Hier, je ne devais pas rendre visite à ma mère. Ma soeur et mon frère étant en vacances, elle allait donc se retrouver seule pour la journée. J'avais bien sûr prévenu les infirmières de mon impossibilité à me libérer pour son repas du soir et elles allaient s'en occuper elles-mêmes.
Et puis, je n'ai pas tenu. Il faisait tellement beau que je ne pouvais l'imaginer dans sa chambre, fraîche mais sombre, devant l'étape du tour de France ou à rêvasser tristement en regardant l'arbre de la petite cour sur laquelle donne sa fenêtre. J'ai trouvé, dans l'après-midi, le temps d'y passer rapidement.
Quand je suis arrivé, elle n'était pas dans cette chambre, ni au salon. Ainsi donc dit-elle vrai lorsqu'elle nous assure qu'après le repas de midi, elle va seule faire une promenade dans le parc de la clinique. Je l'ai aperçue assise sur un banc, à l'ombre des bambous. Elle aussi m'a vu immédiatement. Même de loin, je ne pouvais pas ne pas remarquer le sourire qui a illuminé son visage quand elle m'a reconnu. Je venais de lui faire une joie immense. Et qu'est-ce que cela m'avait coûté? Cette joie effaçait pour moi tous les accueils mitigés dont elle me gratifie parfois en me voyant arriver à la place de ma soeur.
Nous sommes restés assis un moment, elle encore toute tremblante de son émotion, puis elle a voulu me montrer son parcours quotidien. Elle s'installe d'abord sur un banc qui lui permet de voir bien en face les portes du garage et de l'atelier où mon père bricolait pour la clinique. Puis la deuxième station se fait devant la serre, lieu encore plus marqué de la présence de mon père, puisque son rôle officiel était d'entretenir et de fleurir ce parc. Enfin, elle termine son tour sous les bambous, là où je l'ai trouvée, là où, une fois mon père malade et affaibli, ils avaient coutume de s'asseoir.
Ainsi, ma mère procède-t-elle chaque après-midi où le temps le permet à ce voyage dans ses souvenirs, à cet hommage à mon père, à cette preuve d'amour posthume. Quelque chose que je n'aurais pas su si je n'avais pas sacrifié ce petit bout de mon temps à son bonheur à elle. La découverte m'a profondément touché. Ma mère n'est pas qu'un monument d'égoïsme édifié par la vieillesse et la maladie. Parfois celle que j'ai connue autrefois réapparaît pour un instant, parfois je la retrouve comme je l'ai aimée, profondément.
Et puis ses craintes, ses angoisses l'ont reprise, l'angoisse de l'heure surtout, et elle a voulu que je parte, s'inquiétant que je sois en retard à mon rendez-vous.
mercredi 23 juillet 2008
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3 commentaires:
orofite bien d'elle...
Elle a beaucoup de chance de t'avoir. Tu es gentil (j'avais tapé "bon", mais je n'ai pas osé...).
Comme le pain qui sort du four du boulanger! (j'allais taper "chaud", mais je n'ai pas osé...)
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