mardi 29 juillet 2008

L'Homme qui marche, de Giacometti

En triant de vieilles revues, je tombe sur un numéro de La Vie dont le supplément Les essentiels du 18 octobre 2007 était consacré à Giacometti. Cet article m'avait totalement échappé à l'époque. Il est principalement axé sur une interprétation par Paul-Louis Rinuy (voir Les essentiels n°3242) de la sculpture L'Homme qui marche, bronze de 1960 (Musée national d'Art moderne).

Je trouve cette analyse magnifique et ne peux résister à l'envie de vous la faire connaître. J'espère que ni P-L Rinuy ni Xavier Accart, qui a recueilli ces propos, ne m'en voudront de reprendre ici leurs mots.

Où va-t-il cet homme-là, que ses pas semblent conduire si résolument en avant? En 1960, Giacometti sait qu'il entame la dernière partie de sa vie et chacune de ses oeuvres prend alors une valeur plus inquiétante, plus radicale. Appartenant à l'espace même qui nous entoure, cette figure, grandeur nature, est d'une pureté essentielle qui nous impressionne. Car c'est bien de nous qu'il s'agit, nous qui marchons avec audace vers un avenir à la fois certain et imprévisible. L'harmonie des deux jambes portant bravement le corps ne fait guère illusion: la maigreur de la silhouette, le caractère tourmenté du modelé, tout nous révèle ici l'homme contemporain dans sa solitude, dans sa précarité.
Giacometti est le sculpteur de la finitude humaine, il met en scène un homme borné, limité autant par le terme physique de son existence humaine que par la douleur de l'absurdité de la vie. Et pourtant, ce flâneur de Paris, qu'était aussi l'artiste, savait d'expérience que la marche, la déambulation sans fin ni but possède un sens par elle-même. "L'homme qui marche dans la rue ne pèse rien, beaucoup moins en tout cas que le même homme mort ou évanoui", écrit-il. D'où vient cette miraculeuse légèreté? De l'équilibre formel, sans doute, mais plus encore de l'élan même de la vie, qui se nourrit de son propre mouvement. Tel est le vrai mystère: conscient de sa mort future, de l'inutilité de beaucoup de ses actions, l'homme trouve plaisir et bonheur à sa déplacer car il mesure l'espace en le parcourant. Dans l'instant de chaque mouvement, l'homme se révèle une force fondée sur son propre élan.
On trouve toujours, chez Giacometti, ce renversement miraculeux qui fait passer de la fragilité à l'éclat, du doute à la foi, inexplicable, irrationnelle mais souveraine. Peu importe donc d'où il vient et où va cet homme qui nous ressemble tant, il a la solidité du marcheur qui refuse de s'arrêter et se porte toujours en avant, toujours plus loin.
Et nous, sans savoir davantage qui nous sommes, mais forts de nos incertitudes et de nos faiblesses, nous pouvons marcher en soulevant le poids de note vie, le coeur gonflé du désir de découvrir le monde de demain, déconcertant et imprévisible sans doute, mais par là même merveilleux et attirant.


Pour son anniversaire, j'avais offert à J. une reproduction de cet Homme qui marche, par simple allusion à la vitesse de son pas et à son ouverture sur le monde. Aujourd'hui, en relisant ces lignes, je crois que mon intuition, inconsciente, était plus profonde et qu'elle m'englobait dans cette représentation. Ce texte est sans doute ce que j'aurais pu, ce que j'aurais aimé dire à J. et à moi-même si j'étais plus intelligent.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Mais enfin, qui est J ???

Anonyme a dit…

Mais où donc avez vous trouvé une reproduction ? J en recherche une depuis pas mal de temps.