mes camarades.

- On ne doit pas demander à aller aux toilettes chez les autres.
- On ne doit pas se moucher bruyamment.
- On ne doit pas se baigner avant quatre heures.
- On ne doit pas se gratter le nez.
- On ne doit pas dire de gros mots ni jurer.
- On ne doit pas prendre la parole si on ne vous la donne pas.
- On ne doit pas demander.
- On ne doit pas se moquer des autres.
- On ne doit pas se toucher le zizi.
- On ne doit pas se regarder dans un miroir.

J'en suis revenu! Depuis longtemps!

Singulières, les Insurrections?

J'avais entendu grand bien du roman de Jeanne Benameur, Les Insurrections singulières. Je l'ai lu, il se lit vite. Mais je n'en garderai sans doute pas un souvenir impérissable. Cet homme de quarante ans qui, abandonné de la femme qu'il aime, lassé de son travail en usine et de son rôle de provocateur même vis-à-vis des syndicats, quitte la maison de ses parents où il a trouvé refuge pour fuir avec un ami au Brésil où il rencontre la femme "ad hoc", ne m'intéresse pas. Voilà, c'est dit.

lundi 25 avril 2011

Objets inanimés

....
Montagnes que voilait le brouillard de l'automne,
Vallons que tapissait le givre du matin,
Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne,
Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain,

Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide,
Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tour
Attendaient goutte à goutte une eau rare et limpide,
Et, leur urne à la main, s'entretenaient du jour,

Chaumière où du foyer étincelait la flamme,
Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer?
....
Lamartine, Milly ou la terre natale

Avant qu'il ne soit trop tard

Cluny, Saône-et-Loire

Férié

Il est des lieux qui attirent sans doute. Irrémédiablement. Que faire d'un calme et beau lundi de Pâques? Où aller dénicher une petite auberge sympathique et des monuments qui, comme dit le Guide Vert, méritent le détour? Dans le Brionnais bien sûr, au sud de la Bourgogne.

Alors, nous voilà partis tous les trois ce matin, Jean-Claude, Frédéric et moi, tout d'abord dans la vallée de l'Azergues pour rejoindre le col des Echarmeaux où, cet automne, nous fîmes une belle cueillette de champignons. Mais cette fois, nous prîmes le temps de nous arrêter en route: à Chessy-les-Mines d'abord, où l'on perçoit encore l'historique présence de Jacques Cœur et où j'appris ce qu'était un "terrier" quand il ne s'agit pas de celui de certains animaux ( En droit féodal, un terrier ou livre terrier est un registre où sont consignés l'étendue et les revenus des terres, les limites et les droits d'un ou de plusieurs fiefs appartenant à un seigneur). Pierres dorées sous la lumière de ce milieu de matinée. Puis à Chatillon d'Azergues où l'étroitesse des rues de la colline nous empêcha de nous attarder. Passé le col (après un bref regard nostalgique sur l'auberge des Tilleuls qui était bien ouvert en ce lundi férié), nous redescendîmes comme naturellement sur la Saône-et-Loire et le Brionnais.

C'est sous un grand soleil que nous avons déjeuné à La Clayette, face au château, à l'Auberge de la Belle Époque où l'on peut s'arrêter sans craindre ni pour son estomac ni pour son portefeuille. Ensuite, ce fut presque aussi naturellement du côté de Cluny que nous menèrent nos pas (enfin, mes roues!). Grand soleil aussi et la plupart des restaurations aperçues la dernière fois avec Frédéric terminées. Une ville que j'aime malgré une certaine léthargie fort perceptible aujourd'hui. Auparavant, nous avions visité la petite chapelle romane de la Montagne de Dun, un peu trop restaurée à mon goût (Félicie aussi!)

A Cluny, nous ne pûmes, Frédéric et moi, voir la route du Mont Saint-Vincent sans évoquer sotto voce quelque souvenir qui nous tient particulièrement à cœur. Mais c'est à l'opposé, à Jalogny que nous allâmes d'abord: très belle église romane pour ce petit village tout proche de son illustre voisine. Ensuite, je tins à leur faire connaître celle de Berzé-la-Ville et le GPS de ma voiture nous fit emprunter une route sinueuse qui eut l'avantage de nous faire passer tout près de Berzé-le-Chatel: face à la roche de Solutré, dominant le Val Lamartinien, cette forteresse construite du XIII° au XV° siècle autour de sa chapelle carolingienne est la plus importante et la mieux conservée de la Bourgogne du sud . Le coq du poulailler à l'entrée du château nous impressionna presque autant que les fortifications dominant la vallée.



Rentrée sans embouteillages notoires sur Lyon. Une journée splendide où le soleil de printemps se mariait à merveille à ces paysages si doux. Sur le chemin du retour, nous passâmes tout près de Milly, le village où Lamartine vécut son enfance. Regret de n'y pas faire halte, certes, mais il faut bien en laisser pour la prochaine fois.

dimanche 24 avril 2011

Le balustre d'or, jour des Rameaux 1728.

J'arrive enfin: je vois madame de Warens. Cette époque de ma vie a décidé de mon caractère; je ne puis me résoudre à la passer légèrement. J'étais au milieu de ma seizième année. Sans être ce qu'on appelle un beau garçon, j'étais bien pris dans ma petite taille, j'avais un joli pied, une jambe fine, l'air dégagé, la physionomie animée, la bouche mignonne, les sourcils et les cheveux noirs, les yeux petits et même enfoncés, mais qui lançaient avec force le feu dont mon sang était embrasé. Malheureusement je ne savais rien de tout cela, et de ma vie il ne m'est arrivé de songer à ma figure que lorsqu'il n'était plus temps d'en tirer parti. Ainsi j'avais avec la timidité de mon âge celle d'un naturel très aimant, toujours troublé par la crainte de déplaire. D'ailleurs, quoique j'eusse l'esprit assez orné, n'ayant jamais vu le monde, je manquais totalement de manières; et mes connaissances, loin d'y suppléer, ne servaient qu'à m'intimider davantage en me faisant sentir combien j'en manquais.

Craignant donc que mon abord ne prévînt pas en ma faveur, je pris autrement mes avantages, et je fis une belle lettre en style d'orateur, où, cousant des phrases de livres avec des locutions d'apprenti, je déployais toute mon éloquence pour capter la bienveillance de madame de Warens. J'enfermai la lettre de M. de Pontverre dans la mienne, et je partis pour cette terrible audience. Je ne trouvai point madame de Warens; on me dit qu'elle venait de sortir pour aller à l'église. C'était le jour des Rameaux de l'année 1728. Je cours pour la suivre: je la vois, je l'atteins, je lui parle... Je dois me souvenir du lieu, je l'ai souvent depuis mouillé de mes larmes et couvert de mes baisers. Que ne puis-je entourer d'un balustre d'or cette heureuse place! que n'y puis-je attirer les hommages de toute la terre! Quiconque aime à honorer les monuments du salut des hommes n'en devrait approcher qu'à genoux.

C'était un passage derrière sa maison, entre un ruisseau à main droite qui la séparait du jardin et le mur de la cour à gauche, conduisant par une fausse porte à l'église des cordeliers. Prête à entrer dans cette porte, madame de Warens se retourne à ma voix. Que devins-je à cette vue! Je m'étais figuré une vieille dévote bien rechignée; la bonne dame de M. de Pontverre ne pouvait être autre chose à mon avis. Je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, le contour d'une gorge enchanteresse. Rien n'échappa au rapide coup d'oeil du jeune prosélyte; car je devins à l'instant le sien, sûr qu'une religion prêchée par de tels missionnaires ne pouvait manquer de mener en paradis. Elle prend en souriant la lettre que je lui présente d'une main tremblante, l'ouvre, jette un coup d'oeil sur celle de M. de Pontverre, revient à la mienne, qu'elle lit tout entière, et qu'elle eût relue encore si son laquais ne l'eût avertie qu'il était temps d'entrer. Eh! mon enfant, me dit-elle d'un ton qui me fit tressaillir, vous voilà courant le pays bien jeune; c'est dommage en vérité. Puis, sans attendre ma réponse, elle ajouta: Allez chez moi m'attendre; dites qu'on vous donne à déjeuner; après la messe j'irai causer avec vous.

Le sourire de la vieille dame

Elle avait l'air heureuse, la vieille dame, dans la voiture de sa fille qu'elle attendait sagement. Elle a frappé contre la vitre, je ne l'avais pas vue, et m'a fait un signe de la main, un signe d'amitié parce qu'elle aime que les gens soient heureux, elle me l'a dit hier. Aujourd'hui, elle ne serait pas seule. Aujourd'hui, elle allait sortir de son petit appartement. Ça sert à ça au moins, Pâques.

samedi 23 avril 2011

Obèse

Nous avions autrefois une directrice adjointe que j'aimais bien et qui me rendait cette affection. Trop même car sa tendresse envers moi et quelques autres collègues me gênait parfois. J'avais à ce point gagné sa confiance qu'un jour, elle me dit avoir été obèse. Comment cette femme élégante et plutôt bien de sa personne avait-elle pu être grosse? Devant ma mine incrédule, elle sortit de son sac une photo où l'on voyait une femme méconnaissable. Elle a dû, quelques années plus tard, quitter le collège pour incompatibilité d'humeur avec le nouveau directeur. J'ai essayé quelquefois de la joindre au téléphone mais devant son silence volontaire, j'ai abandonné la partie.

Un matin de cette semaine, arrivé en avance au collège, j'ai eu à écouter une de mes collègues à la langue bien pendue. S'il y a une chose que je déteste, c'est bien que l'on me saute dessus au quasi réveil pour m'infliger des tirades aussi longues qu'insignifiantes. Ce matin-là, elle parlait de cette femme, qu'elle avait rencontrée par hasard je ne sais plus où. Enfin, après bien des circonvolutions, elle en est arrivée à ce qui, dès le départ, constituait le but de son discours. Notre ancienne directrice adjointe avait repris les kilos qu'elle s'était tant efforcé de perdre. elle était redevenue obèse.

A voir cette collègue à la mine déconfite, on aurait pu croire qu'elle plaignait le sort de cette femme mais, à y regarder de plus près, son visage avait je ne sais quoi de joyeux, comme si elle venait enfin de se venger d'une ancienne offense, comme si, de savoir l'autre difforme la rendait, elle, plus intéressante d'avoir su garder une ligne de jeune fille malgré les années (au nombre conséquent) qu'elle a déjà empilées. Salope!

Les gens (4)

Perrette et le sac à main.









4 septembre 2010

vendredi 22 avril 2011

V-A-C-A-N-C-E-S

V comme Vacuité
A comme Attente
C comme Comme bon me semble
A comme Arrivederci, Roma
N comme N'importe quelle heure
C comme Convivialité
E comme Enfin
S comme Silence

Bonne nouvelle

Sortir avec le soleil. Se dire qu'on est bien, qu'on échappe pour six mois encore au moins au charcutage, cette intrusion dans l'intime qui fait souffrir le corps et le respect que l'on a de soi. Plus de cigarettes. La crémaillère descend lentement les pentes de la Croix-Rousse, tantôt dans le sombre tunnel, tantôt longeant les arbres et les bosquets de la place Croix-Paquet.

Il faut s'arrêter aux Terreaux et puis, parce que l'on est bien, parce que c'est les vacances, s'offrir le luxe d'un quart d'heure de lecture dans le cloître du Musée Saint-Pierre, au milieu des groupes de touristes et des lyonnais de souche. Écouter sans en avoir l'air un couple illégitime se demander où il vont dormir samedi soir. Les trouver beaux parce qu'ils s'aiment. Une japonaise ensuite et son téléphone portable, parlant dans sa langue. Et la beauté des mots. Tout le monde est beau aujourd'hui. Sentiment de liberté après la visite annuelle. Je pourrais parler avec n'importe qui, juste pour sentir l'humain, le frère.

En partant, se retourner pour embrasser du regard la fontaine, celle que j'ai au-dessus de mon lit, et son antique un peu maniéré dans son déhanché d'un autre âge. Puis l'émerveillement: au-delà du porche, sur la place, la fontaine Bartoldi crache sa brume dans le bassin, rutilante au soleil, parfaitement encadrée entre les deux portes de l'ancien couvent. Revenir à pied chez soi. Et la ville resplendit. Je suis beau, moi aussi, en noir et blanc, mince , mon petit cartable à la main avec, à l'intérieur, les résultats - bonne nouvelle.

Coller au monde.

mercredi 20 avril 2011

Radotages d'un vieux con.

Je constate avec effarement que de plus en plus de gens, et pas forcément jeunes, crachent dans la rue et que personne ne s'en offusque désormais. Je croyais cette conduite répréhensible. Apparemment je me trompais. Je trouve que cela est parfaitement dégradant pour celui qui le fait et dégoûtant pour les autres.

Il semble que la cause en serait à chercher dans une volonté manifeste de montrer sa virilité débordante, de camper un personnage de mec à toutes épreuves, sûr de lui et de ce qu'il est en droit de faire sans se soucier de ceux qui l'entourent.

Je n'avais jusque-là jamais vu de femmes agir ainsi. Eh bien, depuis hier, c'est fait. Trois donzelles, penchées sur la rambarde d'une "trémie" (passage souterrain pour voitures) lyonnaise, s'amusaient comme des idiotes, à grands renfort de rires hystériques, à cracher sur les véhicules qui passaient en dessous. Il parait aussi que la violence se généralise entre filles et pas du petit crêpage de chignon! Les femelles sont en train de devenir aussi vulgaires que les mâles. On a du souci à se faire!

(Dans le même ordre d'idées, il fallait voir la place Bir-Hakeim après le vide-grenier qui y a eu lieu samedi dernier: des détritus dans tous les coins, entassés sur les trottoirs ou dispersés dans le jardin. Il y a pourtant des poubelles tout autour de la place.)

mardi 19 avril 2011

Et un peu de musique, ça vous dirait? (10)

Rostropovitch, Suite n°1 pour violoncelle seul, Jean-Sébastien Bach



Quand Bach devient "délire".
Pour ceux qui, comme moi, aiment le violoncelle et Bach.

Uro

Il m'arrive rarement sur ce blog de rédiger un billet sur un sujet d'actualité. Je crois être fait davantage pour des sujets plus intimistes. J'ai mon avis sur ce qui se passe dans le monde et chez nous, en France, et peux en débattre lors de conversations entre amis, voire parfois au travail. Mais j'estime que ces sujets n'ont pas leur place ici. Choix personnel délibéré sur lequel je ne reviens que rarement. Mais aujourd'hui, je me permettrai de commenter l'annonce de la destruction d'une "œuvre d'art" de l'américain Andres Serrano au Musée d'Avignon.

Il existait autrefois ce que l'on appelait d'un nom peut-être un peu comique "l'honnête homme". J'essaie, dans ma vie de tous les jours, de tendre à quelque chose comme cela. Me faire ma propre opinion sur les choses, sans parti pris ni affiliation à une quelconque idéologie, rester ouvert à la nouveauté sans cracher pour autant sur la tradition quand elle me semble bonne. Cette attitude, qui peut paraître à certains un peu tiède, n'est pourtant pas facile à tenir dans un monde qui n'est de plus en plus sensible qu'aux coups de cymbales.

Je ne suis pas adepte d'une idéologie extrémiste dans la religion chrétienne et condamne totalement tout appel à la haine ou tout acte relevant de ce sentiment. Ainsi, d'où que vienne cette agression contre le travail d'un homme, je ne puis que la condamner. Mais je ne peux non plus supporter qu'au nom d'une soi-disant liberté de penser ou de créer, on fasse n'importe quoi. Ce crucifix plongé dans de l'urine me choque profondément, non seulement en mon for intérieur mais aussi par rapport à tous ceux, de bonne foi, pour qui le symbole de la croix est un pilier de vie.

Autrefois les manuels scolaires de français Lagarde et Michard, que par ailleurs j'estime beaucoup, commençaient souvent leurs questions aux élèves par le sempiternel: "Ne pensez-vous pas que l'auteur a voulu dire que...?". Alors je la pose, moi, cette question: "Qu'a voulu dire l'auteur de cette œuvre?". Y a-t-il un sens caché qui m'échappe? Une explication se serait imposée, un commentaire pédagogique à l'adresse du visiteur, pour l'aider à décrypter le sens de ce qu'il découvrait aux cimaises de ce musée. Et si cette "mise en scène" n'était que pure provocation vis à vis d'une église de plus en plus attaquée parce que de plus en plus vulnérable, alors l'artiste ne peut se plaindre d'avoir pleinement réussi dans son objectif.

lundi 18 avril 2011

Couleurs

Dimanche, petit viron dans la Loire et retour par les Monts du Lyonnais. Des glycines, des lilas, des genêts, du colza. Beauté.

Les ans en sont la cause.

Un de mes grands plaisirs du soir, c'est le moment où j'ôte ma montre et la chaînette en or que je porte autour du cou. J'ai l'impression de faire tomber des entraves. Je sais surtout que le temps qu'il me reste avant d'aller au lit est à moi, rien qu'à moi. Comme une impression de liberté. Bien sûr, je pourrais ne pas les mettre du tout, mais la montre m'est indispensable pour un travail rythmé par la stridence des sonneries de fin de cours. Et ma chaînette, j'y tiens. Je me surprends plusieurs fois par jour à la toucher, sur la nuque, derrière le col de la chemise. Un contact nécessaire à certains moments, va savoir pourquoi.

Lorsque j'étais plus jeune, je disais souvent que je serai vieux quand je posséderai une montre, un agenda et un pyjama. J'ai les trois, même si le pyjama se résume à vieux T-shirt et caleçon. Et j'aurais bien du mal à me passer de l'agenda aujourd'hui: même en y inscrivant les rendez-vous, il m'arrive d'en oublier ou de prendre deux contraintes en même temps.

Je me moquais aussi de Pierre et de son portefeuille envahi par les petites cartes en plastique pour la banque, la sécurité sociale, tel ou tel magasin, musée ou autre. J'en ai autant que lui maintenant.

A propos de Pierre, je me suis décidé cet après-midi à me séparer de livres à lui qui avaient résisté à un premier tri: sociologie, psychologie, pédagogie, philosophie. La bibliothèque de son dernier lieu de travail les veut bien. Je pensais les lire un jour. Je sais qu'il n'en sera rien. J'ai eu, en les manipulant, l'impression de découvrir quelqu'un que je ne connaissais pas, avec qui j'avais vécu longtemps et dont certains aspects m'ont complètement échappé. Étrange sensation que d'appréhender cette distance. Connait-on vraiment ceux que l'on aime? Mais après tout peut-on aimer quelqu'un sans lui laisser le droit de posséder son jardin secret, ses zones d'ombre où même l'être le plus proche n'a pas à pénétrer?

samedi 16 avril 2011

La Marche de Mina

Un roman bien calme, bien tendre, bien doux. On y cherche en vain ce qui peut irriter les papilles, les faire réagir juste ce qu'il faut pour en avoir le goût acéré comme après un plat trop épicé. Rien à première vue: une jeune fille dont la mère vient de trouver un emploi dans une autre ville se voit confier pour quelques mois à sa tante et arrive dans une somptueuse bâtisse de style européen à flanc de montagne. Elle y fait la connaissance de sa cousine, Mina, enfant fragile et souffrant de crises aiguës d'asthme dont elle deviendra comme une sœur aînée. Chronique familiale simple au milieu de ce monde bourgeois japonais, avec une grand-mère d'origine allemande, des domestiques totalement intégrés à la famille et une hippopotame naine qui, chaque jour emmène Mina sur son dos à l'école proche.

Mais, en étant plus attentif, on perçoit les zones d'ombre: l'oncle, si beau, si élégant, disparaît tout aussi mystérieusement que régulièrement pour rejoindre (on l'apprend plus tard dans le roman) une liaison féminine, la tante qui boit plus que de raison quand on ne la voit pas et traque la moindre coquille dans tout ce qui paraît, le souvenir du zoo disparu qui hante encore les lieux et la fin tragique du singe savant, la mort de l'hippopotame, un soir d'incendie, dans le bassin, le mystérieux cambriolage, les mensonges de Tomoko, l'héroïne, face au bibliothécaire qui croit que c'est elle qui lit les livres qu'elle emprunte, l'attentat contre la délégation israélienne aux Jeux Olympiques de Munich... Tout est donc faux sous la douceur apparente et, à travers les lignes, on retrouve vraiment l'univers de Yoko Ogawa fait d'étrangeté (j'ai parfois pensé à Irving en lisant ce roman), de perversion légère et de non-dits éclatants.

Un vrai bonheur donc que cette Marche de Mina, même si, en lisant les premières pages, on est un peu surpris de ce changement d'atmosphère. La quatrième de couverture ( Babel, Actes sud, trad. de Rose-Marie Makino) parle d'ironie insouciante. Pour une fois, je crois que ce sont les mots justes.

Encore un peu de patience !

Un petit tour sur la Place Bir-Hakeim pour le vide-grenier annuel. Rien ou presque. A six heures, alors que j'arrivais, les marchands commençaient à remballer leur marchandise. J'ai plus manipulé d'objets aujourd'hui dans mon appartement qu'il n'y en avait tout à l'heure sous les arbres.

Maintenant, le couloir et un des petits halls sont finis. La partie nuit de l'appartement commence à prendre forme. Et c'est bien là qu'il faut que je réagisse: Jean-Claude va s'attaquer ensuite aux parquets à nettoyer et rénover et je dois vider tout ce qui traîne encore, en particulier dans la chambre d'amis. Toute en œuvrant depuis ce matin, je me demandais où ce bric-à-brac avait bien pu auparavant trouvé sa place. Je ne cesse de jeter, de donner, et il y en a toujours plus: des livres, bien sûr, encore trop, mais si c'était tout! Des lampes, des bibelots, des pendules, des lustres, des cadres, des vêtements,que sais-je encore!

Et puis toute cette poussière qui s'est accumulée pendant les travaux! Je n'ose penser au moment où il faudra tout reprendre et astiquer! D'autant que dans la partie jour de l'appartement, nous avons l'intention de démolir une cloison, ne faisant qu'une seule grande pièce du salon et de la salle à manger. Des gravas et encore de la poussière en perspective. A Pâques, cela fera un an que je vis dans ce capharnaüm! ...

vendredi 15 avril 2011

Spéciale

Voilà. Un après-midi bien rentabilisé: échange de la veste achetée l'autre jour et finalement trop petite, achat d'une chemise à col Mao (depuis combien d'années n'en ai-je pas mis?) et d'un roman, Les Insurrections singulières, de Jeanne Benameur, livraison du lave-linge de ma mère et semaine de cours entièrement ficelée.

Et ce soir c'était spécial. Ou plutôt spécialE! Je suis allé voir des voitures! Invité, en VIP, par Citroën à fêter les un an de la DS3 (cela grâce à Frédéric qui vient d'en acquérir une). Avec en prime la spéciale du rallye de Charbonnières. Je n'aurais jamais cru que ce genre de festivités attire autant de monde. Bon apéritif dînatoire suivi de la compétition. Nous étions bien placés, dans un virage avec bosse, pour voir évoluer les bolides.

Le plus intéressant était les voitures de plus de trente ans, peut-être parce que certaines me rappelaient celles que j'ai vues dans mon enfance. L'Alpine Renault en particulier que j'ai toujours trouvée splendide. Alors, beaucoup de vroum vroum, de pétarades, de phares surpuissants et de traces de pneus. Quelques prises de virage risquées et un tête à queue que tout le monde a applaudi. Je ne me suis pas ennuyé une minute. Finalement, la vitesse m'excite. Et Frédéric était là pour me donner les informations nécessaires. Je suis toujours étonné par sa culture dans ce domaine, comme dans celui du cinéma d'ailleurs (et d'autres bien sûr).

Il faisait un peu frisquet à Gerland ce soir et nous avons fini par une petite visite nocturne du stade de l'OL. Bien vieilli aujourd'hui mais à l'architecture intéressante avec ses faux airs de Stadio dei Marmi dans le quartier mussolinien de l'EUR (Esposizione Universale di Roma).

Lorsque Frédéric m'a redéposé devant ma porte, j'ai regardé la voiture s'éloigner avant de me rendre compte que j'y avais laissé mes clés d'appartement. Un petit sprint inutile, un coup de téléphone plus rentable et tout est rentré dans l'ordre. Une bonne soirée à laquelle je ne m'attendais pas, moi qui ne suis pas un passionné d'automobiles. Pas de photos, hélas: j'avais oublié mon appareil. Je me serais mis des claques!

jeudi 14 avril 2011

Addendum (à Des Mots à moi)

Deux petites perles:
- l'une lue quelque part, je ne sais où (je crois me souvenir que cela avait un rapport avec Marcel Pagnol):
Les lapins s'étaient enfuis. Des cons leur avaient ouvert la porte. (dès qu'on).

- l'autre trouvée il y a longtemps dans une copie, une dictée extraite des Petits Enfants du siècle (c'est dire si ça date!) de Christiane Rochefort:
Les rats du haut, ces têtus! (Les radios s'étaient tues)

Dans un registre proche, deux anciennes trouvailles découvertes dans des rédactions:

- La scène se passe après que Madame Loisel s'est rendue compte qu'elle avait perdu la rivière de diamants que lui avait prêtée sa riche amie Madame Forestier pour assister à une réception officielle (La Parure, Guy de Maupassant): "Elle mit la main sur sa poitrine et, s'apercevant qu'elle ne l'avait plus, la chercha par terre."

- Après un cours sur la façon (mal digérée apparemment) d'éviter les répétitions. Description d'une scène de mariage où le prêtre est en retard: "L'église était pleine. La mariée était assise. Son futur époux fit deux ou trois va et vient dans celle-ci."

Mais, hélas, ce n'est pas tous les jours que je trouve ainsi à rire dans les écrits de mes élèves!

Naïf, Sénèque ?

Patrick de Carolis était présent ce soir à la Grande Librairie pour son nouveau roman, Paulina, publié chez Plon. Paulina est une jeune arlésienne dont le bateau, en partance pour Rome, fait naufrage sur les rivages de la Corse où elle rencontre Sénèque exilé là par l'empereur Claude à qui il avait eu le malheur de déplaire. Le célèbre philosophe de l'Antiquité deviendra son époux et elle tentera sans succès de le suivre dans la mort lorsque le successeur de Claude, Néron, lui ordonnera de se trancher les veines.

Intéressant tout cela, peut-être, bien que je ne connaisse pas les qualités littéraires de l'ancien présentateur de l'émission Des Racines et des ailes. Pourtant, je suis resté assez abasourdi lorsque j'ai entendu l'auteur dire de Sénèque que c'était finalement un grand naïf. Abasourdi car c'est loin d'être mon avis. A preuve cet extrait d'une oeuvre satirique du stoïcien, L'Apocoloquintose (métamorphose en citrouille) du divin Claude, qui met en scène l'empereur après sa mort (Trad. de R. Waltz, Les Belles Lettres, 1934):

Apprenez ce qui se passa dans le ciel: j'en laisse la responsabilité à mon informateur. On annonce à Jupiter qu'il vient d'arriver une personne de belle taille, aux cheveux tout blancs; qu'il a je ne sais quel air menaçant, car il remue la tête sans arrêt; qu'il traîne le pied droit. On lui a demandé de quel pays il était; il a répondu je ne sais quoi, avec des sons confus et une voix indistincte. On ne comprend pas le langage qu'il parle; il n'est ni grec ni romain, ni d'aucune nation connue. Alors Jupiter, s'avisant qu'hercule avait parcouru la terre entière et devait connaître tous les peuples du monde, lui donne l'ordre d'aller examiner à quelle race appartient cet intrus. Hercule, au premier coup d'œil, se sentit tout décontenancé; il crut qu'il n'avait pas encore affronté tous les monstres. Quand il vit cette face singulière, cette façon bizarre de marcher, cette voix qui n'était celle d'aucune créature terrestre, mais dont les sons rauques et brouillés rappelaient celles des bêtes marines, il crut qu'un treizième travail lui était échu. En regardant avec plus d'attention, il se rendit compte que ce n'était qu'une manière d'homme.

Écrit par un naïf, ce texte? J'en ai rarement lu de plus méchant. Bien sûr, Sénèque avait quelques raisons d'en vouloir à Claude de l'avoir exilé mais lécher à ce point les pieds du pouvoir alors en place, on ne peut pas appeler cela de la naïveté. Ou alors peut-être avait-il celle de croire qu'il allait faire de son élève, futur monstre sanguinaire, un modèle de vertu à la politique calquée sur celle du vénéré Auguste. L'histoire a par la suite démontré combien il se trompait!

mercredi 13 avril 2011

Des mots à moi.

J'écrivais il n'y a pas longtemps que je ne lisais que rarement en entier le nom des personnages des romans qui m'occupent et que cela me crée parfois des difficultés pour la bonne compréhension du texte. Sortir de sa musique pour entendre celle de l'autre est parfois difficile.

Il en est de même pour certains mots entendus dans la bouche des autres et que, sans jamais les avoir vu écrits, j'ai imaginés à ma façon. Une des toutes premières découvertes que j'ai faites sur un de ces mots tranquillement enregistrés dans mon cerveau avec mes propres ingrédients a été le vrai nom d'une fleur assez courante: le zinnia. Pendant des années, comme l'on parle toujours de cette fleur au pluriel, je me suis imaginé que le singulier en était un "innia". Je trouve d'ailleurs beaucoup plus belle ma façon de voir les choses!

A la radio, on parle chaque année d'une célèbre course à la voile autour du monde, en solitaire, sans escale et sans assistance: le Vendée Globe. Pour moi, ce sera pour toujours, et bien que je sache que j'ai tort, le Vent des Globes, tout de même plus évocateur des rafales, des vagues tourmentées et des embruns sauvages.

Et que dire de la ville de Brie Comte Robert, dans le département de Seine-et-Marne, en Ile de France. Quelle surprise quand j'ai, pour la première fois, vu écrit son nom! Je m'étais inventé une Brie contre Aubert, sans doute lointaine réminiscence d'Auvers-sur-Oise et de Van Gogh! Mais, en cette occurrence, j'ai accepté d'adopter le vrai nom, plus poétique à mon goût.

Des exemples comme ceux-là, j'en ai des centaines et je ne suis pas loin de croire que je me suis au cours des ans forgé un vocabulaire intime, rien qu'à moi destiné, qui correspond mieux à ce que je perçois de la musicalité d'un mot. Tant pis pour l'Académie et les puristes invétérés. Je veux bien faire un effort pour écrire et prononcer correctement tous ces substantifs, mais qu'on me laisse, tout au fond de moi, les imaginer comme bon me semble.

mardi 12 avril 2011

Les gens (3)

Au pied levé!







4 juillet 2010

Post meridiem shopping

Ce que je peux ne pas aimer ça! Et cet après-midi, on ne faisait pas dans le plus simple! Un lave-linge pour ma mère dont l'essorage de l'antique machine a rendu l'âme et quelques habits pour moi: pantalon, veste et paire de chaussures. Or je me sens aussi à l'aise (!!!) dans un magasin d'électroménager que dans une boutique de vêtements. Le premier parce que je n'y connais rien de rien, le second parce que je préfère repérer à l'avance ce qui est susceptible de me plaire (et de m'aller) et revenir après pour l'achat éventuel. J'y suis donc allé à reculons et la queue basse.

Eh bien, le plus facile à acheter n'est pas ce à quoi l'on pense. Environ un quart d'heure pour le lave-linge. Ma sœur avait sélectionné sur Internet un modèle de base bien suffisant pour ce que l'on veut en faire. Une vendeuse asiatique tout de suite à mon service, souriante et compétente à la fois, ce qui est tout de même bien agréable. Le modèle était en stock. Peu de temps après, je suis ressorti avec l'assurance que la livraison se ferait vendredi après-midi, dans un créneau horaire où je suis libre et peux réceptionner la marchandise.

Pour les vêtements, ce fut une autre histoire. Je voulais à tout prix une veste noire, demi-saison, ni trop épaisse, ni trop légère et froissable. Dans le premier magasin où j'ai mis les pieds, les cabines d'essayage me montraient l'image d'un homme mûr endimanché dans lequel j'avais du mal à me reconnaître.

Le deuxième pratiquait des prix de fous. Le troisième, bien que souvent branché sur une mode pour des hommes beaucoup plus jeunes que moi, avait l'avantage, lui aussi, de faire travailler une employée décontractée et à l'écoute. Mais la presque totalité des modèles en magasin étaient cintrés, trop cintrés pour mon âge et ma silhouette. Je veux bien ne pas faire encore trop vieux, mais tout de même: les quelques kilos restant autour de l'abdomen avaient vraiment tendance à ne pas vouloir se faire oublier.

Le quatrième fut le bon. Encore une fois des vendeuses compétentes et ne cherchant pas absolument à vous vendre quelque chose en prétextant que cela vous va à ravir. C'est là que j'ai fait affaire. Et, en plus, je suis reparti avec un cadeau: la boutique portant le nom du saint du jour, on m'a offert une petite pochette avec un peu de gel douche et d'eau de toilette. Je ne sais pas si j'en ferai usage mais j'ai trouvé ça sympathique.

Inutile de dire que ces différentes visites m'avaient pris un certain temps et que j'ai renvoyé le reste (pantalon et chaussures) à plus tard. Il ne faut pas abuser des bonnes choses! J'ai même réussi l'exploit d'entrer dans une librairie - oui, devant des livres, je ne fatigue jamais! - et à en ressortir les mains vides, le seul qui m'aurait intéressé, Les Insurrections singulières de Jeanne Benameur, n'étant pas disponible aujourd'hui.

lundi 11 avril 2011

Dire non à Antigone.

Avec mes collègues, les troisièmes viennent, en français, d'étudier Antigone d'Anouilh. J'ai surpris certains élèves dans la cours de récréation alors qu'ils en apprenaient un extrait. Ils n'avaient pas l'air emballé et m'ont confirmé cette impression lorsque je leur ai demandé leur avis. Cette pièce reste pourtant un de mes meilleurs souvenirs scolaires. Je n'étais pas loin de la préférer, à l'époque, à celle, d'accès plus ardu, de Sophocle.

Ce qui me passionnait, c'était le caractère sauvage de l'héroïne, son opposition intransigeante au pouvoir de Créon qui refusait que l'on donne une sépulture digne à Polynice, l'un de ses frères considéré comme traître à la patrie. La douce Ismène, plus prête à la concession, m'ennuyait alors qu'Antigone me fascinait par sa volonté sans faille, refusant le faux-semblant que lui propose Créon, sacrifiant son union avec Hémon, le fils de celui qui veut la contraindre, préférant la mort à un bonheur tranquille.

Refus de l'acte politique qu'on lui impose et qui la conduira à la mort, comme son fiancé et la reine même. Une tragédie moderne mais bien dans la lignée de ses lointains modèles antiques. Alors pourquoi ce désintérêt de la part des élèves? Je me souviens d'un style simple, d'une phrase à la portée de tous. Ce n'est donc pas cela, et puis mes collègues sont là pour expliquer les passages difficiles. Il me semble au contraire que ce "non" à la famille et aux conventions devrait leur plaire, à eux qui pataugent dans leurs premières années d'adolescence. De tels appuis littéraires m'ont aidé, moi, à passer le cap.

Et un peu de musique, ça vous dirait? (9)


Karine et Rebecca - Moi, je dors avec nounours.

1964, encore. Elles avaient quatre et cinq ans, même pas jumelles, et mes sœurs (quatre et sept) en étaient folles. Les deux enfants stars étaient toujours habillées de la même façon et mes parents, suite à un de leur disque où elles apparaissaient ainsi, avaient acheté à mes sœurs un pull en laine jacquard à dominante blanche avec bonnet et écharpe assortis. L'écharpe, on en laissait pendre un pan sur le devant et l'on rejetait l'autre par dessus l'épaule. Il avait fallu les commander chez les mercières de la commune, deux vieilles filles très vieille France qui nous intimidaient toujours un peu. Elles pratiquaient des prix assez élevés mais sans doute, en ces années-là, mes parents avaient-ils acquis une meilleure situation financière.

dimanche 10 avril 2011

Une peur enfantine

C'était en 1964. Je le sais parce qu'une sorte de cousine de quelques années plus âgée que moi, m'avait parlé d'un film qu'elle venait de voir: Mort, où est ta Victoire, d'après l'ouvrage de Daniel-Rops, et que ce film est sorti cette année-là. A cette époque, j'avais à peine douze ans et je devais me lever très tôt pour partir au lycée (qui regroupait, celui-ci, les classes de la sixième à la terminale). Le seul car à rallier Saint- Étienne dans les temps passait tout près de chez moi à 7h10. Je n'ai jamais vu le film et jamais lu le livre mais le titre m'avait marqué parce qu'il me faisait peur.

Quelquefois, cette cousine attendait le car en même temps que moi, dans le noir, à l'orée d'un petit bois. Mais bien souvent, j'étais seul avec mon cartable qui pesait des tonnes et mon anorak acheté trois tailles trop grand pour "faire du profit", c'est à dire me servir plusieurs années et ensuite être porté par mon frère. Mes camarades de classe s'en moquaient bien au début et c'est grâce à eux que j'ai appris à riposter de façon cinglante, lapidaire et définitive.

Ce lundi matin-là, j'avais eu exceptionnellement le droit, la veille au soir, de regarder un film à la télévision. Il s'agissait d'un film dont le héros était Sherlock Holmes et où les méchants étaient des hindous se servant d'une sorte de corde, terminée par des boules à chaque extrémité, qu'ils lançaient au cou de leur victime pour l'étrangler ou l'énuquer. J'en ai complètement oublié le titre.

J'étais seul, la cousine devait commencer ses cours plus tard, il faisait nuit et un peu de vent fourrageait dans les branches de l'arbre sous lequel j'attendais. L'atmosphère un peu sinistre contribua sans doute à me remémorer cette fiction de la veille qui, vu mon jeune âge, m'avait fortement impressionné. J'aimais d'ailleurs cette sensation de semi-insécurité tout en essayant de la canaliser dans des proportions supportables.

Ce que je n'avais pas prévu, c'est la suite. Une bourrasque de vent sans doute un peu plus forte fit ployer une des branches qui me servaient d'abri et le bout de cette branche vint me frapper l'épaule, un peu comme une main qui s'y serait appesantie. Et, pour ma part, c'est bien à une main inconnue et hostile, hindoue bien sûr, que je pensai immédiatement. Je crois n'avoir connu cela qu'une fois dans ma vie: mes cheveux se sont littéralement dressés sur ma tête. Je connaissais l'expression mais de façon purement imagée et abstraite. Là, je l'ai ressentie physiquement, comme si l'on avait tiré ma chevelure vers le haut, tirant en même temps la peau de mes tempes et de mon visage.

Je suis resté tétanisé un quart de seconde avant de me retourner courageusement pour faire face à qui voulait m'agresser et je n'ai vu que la branche qui, entre deux bourrasques, avait repris sa position initiale. Mon cœur n'a dû cesser de battre la chamade que dans les faubourgs de la ville. Le soir, j'ai raconté l'histoire à ma mère qui en a bien ri et s'est empressée de la colporter à qui voulait l'entendre. Voilà comme on acquiert une réputation de pleutre. Mais j'aurais voulu vous y voir à ma place!

samedi 9 avril 2011

Demandez, vous n'aurez pas!

Ce n'est pas la première fois que ça arrive. Sur mon "mouchard", je vois parfois passer des recherches de photos avec telle ou telle clé sur Google. Par curiosité, je vais quelquefois vérifier de laquelle de mes photos il s'agit. La plupart du temps, c'est assez farfelu. Je n'ai jamais compris comment, en tapant un mot, on pouvait se retrouver devant un cliché qui n'a absolument rien à voir! Celui qui a entrepris la recherche doit être ravi!

Mais ce soir, c'est le pompon. L'inconnu avait tapé: "italiennes nues", pensant sans doute se rincer l'œil, et a abouti à une des photos que j'avais prises à Eymoutiers en Haute-Vienne, au cours de l'été dernier, derrière la Cathédrale Saint-Étienne: une vieille maison en ruines ou presque dont les murs ne faisaient plus qu'apparaître une sorte de treillis de bois. Lubricité bien mal payée car nue, elle l'est certes, mais italienne, je ne crois pas!

Oral

Un oral avec des cinquièmes, ça n'était pas gagné au départ. Surtout qu'il fallait qu'ils se mettent dans la peau d'un guide du Musée des Missions africaines et qu'ils présentent aux autres un objet précis dans une vitrine donnée: soit bracelet de cheville, soit tambour anthropomorphe, soit plateau divinatoire, masque de mendiant ou de justice, porte de grenier sculptée, etc.

Certains n'ont pas fait grand chose, bien sûr. Mais d'autres avaient préparé leur intervention avec soin, allant même jusqu'à approfondir par des recherches personnelles les notes qu'ils avaient prises lors de la visite commune. Nous avons eu droit aux tics de langage habituels: les "heu" ponctuant les phrases, les "bin" les commençant, mais qui, même parmi les adultes, est capable de parler cinq minutes sans les employer?

Certains lisaient leur papier, d'autres au contraire s'en détachaient volontairement, au risque de se trouver courts à un moment ou à un autre. Quelques-uns, les plus timides, se lançaient dans l'expérience comme on se jette dans une piscine sans savoir nager et ce sont ceux-là qui m'ont le plus touché. J'imaginais l'effort consenti, la force de la violence qu'ils s'imposaient pendant leur présentation. Je la comprenais bien: je suis un ancien timide.

Bon binôme avec une jeune professeur d'histoire/géographie qui, bien que quasi débutante, a, elle aussi, parfaitement joué le jeu. Trois heures à voir défiler ces pré adolescents ne sachant bien souvent que faire de leur corps, bras trop longs, jambes en perpétuel mouvement, sueur dans le cou et sur le front, mains que l'on ne sait où positionner. C'en était presque drôle par moment.

Pour ma part, j'étais un peu réservé à priori sur le résultat de l'expérience. Mais il faut bien un jour ou l'autre leur apprendre à intervenir en public et j'avoue qu'ils s'en sont plutôt bien sortis dans l'ensemble. Un seule sur environ soixante-dix a récité des phrases visiblement copiées sur Internet et n'a pas pu répondre à mes questions perfides quand je lui ai demandé de m'expliquer avec des mots simples, des mots de son âge, ce qu'elle venait de dire.

Alors, pour moi, expérience réussie.

jeudi 7 avril 2011

Simple comme bonheur

Elle ne vivait plus que dans les livres. Elle ne les lisait pas, elle se plongeait dedans. Son travail, ses amis, elle les délaissait souvent, n'assurant que le strict nécessaire pour ne pas vivre tout à fait en ermite, pas encore. Même les repas, celui du soir surtout, étaient rapidement expédiés: une tranche de jambon et quelques légumes cuits à la vapeur mangés au coin de la table du salon en regardant les informations sur le monde qu'elles trouvaient trop déprimantes pour s'apitoyer.

Elle était devenue chasseur de coquilles. D'abord une ou deux, décelées au cours de ses lectures, à l'époque où l'intrigue l'intéressait encore. Mais en ces temps reculés, il existait de bons correcteurs sans doute car les fautes étaient rares. Elle ne les voyait peut-être pas toutes, emportée par son élan et ne lisant, à son habitude, que le début des mots pour avancer plus vite, ce qui lui avait valu de sérieux déboires avec les romans russes en particulier où il est si difficile de retenir les noms des personnages. Les frères Karamazov, par exemple, elle ne l'avait jamais terminé, perdu dans les patronymes, les surnoms et les diminutifs.

Maintenant, il était fréquent qu'elle en rencontre plusieurs dans le même ouvrage, sans compter les fautes d'orthographe qui l'exaspéraient bien davantage parce qu'elle n'avaient pas, elles, le mérite d'être drôles. Alors, petit à petit, elle s'était prise au jeu et n'avait de cesse de les traquer au fil des pages, en oubliant le reste, personnages, style, intrigues et atmosphère.

Chaque soir, elle s'enfermait dans son bureau et se mettait au travail, sérieusement, comme si le devenir du monde en dépendait. Il se passait parfois de longues heures sans qu'elle ne découvre une de ces pépites. Certains jours, elle perdait espoir et regagnait son lit bredouille. Elle avait cependant acquis un certain savoir-faire dans sa chasse aux mots déformés. Elle avait même repéré les éditions qui en contenaient le plus et n'achetait plus ses livres qu'en fonction de cela. Son budget s'en ressentait mais elle ne pouvait plus se passer de cette activité nocturne.

D'autres jours, c'était Byzance: plusieurs erreurs de suite, comme si le correcteur avait un instant relâché son attention. Elle les notait alors fébrilement sur un petit cahier bleu qu'elle réservait à cet usage, avec le titre de l'ouvrage et le numéro de la page. Elle avait, une seule fois, écrit à l'éditeur pour lui signaler aimablement la coquille mais n'avait jamais reçu de réponse. Sans doute s'en moquait-il, une fois le livre en magasin. Alors, elle avait cessé et n'avait fait de sa recherche qu'une occupation intime, à elle seule destinée, pour elle seule objet de joie et de contentement.

Un soir, elle avait beaucoup ri. Dans un commentaire sur un passage de Robinson Crusoé, elle avait lu que Vendredi était très reconnaissant à Robinson de l'avoir sauté. Le docte commentateur avait voulu écrire "sauvé", mais que c'était drôle ainsi! Ce qui l'avait fait rire, c'était d'évoquer la scène, l'homme civilisé et le sauvage en train de ferrailler sous les palmiers de l'île du Pacifique, dans la moiteur des tropiques. Une simple lettre transformée qui valait à elle seule tout un roman.

Souvent, les erreurs qu'elle rencontrait n'avait pas la qualité de celle-ci mais il aurait été difficile de la décourager. Elle épluchait même les revues et les magazines. Lorsque sa boîte à lettres débordait de publicités, elle ne les jetait jamais, comme ses voisins, dans la poubelle à prospectus. Elles finissaient sur son bureau, s'empilant dans l'attente d'être décortiquées et il était bien rare qu'elle n'en extraie pas une moisson de trouvailles.
Le bonheur est si simple, parfois.

(Texte inspiré par une page de La Marche de Mina, de Yoko Ogawa. Ed Babel)

mercredi 6 avril 2011

C'est à vous, Messieurs! (17): Claude Véga

Non, ce n'est pas un grand acteur, pas même un grand second rôle. A peine quelques titres de films à son actif, qui, pour la plupart, n'ont pas beaucoup laissé de traces (sauf, bien sûr, en 1969, le Domicile conjugal de Truffaut, réalisateur qui fut d'ailleurs son condisciple dans de courtes études commerciales).

Mais ce qu'il a pu me faire dans ses imitations lorsque j'étais enfant! Il a aujourd'hui 81 ans et, Monsieur de La Palisse en eût dit tout autant, est donc encore en vie, malgré ce que beaucoup croient.

Dans cette vidéo, Claude Véga parodie Denise Glaser interviewant Jacqueline Maillan.


Devant le parc

L'hiver, c'est déjà difficile: longer ce salon où elles sont toutes, les unes dormant, à moitié affaissées sur de vieux divans qui ont connu de meilleurs jours, les autres regardant le sol à la recherche de leurs rêves. Je les salue et passe vite, pour rejoindre ma mère ou l'enlever à leur compagnie morbide. J'entends dans mon dos leur réponse décalée, le temps de lever la tête pour celles qui sont encore un peu conscientes. Je les reconnais toutes à la voix, maintenant: Janine, la forte en gueule, qui peut être drôle lorsqu'elle ne va pas trop mal; Yvette, qui aimait les aider autrefois mais qui se laisse peu à peu envahir par la tristesse; Michelle, l'ancienne professeur d'allemand aux petits pas glissés dans ses bottines fourrées; Mercedes et son fort accent espagnol; Jacqueline, toujours prête à verser une larme et à geindre comme une enfant... Toutes, même celles qui ne répondent jamais.

Mais quand reviennent les beaux jours, c'est encore pire. Sorties du cocon de ce vieux salon, elles n'existent plus collectivement. Dehors, sous le préau à l'entrée du parc, elles sont seules, une par une, étrange galerie de fin de vie qui contredit les couleurs pastel des arbres mettant leurs feuilles. Certaines lisent, aussi pâles que les pages de leur roman. D'autres fument, le regard parfois perdu sur la cendre de leur cigarette qui se consume lentement jusqu'à tomber sur leur giron. Tout à l'heure, une plus jeune, du service voisin, montrait une belle robe d'enfant qu'elle avait faite ou achetée pour son mariage. Un instant m'est passée par l'esprit l'idée sinistre que ce mariage n'aurait jamais lieu et qu'elle resterait là à jamais, à contempler la jolie robe blanche.

Lorsque je ressors enfin de cette clinique, que je retrouve le bruit de la rue et les gens qui marchent sur les trottoirs, j'avale goulûment l'air qui m'entoure, comme si l'on venait de me libérer d'une prison où j'aurais trop longtemps séjourné. Et pourtant, tout en fuyant, j'envie parfois leur vie réglée, assistée, sans surprise, où ne serait besoin que de se laisser porter si la bête qui leur ronge le cerveau n'était pas là.

mardi 5 avril 2011

Les gens (2)

Soudain, l'été dernier.










6 juillet 2010

Momentini

- Acheté le papier peint pour les halls et le couloir: jaune. Ça mettra un peu de lumière, surtout dans l'étroit (et haut) boyau qui relie les deux parties de l'appartement.
- La glycine que j'ai planté il y a trois ans sur mon balcon et qui, jusque là, était resté stérile, semble vouloir donner des fleurs cette année: cinq sont en gestation. Plus qu'à attendre un peu.
- Je ne supporte plus les réunions inutiles au travail. La dernière en date, la semaine dernière, je l'ai quittée avant la fin. Tout semblait y être déjà décidé. Alors à quoi bon perdre son temps? Et j'ai toujours beaucoup de mal à supporter une collègue qui emploie le "nous" alors que je ne suis pas d'accord avec elle. C'est après le lui avoir dit que j'ai quitté la salle. Il y a parfois chez les enseignants une dose de suffisance....
- Aperçu tout à l'heure, au beau soleil de fin d'après-midi, le parc de la clinique de ma mère. Ai pensé à mon père qui s'en occupait autrefois. Je me rends compte que je pense peu à lui. Voir ce parc vide m'a ému. Il me semblait plus fleuri à l'époque.

lundi 4 avril 2011

Les Dossiers de l'écran




La mort de Joseph Pasteur, son premier présentateur, m'a remis en mémoire le générique des Dossiers de l'écran. Moi aussi, cette musique m'a toujours impressionné, comme le faisaient aussi celles des Coulisses de l'exploit (magazine sportif) ou de Cinq Colonnes à la une (qu'une de mes vieilles grandes tantes un peu sourde avait traduit par "Saint Paul dans la lune").

Le choix des films proposés n'était pas toujours d'un excellent cru et je n'ai que rarement écouté le débat qui suivait la projection. Je n'aimais d'ailleurs pas beaucoup l'autre présentateur de l'émission, Alain Jérôme, que je trouvais un peu "m'as-tu vu". Pourtant, je n'aurais pour rien au monde manqué la soirée de 1975 où, pour la première fois à la télévision française, était abordé le thème de l'homosexualité masculine.

Le film en avait été Les Amitiés particulières, d'après le roman de Roger Peyrrefite, qui participait lui-même au débat. Adaptation assez inintéressante et passablement timorée, si je me souviens bien. J'avais aussi été très déçu par le débat où, outre Peyrrefite, étaient présents, entre autres, Jean-Louis Bory et André Baudry (fondateur de la revue Arcadie). Sans doute, en entendais-je beaucoup trop, je ne sais trop quoi d'ailleurs.

Il me semble, en évoquant cette époque, remonter à la préhistoire. Mais, après tout, c'était bien un peu ça!

La voilà

Dimanche matin, aux Puces du Canal.

dimanche 3 avril 2011

Amours de jeunesse

Tous les petits films d'animations que la télévision diffusait dans les années soixante ont fait la joie de mon enfance et même un peu plus tard. Je me souviens avec un brin de nostalgie de Kiri le Clown, de Bonne Nuit les petits, de Saturnin, d'Aglaé et Sidonie, de Pépin la Bulle ou du Manège enchanté, où Margote m'énervait un peu mais où j'étais un fan absolu de Pollux, le chien à l'accent britannique.

Dans ma famille, on nous permettait assez facilement de les voir, puisqu'ils passaient selon mes parents à une heure décente pour les enfants, et en semaine. Le dimanche, c'était plus difficile. Le film du soir nous était souvent interdit, même sans le carré blanc, parce qu'il fallait se coucher (et se lever) tôt. Dans la journée, mon père voulait que nous allions jouer dehors et la télévision restait toujours muette. Sauf, en hiver, à la période de Noël. il faisait trop froid pour nous chasser de la cuisine, où se trouvait le poste, et parfois, si nous n'avions pas d'invités, on nous accordait un peu plus de liberté.

J'aimais particulièrement une émission qui passait à ce moment-là, et uniquement à ce moment-là, une fois par an donc. C'était SVP Disney, présenté par Pierre Tchernia. Il proposait une liste d'une bonne vingtaine d'extraits de dessins animés de l'américain et les téléspectateurs devaient téléphoner pour voter pour tel ou tel. Comme nous n'avions pas le téléphone, je faisais des vœux ardents pour que ceux qui appelaient le fassent en faveur de mes préférés.

Le pire, c'est lorsque l'émission tardait un peu et qu'on nous privait de la fin, parce qu'il y avait autre chose à faire ou parce que ci, ou parce que ça. J'ai traîné cet amour de Disney longtemps. j'avais écrit un poème en alexandrins sur lui (non, non, je ne l'ai plus!) et j'ai dû attendre d'être à Lyon et d'avoir autour de vingt ans pour, enfin, voir intégralement un de ses films. J'étais avec Yvon. Il s'agissait de Blanche-Neige.

Il y a maintenant longtemps que la rupture est consommée avec les studios Disney. Mais lorsque je vois passer dans les programmes un de ses anciens films, si je peux, je le regarde, et toujours avec le même plaisir. Un grand enfant, je vous dis!

Et un peu de musique, ça vous dirait? (8)

Kiri le Clown.
Ça, c'était il y a très, très, très longtemps.

samedi 2 avril 2011

Poussière, bourgeons, clavier et privation.

Lorsque je suis rentré, hier, Jean-Claude était encore là, couvert de poussière blanche de la tête aux pieds: il avait poncé un des petits halls et le couloir. Toujours déprimant, ce moment-là: pour lui, parce que ce n'est pas une tâche très intéressante; pour moi, parce que l'on n'a pas l'impression que le travail avance. Dès que l'on passe à la peinture, c'est autre chose. Résultat: j'ai consacré ma journée, sans profiter du soleil et de la chaleur, à préparer ma semaine de cours, à corriger des copies et à nettoyer tout ce que je pouvais dans les grandes lignes. Voir les meubles si sales par ce beau temps n'a rien d'enthousiasmant.

Sorti aussi les plantes sur les balcons. Elles font un peu rachitiques, avec leur couleur vert pâle et leur grandes tiges maigrichonnes que j'ai taillées pour les rendre plus présentables et leur redonner un peu de vigueur. Quelques-unes n'ont pas résisté à l'hiver. J'ai fait le tri. Les rescapées ont eu droit à un peu d'engrais. La glycine promet, cette année. Quant au bougainvillée, il n'est encore que bâtons qui semblent secs. Mais je le connais: il n'est pas rapide.

Là dessus, mon ordinateur joue à me faire des frayeurs. Hier, c'était la nouvelle sourie sans fil qui refusait obstinément de fonctionner. Aujourd'hui, c'était le clavier qui restait inopérant. Heureusement que Stéphane est là pour me donner quelques conseils. Tout est maintenant rentré dans l'ordre. Mais il faudra sans doute que je pense rapidement à sauvegarder mes fichiers sur mon disque dur externe et à changer d'ordinateur. Le mien, avec la technologie d'aujourd'hui, commence à se faire vieux.

Les gens (1)

Regarder la main.










19 février 2011

En fleurs

Pascal, le jardinier du collège, qui peut être aussi charmant que détestable par ses sautes d'humeur, m'a fait un grand plaisir en me disant que le cerisier en haut de la pelouse et l'arbre (un prunus?) planté lors de la mort de Jean-marc, notre ancien directeur adjoint, à l'époque où nous en avions un, allaient fleurir simultanément, probablement en début de semaine prochaine. Me voilà prévenu pour la photo qu'il compte bien que je fasse.

Voir cette sorte d'ours faire preuve d'une intention aussi délicate m'a touché. Il sait que j'aimais beaucoup Jean-Marc qui, en six mois, a été emporté par une leucémie foudroyante. J'ai fait un voyage en Grèce avec lui et les élèves, il y a une dizaine d'années de cela. Je me souviens encore de lui, à plat ventre sur la pelouse du stade d'Olympie en train de prendre la photo d'une anémone sauvage dans cette belle matinée de ce printemps grec.

Il m'avait affectueusement surnommé "peigne à bœufs", peut-être à cause de mes cheveux fous. La dernière fois que je l'ai vu, je ne l'avais pas reconnu, de dos, dans le hall du collège, tellement il avait maigri. Quand j'ai su que c'était lui, il était déjà remonté dans sa voiture. J'ai couru comme un fou à travers la pelouse où va fleurir bientôt son arbre. je l'ai rattrapé de justesse, et, en sortant de son véhicule, il m'a serré fort dans ses bras et m'a dit: "Au revoir, mon fils." Une semaine à peine après sa dernière visite, il mourait. Je n'ai jamais oublié ses derniers mots, ni cette dernière et unique étreinte sans malentendu ni ambiguïté.