vendredi 14 décembre 2007

C'est en saignant que l'on devient enseignant.

Un syndicat français, la CFDT, vient de se pencher sur les conditions et charges de travail du métier d'enseignant.

Pendant le premier semestre 2007, une enquête (questionnaire de 65 questions) a été réalisée auprès de 5400 enseignants, syndiqués ou non, du 1er degré aux classes de BTS. J'ai trouvé aujourd'hui dans mon casier un extrait des résultats, présenté sous forme de graphiques.
En voici un très court aperçu, sur deux questions:

"Votre métier, c'est plutôt?"
- être "assistant social": 10%
- faire de la discipline: 15,5 %
- animer: 14,7 %
- éduquer: 50 %
- apprendre à apprendre: 56,2 %
- transmettre des savoirs 44,2 %

" En situation "normale", en moyenne, combien de temps travaillez-vous chez vous par semaine?"
- moins de 4h: 1,8 %
- de 4 à 8h: 22,9 %
- de 8 à 12h: 39,5 %
- de 12 à 16h: 23,8 %
- plus: 11,7 %

(Si l'on y rajoute les heures de travail dans l'établissement, cela fait un temps de plus de 40 heures en période dite normale. Il y a aussi les périodes dites "hautes" avec conseils de classe, concertations, rencontres avec les parents, réunions diverses,...)

Il est à craindre que ce soient de jeunes collègues qui fassent le plus de discipline et qui travaillent plus de 16h par semaine à la maison. J'ai trente et un ans de carrière derrière moi, et c'est la première année où je parviens à ne presque plus travailler le week-end, où j'arrive à me déconnecter pendant deux jours. J'en ai encore parfois mauvaise conscience: est-ce vraiment normal?

Suite au départ en retraite de "vieux"( pour beaucoup mes amis), notre collège accueille depuis deux ans de nombreux jeunes profs, frais sortis de leur organisme de formation, la tête pleine d'idées et les yeux débordant d'utopies. Je ne les envie pas: je sais de quoi je parle, j'ai été comme eux, et parfois, si je ne fais pas attention, je rechute.

Ce sont des bourreaux de travail, ils essaient de faire du mieux qu'ils peuvent, ils y croient.... et souvent se cassent la figure, se détournent de ce métier, entrent en dépression ou bien s'aigrissent.

J'ai échappé à tout ça. Pourquoi? Sans doute une santé psychique et physique de "terrien", les pieds bien plantés dans la glaise, une assez grande capacité de travail et une vie extérieure, personnelle équilibrante et équilibrée pendant de nombreuses années.

Tout ceci est nécessaire dans ce métier, plus une bonne dose d'abnégation, un renoncement à faire fortune et surtout, surtout, une immense tendresse pour ces sales gosses.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Joli titre! C'est pour ça que j'adore le français!

Je suis d'accord que la vie des jeunes professeurs est difficile. Moi je travaille très rarement chez moi le soir ou le weekend, mais c'est parce que j'enseigne depuis vingt-cinq ans: j'ai des dossiers pleins de ressources, des tas de vieilles leçons et de vieux examens à consulter, et une manière efficace de travailler que j'ai développée pendant de longues années d'expérience. (Il faut dire que j'arrive à l'école en avance et j'en pars en retard assez souvent aussi.)

Mais les nouveaux profs qui n'ont ni nos ressources ni nos habitudes de travail apprises au cours des années - je ne sais pas comment ils font pour faire leur travail et avoir une vie personnelle en même temps.

(Chez nous on demande aussi dans de tels sondages combien d'argent personnel les enseignants dépensent chaque année pour l'école. D'habitude la réponse moyenne est plusieurs centaines de dollars.)

Thom