Ça y est: vacances.
Je ne saute pas de joie pour autant. Il va y avoir les premiers jours, faits du plaisir de pouvoir vaquer, justement, se reposer, s'organiser différemment, et de l'impression persistante d'être tout à coup inutile, d'en être réduit à sa petite personne et son entourage immédiat. Ensuite, il y a tout ce temps, où l'on peut réfléchir, trop. Je n'aime pas, je préfère agir, profiter de ce refuge.
Ce matin, dernière assemblée générale, remerciements à ceux qui partent, accueil de ceux qui arrivent, présentation des travaux qui seront réalisés cet été, point sur les différents projets, etc.
Ensuite apéritif et, avant le repas, remise des cadeaux à ceux qui, selon la formule consacrée, "font valoir leur droit à la retraite": Roselyne, la "dame de l'accueil", et Pierre, un des profs de gymnastique. C'est l'occasion de revoir de vieux collègues et même deux de nos anciens directeurs revenus spécialement pour l'occasion. Il faut dire que ces deux futurs retraités ne sont pas n'importe qui.
Roselyne, je l'ai connue comme parent d'élève. J'avais son fils en 6° puis en 5°. Il a aujourd'hui plus de trente ans et est devenu un grand jeune homme sportif. De cette époque, j'ai gardé le réflexe de la vouvoyer, contrairement à la majorité de mes collègues qui la tutoient, et même l'appeler par son prénom me demande un effort. Elle même d'ailleurs a conservé avec moi les mêmes habitudes. Ce n'est pas, surtout pas, une forme de distance: j'aime beaucoup cette femme, humaine et droite, dont on oublie totalement le handicap physique pour ne retenir que sa gentillesse et son professionnalisme. La "porterie" va perdre quelqu'un avec son départ. Élèves comme profs l'ont adorée.
Pierre, lui, c'était l'âme de l'équipe d'EPS, le sage, le père, celui qui calmait ses collègues, espèces de chiens fous plus aptes à foncer qu'à analyser. C'est lui qui, le matin, arrivait toujours le premier, qui ouvrait un à un tous les lourds rideaux métalliques du gymnase, qui souvent rangeait encore du matériel alors que ses collègues paradaient déjà sur leurs motos. Lui aussi était un pro. Je peux surprendre en employant ce mot dans l'univers pédagogique, pourtant il y en a plus qu'on ne le pense. Si la société qui devrait en être le soutien est bien mal en point, l'école n'a pas encore sombré, même si certains préfèrent en dévoiler les coins d'ombre plutôt que d'en célébrer les aspects lumineux. Et cela, elle le doit à des êtres comme Pierre, toujours disponible malgré la fatigue due à la maladie, toujours prêt à s'investir dans de nouveaux projets, comme par exemple monter un spectacle de cirque à deux ans de la retraite, et ce avec des élèves pas forcément faciles.
C'est la première fois que je me suis senti ému pendant les discours, vraiment. Entendre Jean-marie, un autre prof d'EPS, retracer la carrière de Pierre avec une tendresse bougonne, en l'égayant de plusieurs anecdotes cocasses, du récit des blagues qu'à une époque nous nous préparions entre équipe de français et équipe de gym, cela m'a beaucoup touché. Je me suis retrouvé comme un vieux con avec les larmes aux yeux.
Après le repas, chacun est reparti peu à peu. Moi, je ne sais pas quitter les lieux vite, je traîne dans les derniers comme si je voulais à tout prix absorber toute la mélancolie de ce moment que je n'aime pas. Deux mois sans tout ça. Je sais, je vais m'habituer comme d'habitude, mais je n'aime pas la période intermédiaire. Alors, comme d'habitude, j'ai fait rire, j'ai joué le clown. Je sais très bien tenir ce rôle dans ces circonstances. Après,...
Après, il y aura ce soir, où Pierre et sa femme nous ont invités chez eux, Stéphane, Isabelle, Hélène, moi et quelques autres. Je crains de ne pas dire non aux apéritifs et boissons proposées. Après tout, pourquoi pas? Il faut bien que départ en vacances se passe!
Et puis, dans les aspects positifs, il y a eu Aurélien, le jeune surveillant tout mimi, qui m'a proposé de courir avec moi - plutôt deux fois qu'une -, et Anthony, un ancien collègue d'anglais que je ne vois plus que rarement, et qui a une façon de m'embrasser qui me plaît beaucoup: juste à la commissure des lèvres, au coin de la bouche, un baiser presque intime et plein d'érotisme, surtout suivi de son sourire et de son regard de chypriote grec.
Allez, elle est bien belle, la vie!
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2 commentaires:
Ah, Athènes, là où les Athéniens s'atteignirent...!
Mais non Calyste, pas comme un vieux con !
C'est mignon les petits bisous à la trajectoire indécise ... Il suffit de peu parfois.
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