lundi 25 août 2008

Sous-nombrilisme.

Ce matin, en me rasant, j'écoutais comme toujours France-inter et j'ai entendu un critique parisien parler de la rentrée littéraire et des nombreux romans, nombre en légère baisse cette année, qui vont dans quelques jours envahir les devantures des librairies, pour les plus chanceux.

En parlant de l'un d'entre eux, il établit un distinguo assez intéressant entre frontières et limites. Apparemment, ces deux mots sont proches de sens et pourtant.

Frontières implique une analyse subtile, un art de laisser deviner, de suggérer sans nommer, de donner à voir sans montrer. J'ai dit un jour que mes confidences intimes ici s'arrêtaient au seuil de la chambre et qu'ensuite la porte se refermait comme dans les vieux films américains. C'est un peu la même idée que matérialise le mot "frontières" pour les romans. Or ce genre de littérature, que je dirais pudique en employant un mot un peu désuet, ne trouve plus guère sa place dans les publications actuelles de la rentrée littéraire.

Il faut alors parler de "limites". Ce dernier mot implique souvent un dépassement, une provocation, une volonté délibérée de choquer, au mieux de surprendre. Ainsi, comme dans le cinéma américain plus récent, la violence est omniprésente, violence des armes ou du sexe chez nous. A mon avis, peut-être veut-on paraître plus "djeune" ou libéré, plus intéressant et remarquable, alors que l'on ne fait que conjuguer des situations rabâchées avec des mots éculés, d'une tristesse à mourir.

Je n'ai rien contre la licence débridée en sexualité. On peut même en parler, l'étaler. (Mais, selon moi, les actes sont dans ce domaine plus intéressants que les mots.) Simplement, il faut savoir de quoi l'on parle, de cul en l'occurrence, et que ce de quoi l'on parle sache rester à sa place, une bonne place, agréable et primordiale, mais pas la seule et pas la plus importante. Il faut enfin, je le pense sincèrement, savoir bien manier la langue, sans mauvais jeu de mots, pour transcender ces ébats et les hausser au niveau du Texte.

Un peu dans le même ordre d'idées, Le Lorgnon Mélancolique, sous le titre "Prémonition" à la date du 24 août, a publié un billet concernant une nouvelle assez ancienne de John Cheever, Le Ver dans la pomme. Je vous invite vivement à aller lire ce billet, car l'idée développée par Cheever est assez originale.

Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'en latin, frontières, limites se dit "fines", que l'on prononce comme notre mot français "finesse". C'est apparemment ce dont manque beaucoup la cuvée 2008 de nos auteurs, géographiquement parlant, "sous-nombrilistes".

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