mercredi 9 juillet 2008

Aiguière

Aiguière: j'ai toujours aimé ce nom.

Lorsque j'étais adolescent, il me paraissait, ainsi que l'objet qu'il représente, le summum de l'élégance. Ainsi, pendant plusieurs semaines, en sortant du lycée, j'allai dans un magasin vendant ce genre de choses pour apporter mon obole hebdomadaire au commerçant qui avait accepté de me réserver, jusqu'à ce que j'ai fini de le régler, une de ces aiguières en étain, svelte et élancée, que je comptais offrir à ma mère. Aujourd'hui, elle est sur une des étagères de la bibliothèque, et je la trouve toujours belle, même si l'envie de boire dans de l'étain m'a définitivement passé.

Je trouve beau ce préfixe aigu- que l'on reconnaît dans tant de localités françaises, du nord au sud. Il peut se transformer: aix, ègu-, igu-, etc. Mais il m'évoque toujours l'eau fraîche, comme me l'évoque le nom du village où j'ai passé mon enfance: Saint-Jean Bonnefonds, c'est-à-dire "bonnes sources".

A l'époque gauloise, avant l'arrivée des Romains, la région de la Loire et de Lyon était habitée par un peuple gaulois nommé les Ségusiaves. Leur capitale fut sans doute, dans un premier temps, Saint-Symphorien-sur-Coise, puis Feurs (Forum Segusiavorum, comme Fourvière vient de Forum vetus). Lugdunum, bien entendu, n'existait pas encore. J'ai lu quelque part que si l'on trace une ligne imaginaire reliant tous les villages ou petites villes comportant au début de leur nom ce préfixe d'eau et à la fin un radical en -rand- (la route, la frontière?), on reconstitue très exactement leur territoire. Par exemple Iguerande, à la limite Loire/Saône-et-Loire, village qui offre un bel exemple d'église romane bourguignonne.

Bien sûr, je pense à Aigues-Mortes d'où, si je me souviens bien, Saint Louis s'embarqua pour la croisade, à Aiguebelle et Aiguebelette en Savoie, où j'ai des amis, à Chaudes-Aigues dans le Cantal ( n'est-ce pas là que l'on vend des objets, de petits tableaux en particulier, faits de concrétions calcaires?), mais aussi au beau mot d'aigue-marine, et à ce dernier, aiguail, évoquant la rosée sur les feuilles et qui sonne beau si on le prononce avec le -u- latin: "aigouail".

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