Patrick de Carolis était présent ce soir à la Grande Librairie pour son nouveau roman, Paulina, publié chez Plon. Paulina est une jeune arlésienne dont le bateau, en partance pour Rome, fait naufrage sur les rivages de la Corse où elle rencontre Sénèque exilé là par l'empereur Claude à qui il avait eu le malheur de déplaire. Le célèbre philosophe de l'Antiquité deviendra son époux et elle tentera sans succès de le suivre dans la mort lorsque le successeur de Claude, Néron, lui ordonnera de se trancher les veines.
Intéressant tout cela, peut-être, bien que je ne connaisse pas les qualités littéraires de l'ancien présentateur de l'émission Des Racines et des ailes. Pourtant, je suis resté assez abasourdi lorsque j'ai entendu l'auteur dire de Sénèque que c'était finalement un grand naïf. Abasourdi car c'est loin d'être mon avis. A preuve cet extrait d'une oeuvre satirique du stoïcien, L'Apocoloquintose (métamorphose en citrouille) du divin Claude, qui met en scène l'empereur après sa mort (Trad. de R. Waltz, Les Belles Lettres, 1934):
Apprenez ce qui se passa dans le ciel: j'en laisse la responsabilité à mon informateur. On annonce à Jupiter qu'il vient d'arriver une personne de belle taille, aux cheveux tout blancs; qu'il a je ne sais quel air menaçant, car il remue la tête sans arrêt; qu'il traîne le pied droit. On lui a demandé de quel pays il était; il a répondu je ne sais quoi, avec des sons confus et une voix indistincte. On ne comprend pas le langage qu'il parle; il n'est ni grec ni romain, ni d'aucune nation connue. Alors Jupiter, s'avisant qu'hercule avait parcouru la terre entière et devait connaître tous les peuples du monde, lui donne l'ordre d'aller examiner à quelle race appartient cet intrus. Hercule, au premier coup d'œil, se sentit tout décontenancé; il crut qu'il n'avait pas encore affronté tous les monstres. Quand il vit cette face singulière, cette façon bizarre de marcher, cette voix qui n'était celle d'aucune créature terrestre, mais dont les sons rauques et brouillés rappelaient celles des bêtes marines, il crut qu'un treizième travail lui était échu. En regardant avec plus d'attention, il se rendit compte que ce n'était qu'une manière d'homme.
Écrit par un naïf, ce texte? J'en ai rarement lu de plus méchant. Bien sûr, Sénèque avait quelques raisons d'en vouloir à Claude de l'avoir exilé mais lécher à ce point les pieds du pouvoir alors en place, on ne peut pas appeler cela de la naïveté. Ou alors peut-être avait-il celle de croire qu'il allait faire de son élève, futur monstre sanguinaire, un modèle de vertu à la politique calquée sur celle du vénéré Auguste. L'histoire a par la suite démontré combien il se trompait!
jeudi 14 avril 2011
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5 commentaires:
Merci Calyste! Cela faisait longtemps que je cherchais ce qui reliait Sénèque à Cendrillon!! Mais c'est bon Dieu bien sûr...la citrouille!!
content de te relire!!;)
Cela me rappelle un prétentieux qui avait écrit une biographie à l'estomac de Balzac et qui nous racontait les paysages contemporains de l'auteur dans la vallée de l'Indre près de Saché : du grand n'importe quoi quand on connaît l'évolution des paysages majeure qu'il y a eu depuis.
Tout cela pour vendre, pas pour apporter quelque chose d'original.
Charlus: élémentaire, mon cher! :-)
Très heureux de te retrouver parmi nous.
Cornus: à lire ces gens-là, c'est déjà éprouvant, mais quand, en plus, on les entend vendre leur marchandise... (Je ne parle pas là de De Carolis qui me semble un homme sérieux.)
Tout petit lien, très lointain, avec ta note : De Carolis, il avait un minuscule rôle de figurant dans une série TV en 6 épiisodes sortie en 1974. L'autre jour en la regardant, c'est TiNours qui me l'a fait remarquer, alors que la caméra glissait sur lui sans s'attarder. Je trouve qui a un coup d'oeil incroyable (TiNours, pas De Carolis. D'ailleurs, à t'en croire, ce dernier aurait été un peu bigle en lisant Sénèque ! )
Lancelot: Ah! ce Tinours! Une perle!
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