dimanche 23 décembre 2007

Peignabeux.

Hier, je l'ai dit, j'ai écouté, en tapant mes billets, La Petite Messe Solennelle de Rossini.

En fait, je l'ai entendue deux fois, dans deux enregistrements différents: celui du Rias-Kammerchor dirigé par Marcus Creed, enregistré en mai 2000 à la Jesus-Christus-Kirche de Berlin-Dahlem, et celui du Diapason de Lyon dirigé par Bernard Tétu, enregistré en juin 1997 à la Chapelle du lycée Saint-Marc à Lyon.

Cette dernière version me tient particulièrement à coeur puisque faisait partie des choristes mon ami J-M H., décédé aujourd'hui d'une leucémie foudroyante.

J-M était issu du peuple, avait en poche un CAP de chaudronnier et avait peu à peu fait fructifier ses "talents" jusqu'à devenir directeur intérimaire d'un des plus grands et plus cotés établissements techniques de Lyon, avant de se retrouver chez nous avec le poste de directeur adjoint, en fait occupant de facto celui de directeur tout court, vue la nullité de la directrice en titre.

J-M a tenu ce poste à peine deux ans avant que la maladie ne l'emporte et, en deux ans, il m'est devenu indispensable, comme peu d'êtres me l'ont été.

Profondément chrétien, sans rien d'ostentatoire, il m'a fait avancer dans la voie de la "réconciliation". Profondément humain, il a marqué quelques centaines d'élèves, particulièrement les plus difficiles, peu habitués à ce qu'on les écoute et surtout à ce qu'on leur parle de la façon dont il s'adressait à eux, sans démagogie, sans faiblesse, mais avec une grande humanité et un sens de la justice sans faille.

Profondément musicien, il me faisait partager ses enthousiasmes. Issus tous deux d'un milieu populaire, nous avions des choses à nous raconter, des valeurs que nous partagions, même si plus de dix ans nous séparaient. Il m'avait surnommé affectueusement "Peignabeux", ce que j'ai mis un certain temps à décomposer en "Peigne-à-boeufs".

J'ai failli manqué sa dernière apparition au collège, peu de temps avant sa mort. Il me tournait le dos. Je ne l'ai pas reconnu dans ce vieillard pâle et entièrement chauve, lui, autrefois solide gaillard au tempérament sanguin. Quand on m'a prévenu, je n'ai eu que le temps de courir à travers le parc pour rattraper sa voiture qui s'en allait. Il m'a vu, a ouvert la vitre, nous nous sommes embrassés sans un mot, avec une tendresse immense. Je ne l'ai plus revu vivant. Comme me l'a dit un de mes vieux collègues, j'avais été son "fils adoptif".

L'année précédente, avant que le CD soit disponible, il m'avait offert en cassette audio l'enregistrement de la Messe de Rossini, cassette que j'avais emportée à B., à la maison de campagne dans le Chablais. Longtemps après la mort de J-M, alors que nous y séjournions et que Pierre était au premier étage dans sa chambre, il me dit: "Ecoute!", et, du bas, de la cuisine où je traînais sans doute pour retarder l'instant du coucher, j'entendis les premières notes à l'harmonium, si vives, si fraîches. C'est seulement ce soir-là, en écoutant cette musique, que j'ai réellement compris que J-M était mort, pour toujours. Parfois, je ne suis pas très rapide.

Aujourd'hui, j'ai écouté L'oratorio de Noël de Bach (Peter Schreier)- l'époque s'y prête- et des airs de Mozart interprétés par Térésa Stich-Randall.

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