mercredi 29 septembre 2010

Bacalao

Bacalao, cela veut dire morue en portugais. Étrange titre pour ce premier roman de Nicolas Cano, surtout quand on sait qu'il raconte une histoire d'amour. Amour peut-être à sens unique d'un professeur de français en lycée pour l'un de ses élèves que sa fascination transforme vite en dieu vivant.

L'élève, un jeune adulte de dix-sept ans, est provoquant, même parfois sans le savoir, et c'est lui qui fera le premier pas sur le versant du sexe. Le professeur, homme d'une bonne quarantaine assez peu entretenue, se laisse sombrer dans cette passion en s'y abandonnant totalement, acceptant d'abdiquer sa personnalité et son amour-propre pour celui qu'il ne peut voir sans trembler de passion.

Le roman se passe dans un premier temps à Lyon, puis à Madère. J'ai été gêné dans la lecture de la première partie par une trop grande proximité du personnage de Vincent avec moi-même (je ne parle pas de l'attrait pour les élèves, dont, jusqu'à ce jour, j'ai su me préserver) et ce dans la ville où j'habite. Chaque lieu évoqué me parlait, chaque itinéraire, quelques situations dans le monde de l'éducation également. Je n'ai réellement pu me laisser aller que dans la deuxième partie, ne connaissant pas cette ile portugaise.

Et j'y ai éprouvé un plaisir doux, subtile, qui m'a parfois rappelé Sagan dans ses moments de légèreté grave. Ce roman est un roman d'amour impossible sous-tendu par les références constantes à La Princesse de Clèves. Mais il est intéressant de citer aussi l'autre roman que l'on évoque souvent dans ces pages: Le Vieil Homme et la mer, d'Hémingway, ce roman de victoire dans la défaite. Car qu'est-ce d'autre, dans Bacalao, qui, en cela, louche vers Mort à Venise que l'acceptation de la déchéance pour vivre un amour unique?

La nature d'Ayrton, son attitude, son désir avec ses manifestations fortuites condamnaient Vincent à attendre son bon plaisir. Depuis la première fois, ses faveurs s'étaient succédé de manière aléatoire. (...) Peu importait car Vincent l'aimait. Il l'aimait depuis le début, depuis la première minute. Il avait passé la majeure partie de sa vie d'adulte à attendre cet amour-là. Il savait désormais qu'il n'avait jamais aimé quelqu'un de cette manière. Il n'aurait pas su mesurer ni quantifier, il était juste capable du geste que font les enfants en écartant les deux mains quand ils veulent mesurer l'amour qu'ils éprouvent pour leur mère.
Bacalao, Nicolas Cano, arléa.

5 commentaires:

Voyelle et Consonne a dit…

J'ai lu la critique d'In Cold Blog qui m'a renvoyé vers la tienne. Le livre me tente assez bien mais, comme pour toi, le sujet me touche de près et j'ai pas mal d'appréhensions. Mais ton billet plein de nuances me donne très envie de découvrir ce roman.

Calyste a dit…

Le sujet ne me touche de près que par ma profession, VeC. Je n'ai, sinon, pas d'attirance spéciale pour les (trop) jeunes gens.
Quant au roman, j'ai passé un excellent moment à le lire et je trouve qu'il sort du commun par sa façon d'aborder le thème: ce n'est plus une question de damnation et de malheur mais de vie, au jour le jour, quotidienne, où chacun joue les seules cartes qu'il a en main.

Calyste a dit…

PS: qui êtes-vous? Voyelle ou Consonne?

Voyelle et Consonne a dit…

Je suis Xavier (Consonne).

Moi aussi je suis enseignant et c'est en cela que le sujet me touche. Pas d'attirance pour les jeune gens non plus!

Curieux de découvrir ce roman.

Calyste a dit…

Si tu le lis, Xavier, j'aimerais connaître ton avis. Cela m'intéresse puisque l'auteur est un de mes amis.