Non, il n'y a pas de faute de frappe dans le titre de ce billet. C'est exactement ce que j'ai eu envie d'écrire hier soir, sur les cadeaux, lors du pot de départ à la retraite d'un collègue qui n'a jamais été un ami: Bon débarras!
Nous avons travaillé pratiquement trente ans dans le même collège, enseignant la même matière et jamais, jamais un atome crochu. Tout juste avons-nous réussi, ces deux ou trois dernières années, à ne plus nous éviter à tout prix et même, rarement, à engager un semblant de début de conversation.
Bien sûr, je ne suis pas forcément d'un premier abord très chaleureux, mais le bougre me bat largement sur ce terrain-là. Moi, je réponds toujours quand on me dit bonjour, par exemple. Ma maman m'a appris que c'était une des règles élémentaires de la politesse. Lui baisse la tête, semble absorbé par une particularité très intéressante des rainures du plancher et passe, royal, sans même vous avoir vu.
J'ai remarqué que, depuis quelque temps, il devenait dur d'oreille, mais curieusement, c'est alors qu'il s'est mis parfois à me rendre mon salut. Mystère insondable de la communication!
Hier soir, sa femme, la secrétaire du directeur, m'avait invité. Allez, pépère, fais un effort. Accroche-toi un sourire de circonstance et montre-toi bon camarade. D'accord. J'ai même convoyé d'anciens collègues depuis longtemps à la retraite jusqu'au lieu des réjouissances. J'étais près à me montrer sous mon meilleur jour.
Eh bien, oui! Ça a très bien marché, mais je ne veux surtout pas revivre ça, jamais. Trop d'anciens, qui ont trop vieilli et devant qui, finalement, on s'aperçoit vite qu'on n'a plus rien à se dire, trop d'évocations de souvenirs remontant pour certains aux années soixante (beaucoup de mes collègues actuels n'étaient même pas nés!), égrenés au long d'un discours et d'une réponse au discours sans fin, trop de "je fais semblant d'être ému et voyant comme vous faites bien semblant de m'aimer!"
Je suis certes un peu dur, mais à quoi rime tout ça? Je supporte de plus en plus difficilement cette comédie sociale. La mort de Pierre m'a ouvert les yeux sur ce qui est essentiel, et hier soir, il n'y avait rien d'essentiel.
Alors, j'ai prévenu S. et I.: quand ce sera mon tour, surtout pas ça! Je ne veux pas d'un rassemblement de collègues: ceux que j'aime, je m'arrangerai pour les côtoyer encore, une fois à la retraite (ce n'est pas uniquement le boulot qui tisse nos liens); les autres, je m'en moque, et ne tiens pas à leur infliger le supplice de ma soirée d'hier.
En fait, ce qui me ferait vraiment plaisir, ce serait de revoir, à cette occasion, un grand nombre de mes anciens élèves, de tenter de les reconnaître, d'évoquer avec eux les bons (ou moins bons) moments, les jeux de mots, les à-peu-près qu'inévitablement je leur ai infligés, de reconnaître en l'homme ou la femme qu'ils sont devenus les promesses de la graine que je voyais au début de sa germination.
Et, peut-être, d'avoir le bonheur de constater que j'ai laissé en eux une petite trace, comme j'ai en moi, pour toujours, l'empreinte de certains de mes maîtres qui ont contribué à me faire ce que je suis.
vendredi 21 décembre 2007
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3 commentaires:
J'en ai même eu des échos. Tu t'imagines !
S'il te dit bonjour, c'est peut-être que quelque chose à changé chez toi qui lui permet de te voir ?
Sourires...
Je me dis, à te lire, que j'ai le même désir, mais version "élève"...
J'aimerais vraiment revoir 2 de mes profs. L'une enseignait le français, l'autre les maths.
Je n'étais pas le cancre de la classe, non, mais souvent j'avais en mention sur mon bulletin : élève dissipée, trop rêveuse (au début) révoltée, indisciplinée (vers la fin).
Pourtant ces deux profs ont réussi, chacune à sa manière à m'intéresser à la matière, a comprendre les règles, à m'en adapter.
La prof de français m'a appris à aimer lire, à trouver dans un texte le fil, l'indice, la beauté.
La prof de maths par contre m'a appris la logique, pas celle des statistiques, non la vraie logique, la seule qui permet à l'humain d'avancer...
Merci pour ce retour en pays de souvenir, Calyste! C'est bonheur :)
Caly: étrange pour moi de revenir sur ce billet écrit il y a presque quatre ans! Pour moi aussi, retour en pays de souvenirs. Merci à toi d'être remontée jusque là.
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