mercredi 16 juillet 2008

Tout ce que j'aimais.

Tout ce que j'aimais de Sini Hustvedt raconte l'histoire de deux couples d'artistes à New-York, habitant le même immeuble, partageant leur vie, leurs centres d'intérêt, leurs deux fils. Et puis les années descellent ces pierres qui semblaient inamovibles: un des deux garçons va mourir, l'autre ensuite devient le point central des préoccupations du narrateur, par sa folie cachée.

Livre compact dans lequel il n'est pas aisé d'entrer. Livre sur l'art et ses chausse-trappes, sur les utopies des années soixante-dix, sur l'hystérie, sur les difficiles relations homme-femme, sur la nécessaire séparation alors que l'on aime encore, que l'on aimera toujours l'autre. Livre sur l'aveuglement, volontaire ou naturel, d'un homme au fur et à mesure de son vieillissement.

Leo, le narrateur, pourrait être n'importe lequel d'entre nous, tentant de comprendre ce qui lui échappe dans le comportement des autres, croyant mener sa recherche objectivement alors qu'il y côtoie sans le savoir ses propres phantasmes, ses propres inhibitions et, finalement, comme Oedipe chez Sophocle, se retrouvant face à la terrible vérité de lui-même.

Dire que j'ai aimé ce livre est peu dire. Quand il a réussi à me prendre, il m'a envoûté. Nombres de ses pages sont cornées, que je voudrais relire, approfondir, même si je sais que je ne ferai pas. Une leçon d'humanité, un livre sur une forme de folie sans que jamais on n'approche le malsain. Très belle reproduction, en couverture, d'un tableau d'Edward Hopper, Morning Sun.


Une histoire que nous racontons sur nous-mêmes ne peut être racontée qu'au passé. Elle se déroule à l'envers à partir du lieu où nous nous trouvons, non plus acteurs dans l'histoire mais spectateurs qui ont choisi de parler. Notre trace est parfois marquée de cailloux, comme ceux que Hänsel et Gretel avaient d'abord semés derrière eux. D'autres fois, la piste a disparu car les oiseaux sont venus manger toutes les miettes au lever du soleil. L'istoire survole les blancs, les comble en rattachant les propositions à l'aide de "et" ou de "et alors". C'est ce que j'ai fait au long de ces pages afin de rester sur un chemin que je sais interrompu par de légers creux et plusieurs trous profonds. L'écriture est un moyen de remonter la piste de ma faim, et la faim n'est pas autre chose qu'un vide.
(Trad. de Christine Le Boeuf.)

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