samedi 16 avril 2011

La Marche de Mina

Un roman bien calme, bien tendre, bien doux. On y cherche en vain ce qui peut irriter les papilles, les faire réagir juste ce qu'il faut pour en avoir le goût acéré comme après un plat trop épicé. Rien à première vue: une jeune fille dont la mère vient de trouver un emploi dans une autre ville se voit confier pour quelques mois à sa tante et arrive dans une somptueuse bâtisse de style européen à flanc de montagne. Elle y fait la connaissance de sa cousine, Mina, enfant fragile et souffrant de crises aiguës d'asthme dont elle deviendra comme une sœur aînée. Chronique familiale simple au milieu de ce monde bourgeois japonais, avec une grand-mère d'origine allemande, des domestiques totalement intégrés à la famille et une hippopotame naine qui, chaque jour emmène Mina sur son dos à l'école proche.

Mais, en étant plus attentif, on perçoit les zones d'ombre: l'oncle, si beau, si élégant, disparaît tout aussi mystérieusement que régulièrement pour rejoindre (on l'apprend plus tard dans le roman) une liaison féminine, la tante qui boit plus que de raison quand on ne la voit pas et traque la moindre coquille dans tout ce qui paraît, le souvenir du zoo disparu qui hante encore les lieux et la fin tragique du singe savant, la mort de l'hippopotame, un soir d'incendie, dans le bassin, le mystérieux cambriolage, les mensonges de Tomoko, l'héroïne, face au bibliothécaire qui croit que c'est elle qui lit les livres qu'elle emprunte, l'attentat contre la délégation israélienne aux Jeux Olympiques de Munich... Tout est donc faux sous la douceur apparente et, à travers les lignes, on retrouve vraiment l'univers de Yoko Ogawa fait d'étrangeté (j'ai parfois pensé à Irving en lisant ce roman), de perversion légère et de non-dits éclatants.

Un vrai bonheur donc que cette Marche de Mina, même si, en lisant les premières pages, on est un peu surpris de ce changement d'atmosphère. La quatrième de couverture ( Babel, Actes sud, trad. de Rose-Marie Makino) parle d'ironie insouciante. Pour une fois, je crois que ce sont les mots justes.

2 commentaires:

laplumequivole a dit…

"étrangeté, de perversion légère et de non-dits éclatants."
Voilà les mots qu'il fallait pour me convaincre de lire ce livre !
C'est exactement ce que J'ESSAIE de faire dans les miens et une petite leçon ne pourra que me profiter...
Merci à toi !

Calyste a dit…

J'espère qu'il te plaira!