mercredi 31 juillet 2013

Une seule chose vous manque et tout est dépeuplé

Il y a une dizaine de jours, dans le Jura, alors que nous étions lancés dans une belote vespérale, mon téléphone portable, au fond de ma poche, émet le petit bip caractéristique de la réception d'un sms. Un peu surpris, puisque, d'ordinaire, les ondes n'arrivent pas jusqu'à cette campagne profonde, je l'extirpe de contre ma cuisse et découvre sur l'écran un magnifique graphisme, du genre psychédélique. " Qu'est-ce que c'est que ça ? " me dis-je d'abord in petto puis sotto voce pour ne pas gêner la concentration de mes camarades de jeu.

L'idée me vient de manipuler un peu les touches pour essayer de comprendre. Et je me rends vite compte vite que plus rien de mon écran n'est accessible ? Ni le répertoire des numéros, ni la consultation des messages, rien ! Bigre ! Je décide d'éteindre l'appareil et de reporter au lendemain la résolution du mystère si mystère il y a toujours. Et le lendemain, je retrouve mon beau dessin, qui commence sérieusement à me casser les ... pieds. Après bilan approfondi, il s'avère que je peux composer des numéros si je les connais par cœur, que je peux recevoir des appels, bref, que tout fonctionne sauf l'écran.

 Que faire ? Changer mon téléphone ? Mais je refuse de me réengager pour deux ans chez mon opérateur actuel que je veux quitter pour celui qui m'approvisionne en internet. Oui mais le second n'a pas de boutiques, ce qui, entre autres, lui permet de proposer des prix beaucoup plus avantageux. Le faire réparer ? Mais où ? J'ai trouvé ce matin une petite boutique indépendante qui s'en est chargée très proprement et pour par cher. Seul bémol à mon contentement: les nombreux allers retours que j'ai dû subir avant que la réparation ne soit réellement effectuée.

Voilà : ce soir, je me sens moins nu . Je n'aurais pas cru m'être autant attaché à cette petite prothèse que j'ai refusée pendant plusieurs années. On vieillit...

mardi 30 juillet 2013

Des nouvelles du front

Mon bureau, grâce à Jean-Claude, a retrouvé un beau dessus de cuir vert que, sur les conseils de Frédéric, j'ai fait recouvrir d'une vitre protectrice. Belle occasion pour faire le tri dans les papiers qui y traînaient depuis longtemps.

Hier après-midi, passage chez les Sans Abri pour leur donner mon ancien ordinateur ainsi que de nombreux spécimens scolaires et romans pour la jeunesse, et différentes babioles. Je suis toujours enchanté de l'accueil qui nous y est réservé: politesse, amabilité et chaleur humaine (ce qui n'est pas toujours le cas avec Emmaüs !). Si vous avez à donner, donnez chez eux !

Reste à m'attaquer à la réorganisation de mes classeurs d'archives personnelles et au rangement de mes bibliothèques. Ensuite viendront les placards à vêtements. A quoi bon garder ce dont on ne sert plus ? Mais, maintenant, j'ai du temps devant moi.

Giannino furioso

Vous avez lu Poil de carotte ? Eh bien Giannino furioso en est plus ou moins l'équivalent italien. Sorti en 1920, ce roman raconte les aventures d'un jeune garçon turbulent qui, alors qu'il veut bien faire, commet bêtise sur bêtise, à la maison comme, plus tard, en internat.

Sous couvert de "friponneries ", Vamba (de son vrai nom Luigi Bertelli), règle ses comptes avec la société italienne de l'époque, et nous dresse un tableau de la politique, de la médecine ou de l'éducation qui dépasse de loin le contenu habituel de la littérature enfantine.

Dire que ce livre est inoubliable serait pure flagornerie. Quelques passages cependant sont vraiment drôle par leur causticité.
(Vamba, Giannino furioso ou le journal d'un fripon. Ed. Phébus libretto. Texte français de Nicolas Cazalles.)

lundi 29 juillet 2013

Des fleurs (15) : la belle de nuit.

Elle ne dure guère, mais quel beau nom (qui m'évoque, bien sûr, son pendant, la belle de jour, ou ipomée, et le film de Bunuel) ! Et puis elle s'ouvre le soir, comme le jasmin si je ne me trompe pas. Contrairement à lui, pas de parfum. Mais une profusion de petites corolles qui, le matin, sous la lumière, se referment.

J'en avais rapporté de la campagne savoyarde il y a des années. Elles avaient formé un magnifique buisson sur mon balcon avant de disparaître subitement l'année suivante.

Un matin, en me penchant sur la cour, j'ai eu la surprise de les retrouver dans le petit bout de verdure qui en occupe un angle. Sans doute le vent avait-il transporté des graines jusque là.

Et cette année, miracle: quelques-unes ont réapparu dans des pots au milieu d'autres fleurs. La belle de nuit serait-elle une grande voyageuse ?

dimanche 28 juillet 2013

De la nostalgie, M'sieurs-Dames (5)



Parce que je la trouvais (et la trouve toujours) belle, parce que j'aimais (et j'aime toujours) sa douceur, son romantisme, son intelligence, sa façon bien à elle d'être autre.
Françoise Hardy, L'Amitié (1965).

Billet à l'usage de mes trop jeunes lecteurs.

Le billet précédent faisait allusion au très beau film de Nelly Kaplan sorti en 1969 : La Fiancé du pirate, avec, entre autres, Bernadette Lafont, Georges Géret, Michel Constantin, Julien Guiomar, Jean Parédès et Claire Maurier.

Je ne m'attarderai pas sur le pirate de mon billet qui n'en vaut pas la peine et qui n'a de commun avec Bernadette Lafont que d'avoir fait un malaise au même moment. Mais elle, quelle bonne femme ! Je l'ai toujours adorée, pour son naturel, pour sa gouaille parisienne (bien que née  Nîmes), pour ce qu'elle a représenté au moment de la Nouvelle Vague, pour sa grande dignité de mère au moment de la mort de sa fille Pauline, pour son rire, pour sa clope au bec, pour tout, quoi.

Une grande dame, et simple, ce qui ne gâche rien. Au revoir, Bernadette, et bonjour à Pauline.
(Frédéric m'a téléphoné pendant la rédaction de ce billet pour me signaler un documentaire sur France 5, à elle consacré .)

samedi 27 juillet 2013

La fiancée et le pirate.

Le pirate (politique) s'en sort, la fiancée disparaît. Il n'y a vraiment pas de bon dieu !

vendredi 26 juillet 2013

Musique et coucher de soleil

Concert en plein air hier soir, sur la place d'Ainay, devant la magnifique façade de la basilique.

Le Concert de l'Hostel Dieu y donnait un spectacle intitulé : Stradella, ange ou démon. Musique baroque du XVII° siècle interprétée par ces musiciens que j'ai déjà eu le bonheur d'entendre. Pendant que les airs s'égrenaient au fil de la soirée, le soleil teintait d'ocre le porche roman puis la façade s'illumina lorsque la nuit arriva. C'était splendide.

Entre les morceaux, un récitant nous lisait quelques passages de l'Abbé Bourdelot sur les nombreuses frasques du musicien qui aima trop les femmes et mourut sous le poignard d'un sbire.


Ainsi passa la soirée à voyager de Rome à Naples et de Venise à Turin en écoutant clavecin, violon, viole de gambe et théorbe accompagner la voie splendide de la soprano canadienne Heather Newhouse dans des arie, chaconnes et tarentelles de Stradella lui-même mais aussi de deux compositrices vénitiennes méconnues : Barbara Strozzi et Antonia Bembo). Même les clochards traditionnellement installés à l'angle de la place ont paru sous le charme.

Et, petit bonheur supplémentaire, j'ai eu la joie de retrouver dans le public une de mes anciennes élèves devenue enseignante après une formation en archéologie et installée à Istanbul  où je rêve d'aller la visiter.

mercredi 24 juillet 2013

Sur des aventures que je n'ai pas eues

Je vois d'emblée l'intérêt un peu trouble que peut susciter un tel titre de billet. Pourtant, ce n'est pas moi qui l'ai trouvé mais l'éditeur, ne donnant qu'en sous-titre celui que je connaissais : Histoire véritable.

Lorsque je suais sur mes versions grecques au lycée (façon de parler puisque j'adorais ça), j'avais été frappé par l'originalité de l'une d'entre elles, qui nous faisait grâce des éternelles guerres entre Sparte et Athènes ou des questionnements spécieux (ou vus comme tels à l'âge que j'avais) de philosophes bavards. Il y était question, dans mon souvenir, de batailles entre diverses espèces de poissons dans le ventre d'une baleine, le tout donnant un texte totalement loufoque et assez drôle. Et c'était signé Lucien.

Eh bien, Folio a ressorti une partie du texte de L'Histoire véritable de cet auteur. Je ne pouvais pas manquer ça. Et, côté loufoquerie, je n'ai pas été déçu. Mais, si j'avais trouvé comique le texte court que je devais traduire, j'avoue avoir été peu à peu lassé par les aventures de ces marins aux confins du monde, même si certains passages sont truculents. A preuve celui-ci:
" D'abord, il y a le fait qu'ils (les habitants de la lune) ne sont pas enfantés par des femmes mais par des hommes, ils épousent en effet des hommes et ne connaissent même pas de terme pour désigner la femme. Jusqu'à vingt-cinq ans chacun d'eux sert d'épouse, après quoi, il devient un mari. Ils ne portent pas les enfants dans le ventre mais dans le gras du mollet. Lorsque l'embryon est conçu, le mollet grossit ; un peu plus tard, on ouvre le mollet et l'on sort l'enfant mort ; après quoi on expose celui-ci au vent, la bouche ouverte, ce qui lui rend la vie."
( Lucien, Sur des aventures que je n'ai jamais eues, Histoire véritable. Ed. Gallimard. Trad. de Pierre Grimal.)

vendredi 19 juillet 2013

Momentini

- Vu l'autre soir les deux derniers Bunuel du cycle d'Arte: je croyais les connaître déjà, mais non. A force d'en entendre parler.... Cet obscur objet du désir m'a plu, bien que Carole Bouquet ne soit pas ma tasse de thé. Mais j'ai été enthousiasmé par Le Charme discret de la bourgeoisie, sa composition intelligente (je rêve que je rêve, etc.), sa pléiade d'acteurs dont Delphine Seyrig, qui fait du Delphine Seyrig et Muni, à la voix tout aussi particulière. Un seul regret: que la chaîne n'ait pas pensé à Nazarin...

- Jean-Claude travaille à nouveau pour moi : réfection du dessus de cuir de mon bureau qui en avait bien besoin. J'ai attendu d'avoir fini d'y travailler pour lui demander de le faire. Aujourd'hui, avec mon ordinateur portable, j'apprécierai de plus en plus de pouvoir m'installer dans la cuisine, côté cour et balcon.

- Demain, anniversaire dans le Jura de trois amies de 80 ans. J'en rapporterai du fromage et du beurre de la fruitière.

- Visite de l'immeuble par la nouvelle régie. Il semblerait que l'on en arrive à une gestion plus dynamique. Avons fait le tour des questions restées en l'air depuis plusieurs années. Promesse d'intervention rapide. Attendons pour voir.

- Le silence estival des blogs me pèse chaque année. Heureusement, quelques-uns émettent encore, de temps en temps.

- La fausse nouvelle sur mon frère vient, j'en ai eu confirmation, d'une mauvaise transmission et d'une déformation d'informations. Tout de même ! J'attends d'en voir le responsable pour lui dire deux mots .

- Le bougainvillier du balcon reste désespérément vert cette année. Pas l'ombre d'un rosissement. Mais les géraniums sont bien fournis en grosses fleurs.

- Avec l'argent collecté par mes collègues pour ma retraite, je vais sans doute faire l'acquisition d'un nouvel appareil photo, plus performant et surtout sans ces taches blanches qui m'obligent à tricher sans cesse.

jeudi 18 juillet 2013

La petite Dame en son jardin de Bruges.

Un vieux monsieur rêve de sa grand-mère, morte depuis longtemps,  et entreprend le voyage jusqu'à Bruges où il a passé les mois d'été de son enfance avec elle, tout au fond d'un jardin magique. En route, il se souvient de ces jours heureux et de tout ce que lui a apporté cette femme.

Un tout petit livre d'une tendresse infinie que je conseille de lire à tous ceux pour qui leur grand-mère fut un personnage important de leur vie. Ce fut mon cas.
(Charles Bertin, La petite Dame en son jardin de Bruges. Ed. Actes sud.)

mercredi 17 juillet 2013

Salut, André

L'été ne vaut rien à mes collègues ou ex-collègues. On m'a prévenu hier qu'André est mort à la fin de la semaine dernière. André avait 89 ans et souffrait depuis quelques années de la maladie d’Alzheimer. Il avait pris sa retraite en 87. Je ne l'ai donc connu que 7 ans en activité, mais ce furent des années intenses.

André avait le Capes de Lettres Classiques sans l'avoir jamais passé, suite à je ne sais quelle loi d'après la guerre d'Algérie. Il avait une culture immense et un caractère de cochon. C'est sans doute à cause du second point que nous nous aimions beaucoup malgré la grande différence d'âge.

Au début, il m'impressionnait avec son laconisme et sa clope éternellement vissée au bec. Mais très vite, je compris qu'il ne frayait que peu avec d'autres collègues qu'il considérait comme des ignares prétentieux et qu'il m'avait plutôt à la bonne. Il nous suffisait, au départ de la salle de l'un de ces collègues, d'un regard, sans un mot, pour communier dans l'opinion que nous nous faisions de ce que l'autre venait de dire. Les amitiés silencieuses sont les plus grandes, selon moi.

A sa prise de retraite, il lui avait été offert les Confessions de Saint-Augustin. Je m'étais promis de les lire aussi. C'est aujourd'hui chose faite. Par la suite, je l'ai croisé une ou deux fois puis il a disparu des réunions que nous fréquentions tous deux. Par une autre amie, j'avais appris sa maladie et la dégénérescence progressive dont il souffrait. Demain matin, j'irai le saluer une dernière fois en pensant à cette maxime africaine qui lui convient tant : " Un homme qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle."

mardi 16 juillet 2013

Fausse nouvelle

Apprendre que son frère est dans le coma, c'est une nouvelle qui a de quoi vous refroidir. C'est ce qui m'est arrivé hier, par des gens de la clinique de ma mère. Mon frère depuis longtemps est gravement malade, c'était dans l'ordre du possible. Mais pourquoi n'importe qui de chez moi ne m'aurait pas prévenu ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que j'ai eu un moment de grand flou.

Mais c'était faux ! Je n'ai pas encore démêlé d'où sortait cette information. J'ai tout de suite appelé ma belle-sœur, sans lui parler de tout cela, bien sûr : toute la famille se reposait dans sa maison de campagne qui a l'avantage d'avoir une infirmière à proximité pour les soins.

Erreur sur la personne ? Mauvais interprétation de paroles de ma sœur ? J'en saurai sans doute plus demain. Mais le coup fut rude, je peux vous l'assurer. Et depuis, je ne décolère pas ! Une façon comme une autre de passer le stress.

C'est à vous.

A vous, si cela vous dit, de mettre sous cette photo un titre, une phrase ou un petit texte qu'elle vous aurait inspiré. (Vous pouvez l'agrandir en cliquant dessus).

lundi 15 juillet 2013

Panem et circenses.

J'ai raté le tour de France, je voulais voir le feu d'artifice, hier soir. Prestation fort honorable de la ville qui bénéficie du site ô combien intéressant de Fourvière pour le tirer. Une foule énorme pour le spectacle, comme si l'on se raccrochait aux valeurs fondamentales de la République. J'ai pensé "panem et circenses" mais je me le suis gardé pour moi (après tout, j'y étais aussi!). On se serait presque cru à la fête des Lumières, le 8 décembre.

A côté de nous, un groupe de parisiens, de mon âge ou à peu près. Commentaires intéressants. J'ai vu que Jean-Claude aussi tendait l'oreille. Les hommes parlaient politique. Style café du commerce.
Une femme: "A Paris, pour le bicentenaire, c'était beaucoup mieux, avec un laser !"
Une autre: "Regarde comme c'est joli quand ça redescend tout doucement..."
La première: " On dirait que la lune est accrochée à une des tours !"
L'autre: "Mais c'est bizarre: tout à l'heure, on la voyait en entier. Maintenant, il n'y en a plus qu'un bout !"

Panem et circenses, vous dis-je.... Je n'aime pas la foule.

dimanche 14 juillet 2013

Minets

Un mot que l'on n'emploie plus guère aujourd'hui pour désigner les jeunes gens bien faits et propres sur eux:  les "minets".

Quand j'avais l'âge de l'être, dans les années soixante-dix, nous étions tous habillés de la même façon: pantalon étroit vers le haut et très large en bas, en velours râpé en hiver, en jean l'été, à enfiler avec un chausse-pieds, chemise cintrée à col pelle à tarte ou mini pull de laine écru qui découvrait le nombril, chaussures à larges semelles ou mocassins Sébago bordeaux, chaussettes blanches.

Nous buvions du whisky coca , nous dansions des slows sur les chansons de Mina  et nous partions avec le premier venu dont la barbe ou le sourire avait su nous séduire. Temps de l'innocence où je découvrais la ville et ses plaisirs et où je quittais les bancs de la fac au milieu des cours parce que je n'avais pas dormi la nuit précédente. Avant, quoi ! Avant quoi ?

samedi 13 juillet 2013

C'est l'été.

Des gens crient dans la rue, sans doute un peu éméchés, il fait moite, le bras glisse  sur le rebord du bureau, au loin une sirène retentit avant que son cri ne se perde dans la rumeur de la ville, les autos se font rares, aujourd'hui le tour de France, demain le 14juillet et ses feux d'artifice, un presque parfum d'enfance.
C'est l'été.

Une manière d'homme

J'ai évoqué récemment chez PP. un passage de Sénèque qui, pour complaire à son élève Néron, n'hésita pas à charger la mémoire du pauvre empereur Claude.  Je viens de remettre la main sur ce texte, dans la traduction qu'en donne R. Waltz:

Apprenez ce qui se passa dans le ciel: j'en laisse la responsabilité à mon informateur. On annonce à Jupiter qu'il vient d'arriver une personne de belle taille, aux cheveux tout blancs ; qu'il a je ne sais quel air menaçant, car il remue la tête sans arrêt ; qu'il traîne le pied droit. On lui a demandé de quel pays il était ; il a répondu je ne sais quoi, avec des sons confus et une voix indistincte. On ne comprend pas le langage qu'il parle :  il n'est ni grec ni romain, ni d'aucune nation connue. Alors Jupiter, s'avisant qu'Hercule avait parcouru la terre entière et devait connaître tous les peuples du monde, lui donne l'ordre d'aller examiner à quelle race appartient cet intrus. Hercule, au premier coup d’œil, se sentit tout décontenancé ; il crut qu'il n'avait pas encore affronté tous les monstres. Quand il vit cette face singulière, cette façon bizarre de marcher, cette voix qui n'était celle d'aucune créature terrestre, mais dont les sons rauques et brouillés rappelaient celles des bêtes marines, il crut qu'un treizième travail lui était échu. En regardant avec plus d'attention, il se rendit compte que ce n'était qu'une manière d'homme.
( Sénèque, Apocoloquintose du divin Claude.)

Une autre mauvaise langue en a fort mal parlé, il s'agit de Suétone, dans ses Vies des douze Césars (trad. de H. Ailloud):

A l'âge de cinquante ans il devint maître de l'empire, grâce au hasard le plus extraordinaire. Renvoyé avec les autres par les agresseurs de Caligula qui éloignaient tout le monde sous prétexte que l'empereur voulait être seul, il s'était retiré dans un cabinet. Bientôt après, terrifié par la nouvelle du crime, il se glissa en rampant vers une terrasse voisine et se dissimula dans les plis de la tenture placée devant la porte. Un soldat qui courait de tous côtés, ayant par hasard aperçu ses pieds, fut curieux de savoir qui cela pouvait bien être, le reconnut, le tira de sa cachette et, comme Claude, terrifié, se jetait à ses genoux, le salua comme empereur. Ensuite il le conduisit vers ses camarades indécis et se bornant encore à frémir. Ceux-ci le mirent dans une litière puis, comme ses esclaves s'étaient enfuis, le portèrent à tour de rôle sur leurs épaules jusqu'à leur camp, tout consterné et tremblant, tandis que la foule, sur son passage, le plaignait comme un innocent que l'on traîne au supplice.
( Suétone, Vies des douze Césars.)

vendredi 12 juillet 2013

Des fleurs (14): l'hortensia


Son nom, d'abord, comme un nom de femme, un nom que j'aime, tous ses coloris aussi, du plus clair au plus sombre, sa générosité, avec ses grosses fleurs abondantes, les maisons qu'il côtoie, souvent depuis de nombreuses années.

Nous n'en avions pas chez nous. Peut-être ne plaisait-il pas à ma mère. Je ne sais pas. Je l'ai surtout connu en Haute-Savoie, le long de la maison des voisins. La grand-mère qui s'en occupait me montrait fièrement une photo d'elle enfant où ils étaient déjà là, les mêmes.

On nous en avait offert un à Lyon, en pot. Quand je l'ai vu peu  à peu dépérir, je l'ai offert au concierge de l'immeuble voisin avec qui nous partageons la cour. Il l'a planté dans un petit bout de terre que je vois de mon balcon. Après le départ de ce jeune homme, personne ne s'est occupé de la plante. Un jour, sans rien demander à personne, je suis descendu le tailler. Aujourd'hui, il est énorme et je suis allé, l'autre jour, en cueillir un bouquet qui trône sur la table de ma cuisine. Mais j'ai vu qu'il était couvert de cochenilles. Quelqu'un pourrait-il me dire comment je peux le traiter ?

Devinette

Quel est le point commun entre la Mésopotamie et le village ardéchois d'Antraigues cher à Jean Ferrat ?

jeudi 11 juillet 2013

Amok

Un autre abonnement de mes lectures en ce moment : Stefan Sweig. Et je remercie La Plume de m'avoir conseillé Amok, que j'ai lu en poursuivant avec La Lettre d'une inconnue. Toujours même procédé narratif du récit enchâssé dans le récit, toujours style ultra classique pour analyser des passions dévorantes. Dans ce hiatus entre l'écriture et le fond, il se rapproche étrangement d'Ogawa, même si leurs univers sont totalement différents. Je termine en ce moment la dernière nouvelle publiée avec les deux autres : La Ruelle au clair de lune. Et je me sens toujours aussi bien dans ces pages.
( Stefan Sweig, Amok, suivi de Lettre d'une inconnue et La Ruelle au clair de lune. LDP. Trad. de  Alzir Hella et Olivier Burnac.)

Et un peu de musique, ça vous dirait ? (128)

Parce que c'est tout de même avec le piano du pauvre qu'enfant,  j'ai abordé la musique.



André Verchuren, Les Fiancés d'Auvergne.

mercredi 10 juillet 2013

L'été en pente douce

Les jours s'écoulent, trop vite déjà. Je me surprends à des réflexes idiots : tiens, il fera beau tel jour ; évidemment un jour où je travaille ! Et puis non. Un filme passe tard à la télé, je ne pourrai pas le regarder, il faut que je me lève ! Et puis non.

Stéphane est passé brancher la nouvelle imprimante achetée avec l'ordinateur. Grâce à lui, tout fonctionne.

La retraite complémentaire me réclame mon livret de famille. Je leur ai pourtant précisé que je suis célibataire. C'est une erreur ! Et puis la photocopie de ma carte vitale, que je leur ai déjà fournie. C'est une erreur ! Et puis une deuxième fois mon livret de famille. Encore une erreur !

Les uns et les autres partent en vacances. Je suis éreinté de ne rien faire, mon bureau encombré du matériel informatique obsolète, des classeurs vidés des cours, des spécimens scolaires en partance, de tout ce qui attend d'être trié et jeté. J'ai honte de l'état de mes vitres, de la poussière accumulée dans les coins, de la liste dans ma tête, qui ne cesse de s'allonger. Alors, je fais la sieste...

mardi 9 juillet 2013

Cristallisation secrète

Où diable cette bougresse d'écrivain va-t-elle chercher ses idées ? Le fait est que, chaque fois, elles en a de bonnes, et qui me plaisent. Je viens de terminer un roman de Yôko Ogawa (et oui, encore) et une fois de plus, je l'ai avalé en un rien de temps.

Ça se passe sur une île, on ne sait où, peut-être au Japon, où, peu à peu, les choses disparaissent et n'existent plus. Les oiseaux, puis les roses (un passage splendide!), puis les livres. Avant, il y avait eu les bateaux, les photographies et tant d'autres objets de la vie quotidienne. Le jour de la disparition, les gens jettent tout ce qui leur appartient et, rapidement, en oublient jusqu'à l'existence.

Quelques-uns, pourtant, résistent à cet effacement progressif de leur vie et gardent, cachés au fond de leur cœur, les souvenirs d'avant. Ceux-là sont en danger car les chasseurs de mémoire les poursuivent inlassablement et, s'ils sont pris, on ne les revoit jamais.

La narratrice cache chez elle un de ces êtres à part et parvient à le protéger avec l'aide d'un vieil homme. Mais tous deux ne sont pas à l'abri de la disparition programmée car, bientôt, ce sont des parties du corps humain qui n'existent plus.

Cela pourrait passer pour de la science-fiction mais ce n'est pas le sentiment que l'on a en lisant, tant tout est ancré dans la vie quotidienne. Un roman comme je n'en avais jamais lu, rendu encore plus terrifiant par la fluidité qui caractérise le style de son auteur.
( A noter que, parallèlement, disparaissait  un pan entier de mon existence. Je ne pouvais pas choisir meilleur moment pour lire ce roman.)

(Yôko Ogawa, Cristallisation secrète. Ed. Actes sud. Trad. de Rose-Marie Makino.)

lundi 8 juillet 2013

Tourner la page

Il fallait bien que ça arrive, c'est fait. Pour moi presque par surprise, même si je m'y étais préparé. Le jeudi, je suis arrivé en retard à la première réunion: préparation de l'an prochain. A quoi cela pouvait-il me servir ? J'étais totalement ailleurs, comme cela m'arrive souvent mais en pire. Je me voyais écouter, intervenir même parfois, mais ce n'était pas moi. Seulement le personnage que j'ai été pendant si longtemps et qui continuait à croire à son existence, un peu comme les cochons que mon père égorgeait et qui parvenaient encore à se redresser alors qu'ils étaient pratiquement vidés de leur sang. L'après-midi, je me suis mis aux abonnés absents, même physiquement. Je ne me souviens que d'avoir acheté les gâteaux pour le soir et patienté dans un embouteillage monstrueux avant de rejoindre la maison d'Hélène où avait lieu la soirée.

Patrick avait préparé un repas que je voulais léger et dont, comme d'habitude, nous venons à peine de terminer les restes. J'ai bu beaucoup de punch, parce que j'aime et parce qu'il faisait chaud, et sans doute parce que je voulais m'étourdir. Nous étions une quinzaine, tous des gens que j'aime, devant qui je n'ai pas besoin de jouer. Malgré cela, la bulle dans laquelle j'étais enfermé ne s'est pas ouverte. Le grand plaisir de la soirée, je le dois à leur présence ainsi qu'aux cadeaux que chacun m'a fait: de très bonnes bouteilles de la part de Frédéric et Jean-Claude, des livres pour Brigitte, un abonnement cinéma pour Mireille, et, en collaboration dont Stéphane a été le maître d’œuvre, un magnifique album de photos retraçant fidèlement les années passées au collège et leurs à-côtés des voyages et des soirées folles entre amis. Inutile de dire mon émotion.

Le lendemain à midi, c'était le collège qui fêtait mon départ. La directrice avait bien fait les choses, à part son discours visiblement peu préparé et bien banal. Isabelle a pris la suite, plus intelligemment, plus tendrement, beaucoup plus tendrement, revenant sur notre amitié, sur nos émotions, nos colères partagées, tout ce qui a fait que nous nous aimons tant. Élisabeth aussi a su me toucher, cette ancienne élève de seconde devenue ma collègue et à qui, elle me l'a dit souvent, j'ai fait aimer la littérature en lui faisant découvrir Bel-Ami et Phèdre. J'avais invité d'autres gens, je ne les ai presque pas vus, de même que j'ai à peine touché à l'apéritif et au repas, pourtant excellent.

Le plus dur fut sans doute la dernière fois où j'ai emprunté l'itinéraire que je connais depuis si longtemps, que j'ai fait chaque matin pour me rendre au travail (je pleurais dans la voiture) et le moment où j'ai rendu les clés et le bip du portail: c'était vraiment fini. Je suis parti dans les derniers, en jetant un dernier coup d’œil à la façade du couvent. Je remonterai sans doute pour les repas de fin d'année mais ce ne sera plus jamais la même chose. Je ne pensais pas que cela me serait si difficile. Mon silence de ces derniers jours ici s'explique par une trop grande émotion, que je ne parviens pas à mettre en mots maintenant. Aujourd'hui, la bulle a l'air de s'évaporer un peu. Je reviens donc.

vendredi 5 juillet 2013

Deux jours express

Beaucoup d'émotions ces deux jours, de joie, de tendresse et de rires. Il y a tant à dire. Mais ce ne sera pas pour ce soir: il faut d'abord que je sorte de ma bulle...

mercredi 3 juillet 2013

Momentini

- J'ai remarqué par hasard que je mettais toujours mes chaussures en commençant par la gauche et que je les enlevais en commençant toujours par la droite. Est-ce grave, docteur ?

- La bonté serait-elle une autre forme de la bêtise ?

- Rétrospective Bunuel sur Arte. Il faut aimer. Moi j'aime, presque tout.

- Cet après-midi, passé deux heures à faire quelques kilomètres pour rapporter le livre d'Agnès à sa propriétaire. Le quartier de Vaise est vraiment merdique. En plus, des travaux partout. Ras le bol de la voiture !

- Ordinateur au poil. Comment ai-je pu supporter l'autre aussi longtemps ? Il me reste juste à m'adapter au nouveau clavier.

- L'autre jour, à Casino, une vieille dame voulait acheter une religieuse. L'employée, une jeune femme arabe assez (trop!) décontractée, ne savait pas ce que c'était ! C'était pourtant écrit dessus ! J'avais eu, moi aussi, la même mésaventure avec des bouchées à la reine.

mardi 2 juillet 2013

Ligne droite

La vraiment dernière copie, ça aura été une du brevet, une rédaction anonyme, ce qui n'est pas pour me déplaire. En plus, une bonne copie, à la belle écriture, au style correct et sans trop de fautes d'orthographe.

Finalement, à part une ou deux, le cru m'a semblé bon, cette année. Deux petites perles tout de même: un élève, alors qu'il s'agissait de l'arrivée de migrants italiens à New York, m'a fait un long développement sur la traite des noirs. C'est bien connu: Naples, c'est en Guinée ! Un autre, par deux fois, a parlé de gens qui "rognaient" leurs origines. Ben, tiens, quand on n'a plus rien à manger.

Non, le plus marquant de cette journée d'hier, ça aura été la principale du collège qui accueillait les correcteurs: une mégère que, sans doute, jamais personne n'a pu apprivoiser. Ton revêche, remarques à l'emporte-pièces, obligation de noter l'heure de fin de correction. Elle m'a vaguement fait penser à la nôtre, en nous parlant comme à des enfants de 12 ans. Inutile de dire qu'elle m'a impressionné ! Au point de lui demander, pour voir jusqu'où irait son ire matinale, où se trouvait le coin fumeurs. "C'est un établissement scolaire: il n'y a pas de coin fumeurs!" Résultat: sans nous être concertés, nous sommes tous allés fumer dans la cour intérieure. Si elle l'a vu, elle n'a pas moufté.

Maintenant, si je reprends ma liste d'il y a quelques jours, il me reste beaucoup plus de réjouissances que de contraintes...

lundi 1 juillet 2013

L'Inconnu du lac

Samedi, séance cinéma au Comoedia. Je suis allé, seul puisque Jean-Clade et Frédéric avaient d'autres choses à faire, voir L'Inconnu du lac. Pour la deuxième fois, j'ai acheté un billet sénior: c'est fou ce que l'on s'habitue vite ! Un peu inquiet de ce que j'allais découvrir,  parce que je n'avais que vaguement suivi la présentation de ce film à la radio, j'ai eu la surprise d'entrer dans une salle aux trois-quarts vide. Mais le public présent n'était pas celui que j'attendais: essentiellement des femmes, dont beaucoup d'un âge certain. "Elles vont quitter la salle vite fait lorsqu'elles sauront de quoi il s'agit", ai-je pensé in petto. Eh bien non, ces dames étaient venues pour ce film et, apparemment en connaissance de cause.

L'histoire est simple: au bord d'un lac, une plage naturiste où se rencontrent des homos qui, ensuite, vont faire davantage connaissance dans le bois au-dessus. Franck, le personnage principal, converse chaque jour avec un homme isolé que sa femme a quitté. Un après-midi, il engage la conversation avec un beau ténébreux, Michel, dont l'ami vient immédiatement le rappeler à l'ordre. Franck est attiré par Michel. Alors qu'il s'était attardé le soir jusqu'à la nuit noire, il voit Michel, au milieu du lac noyer volontairement son ami. Pour connaître la suite, il vous faudra aller voir le film.

Les deux hommes sont beaux, les scènes sont rythmées par l'apparition de la voiture de Franck sur le parking de la plage où il la gare toujours de la même façon sous le même pin et par des vues sur le lac ou sur le ciel. Les scènes sont très réalistes (fellation, masturbation, éjaculation...) sans pour autant être pornographiques. La fin est extrêmement violente.

J'ai été surpris par le naturel avec lequel cette histoire est racontée, comme si, aujourd'hui, la drague homo dans la nature ne posait plus aucun problème à personne. La seule chose qui m'a gênée, c'est qu'encore une fois, on associe l'homosexualité et la folie meurtrière. Mais c'est un film à voir, à mon avis.