Avec mes collègues, les troisièmes viennent, en français, d'étudier Antigone d'Anouilh. J'ai surpris certains élèves dans la cours de récréation alors qu'ils en apprenaient un extrait. Ils n'avaient pas l'air emballé et m'ont confirmé cette impression lorsque je leur ai demandé leur avis. Cette pièce reste pourtant un de mes meilleurs souvenirs scolaires. Je n'étais pas loin de la préférer, à l'époque, à celle, d'accès plus ardu, de Sophocle.
Ce qui me passionnait, c'était le caractère sauvage de l'héroïne, son opposition intransigeante au pouvoir de Créon qui refusait que l'on donne une sépulture digne à Polynice, l'un de ses frères considéré comme traître à la patrie. La douce Ismène, plus prête à la concession, m'ennuyait alors qu'Antigone me fascinait par sa volonté sans faille, refusant le faux-semblant que lui propose Créon, sacrifiant son union avec Hémon, le fils de celui qui veut la contraindre, préférant la mort à un bonheur tranquille.
Refus de l'acte politique qu'on lui impose et qui la conduira à la mort, comme son fiancé et la reine même. Une tragédie moderne mais bien dans la lignée de ses lointains modèles antiques. Alors pourquoi ce désintérêt de la part des élèves? Je me souviens d'un style simple, d'une phrase à la portée de tous. Ce n'est donc pas cela, et puis mes collègues sont là pour expliquer les passages difficiles. Il me semble au contraire que ce "non" à la famille et aux conventions devrait leur plaire, à eux qui pataugent dans leurs premières années d'adolescence. De tels appuis littéraires m'ont aidé, moi, à passer le cap.
lundi 11 avril 2011
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12 commentaires:
Je n'ai lu d'Anouilh que "La répétion ou l'amour puni". Ce n'était pas mal, mais j'avais trouvé que cela ne cassait pas trois pattes à un canard non plus.
mot de passe anti-spam : impec
Cornus: connais pas. Et puis, tu avais quel âge quand tu as lu ça ?
Il me semble que c'était en classe de seconde.
Pour l'éternité, je choisis l'Antigone de Sophocle. Mais je n'aime pas le personnage de toutes les manières. Je suis bien trop positiviste (au sens juridique) pour apprécier une prétendue héroïne qui se targue de faire prévaloir le droit sacré (presque la "tradition") sur le Droit.
Dans sa folie, c'est Créon que je trouve intéressant et... touchant!
Vous qui vous intéressez à la musique, si ce n'est pas chose faite, écoutez la tragédie lyrique Callirhoé (Destouches). C'est comme une Antigone inversée.
Cornus: c'est pourtant bien l'âge où il me semble qu'on doit le lire pour l'apprécier. Mais j'ai moi aussi quelques aversions pour de "classiques" pourtant incontournables, comme Eugénie Grandet ou L'Éducation sentimentale, alors que j'aime et Balzac et Flaubert.
Kynseker: d'abord merci de votre visite ici. Ce n'est pas souvent que je reçois un commentaire de Prague, ville que j'ai visitée par deux fois et que je trouve splendide. Quant à Antigone, je crois que la lecture d'Anouilh est pour moi liée à l'adolescence alors que Sophocle me rappelle des souvenirs d'université avec des professeurs qui ne valaient pas ceux que j'avais eus au lycée. Peut-être faudrait-il que je le relise aujourd'hui pour mieux l'apprécier.
Merci aussi pour la piste musicale que je ne connais pas. Cela devrait m'intéresser.
Oui, mais je n'ai pas dit que j'avais détesté mais que j'avais trouvé ça assez quelconque.
Antigone représente vraiment l'adolescence pour moi. Parce que j'ai joué son rôle quand j'étais collégienne et que ce texte d'Anouilh est lui aussi, assez adolescent, rebelle. Mais je préfère maintenant celui de Sophocle, cependant, je ne ferai pas d'Antigone un personnage traditionaliste, mais passionnée, fougueuse et sauvage. En tout cas c'est ainsi que j'ai choisi de la figer dans mes souvenirs.
J'avais beaucoup aimé aussi Oedipe sur la route et Antigone d'Henry Bauchau. Des romans.
Georges: moi aussi, j'aime beaucoup Bauchau, particulièrement les deux titres que tu cites.
Je me souviens d'un débat en classe de troisième, où une bonne partie de la classe (moi y compris d'ailleurs) trouvait que Créon et Antigone étaient tous deux dans une situation inextricable et que ni l'un ni l'autre ne pouvaient en sortir, et qu'ils étaient tous les deux victimes : elle, victime de sa volonté, ce qu'elle croit être son devoir, d'enterrer son frère à tout prix ; lui, coincé dans l'impossibilité, en tant que Roi, de revenir sur l'ordre qu'il avait donné, de laisser Polynice sans sépulture.
C'est la prof qui m'avait ouvert les yeux ; elle nous avait dit à la fin : "Mais qui se soucie que la situation soit cornélienne ou pas ??? Vous ne vous rendez pas compte que ce roi Créon, c'est une fripouille ??? Qui est-il pour décider qu'un homme n'aura pas droit à être enterré, simplement parce qu'il a défié SA loi ?"
C'est un peu la réponse que je voudrais faire ici, sans vouloir être polémique, à Kynseker : le fait que chaque homme, quel qu'il soit, peut avoir une sépulture, une dignité après sa mort, ce n'est ni un droit sacré, ni un droit "traditionnel" ni un Droit majuscule, c'est un droit tout court. Indiscutable.
Lancelot: je crois que tu viens de donner la définition d'un prof. Ouvrir les yeux. Je me retrouve assez dans cette perspective.
merci bcp pour le partage
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