(Ecrit hier, dans le train).
Départ précipité de la maison. J'arrive à la gare couvert de sueur. Le train pointe presque immédiatement au bout du quai. Pas le temps de stresser.
Au moment où je cherche ma voiture, J. m'appelle. Beaucoup de monde, il faut jouer des coudes. Je le biperai une fois installé. Un jeune curé en soutane voyage à quelques places de la mienne. Il n'a pas l'air de souffrir de la chaleur. Mes compagnons de route forment un ensemble assez éclectique.
Dans le "carré" où je suis assis, nous ne sommes que trois et la place en face de moi est libre, ce qui me permet, pour l'instant, d'étirer les jambes. Une femme blonde, 35 ans environ, peu aimable, un gros grain de beauté sous l'oeil gauche. Ma voisine immédiate, une jeune fille un peu replète mais souriante et tranquille: elle va sans doute passer le voyage à se ronger les ongles. Sinon, plus loin, un brun volubile, vite calmé par sa voisine qui n'a pas l'air d'apprécier beaucoup, quelques asiatiques, une grand-mère et son petit fils.
J. vient de sortir du travail pour sa pause déjeuner. Seul, il ne mangera pas. Il est à la Tête d'Or, "à l'endroit où nous avons pique-niqué hier hier" me dit-il. Le train passe tout près, il le voit à travers les arbres ("Il est bleu."). Bises de loin. Pour un peu, je descendrais le rejoindre.
Pendant que j'écrivais, le train a quitté Lyon, traversé le Rhône puis la Saône. Je ne sais pas où nous sommes, en pleine campagne. Le contrôleur est un jeune homme fort bien fait, à la casquette conquérante (nouvelle casquette de la SNCF?). Le prêtre (sur son bagage, j'ai eu le temps de lire "Frère Paul") n'est pas attirant mais a un très beau regard. Un seul enfant, pas de grosse dame hystérique, une seule paire de tongs, portée par une asiatique à la peau mate, ce qui les rend supportable. Le voyage commence bien, donc.
Il y en a qui mangent des sandwiches, d'autres qui dorment déjà. Tous ces inconnus avec qui je vais passer des heures me paraîtront familiers tout à l'heure, comme si je les connaissais depuis longtemps. C'est un des plaisirs des voyages en train que je ne retrouve pas dans l'avion, trop stressant, ni dans le bateau, où les possibilités de déplacement sont trop grandes. Pourquoi une accoutumance aussi rapide? Est-ce parce que tout déplacement, tout départ étant angoissant, qu'on le veuille ou non, qu'on le ressente ou non, on recherche par tous les moyens des occasions de se rassurer, on veut recréer le plus rapidement possible son univers familier?
Je pense à Pierre. Que fait-il en ce moment? La première partie des entretiens d'embauche s'est passée ce matin. Pour l'après-midi, il n'avait pas le programme précis. Peut-être est-il sur le grill en ce moment, pendant que moi, je me laisse bercer par le rythme doux du convoi. Contrairement au dernier voyage en Creuse, il y a deux ans, où le tracassin en service n'avait pas de climatisation, celui-ci est un modèle récent, presque neuf. Il fait frais et nous ne collons pas aux sièges, enfin pas encore. Ah! Deuxième enfant: une fille que je n'avais pas vue derrière l'appui-tête trop haut.
Une idée absurde me passe par la tête: et si c'était mon dernier voyage? Et si, pour une raison ou pour une autre, j'étais immobilisé, comme plusieurs amis autour de moi? Que ferais-je différemment? Rien, je crois. Je ne pourrais apprécier plus que je ne le fais actuellement la beauté du soleil, la quiétude de ces champs et de ces prairies endormis dans la chaleur, la grâce ou la laideur de ce pan d'humanité qui m'entoure (et grâce et laideur m'émerveillent toutes deux), la tranquille assurance des églises qui veillent du haut de leurs clochers tous semblables sur la paix de leurs ouailles et sur les autres, sans doute plus nombreux.
(à suivre...)
vendredi 11 juillet 2008
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3 commentaires:
Merci pour moi, j'ai aussi pensé à toi !
Enfin, un prêtre, tu n'y penses pas ! Vicieux, pervers !
bah non ! tous les prêtres ne sont pas vicieux et pervers!!...
...dommage!! ;-))
He bien, tu n'as pas traîné !
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