vendredi 22 août 2008

Lettre à vous: douzième lettre

Il m'est difficile d'écrire après les deux billets précédents. Pourtant, je veux le faire, car il n'y a aucune tristesse.

L'un , le premier texte, est sans doute ce dont je suis le plus fier dans ma vie. Avoir eu le courage de l'écrire, et surtout de le dire, dans cette église pleine, face à la famille, face aux amis, face aux inconnus. Je ne pouvais laisser partir Pierre sans ce mot d'amour. Son frère l'a compris et m'a aidé. Je l'ai fait, j'en suis profondément heureux. Aujourd'hui, l'émotion est toujours là à la lecture, à l'évocation de petits bouts de notre quotidien, mais c'est la joie d'avoir parlé une dernière fois à Pierre, de lui avoir redit mon amour, qui l'emporte.

L'autre est un texte de Jean de la Croix que j'ai découvert le jour de la sépulture grâce à un ami. Il s'agit bien sûr d'amour divin, mystique, mais dit avec des mots si profondément humains. Un grand amour m'attend, je vais pousser la porte et il sera là. Il me prendra dans ses bras et ni la pluie ni le vent ni le froid ne pourront plus m'atteindre. Je serai dans sa chaleur, dans la lumière qui émane de son être, je m'oublierai en lui. Nous ne formerons plus qu'un. Ces mots sont humains, avant tout, même si la foi les transcende. Pardon à ceux que je blesse en écrivant cela.

J'ai hésité longtemps à retranscrire ici mon ultime message à Pierre. Tout ceci est tellement intime. Mais le courage est sans doute le même que celui que j'ai trouvé à le dire il y a trois ans. Je ne m'expose pas. Pourquoi le ferais-je? J'ai besoin de me le redire à moi, ici parce qu'ici m'a aidé ces derniers mois à laisser partir la barque sans plus chercher à la retenir. Je sais que d'autres lisent ces lignes, vous que je ne connais pas pour la plupart, mais je vous fais confiance. Votre silence ou, dans les lettres précédentes, la beauté de vos commentaires, dont je vous remercie mais auxquels, exceptionnellement, je ne répondrai pas, me rassurent, m'incitent à ne pas garder pour moi ce que j'ai vécu comme un trésor.

Si ce que j'ai écrit sur notre histoire aide seulement une personne, un seul être, à mieux vivre sa vie, je serais très heureux. Le dire m'a aidé, moi, à tourner sans doute les dernières pages de ce livre. Triste de le refermer? Non, heureux de l'avoir feuilleté en savourant chaque page, de pouvoir dire: c'est beau, n'ayez pas peur!, c'est possible, osez! Heureux de l'avoir vécu, d'avoir été choisi pour le vivre. Heureux d'être moi et d'avoir été nous.

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