vendredi 31 décembre 2010

Panthéon des Petites Gloires oubliées (8): Dominique Wilms

Pour terminer l'année, celle qui fut, aux côtés d'Eddie Constantine, La Môme vert de gris. Toute une époque... (Ici, dans le film de , Les Pépées font la loi, de Raoul André en 1955, à droite de l'image, avec le décolleté).

Bête comme jour

Un dernier jour d'année, c'est toujours un peu bête, ça ne ressemble à rien. On ne le voit pas passer, tout à l'attente du soir, du réveillon de la Saint-Sylvestre, synonyme pour beaucoup de mangeailles et de beuveries à outrance. D'ailleurs, personne ne se soucie de savoir qui était ce Sylvestre à jamais attaché à une nuit quasi blanche: il fut pape du 31 janvier 314 au 31 décembre 335 et officia sous le règne de Constantin, voyant, grâce aux largesses du nouveau converti, l'édification de trois grandes basiliques romaines: Saint-Jean de Latran, Saint-Pierre et Saint-Paul. Il fut enterré en 335 aux catacombes de Priscille.

31 décembre: fin d'un mois, fin d'une année. Tous les quatre ans, il se fait attendre un jour de plus, comme si cela valait le coup de reculer pour mieux sauter. Pour moi, il ressemble à ces invités qui, une fois la fête terminée, s'attardent trop longtemps chez vous alors que vous rêvez d'aller vous coucher. On y commence à réfléchir aux bonnes résolutions que l'on va prendre pour l'année nouvelle, toute lisse, toute belle, porteuse de promesses et de rêves dont la plupart seront déçus. Moi, j'aimais bien l'année romaine, qui commençait avec le mois de mars, lorsque, en général, on tourne vraiment la page du mauvais temps et de l'obscurité.

Je ne fais aucun bilan, je ne prends aucune résolution. Seul reste vraie pour moi la sentence d'Horace, dans son Ode adressée A Leuconoé: "Carpe diem quam minimum credula postero", que l'on peut traduire par: "Cueille le jour présent et sois le moins confiant possible en l'avenir." Une sorte de recette à se mijoter le plus souvent possible.
A tout à l'heure!

jeudi 30 décembre 2010

Panthéon des Petites Gloires oubliées (7): Nathalie Nattier

Et elle, qui la connait? Elle est décédée cette année, en 2010. Son principal titre de gloire? Marlene Dietrich l'ayant refusé, c'est elle qui interprète le rôle féminin principal des Portes de la Nuit de Marcel Carné.

Trésors

Pour accompagner KarregWenn.

Était-ce vraiment une boîte à trésors? Une caisse en bois, probablement, peut-être un simple cageot, coincé entre le mur et le vieux buffet où des rigottes d'échalas achevaient de fondre sur une assiette (tout ce qui coulait du fromage était pour moi). Juste après, il y avait un chiffonnier et la caisse à charbon.

Aucun autre enfant n'entrait chez ma grand-mère: les jeux se faisaient toujours à l'extérieur, devant les vieilles maisons en arc de cercle, dans une cour où les vieux disposaient leurs chaises le soir et où nous, les enfants, nous nous amusions. Personne d'autre que moi donc n'avait accès à cette caisse. Elle ne sortait jamais de la cuisine, sauf lorsque nous passions un moment chez les voisins, deux petits vieux chez qui je pouvais l'emporter.

Qu'y avait-il à l'intérieur? Je ne me souviens plus très bien. Aucun jouet digne de ce nom, en tout cas. Je me souviens principalement de trois ou quatre choses: d'abord une boîte de pâtes de fruits que j'avais reconvertie en aspirateur à billes. J'y jouais sur le large rebord en bois de la fenêtre dont la pente (on est en pays minier) permettait aux billes de rouler et, si je visais bien, de venir finir leur course à l'intérieur de la boîte. Je tâchais bien sûr de faire durer l'objet le plus longtemps possible sans l'abîmer car nous n'achetions pas des pâtes de fruits tous les jours!

Ensuite un vieil almanach Vermot qui, à cette époque, dans les premières pages, présentait les photographies de tous les députés de l'Assemblée Nationale en exercice (à moins qu'il ne se soit agi des sénateurs). Je les découpais tous, un à un, patiemment, en suivant bien avec les ciseaux, le rebord noir, sans baver, sans dévier. Ensuite,(et j'ai ça en commun avec KarregWenn), je les classais pendant des heures, par taille, par cheveux, par moustaches, barbiches, coiffure, que sais-je... Cette occupation me prenait des jours sans que jamais je ne m'en lasse. Je crois bien ne jamais avoir connu l'ennui dans ces années-là.

J'avais aussi, et c'était mon plus beau trésor, une boîte en bois rectangulaire qui contenait des cubes, en bois eux aussi, sur lesquels le fabricant avait collé des dessins représentant un douzième du grand dessin présenté sur le couvercle. D'autres modèles de cette sorte de puzzle se trouvaient au fond de la boîte elle-même. Je crois me souvenir que l'un de ces cubes avait été perdu, ce qui fait que jamais aucun dessin n'était complet au final. Lorsque j'eus composé ces paysages maintes et maintes fois, au point de connaître par cœur l'agencement des cubes de bois, je détournai le jeu dans un autre sens: je m'en faisais une locomotive avec des wagons, un engin de terrassement poussant des gravas, .... Tout cela dans le plus grand calme, bien sûr, puisque j'étais un enfant très calme.

Enfin, dans une petite boîte en ferraille (Pastilles Pulmoll? Bonbons au suc des Vosges?), je conservais précieusement des mines de crayons de couleurs provenant d'une boîte de Caran d'Ache (offerte par qui?) et que je ne me résolvais pas à jeter. Bien au contraire, loin d'utiliser les crayons en les retaillant, je me servais plutôt de ces petits bouts de rien du tout pour remplir mes albums à colorier. Je tenais ces infimes morceaux de mines entre mes doigts, en y prenant parfois des crampes, et j'œuvrais avec la plus grande précision possible. Lorsque le dessin était rempli, mon autre joie immense était d'en frotter certaines zones avec un coin de buvard, pour obtenir un aspect plus flouté.

Je crois qu'il y avait aussi une carcasse de voiture miniature et sans doute des tas d'autres choses que j'ai oubliées. Mais que l'on ne s'y rompe pas: avec mes déchets, mes rebuts, mes carcasses, j'étais le plus heureux des petits garçons. J'aimais être seul, je l'étais et ces objets furent ma première passion avant que la découverte des livres ne vienne me les faire oublier. Ils ont probablement fini à la décharge lorsque, à la mort de ma grand-mère, en 1960, son appartement fut vidé, car aucun ne réapparut dans mon nouveau "chez moi", c'est-à-dire dans une famille où m'attendaient déjà un frère et une sœur plus jeunes, dont je dus être responsable, et où le ventre de ma mère, déjà bien rond, n'allait pas tarder à livrer la petite dernière . Je crois que c'est ce jour-là, le jour de mon arrivée dans le cercle familial, que s'est arrêtée mon enfance. J'avais huit ans.

mercredi 29 décembre 2010

Panthéon des Petites Gloires oubliées (6): Dominique Davray

Plus cruche tu meurs (vidéo extraite du Tatoué de Denys de la Patellière où elle incarne - le mot lui va bien! - Suzanne Mézeray, l'épouse de De Funès), plus mielleuse, tu t'enlises (Madame Mado, dans les Tontons flingueurs de Georges Lautner), on la retrouve sous la direction de Verneuil (Mélodie en sous-sol), de Brialy (eh oui, Églantine), de Becker, Clouzot, Allégret, Verneuil, Oury, Le Chanois, Duvivier, Deray, Stellio Lorenzi pour la télévision (Zola ou la Conscience humaine), et, tenez-vous bien, d'Anatole Litvak (Act of Love) et d'Hitchcock (La Main au collet). Petits rôles dans des comédies où on la verra souvent prostituée, elle doit sans doute d'être aujourd'hui un peu moins oubliée (mais qui, en la voyant, pourrait citer son nom?) à son célèbre acolyte des comédies des années soixante: Louis de Funès.
Il faut tout de même le sortir, cet grand éclat de rire!

mardi 28 décembre 2010

Avec ou sans rubans

Noël lié à l'enfance ne me rappelle rien, ou pas grand chose. Je ne me souviens d'aucun repas spécial, d'aucune messe particulière (contrairement à Pâques), de presque aucun cadeau.

Chez ma grand-mère, qui m'a élevé jusqu'à sa mort, à mes huit ans, rien. Rejoignions-nous le reste de la famille en parcourant à pied les quatre ou cinq kilomètres qui séparaient la maison de la mère de celle de la fille comme nous le faisions chaque dimanche pour assister à la messe? Je ne sais pas.

Lorsque j'ai réintégré la cellule familiale, il n'y a pas eu davantage de soirée prolongée. Il me semble que l'on nous donnait les cadeaux le soir même, avant de nous envoyer au lit, sans doute sensiblement à la même heure (tôt) que d'habitude. On m'a appris très vite que le Père Noël n'existait pas, non pour me délester d'un mythe mais parce que j'étais l'aîné et que je devais toujours être raisonnable.

Raisonnable, c'est avec utile le mot que l'on a dû me répéter le plus souvent dans mon enfance. Je devais être raisonnable et les cadeaux devaient être utiles, il n'y avait pas d'alternative. Comme l'on m'avait aussi dévoilé la mort de mon père très jeune (aucun souvenir des circonstances), j'ai endossé facilement l'habit de l'enfant qui se devait d'être sage. Facilement, trop facilement: il m'a fallu des décennies pour me rendre compte que cet habit-là n'était pas taillé pour moi. Mais ensuite, on a beau essayer de s'en défaire, il colle à la peau et vous brûle, comme la robe de Créuse confectionnée par Médée pour les noces de Jason avec la princesse grecque.

J'étais donc raisonnable, et les cadeaux étaient utiles: la plupart du temps des vêtements, achetés un peu grands pour qu'ils fassent plus de profit. Mes parents n'étaient pas riches. Rien à redire là-dessus. Et lorsqu'ils ont pu vivre un peu plus largement, il y avait longtemps que je m'achetais moi-même mes vêtements.

Deux fois seulement, la règle de l'utile n'a pas été respectée. La première, alors que je devais avoir une dizaine d'années, mes parents m'ont offert un JEU! Je ne sais plus ce qui l'emportait chez moi, de la surprise ou de la joie. Un JEU! Je n'en avais jamais eu, me contentant (au sens d'être content) chez ma grand-mère de jouer avec le contenu d'une grande boîte où j'entassais mes trésors: vieux cubes dont les dessins collés sur les côtés se déchiraient de vieillesse, gaines de stylo bic vides, quelques crayons de couleurs, boîtes de pâtes de fruits auxquelles j'inventais des rôles exceptionnels... Et ce Noël, un vrai jeu, dans une boîte d'origine avec un papier cadeau autour.

Ma joie fut courte: on m'avait offert quelque chose qui aurait sans doute charmé un enfant de cinq ans mais pas un petit garçon du double: une pente de montagne avec une piste de ski tracée, toute droite, que dévalaient des skieurs qu'un tire-fesses remontait pour le prochain tour. Et cela "ad libitum"! Je ne sais pas où a fini ce jeu car le soir même, je l'avais délaissé. Est-ce de ce jour que date ma réputation dans ma famille de n'être jamais content de ce que l'on m'offre?

La deuxième fois, l'émotion fut plus durable: on m'offrit un énorme album de Spirou regroupant plusieurs magazines sous une couverture cartonnée, jaune, je m'en souviens encore. Un LIVRE! Là, on avait mieux visé. Il me fit beaucoup de profit et je le lus et en relus des parties pendant longtemps (particulièrement les Belles Histoires de l'Oncle Paul). La seule ombre au tableau, c'est que mon petit frère avait reçu exactement le même album. Comme on peut le voir, en matière de cadeaux, mes parents étaient d'une imagination débordante.

Avec Yvon, nous nous faisions parfois de petites surprises, mais avec beaucoup de pudeur, comme à la sauvette, gênés tous deux, autant celui qui offrait que celui qui recevait. Avec Pierre, c'est moi qui devais la plupart du temps m'acheter mes cadeaux: "Tu choisiras ce que tu voudras!". Il ne m'accompagnait pas au moment de l'achat. Aujourd'hui, je refuse cette façon de faire: je préfère ne rien recevoir.

On comprendra, avec ce qui précède, que je n'aime pas trop cette période où il faut prendre un air songeur ou ébahi pour couper le ruban en volutes et déchirer le papier brillant. Le rituel fut respecté dimanche chez mon frère. C'est toujours, pour moi, le moment le plus pénible, celui où, en général, je trouve que les verres sur la table risquent de souffrir et où je me réfugie (avec eux) à la cuisine.

Demain, Frédéric, Jean-Claude et moi, nous allons acheter les cadeaux pour chacun, ensemble tous les trois. Pas de chichi mais de la sincérité et le plaisir de faire plaisir. C'est différent.

lundi 27 décembre 2010

Panthéon des Petites Gloires oubliées (5): Florence Blot

" Paic est si efficace qu'aussitôt la vaisselle étincelle!" Tout le monde se souvient de cet publicité à la télévision. "Et avec Paic citron, c'est tellement plus agréable!" Mais qui était cette "Huguette" dont la maîtresse, éblouie par l'efficacité du "premier liquide vaisselle au citron" la déchargeait de cette corvée quotidienne? Cette actrice à la voix particulière, au visage élastique se transformant au gré de mimiques hilarantes, que l'on croise dans de nombreux films sans qu'elle y ait un rôle bien important et que l'on reconnait chaque fois sans jamais trouver son nom? Eh bien, c'est elle, Florence Blot. La voici avec la scène des toilettes du train Paris-Rome dans le film Fantomas se déchaîne, de André Hunebelle en 1965. Elle y apparaît à plusieurs reprises dans un rôle muet. Seul son visage (et ses mains) parle!

Vous vous souviendrez: Florence Blot. Il est vrai que si elle avait conservé son patronyme d'origine, Marguerite Louise Léontine Digneffe, nous en aurions sans doute été plus marqués!
(PS: dans ma famille, celle-là me rappellerait assez bien, une tante, la belle-sœur de ma mère, qui m'a "un peu" élevé bébé et m'adore, alors qu'elle réservait ce genre de mimiques à mon frère qui ne trouvait jamais grâce à ses yeux!)

Exoblant

Maintenant, c'est presque une obligation dans tous les blogs: si l'on veut laisser un message quelques part, chez quelqu'un d'autre, il faut, en plus de s'identifier, taper quelques lettres aléatoires prouvant que vous êtes bien vous et non pas un cheval de Troie ou une vulgaire entreprise commerciale. Moi aussi, j'ai fait comme les copains, je me suis protégé.

Chez certains, le désagréable, c'est que les lettres à taper, parfois agrémentées de chiffres, sont quasiment illisibles; il faut donc recommencer plusieurs fois avant d'avoir le précieux Sésame. Chez d'autres, au contraire, je ris bien parfois de ce que l'on me demande de taper, l'aléatoire prenant dans certains cas de petits airs coquins.

Rien de coquin pourtant dans ce qui suit. J'ai dû l'autre jour reproduire le mot "exoblant", qui, bien sûr, ne veut rien dire. Pourtant, avec ces faux airs de participe présent, il m'a accroché l'œil. Que signifierait le verbe "exobler"? Après tout, il pourrait bien exister: il présente bien, il est tout simple, facilement prononçable et sent son étymologie latine à plein nez.

Voyons. Préfixe "ex", en dehors de, en sortant. "Obler" rappelle oblat lui même issu du verbe latin "offero", offrir (aux regards), exposer, proposer. Bien dans l'air du temps en cette période de Noël et de cadeaux accumulés sous les sapins. Moi, je m'en tiendrais à cette explication, bien que j'en perçoive d'autres moins sages, beaucoup moins sages. Ou alors, tiens, une autre, en rapport avec ce qui occupe la majeur partie de mes journées (pas en ce moment, d'accord! Mais bon, dans une semaine, j'y serai!): un exoblant, ne serait-ce pas une partie d'un tout que l'on nomme un "bacblant" ? Ah! Ça ne s'écrit pas comme ça? Vous êtes sûrs?

Et vous, vous en trouvez parfois des croustillants ou qui vous font gamberger?

dimanche 26 décembre 2010

Panthéon des Petites Gloires oubliées (4): Valentine Tessier

1971. L'année de mon entrée à l'université, l'année aussi de mon arrivée à Lyon. Et cette année-là, Jean-Claude Brialy réalisa un film qui me bouleversa et me tira des larmes. Ce film, c'est Églantine, avec Valentine Tessier. Un jeune homme retrouve le temps d'un été la propriété de sa grand-mère et une partie de sa famille en même temps que l'aïeule adorée. Rentré à Paris à la fin de la saison, il apprendra un peu plus tard la mort de cette femme qu'il chérissait. Une histoire toute bête, bourgeoise, vue de nombreuses fois. Mais Dieu, le bel été!

Impossible de trouver la moindre vidéo disponible de ce film. Je me suis "rabattu" sur un extrait de Madame Bovary, de Jean Renoir, en 1933. J'en profite pour dire combien je suis déçu de ne pas trouver ce que je veux sur Google. Rien, en particulier sur Jeanne Fusier-Gire à qui j'aimerais également rendre un hommage. Je continue de chercher....

samedi 25 décembre 2010

Dis-moi ce que tu manges....

Des repas, encore des repas, qui se suivent et ne se ressemblent pas.

Le premier, ce fut mercredi, avec Frédéric, Jean-Claude et Stéphane, chez moi. Stéphane attendait des résultats d'analyses médicales qui l'inquiétaient. Il parvint, et c'était d'ailleurs mon but, à oublier cette échéance au cours de la soirée, qui fut douce et calme, chacun écoutant ce que l'autre avait à dire. Je suis content que ces trois-là se connaissent.

Ensuite, hier soir, chez Jean-Claude, avec Frédéric bien sûr et aussi Pierre, la grande gueule, celui qui a un avis sur tout quitte à l'improviser au fur et à mesure de l'avancée de sa phrase. Hier, il était plutôt éteint, ce qui arrangeait tout le monde. Lors de la retransmission de la Messe de Minuit, il s'est mis à enfiler des explications stupides et fausses sur l'organisation du Vatican et de la Curie, sûr que ce qu'il en disait était "parole d'Évangile". Au bout de quelques minutes, je n'ai plus pris la peine de rectifier ces erreurs. Qu'il reste donc dans son ignorance où il se trouve si bien.

A midi chez moi, avec ma mère et ma sœur. J'avais commandé un repas, que j'avais complété, par peur qu'il n'y ait pas assez. Résultat: des monceaux de restes dans mon réfrigérateur. Douceur aussi de l'après-midi, où nous avons joué à des jeux de société, autant parce que nous aimons que pour retarder le naufrage définitif du cerveau de ma mère.

Ce soir, à nouveau chez Jean-Claude, avec sa famille et des amis, dont Frédéric. Pierre avait sans doute récupéré de la veille car il avait retrouvé sa voix forte et désagréable pour se vautrer dans des grivoiseries qui ne faisaient rire que lui. Comment peut-il ne pas se rendre compte de la stupidité de ce qu'il raconte? Le volume sonore a très vite monté et ça, j'ai de plus en plus de mal à le supporter. Jean-Claude, qui recevait, avait l'air exténué. Comment fait-il pour rester la plupart du temps aussi serein?

Demain, ce sera chez mon frère, le repas de famille traditionnel. Nous attendions mon neveu et ma nièce qui va nous présenter son nouveau compagnon. Là aussi, mon frère risque d'être très fatigué par son nouveau traitement de radiothérapie. Cela se passera sans doute bien, comme d'habitude. Nous savons nous tenir. Mais que dire à ce neveu et cette nièce qui me sont quasiment des étrangers?

Je crois bien que mon plus beau cadeau de Noël, c'est d'avoir appris, entre temps, par son coup de téléphone, que la "saloperie" qu'a attrapée Stéphane n'est pas cancéreuse.

Et voilà


Bon Noël à tous!

vendredi 24 décembre 2010

Vide (mais pas pour longtemps)

Il semble qu'il n'y ait plus grand monde derrière l'écran de son ordinateur à cette heure-ci de ce jour-ci. Moi même d'ailleurs, dans quelques minutes... Alors, à ceux qui passeront ce soir sur ce blog, je souhaite par avance une très bonne soirée et un joyeux Noël. L'Enfant n'est pas encore dans la crèche, mais ça ne saurait tarder. Allez, à tout à l'heure, sans doute.

Crèche de l'église Notre Dame Saint Louis de la Guillotière, cet après-midi.

jeudi 23 décembre 2010

Panthéon des Petites Gloires oubliées (3): Jane Marken



Oubliée bien injustement puisqu'elle apparut, outre dans la Partie de campagne de Renoir, dans de nombreux très grands films, comme Hôtel du Nord et Les Enfants du paradis de Marcel Carné ou Manèges d'Yves Allégret, et tourna entre autres avec Ophuls, Clair, Gréville, Grémillon, Rossellini, Delannoy, Cayatte, Hunebelle, Vadim et Guitry.

Ce qui m'impressionnait en elle, quand j'étais enfant, c'était surtout son imposante poitrine, particulièrement dans les films en habit, qui m'évoquait celle de ma grand-mère paternelle. Fellinienne avant l'heure!

Sensiblerie

Un des avantages de la période de Noël (il faut bien qu'il y en ait), c'est que l'on peut montrer davantage que lors d'autres périodes de l'année sa sensiblerie, ou son âme d'enfant, selon le point de vue que l'on adopte sur la chose. Ainsi en est-il pour moi: lorsqu'approche le 25 décembre, je me laisse aller à lire des ouvrages ou à regarder des films qui ne m'intéresseraient guère le restant de l'année. Point trop n'en faut tout de même, l'excès en sensiblerie conduisant immanquablement comme celui de chocolat à une sévère indigestion.

Ce soir, je me suis installé au salon, sur mon canapé, le dos calé sur un coussin relevé et un oreiller, prêt à utiliser un des plaids qui masquent l'effondrement du vieux meuble si la température n'était pas suffisante (mais il fait plutôt doux en ce moment) et j'ai regardé un de ces films que la télévision programme ces jours-ci: Nanny McPhee, l'histoire d'un malheureux veuf doté d'une famille de sept enfants, petits monstres dont aucune gouvernante ne parvient à venir à bout jusqu'à l'arrivée d'une espèce de sorcière au physique particulièrement rebutant mais à l'immense bonté d'âme (on s'en rend vite compte au fil des scènes) qui trouvera l'épouse nécessaire à cet homme seul pour ne pas être déshérité par une tante autoritaire.

C'est gentil, c'est facile, c'est drôle, parfois légèrement grand guignolesque ( mais ce n'est pas pour me déplaire), on rit et l'on est ému (sensiblerie, vous dis-je), c'est reposant, on peut même s'assoupir un instant sans perdre le fil de l'intrigue. C'est une sorte de Joséphine ange gardien anglais sauf que c'est tourné dans le cadre onirique d'un petit manoir anglais, que l'humour y est plus ...anglais et surtout que Emma Thompson (que j'aime beaucoup et pour qui j'ai regardé ce film) est tout de même, sans vouloir me comporter comme un goujat, beaucoup plus attrayante que Mimi Mathy!

Et, cerise sur la gâteau, la tante despotique est jouée par une vieille connaissance cinématographique à moi, Angela Lansbury, la miss Marple du Miroir se brisa, de Guy hamilton (où, excusez du peu, elle donne la réplique à Elizabeth Taylor, Rock Hudson, Kim Novak et Tony Curtis, entre autres)

mercredi 22 décembre 2010

Jésuite et sacristain

Dans le billet "Résurrection", je faisais allusion à un gâteau qu'allait acheter la vieille dame à la boulangerie, juste avant de prendre son malaise: le sacristain. Karregwenn m'a demandé ce que c'était. Ce matin, j'ai prié la boulangère de me recopier la composition sur un bout de papier. Je croyais qu'il y avait de la meringue dure sur le dessus. Pas du tout: pâte feuilletée, blanc d'œuf, sucre glace ( c'est le mélange des deux derniers qui donne le glaçage et l'impression de meringué) et amandes effilées. Un délice pour moi qui ai toujours préféré les gâteaux boulangers à ceux du pâtissier. J'en connais d'ailleurs deux autres qui ne se font pas non plus prier pour le déguster.

Mais dites-moi à votre tour, Dame K, ce qu'est un jésuite. Vous avez écrit que vous en faites un de temps en temps et je n'ose imaginer que nous parlions là d'autre chose que de comestible. Moi qui les ai pas mal fréquentés (les vrais), je subodore que le goût ne doit pas en être tout à fait tranché, n'est-ce pas? Mais je n'en ai jamais entendu parler. Éclairez ma lanterne défaillante, douairière de la lande...

Panthéon des Petites Gloires oubliées (2): Hélène Dieudonné


Sébastien parmi les hommes (suite du célèbre feuilleton Belle et Sébastien).

Comme me l'écrit Merbel, son doux visage de grand-mère idéale....

mardi 21 décembre 2010

Le monde comme il va ! Tiercé gagnant de la semaine.

- On trouve actuellement en vente des galettes des Rois. Avant Noël. Et au cassis en plus. Précipitez-vous car début janvier, vous risquez de ne plus trouver que des œufs de Pâques!

- Un présentateur de jeu télévisuel qui demande le passé simple 3°personne du verbe falloir et qui n'ayant pu poser complètement sa question, s'exclame: "Bravo, jeune homme! C'est bien "il fallut". Et en plus, il est gonflé, Benoît, de ne pas attendre la fin de la question! Il aurait pu s'agir de la 3° du pluriel!

- Un député parlant de je ne sais quoi: "il faut bien qu'ils savent...".

lundi 20 décembre 2010

Résurrection

Ce matin, il ne neige plus. Tout la couche sale a même disparu des trottoirs pendant la nuit. Les rues sont à peine mouillées dans les recoins où le soleil ne pénètre pas. En se penchant par la fenêtre, elle a vu un beau ciel bleu, et l'air est doux. Si le goudron n'était pas sali des traces du sel jeté pendant la tempête, on pourrait croire que l'on est au printemps.

C'est décidé, elle va aller faire quelques courses, acheter du pain frais et des fruits, une salade aussi, bien qu'elles soient bien chères en ce moment. Peut-être enfin un petit gâteau. Tiens, un sacristain, il y a si longtemps. Elle se regarde dans le miroir de l'entrée, engoncée dans son vieux manteau qu'il faudra bien changer un jour. Elle est un peu pâle après tous ces jours à attendre de pouvoir sortir. Depuis bien longtemps, elle n'achète plus de maquillage. Pour séduire qui? Mais aujourd'hui, elle veut faire honneur au beau temps, au ciel, à l'air, à sa liberté retrouvée. Alors elle met son écharpe rouge vif qui redonnera quelques couleurs à son visage. Sa voisine la lui a offerte, deux ans plus tôt, peu de temps avant d'aller finir à l'hôpital en quelques jours. Elle l'aime, cette écharpe.

En bas, lorsqu'elle pousse la lourde porte cochère de l'allée, la luminosité l'éblouit un peu, assez pour lui faire fermer les yeux un instant. Elle sent l'air doux qui lui caresse le visage et elle devine, derrière ses paupières baissées, le soleil qui joue dans les branches des platanes. Oui, il n'y a pas à hésiter, elle s'achètera un sacristain. Un plaisir un peu cher pour elle, mais elle a envie d'un plaisir. Alors, elle rouvre les yeux et tourne à droite sur le trottoir, en direction de la boulangerie. Le pain frais, elle le mangera avec un peu de beurre, en apéritif de son repas de midi, juste pour le plaisir.

La boutique n'est pas loin. Lorsqu'on l'avait opérée de la hanche, la commerçante lui avait même proposé de lui apporter sa demi-baguette à domicile, pour lui faciliter la vie. C'était une gentille femme, Madame Devareau, toujours prête à lui rendre service. Il faut dire que, depuis trente qu'elle se servait là, tous les jours, elle avait eu le temps de tisser des liens. Il y avait juste une chose qu'elle n'aimait pas: c'était l'été, en août, lorsque la boutique fermait pour les congés annuels et qu'il fallait aller chercher loin, bien loin un pain qui n'avait pas si bon goût et qui n'était jamais assez cuit. Tandis que chez Devareau, on savait cuire la pâte et elle appréciait beaucoup qu'on lui garde toujours un morceau particulièrement doré.

Ses jambes peu à peu se dégourdissent. Aujourd'hui, même les trottinettes sur les trottoirs ne lui font pas peur. Tout le monde a un air joyeux. On est heureux de se retrouver après un isolement de deux ou trois jours. Arrivée aux feux tricolores, elle attend bien sagement que ce soit à elle de traverser. Pas le moment de se faire renverser, le monde est trop beau aujourd'hui. Le petit piéton s'allume en vert, en face. Elle peut y aller. La boulangerie est juste à l'angle, de l'autre côté. Madame Devareau est derrière son comptoir, à servir les clients qui sont déjà nombreux. Un mot gentil pour chacun de ceux qu'elle connaît, mais guère plus aux heures d'affluence: il faut être efficace et les bavardages inutiles quand le travail attend, ce n'est pas son affaire.

Soudain, le ciel se voile, la luminosité baisse. Un nuage sans doute. Mais pourquoi ses jambes, au même moment, deviennent-elles lourdes et refusent-elles de la porter plus avant? La boulangerie disparaît et c'est le sol qui vient à sa rencontre. Quelqu'un a crié derrière elle, une femme à la voix. Mais que fait-elle à terre? Elle n'a pas le temps de trouver sa réponse et la dernière chose qu'elle verra, ce sera un gros bottillon d'homme tout près de sa joue gauche, celle que le soleil matinal réchauffe encore un peu. Ensuite le noir.

L'écharpe rouge, déroulée de son cou, fait comme une mare de sang vif sur le goudron sali.

dimanche 19 décembre 2010

Panthéon des Petites Gloires oubliées (1): Pauline Carton

A celles (et peut-être bientôt à ceux) que l'on oublie trop vite parce qu'ils ne furent pas grands, mais sans qui rien de grand ne se serait fait.

Première de cette nouvelle rubrique, celle qui fut sans doute la reine de ce Panthéon: Pauline Carton.

"Mais qu'est-ce qu'ils ont avec les adverbes sur ce bateau?!"


Du film Les Perles de la Couronne, de Sacha Guitry, 1937

Et aussi en chanson:
"Prends-moi sous les laitues, aimons-nous sous l'évier..."


Du film Toi, c'est moi, de René Guissart, 1936

Hellène

Elle l'était jusqu'au bout de son amour et de ses convictions, de ses combats, Jacqueline de Romilly. Une chaîne de télévision de la TNT a repris ce soir, en hommage, une ancienne émission où elles apparaissent toutes deux, avec Christiane Desroches-Noblecourt, la spécialiste de la Grèce de Périclès et celle de l'Égypte de Ramsès II. Deux grandes figures de femmes, dont une, De Romilly, vient de s'éteindre aujourd'hui. Elle a été la première femme au Collège de France, la deuxième, après Marguerite Yourcenar, à entrer à l'Académie Française.

J'ai peu lu d'elle: Hector, il y a quelques années, qui m'avait enchanté, et Le Trésor des savoirs oubliés qui ne m'a pas accroché et que j'ai arrêté des les premières pages. Étrange, cette gêne que je ressens souvent vis à vis de la civilisation grecque antique et de ses spécialistes. Alors que l'étude de la langue grecque, dès la quatrième, me fascinait, je percevais déjà, derrière la curiosité pour ce savoir nouveau, une sorte d'appréhension désagréable, comme si j'entrais par effraction dans un lieu où je n'avais que faire, comme si l'on allait me tolérer dans ce nouvel univers sans m'y accepter jamais. Une sorte de complexe d'infériorité sans doute, dû à mes origines prolétaires et paysannes (inutile de préciser que personne avant moi, dans ma famille, n'avait déchiffré la moindre lettre grecque!).

Le plus incompréhensible, c'est que je n'ai jamais ressenti ce mal être face à la culture latine, bien au contraire: je me suis glissé dans cette civilisation romaine comme un poisson dans une rivière d'eau fraîche, en goûtant chaque mouvement, chaque humeur, en disséquant chaque possibilité de plaisir. Face aux pays modernes que sont la Grèce et l'Italie d'aujourd'hui, je connais la même dissemblance. Je me sens issu de ces rustres de soldats des légions plus que des apprentis philosophes déambulant sous les portiques athéniens.

Quoi qu'il en soit, je me réconcilie un peu avec la télévision lorsqu'elle n'oublie pas de saluer, même rapidement, même imparfaitement, une grande dame qui quitte la scène.

Vive la vie

L'autre soir, en regardant avec ma mère un jeu télévisé, j'ai remarqué une concurrente dont le physique me rappelait vaguement une actrice. Sensation fugitive, si fugace que je ne pus jamais, ce jour-là, remettre un nom sur ce visage à peine sorti de la mémoire. J'étais même incapable alors de me remémorer le moindre de film où apparaissait cette actrice. Je revoyais une vague silhouette plutôt décharnée, un visage aux chairs un peu tombantes, un cou plissé, une voix grave et une humanité à toute épreuve.

J'y ai repensé depuis, sans retrouver le nom de la comédienne. Et puis, ce soir, c'est encore Frédéric qui, en écoutant les minces indices que je lui fournissais, a trouvé: Madeleine Clervanne. Peu de gens doivent aujourd'hui se souvenir d'elle. Moi, elle a marqué mon enfance, avec Daniel Ceccaldi, Claire Maurier et René Lefèvre entre autres. C'était en 1966, elle jouait le rôle de la bonne, Honorine, dans une des premières séries de la télévision: Vive la Vie!

samedi 18 décembre 2010

Un coup dans l'aile

Soleil sur Lyon aujourd'hui. Beau ciel bleu que l'on n'avait pas vu depuis longtemps. Un petit tour au marché de Noël, à pied, avec Jean-Claude, plus pour faire un peu d'exercice que par réel besoin. Après cette visite, je garde le même avis sur ce genre de manifestation: bien peu d'intérêt et des prix assez prohibitifs.

Ce que j'ai constaté, en revanche, en traversant le centre ville, c'est le peu de clients dans les boutiques alors qu'habituellement, à cette période de l'année, on peut à peine mettre un pied devant l'autre. De Bellecour à Perrache, des badauds, bien sûr, mais, j'en ai eu l'impression, peu d'acheteurs. Et ce malgré des rabais très conséquents jamais vus avant Noël et pouvant atteindre 30 à 40%. La propriétaire de la parfumerie près de chez moi m'a expliqué que la chute des ventes cette année était catastrophique. Rue Victor Hugo, j'ai repéré au moins quatre magasins liquidant leur stock avant cessation d'activité. Même la décoration de la ville semble un peu plus pingre cette année.

Le grand n'importe quoi de Noël semble en avoir pris un coup dans l'aile en 2010. On ne s'en plaindra pas si c'est un effet de la prise de conscience des gens par rapport à ce gaspillage. Mais je crois plutôt que, plus que celui d'une attitude raisonnée, c'est le reflet d'une nécessité qui s'impose au plus grand nombre: on n'a plus les moyens.

Copieuse !

vendredi 17 décembre 2010

A court terme

Les Contes du Groenland sont écrits, les Fabliaux aussi, reste à les corriger. Les nouvelles policières à la manière de Conan Doyle progressent, la rédaction pourra en commencer fin janvier probablement. Je viens de voir que, sans m'en rendre compte, j'oriente de plus en plus mes cours de français vers l'écriture, au détriment sans doute des connaissances purement grammaticales auxquelles pourtant je tenais tant il n'y a pas si longtemps. Même mes cours de latin passent plus vite sur certains points de langue pour insister davantage sur l'histoire, la civilisation ou l'étymologie. J'ai toujours été à rebours des consignes ministérielles. Je ne le fais pas exprès, c'est comme ça.

Ce soir, j'ai envie de l'épeler: V-A-C-A-N-C-E-S, en plus sans la catastrophe climatique annoncée sans doute par excès de précaution: quelques flocons, certes, mais rien de comparable aux précédentes chutes. Au programme, pas de déplacements prévus: du repos, des repas, de bons livres et de bons moments. Voilà tout ce que j'espère. Fin de l'aménagement de la première chambre aussi, avant que nous n'attaquions la seconde début 2011. J'aime de plus en plus être chez moi. Dégénérescence cérébrale?

jeudi 16 décembre 2010

Mes détestations

France 5 ce soir. François Busnel, La Grande Librairie, une sorte d'Apostrophes plus décontracté et plus consensuel. Ce soir, le classique adulé et celui qui vous est tombé des mains.

En ce moment, je trie, je range, je donne, je me débarrasse de beaucoup de livres, plus que je ne l'aurais cru moi-même possible. D'ailleurs aurais-je imaginé il y a deux ans seulement pouvoir me débarrasser de certains de mes livres? Sûrement pas. Le tri est finalement très facile à faire: soit je n'ai pas aimé le roman et dans ce cas, pourquoi le conserver; soit je n'en ai gardé absolument aucun souvenir, et dans ce cas-là, aucune raison d'encombrer mes rayonnages non plus.

Quels sont donc les livres que je n'ai jamais pu lire jusqu'au bout, parce que le sujet ne m'intéressait pas ou parce que je n'accrochais pas à leur style? En voici une dizaine, liste non exhaustive que je ne commenterai pas. Après tout, certains de ces écrits ont peut-être été victimes chez moi d'un mauvais choix du moment pour les lire... En vrac:
Eugénie Grandet de Balzac (alors que j'ai dévoré cet auteur à mon adolescence), L'Éducation sentimentale de Flaubert (alors que je vénère tout le reste), Corneille (dans son ensemble), Céline (dans son ensemble), Les Puissances des ténèbres (Anthony Burgess), Sa Majesté des Mouches (William Golding), Justine ou les malheurs de la vertu (Sade), Les Chants de Maldoror (Lautréamont), Jean-Christophe ( Romain Rolland), Christine Angot (je n'ai même pas essayé tant cette femme me refroidit à la voir et à l'écouter), et d'autres que j'oublie en ce moment.

Et vous? J'aimerais connaître aussi vos détestations!!

mercredi 15 décembre 2010

Pour Frédéric



Avec Bastien

Merbel m'avait intrigué dans un de ses commentaires sur ce blog, évoquant des correspondances entre ce que je livre ici et un roman de Mathieu Riboulet, Avec Bastien, publié chez Verdier. J'ai donc, après avoir eu un peu de mal à le dénicher (bien qu'il ait été publié cette année), acheter ce livre.

C'est un ouvrage court, qui se mérite pourtant, écrit dans un style parfois complexe qui peut rebuter mais avec d'extraordinaires fulgurances. Le narrateur débute son récit par une scène de fellation pratiquée par un jeune homme sur celui qu'il appellera Bastien. Où est-ce? On ne le sait pas. On comprend peu à peu cependant qu'il s'agit probablement d'une vidéo pornographique que le narrateur est en train de visionner. Immédiatement, ce dernier va au-delà de l'image seule et nous confie l'histoire de Bastien, de son unique amour pour Nicolas, un garçon laid et moqué de tous au collège qui se suicidera du désespoir d'être sans cesse rejeté sauf de Bastien.

Nicolas mort, Bastien devenu adulte livrera son corps à tous, c'est à dire à personne, un beau corps de sportif parcourant sa Corrèze natale seul ou avec sa mère. Nous saurons cette histoire de famille, banale somme toute où le plus jeune des trois frères n'est pas comme les autres. Nous saurons que l'on peut, dans une certaine intimité, adopter des vêtements féminins tout en restant homme, uniquement homme, simplement parce que ces vêtements, ce sont ceux de la grand-mère adorée.

Oui, j'ai aimé ce court récit parce qu'il allie, ce qui est assez rare, une pensée profondément intellectuelle avec une sincérité sans tabou et sans faux semblants. Le sexe est là, omniprésent et cru, mais on dirait parfois qu'il n'est là que comme la musique dans un film: pour accompagner les pensées de celui qui regarde et qui voit plus loin que des draps froissés.

Cette histoire est loin de la mienne, bien sûr. Je ne dirais pas ici où elles se rejoignent. Mais, oui, Merbel, elles se rejoignent parfois.

mardi 14 décembre 2010

Odile

On se dit toujours que l'on a bien le temps, que cela ne presse pas, qu'on aimerait bien la revoir, que ça lui ferait plaisir, mais que c'est bien loin aussi. En hiver, il y fait froid par là-bas, dans l'est; en été, on préfère aller ailleurs. On reporte à dans quelques mois, aux prochaines vacances, tiens à Pâques ce serait l'idéal et puis, à Pâques, on a oublié et l'on fait autre chose.

Elle appelle de temps en temps, toujours pour dire la même chose, que c'est l'anniversaire de Pierre aujourd'hui ou que c'est celui de sa mort, pour garder contact malgré tout, pour proposer l'hospitalité, pour demander quand elle aura la visite espérée, pour souhaiter de bien vivre. Et l'on rit comme autrefois et l'on échange quelques lettres. elle surtout écrit, des petits chefs-d'œuvre de courrier, avec des mots, des dessins, des rébus, des étoiles argentées qu'elle confectionne elle-même avec des riens, de la récupération.

Parce qu'Odile, c'est la championne du système D. Pas un sou ou si peu de retraite après une vie de bonne de cure, consacrée à l'oncle de Pierre, prêtre en Haute-Savoie, sans doute l'amour de sa vie. Alors, quand à la mort de cet homme, elle est rentrée chez elle, là-bas, près de Colombet-les-deux-Églises, elle a continué à faire comme elle avait toujours fait: inventer, innover, réfléchir et confectionner, une sorte de Géotrouvetout au féminin, que tout intéresse, que tout passionne même, surtout la vie des gens et la rue, où elle passe les trois-quarts de ses journées. A part Kicou qui lui ressemblait sur certains points, je n'ai jamais rencontré quelqu'un s'approchant même un peu de son génie pratique.

Aujourd'hui, c'était la Sainte Odile. J'ai voulu lui faire plaisir. C'est toujours elle qui appelle. D'ailleurs, tiens, il y a longtemps qu'elle ne l'a pas fait. Le grand égoïste que je suis en est un peu vexé. Une voix de femme m'annonce que le numéro n'est plus attribué. J'ai dû me trompé, je recommence . Même résultat. Je vérifie plus attentivement. Toujours le message négatif. Qui dira d'ailleurs l'horreur de ces simples mots qui ferment toutes les portes? Sur les pages blanches d'internet, aucun renseignement. Je pense à ses sœurs, qui elles aussi habitent en Haute-Marne. Je parviens à en joindre une, la plus jeune qui m'annonce ce que je craignais: Odile est atteinte de la maladie d'Alzheimer et réside depuis deux mois à l'hôpital de la ville, au même étage que sa sœur aînée.

Je l'appelle là-bas, elle finit par me reconnaître et me dit qu'elle est heureuse de m'entendre, que l'on s'écrira parce qu'elle sort demain (croit-elle), et moi je fais tout pour lui cacher que je pleure comme un gosse parce que, comme un gosse, je voudrais rembobiner le film, que nous nous revoyions là-bas, sur les chemins où elle cueillait des plantes pour mettre dans la salade, où elle m'expliquait ceci ou cela, en s'excusant de donner des leçons à un professeur.

Je la rappellerai. Jusqu'à quand saura-t-elle qui je suis? Ce petit bout de femme, dont je n'ai que peu parlé, a tenu une place importante dans ma vie, pendant trente ans. Moi, je n'ai pas été à la hauteur. Ce soir, je suis triste.

lundi 13 décembre 2010

Le siècle des lumières

Une minuscule bien sûr pour ces lumière-là qui gâchent sans doute la vie de beaucoup de gens quand il faut qu'ils changent une de leurs ampoules. Avant, une occupation aussi triviale prenait tout au plus trente secondes, le temps de choisir la puissance et de vérifier que le filament n'était pas rompu en secouant l'ampoule devant son oreille attentive à déceler le léger son cristallin qui émanait d'un produit défectueux.

Heureux temps où l'on accomplissait ce geste aussi machinalement que de soupeser un melon en été ou voler un grain de raisin muscat à l'étal, en passant. Aujourd'hui, terminé l'ampoule de papa, la bonne vieille ampoule des familles qui finissait sa vie, une fois inutilisable, dans l'unique poubelle de la maison, entre les épluchures de légumes et le marc de café, entre les coquilles d'œufs et les cheveux démêlés de la brosse de la salle de bains. Non, Madame, non, Monsieur, ceci ne sera plus, les temps sont révolus!

Lorsque vous arrivez devant le bon présentoir, vous avez un nombre assez impressionnant de modèles, de tailles, d'emballages, de formes. Lequel choisir pour se conformer au principe de l'économie d'énergie? D'autant plus difficile à opérer son choix rapidement que vous ne voyez plus inscrit sur les cartons 75 ou 100 watts comme précédemment, ce qui avait l'avantage d'être immédiatement compréhensible par tout le monde. Il faut multiplier ou avoir une bonne vue pour trouver le renseignement. Je ne sais comment font les personnes âgées pour s'orienter dans cette jungle.

Et, cerise sur le gâteau, lorsque vous arrivez chez vous et que vous installez votre nouvelle acquisition dans sa douille, la nouvelle occupante vous rappelle illico qu'avec elle, il ne faudra pas être pressé, que la vieille incantation latine "Fiat Lux et Lux Fuit" devra être relue et corrigée en y introduisant un futur plus ou moins proche et que l'éclat direct et rassurant, c'est fini. Bien sûr, après avoir éclairé la chambre, on peut toujours, en attendant le plein régime, aller faire un tour du côté des toilettes. Mais là, c'est encore pire, car l'ampoule est la même et la pénombre n'a jamais été favorable à la précision du jet de la miction masculine. Vous allez voir que bientôt, nous les hommes, nous allons devoir uriner assis! Encore une histoire d'économie d'énergie!

Le Goût des pépins de pomme

Quel goût peuvent avoir les pépins de pomme? Excellent, en tout cas dans le verger de Katharina Hagena où je suis allé chaque soir dernièrement pour en apprcier toute la saveur. Je ne connaissais pas cette écrivain allemande dont j'imagine que c'est la premier livre traduit en français. D'abord acheté pour l'anniversaire de ma sœur, il est resté dans ma bibliothèque pour cause de doublon et il a bien fait d'y rester.

Écriture très féminine et que j'ai aimée, moi qui me méfie d'habitude des écritures trop sexuées. Au début, je ne savais pas très bien où l'on allait. Puis, peu à peu, sans doute parce que j'ai été plus attentif, les pièces du puzzle se sont mises en place. A la mort de sa grand-mère Bertha, Iris, la narratrice, rejoint sa mère et ses deux tantes pour l'ouverture du testament, loin au nord de l'Allemagne, dans le village où elle a passé de nombreuses vacances dans sa jeunesse. Sa grand-mère a tenu à ce que ce soit elle qui garde la maison familiale, qui en hérite plutôt que sa mère ou ses tantes.

Que faire de cet encombrant héritage? Iris va, à son insu, s'attacher à cette vieille maison où elle a des souvenirs, maison hantée par la mort de sa cousine et bientôt revivifiée par la réapparition du frère de leur amie et voisine. D'un paragraphe à l'autre, on passe de la génération de Bertha la grand-mère à celle d'Inga, Harriet et Christa, les filles, à celle d'Iris, la petite fille. On s'y perd une fois, deux fois et puis l'on entre dans leur univers, à la fois différent et commun à chaque génération et l'on s'y sent bien. Et tout cela raconté dans un style d'une beauté et d'une légèreté rare.

Effleurer, essuyer, les mains de Bertha sur tout ce qui était plat:s'assurer de la présence de son propre corps, du fait qu'il était encore là, qu'il offrait toujours une résistance. S'assurer qu'il y avait encore une différence entre lui et les choses inanimées. Tout cela ne vint que plus tard. Auparavant, tables et consoles et chaises et commodes, qui, seraient ensuite parfaitement nettes et rases car incessamment balayées par d'infatigables mains, ont été longtemps encombrées. Encombrées de papiers. Petits feuillets carrés soigneusement détachés de blocs-notes, bords de journaux découpés, grandes feuilles DIN-A4 arrachées d'un cahier, dos de tickets de caisse, listes de courses, pense-bêtes, listes d'anniversaires, d'adresses, billets décrivant des itinéraires, billets avec des ordres écrits en majuscules: MARDI ACHETER DES ŒUFS! lisait-on là. Ou encore: CLE MADAME MAHLSTEDT. Par la suite, Bertha a commencé à interroger Harriet sur le sens qu'il fallait prêter à tel ou tel billet.
- Que signifie "clé madame Mahlstedt"? lui demandait-elle, désespérée. Madame Mahlstedt m'a-t-elle donné une clé? Où est-elle? Doit-elle m'en donner une? Devrais-je lui en donner une? Mais laquelle? Pour quoi faire?

(Éditions Anne Carrière. Trad. de Bernard Kreiss.)

dimanche 12 décembre 2010

Ballades en Décembre

En Français, en Italien, un moment de nostalgie. Comme j'ai aimé ces chansons quand j'étais gamin!
(Pour Anne Vanderlove, vous ne lui trouvez pas un petit air de quelqu'un d'autre?)






Béatrice

Frédéric est une mine en ce qui concerne le cinéma et la chanson. Il est imbattable sur les réalisateurs, les acteurs, les liens de parentés entre tel et telle et peut, sans aucune hésitation, retrouver en deux secondes l'année de sortie d'un film ou d'un tub ainsi que les autres succès de son interprète. Plusieurs fois déjà, j'ai pu, grâce à lui, corriger quelques fautes que ma mémoire moins fidèle me faisait commettre.

Ainsi de la chanson d'Alain Barrière: Elle était si jolie. J'ai toujours associé ce grand succès du breton chantant qui a eu son heure de gloire auprès des femmes à ce qui fut mon premier amour d'enfant. Elle s'appelait Béatrice (je ne savais pas à l'époque que Dante avait eu lui aussi la sienne, sinon je n'aurais pas manqué d'entre être très fier!!). Je me souviens encore aujourd'hui de son nom de famille, un nom italien d'ailleurs, ce qui n'était pas rare à cette époque dans les environs de Saint-Étienne. Je l'adorais en silence et les paroles de la chanson de Barrière me semblaient alors parfaitement convenir à ce que je ressentais, car, un jour, ses parents déménagèrent et je n'eus plus jamais aucune nouvelle d'elle.

J'ai toujours cru ma mémoire qui me plaçait ces premiers émois du cœur (et de l'esprit?) en fin d'école primaire, qui me disait que cette amourette avait duré longtemps, que j'avais observé ce beau visage pendant plusieurs années. Eh bien, il n'en est rien! Frédéric m'assurait l'autre jour que la chanson date de 1963 et, vérification faite, il avait parfaitement raison (comme d'habitude, ne manquera-t-il pas de me faire remarquer à notre prochaine rencontre!). Or, 1963, c'est l'année de mon entrée en sixième, en septembre. Ainsi donc mon premier (et presque seul) émoi face à un être de l'autre sexe n'a pu durer que deux trimestres, de l'hiver aux vacances d'été! Déception? Non. Après tout qu'importe la durée. Ce souvenir est en moi, il n'en bougera plus.

samedi 11 décembre 2010

Cuvée 2010

Les lumières 2010? Pas de la meilleure cuvée, à mon avis.

Lassés par les hordes qui déferlent sur le centre ville le soir même du 8 décembre, Frédéric, Jean-Claude et moi avons préféré consacrer cette soirée au restaurant: un très bon repas dans le même établissement que l'an dernier à la même date, Mon Bistro à moi, dans le quartier des Brotteaux. Le maître des lieux, ancien élève de Bocuse, est éminemment sympathique, l'ambiance bonne enfant sans être vulgaire et surtout la cuisine est quasiment divine.

Les rues, ce fut pour hier soir après un deuxième repas plus simple au Mandarin, dans la presqu'île. De la foule certes, mais pas au point de ne pouvoir bouger. Un froid glacial nous a fait écourter l'itinéraire prévu au départ. Ainsi n'avons-nous pas mis les pieds à la Comédie ni à l'Hôtel-Dieu ni dans le vieux Lyon ni à Bellecour dont l'état de chantier actuel ne devait pas permettre grande animation. Nous avons également totalement ignoré la rive gauche du Rhône, mis à part les tipis des berges de la Guillotière.

Alors quoi? La place des Terreaux avec la mise en lumière de la fontaine de Bartoldi, celle des Célestins avec la façade du théâtre transformée en masque grimaçant à l'expression changeante selon un procédé interactif, la pauvreté de décoration de la rue de la République, l'intérêt cependant des apparitions aquatiques de la place du même nom et des serpents lumineux des quais de Saône, et, ce que j'ai préféré pour ma part, la belle animation de la fontaine des Célestins, à la fois sobre et pleine de vie.

Est-ce l'effet de l'habitude, celui plutôt d'économies dues à la crise, je n'ai pas, cette année, été enthousiasmé comme je le fus d'autres précédentes. Cette fête est devenue une grande attraction touristique, non seulement française mais européenne, et je crains que cette "vulgarisation" ne finisse par détourner les lyonnais de ce qui fut pourtant, pendant plus d'un siècle, un des événements emblématiques de la vie de la cité.

jeudi 9 décembre 2010

Noctambules

Chez Phillies, tu as connu? Un petit bar, à l'angle de deux rues, une sorte d'aquarium dont les baies vitrées ne cachaient rien de l'intérieur ni de ceux qui y traînaient chaque soir. Les rendez-vous des noctambules. C'était le dernier à fermer. Je l'ai trouvé par hasard, une nuit où je n'arrivais pas à fermer l'œil? Je devais passer une journée à New-York, pour la signature d'un contrat et regagner le lendemain même Chicago, dans l'après-midi.

Était-ce la perspective de cette signature ou la pleine lune qui m'empêchait de dormir? J'avais déjà bu pas mal, pour essayer de m'abrutir mais je n'avais réussi qu'à me réveiller définitivement et à transpirer davantage dans les draps déjà moites de ce début d'été. Alors, j'avais erré dans les rues de Manhattan jusqu'à cette bulle de lumière, grillant cigarette sur cigarette, ce qui fait que, lorsque je le vis, j'avais une soif du tonnerre de Dieu.

Il y avait déjà un type, à l'angle du bar. Il ne devait pas en être à sa première bière, les bras accoudés sur le bois de la tablette, le feutre vissé sur le crâne, malgré la chaleur, le regard perdu sur les reflets de la vitre qui lui faisait face. Quand j'étais rentré, il avait à peine bougé, comme ces vieux chiens qui, lorsqu'un bruit les réveille, entrouvrent à peine un œil sans même que leurs moustaches frémissent. Je m'étais assis sur un des tabourets hauts, un peu plus loin, sans envie aucune d'engager la conversation.

Le barman, tout en blanc, une sorte de calot de marin penché sur ses cheveux blonds, n'était pas du genre causeur non plus. Mais lui, à plusieurs reprises, je le surpris à me lancer de discrets coups d'œil en coin alors qu'il s'activait à nettoyer le zinc, penché en avant. Il n'était pas beau, il avait ce genre de laideur qui approche de la beauté et en est encore davantage attirante. Immédiatement, je sus que j'avais envie de lui. Je pense qu'il avait envie de moi aussi.

C'est alors qu'elle est entrée, une belle femme, grande, rousse, habillée d'une robe légère, rouge, de saison, le teint pâle des vraies rousses qui ne s'exposent jamais au soleil. Connaissait-elle déjà l'autre client? Elle ne l'a pas regardé, comme s'il n'était pas là où que leur grande familiarité quotidienne la dispensait de tout forme de salutation. C'est vers moi qu'elle se dirigea tout de suite, en commandant sa bière au barman. Elle s'assit sur le tabouret voisin du mien et alluma une cigarette en attendant sa boisson. La fumée de la blonde qui se consumait me revenait sur le visage, ce qui n'était pas pour me déplaire.

La femme elle-même avait un étrange parfum, à la fois léger et capiteux, comme un sexe avant qu'il ne s'échauffe, un parfum dont je n'aurais pu dire si elle venait de s'en passer quelques gouttes d'un flacon ou si c'était son odeur naturelle. Elle ne m'adressait pas la parole, était proche de moi à me frôler le coude et ne me regardait pas, perdue dans la contemplation de sa cigarette. Elle ne pouvait pas ne pas m'avoir vu. Que voulait-elle? Son manège, en plus, me gênait dans mon approche du barman et je voyais bien que lui aussi aurait donné son salaire du jour pour la voir s'éloigner. Mais il ne disait rien, évidemment. Trois hommes et une femme dans un bocal, une histoire sans paroles, sans presque de mouvements, sauf celui de la femme faisant, d'un tressaillement du poignet, tomber la cendre dans le cendrier, ceux, rares, du troisième client pour porter sa choppe à ses lèvres et ceux, comme miniaturisés, du barman lessivant une soucoupe blanche.

Plus la femme restait près de moi, plus, étrangement, j'avais envie d'elle. Décidément, New-York ne me valait rien: j'étais en train de devenir un vrai chien, à convoiter d'abord le serveur puis cette inconnue. Plus exactement, je les convoitais tous les deux, et mon cerveau échauffé commençait à construire de s plans, à échafauder des images où, tous trois, nous frottions nos corps jusqu'à la jouissance finale. Tantôt, c'était le barman qui pénétrait la femme pendant que je m'occupais de lui avec la langue, tantôt la femme, en se caressant, me regardait me tordre sous les coups de boutoir de l'étalon blond, tantôt la vision devenait trouble et ne montrait plus que des membres enchevêtrés prêts à toutes les bassesses.

Lorsqu'elle me parla, je mis un instant à comprendre qu'elle venait de le faire. Elle avait une voix grave, comme souvent les femmes qui ont beaucoup fumé, une voix chaleureuse en même temps. Je dus m'excuser et la faire répéter car seule la tonalité m'avait arrêté sans que j'écoute les paroles.
- Vous n'êtes pas d'ici, vous.
Ce n'était pas une question, une simple constatation qui n'attendait même pas de réponse. D'ailleurs, elle poursuivit d'elle-même sans me donner le temps de la renseigner.
- Moi non plus, je ne suis pas d'ici. La Hongrie, mais il y a si longtemps. Mes parents m'ont dit que j'y étais née. Ensuite ils sont morts et je n'ai connu que le bitume de la grosse pomme.
Elle redressa un peu la tête et se mit à regarder fixement le barman.
- Sympathique, non?
Était-ce du serveur dont elle parlait ou, plus généralement, du bar qui venait visiblement d'être refait avec une peinture d'un jaune éclatant? Ou bien voulait-elle mon avis sur son histoire personnelle, à peine ébauchée par sa phrase précédente? Sans me compromettre, je lançai un vague grognement plus ou moins approbateur qui la fit sourire.
- Vous devriez m'offrir une cigarette, la mienne vient de s'éteindre.

Le barman avait suivi, sans en avoir l'air, notre embryon de conversation. Lorsque je tendis à la rousse une cigarette de mon paquet, il lui avança un briquet qu'il actionna pour lui présenter la flamme. Elle se pencha un peu et ses cheveux en roulant, découvrirent un petit bout de peau, là, tout près des oreilles, une peau diaphane, qu'on aurait pu transpercer rien qu'en l'effleurant d'un doigt. En se relevant, elle exhala longuement la fumée et, se tournant enfin vers moi, me tendit sa cigarette.

Une demi-heure plus tard, l'autre client avait fini par s'en aller, le bar s'était éteint à l'angle de la rue et nous roulions tout trois, à bord de sa voiture vers une chambre inconnue où mes désirs allaient prendre forme.

(Inspiré du tableau d'Edward Hopper, Nighthawks, 1942)

mercredi 8 décembre 2010

Lumières

mardi 7 décembre 2010

Sur le mur devant moi

Je passe plusieurs heures par jour devant, à taper sur ce clavier, à corriger mes copies, à triturer de la paperasse administrative, et je n'en ai jamais parlé.

Au-dessus de mon écran d'ordinateur, sur le mur, il y a une vieille carte de la région lyonnaise mise sous verre et encadrée. Elle a la particularité d'être rédigée en italien. Ainsi son titre: Parte Occidentale del Governo Generale de Lionese. Elle recouvre en fait un territoire assez grand allant de la Marche au Beaujolais, de la Bourgogne au Bourbonnais et à l'Auvergne.

Entre son cadre et le verre qui la protège, j'ai toujours glissé des tas d'autres choses qui me plaisent et que je renouvelle au gré de mes envies. Celles présentes aujourd'hui y sont en fait depuis longtemps, pour cause de travaux m'occupant ailleurs dans l'appartement, et aussi parce qu'elles me plaisent particulièrement.

En haut le visage d'Hanna Schygulla sur une carte publicitaire du Goethe Institut annonçant pour janvier 2005 une rétrospective Rainer Werner Fassbinder. Le visage est sublime sous une voilette sombre qui le recouvre, mettant en valeur le rouge éclatant de ses lèvres et la beauté de ses yeux.

A côté, encore du cinéma, plus récemment: l'annonce de Lumière 2010, Grand Lyon Film Festival, 4/10Octobre. Sur fond blanc la beauté éblouissante d'Alain Delon et de Claudia Cardinale dans Le Guépard, de Visconti.

En bas du cadre, quatre cartes. L'une dont j'ai déjà parlé: la reine mère d'Angleterre sagement assise au milieu de plusieurs rangs de soldats en uniforme et qui semble heureuse et mutine, comme une écolière le jour de la photo de classe.

Puis une carte pétition de Reporters sans Frontières en faveur de la liberté d'expression, que j'aurai dû poster à l'adresse de Monsieur Kofi Annan, Secrétaire général des nations Unies (Via RSF). Une photographie en noir et blanc dont la lumière indirecte éclaire deux beaux pieds d'homme enchaînés, des pieds solides et tendres en même temps dont les talons reposent sur un sol en béton qui s'effrite. Cette carte est là depuis très longtemps. Au-delà du symbole, c'est la photo qui me plaît.

A côté, une de septembre de cette année, en couleurs: une vue générale du port de Barcelone envoyée par F. en vacances. Je sais, moi, ce qui est écrit au dos.

Puis une plus grande reproduction donnée par un ami d'Amédé parce que j'avais eu l'imprudence de lui dire qu'elle me plaisait. Encore un question de lumière et puis son motif un peu irréel qui, pourquoi?, me transporte immédiatement au Japon.

Enfin, seule au milieu de ces deux lignes, une carte postale que j'ai achetée à Arles, dans une boutique le long des arènes, lors de mon dernier voyage dans cette ville avec Amédé (2008?. Il s'agit d'une œuvre de Georges Jeanclos, une terre cuite de 1987 intitulée Les Jumeaux Vincent et Théo. Étranges visages d'enfants comme après un traitement en chimiothérapie, deux siamois enchevêtrés dans la glaise de ce qui pourrait être un sarcophage étrusque.

lundi 6 décembre 2010

Le doute

"Le doute est un mol oreiller pour une tête bien faite", disait, je crois, Montaigne. Pas toujours, pas toujours. Ce matin, en cours de français de sixième, j'ai essayé, et, il me semble, réussi à leur faire comprendre ce qu'est une phrase verbale (avec verbe principal) et une phrase nominale (sans verbe principal). Jusque là point trop de difficultés. Elles sont venues ensuite, lorsque nous avons abordé, dans des exercices, la façon de passer de l'une à l'autre, soit en rajoutant un verbe approprié, soit en transformant le verbe en nom ou le nom en verbe.

Voici ce que cela a donné:

"Hausse des prix de l'essence" a bien été reconnue comme une phrase nominale mais a été transformée ainsi:
- Les prix de l'essence haussent (bien sûr prononcé "osent") augmenter.
- La hausse des prix de l'essence augmente.

"Départ à onze heures de la gare routière" a donné:
- Le train part à onze heures de la gare routière.
- La gare routière est partie à onze heures.

J'en passe et des meilleures.

Je ne suis pas en train de me moquer de mes élèves, je suis en train de m'affoler pour l'ignorance de plus en plus grande de la langue française. A un élève qui vous propose une des phrases précédentes, si vous demandez s'il la dirait dans la vie courante, il vous assure que non. "Mais là, nous sommes en cours, à l'école"! rajoute-t-il comme pour se dédouaner.

Ainsi donc, peu à peu, les textes lus ne sont plus compris, on est surpris des contresens qui peuvent résulter de la lecture d'une page simple et courte de littérature. Mais il y a pire: les élèves, beaucoup plus qu'on ne le pense, se moquent totalement que cela ait un sens ou non. L'essentiel pour eux n'est absolument pas là: "nous sommes en cours, à l'école", c'est à dire dans un univers définitivement coupé de la réalité, de la vraie vie, un univers virtuel à qui l'on ne demande qu'une chose: non pas d'y être formé à l'analyse, à la critique, à la culture, à l'observation intelligente, mais de généreusement donner, en fin de parcours, les diplômes indispensables, bien que totalement vides de valeur, pour se caser dans la vie et, pour beaucoup, continuer à faire du "non-sens".

Sans doute un jour sans.......( Je sors de conseils de classe!)

dimanche 5 décembre 2010

Momentini

- Juliette, en commentaire d'un billet de Christophe dit que, chaque année, elle oublie l'existence de l'hiver et qu'elle est toujours surprise de la fatigue qu'elle ressent alors. On ne pouvait mieux traduire mon propre sentiment.

- Après la neige et la glace, la pluie. Nettoyage des rues. On reprend comme avant, jusqu'au prochain épisode.

- Hier soir, j'ai rendu une invitation. Chez moi, fondue bourguignonne. Je déteste cette expression "rendre une invitation", mais là, c'était vraiment çà! La fondue était bonne, l'ambiance aussi. Aucun intérêt.

- Je dors dans mon ancienne chambre, celle que j'occupe depuis deux ou trois ans étant en travaux. J'y dors presque mieux alors qu'elle donne sur la rue. Je m'y sens bien. Pourtant, c'est un capharnaüm infâme d'objets déplacés et entassés ici. Comme si je passais mes nuits dans un grenier.

samedi 4 décembre 2010

Je me souviens

- Je me souviens de l'odeur de la grande armoire de palissandre de ma grand-mère, celle qu'il était interdit d'ouvrir et où je découvris un jour tous les chapeaux de jeunesse de ma mère.

- Je me souviens de celle de la buée, les jours de lessive, quand il fallait tordre les draps avant de les étendre au pré. Ma mère était toujours de mauvaise humeur, ce jour-là. Et de celle des draps, après, qui sentaient l'herbe jusque dans le lit.

- Je me souviens de l'odeur des foins que nous rentrions dans la grange en été. Mon père transportait des montagnes croulantes avec une fourche et nous, nous répartissions la charge et nous la tassions en sautant dessus à pieds joints. Il s'en dégageait toujours un peu de poussière qui piquait le nez.

- Je me souviens de l'odeur de la chambre interdite, celle de mes parents. J'avais failli m'évanouir, petit enfant, la première fois que j'en avais passé la porte. Une sorte de terreur sacrée que je n'ai jamais ressentie ensuite nulle part d'une manière aussi forte.

- Je me souviens des brumes, et des feux de broussailles, et des premiers frimas quand le soir tombait, plus tôt, en novembre. La maison prenait alors l'allure d'un refuge, chaud et lumineux, où j'aimais aller lire.

- Je me souviens de la pourriture des feuilles de peupliers qui me repoussait et m'attirait sans que je sache la part de plaisir et de déplaisir que j'avais en la respirant. Le point où la feuille s'attachait à sa tige était souvent occupé par un petit renflement qui, si on l'écrasait, montrait son occupant: un ver.

- Je me souviens de l'odeur des livres d'autrefois, ceux que l'on coupait au couteau en faisant attention de ne pas effilocher la tranche. Il y avait l'odeur et la certitude d'être le premier à lire les mots qui apparaissaient. Comme si l'on découvrait un continent.

- Je me souviens de l'odeur du réfectoire, au lycée, quand il était vide d'élèves: un mélange de senteurs de vieux plats servis dans la semaine, de présence humaine incrustée et de désinfectant pour les sols mêlé à la texture de le serpillière.

- Je me souviens de l'odeur des hommes, de leur identité affirmée dans leur cou, sur leur nuque ou leur ventre et parfois, presque imperceptible, à la saignée du poignet. Je me souviens de l'odeur de l'homme.

- Je me souviens de l'odeur du grenier quand, une fois le cochon tué et dépecé, on y mettait sécher les jambons et pendre les saucissons aux vieilles poutres poussiéreuses. Odeur particulière qui me dégoûtait.

- Je me souviens de l'odeur du marché gare au petit matin quand mon père m'emmenait avec lui décharger les camions de primeurs ou remplir le sien pour la revente de la journée. Odeur des fruits et des légumes, comme s'ils naissaient avec le jour lui-même, comme si c'était le liseré rose de la première aurore qui l'apportait avec elle.

vendredi 3 décembre 2010

Collectionneur

Hier, un homme dans le métro croquait les visages de certains passagers. La trentaine à peine, il tenait à la main un petit bloc notes où il collectionnait les esquisses rapidement tirées. Je l'ai repéré presque tout de suite en m'asseyant. Lui était debout au fond de la rame, sans rien pour le faire remarquer. Rien sauf ce qui a fait que je l'ai vu tout de suite: son regard.


Un regard curieux et inquiet à la fois, faussement coulant et décontracté, qui paraît ne s'attarder sur rien alors qu'il perçoit tout, qu'il sélectionne et qu'il revient sans cesse à ce qui l'intéresse. Pourquoi l'ai immédiatement remarqué? Parce que je dois avoir ce même regard lorsque je tente de prendre une photo d'homme ou de femme, inconnus de la rue, sans me faire voir d'eux qui ont accroché mon attention par un détail que je ne saurais dire moi-même. Un regard de collectionneur, fiévreux et maladif, qui a peur de laisser s'enfuir l'occasion si éphémère et belle.

jeudi 2 décembre 2010

Et puis...

Et puis,
à nouveau,
le soleil.

Vergogne

Sept heures dix. Il faut que je parte tôt. Il ne neige plus mais tout est gelé, piétiné, durci sur les trottoirs, accumulé sur les côtés des rues. De quoi tomber à chaque pas. Déjà beaucoup de monde dehors. J'aime croiser ces gens, le matin, encore tout fripés du lit, gardant les traces du récent sommeil même s'ils sont passés sous la douche. La plupart se dirige vers la bouche de métro. Les autres, où vont-ils? Ils gardent leur mystère en disparaissant au coin de la rue ou en rapetissant au loin sur la perspective de l'avenue.


Les femmes, surtout, sentent bon le matin. Des parfums légers, discrets, que l'on n'a pas le temps de reconnaître avant qu'il ne s'évapore dans la froidure de l'air, des souvenirs qui volent de ses anciennes maîtresses, celles qui se penchaient sur vous, par-dessus votre épaule et vous prenaient la main pour vous apprendre à écrire, à vous alors perdu dans la douceur d'un chemisier de soie et la fraîcheur de ce nuage de senteurs.

Celle de ce matin ne sentait rien, n'allait nulle part: sanglée dans son uniforme bleu maladroitement adapté de celui des hommes, elle tenait à la main un carnet à souches et c'est sur le pare brise d'une voiture qu'elle penchait son buste inexpressif. La dame verbalisait sans vergogne des gens qui, sans doute, la veille, avaient pâti l'enfer pour circuler et se garer là, où c'est interdit mais où cela ne gêne personne. De l'argent gagné bien facilement, du vol légalisé.

Je n'ai pas pu m'en empêcher: je lui ai demandé si elle n'avait pas honte. Elle ne m'a pas répondu.

mercredi 1 décembre 2010

L'Amour a des ailes

On a fait sauter la barre. Le corbeau est là, juste en face, sur le toit d'un petit immeuble. Depuis quelques jours, il sentait bien qu'il se passait quelque chose: plus personne aux fenêtres, pas la moindre trace de nourriture à ramasser nulle part. Mais après tout, c'était bien la même chose, ou presque, chaque été. Non, ce qui l'avait surpris, c'est que ça arrive début décembre. D'habitude, il y a du monde à cette époque de l'année. Sa corneille et lui, ils avaient pensé que ce n'était que passager et que, comme d'habitude, ils allaient revenir, et donc recommencer sans le savoir à les nourrir eux, les plus anciens habitants du quartier.

Et ce matin, on a fait sauter la barre. Des hommes en jaune avec des casques. Ils avaient mis des barrières partout dans les rues autour. Interdiction d'approcher. Mais on ne peut pas mettre de barrières dans le ciel, n'est-ce pas! Eux avaient continuer comme avant, sans tenir compte de l'agitation puis du grand silence d'en bas. Il était parti seul à la recherche d'un croûton ou d'un déchet de viande dont les abords des poubelles sont jonchés. Il en avait pour un instant, il savait où trouver, une famille particulièrement dépensière qui ne mangeait jamais du pain de la veille.

Et les autres, ils ont fait sauter la barre. Pendant son absence. le souffle ne l'a pas touché mais il a entendu le bruit de ce qui s'effondre et la poussière lui a dit que c'était là-bas, chez lui, chez eux. Quand il est revenu, aussitôt, il l'a appelée, des heures. Sans réponse. Maintenant, il sait: sa corneille est là, sous les décombres. Et personne n'ira jamais lui porter secours.
(Inspiré par la vidéo postée chez Zeus-Antares)