dimanche 20 juillet 2008

Marguerite.

Avant-hier, alors que la radio de ma voiture est toujours branchée sur France-Inter ou RCF, je me suis retrouvé, par je ne sais quel faux mouvement, sur des ondes inconnues où je suis resté le temps d'une chanson.

Une chanson que j'ai beaucoup aimée en son temps, par un chanteur dont la voix me faisait rêver en son temps également et dont on parle bien peu aujourd'hui. Une voix du sud, chaude, profonde, éraillée comme celle de la plupart de ses compatriotes mâles. Allez, je ne vous fais pas davantage attendre, je risque le coup de vous dévoiler mes goûts parfois de midinette en matière de chansons. Il s'agit de Richard Cocciante, et de son tub Marguerite. Vous vous rappelez:

Surtout ne m'en voulez pas trop
Si ce soir je rentre chez moi
J'ai tellement de choses à faire
Avant que le jour se lève.

Et pendant qu'elle dormira
Moi je lui construirai des rêves
Pour que plus jamais au réveil
Elle ne se lève les yeux en pleurs.

Quand je parlais de midinette!!!

Deux souvenir liés à cela.

Le premier à Cocciante, que je découvre en 1981, avec sa chanson Cervo a primavera. J'étais alors à Perugia, en Ombrie, à l'Université d'été pour Etrangers, la plus belle période de ma vie, je l'ai déjà dit. Le titre se partageait les ondes avec Malinconia, d'un autre Richard, Riccardo Fogli, aujourd'hui, je pense, totalement oublié. Moi, je n'ai pas oublié: j'ai sous les yeux le 45 tours que m'avait offert mon amant italien de cet été-là lors de mon retour en France. J'ai l'impression que c'était hier. Bon d'accord, avant-hier.

Le deuxième à Bons en Chablais. La maison derrière la nôtre était occupée par un couple atypique: la fille des propriétaires du Nord, Guislaine, alcoolique comme sa mère, et son ami belge, Luc, qui, lui aussi, ne crachait pas sur la bière. Vivotant au gré des saisons dans cette baraque qui menaçait ruine, travaillant tantôt oui tantôt non, jamais bien longtemps pour elle, revenant des grandes surfaces avec des provisions inimaginables de petites bouteilles, retrouvés parfois au petit matin dans leur voiture arrêtée parce qu'ils n'avaient plus eu la force de s'en extirper et de monter l'escalier branlant qui conduisait chez eux.

Nous devions parfois les calmer dans leurs disputes, la recueillir une soirée le temps qu'il se calme après l'avoir battue, leur faire baisser le son du disque de Johnny Halliday qu'ils passaient sans cesse et à tue-tête. Je la croyais plus vieille que moi d'une bonne dizaine d'années, elle en avait deux de moins. Physique ravagé, voix esquintée, toux persistante: une loque.

Et un jour, j'ai vu cette loque s'animer à l'évocation de Marguerite, se redresser et, d'une voix émouvante, presque belle, me chanter la chanson, sans en omettre un mot, sans en inverser deux couplets. Quand elle s'est arrêtée, à la fin du texte, elle avait les larmes aux yeux et, en regardant le sol, me lança que ça valait bien une bière sans doute. Bière que je lui offris. La parenthèse s'était refermée.

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