jeudi 7 août 2008

Julien l'Apostat.

Le Julien de Gore Vidal, publié pour la première fois en 1962 et réédité récemment (Points poche 1901), m'a occupé une bonne partie de ces trois jours à la campagne. Vissé au fauteuil ou allongé dans mon lit, cette somme de plus de 700 pages m'a tenu intéressé sans faiblir jusqu'au bout.

Mémoires fictifs de Julien, l'empereur romain du IV° siècle de notre ère surnommé l'Apostat car il abandonna la religion chrétienne pour revenir aux dieux antiques, ces pages incluent un journal tout aussi fictif de cet Auguste et une correspondance entre son compagnon Priscus et le philosophe Libanios.

On nous raconte la jeunesse de ce prince, neveu de Constantin le Grand, premier empereur chrétien, son goût pour les études et particulièrement la philosophie, ses alarmes sous le règne de son cousin Constance, puis son ambition grandissante au contact des armées, lors d'une campagne en Gaule où il se fit aduler par nos ancêtres celtes, son accession au principat, sa volonté de restaurer les anciens cultes de l'Antiquité. Enfin sa campagne contre les Perses en Mésopotamie et sa mort, assez mystérieuse, au bout de deux années de règne seulement, lors d'une embuscade de ces mêmes Perses.

Outre le fait qu'un style clair en facilite la lecture, ce roman m'a plu par la somme de précisions historiques qu'il m'a apportées sur une époque de l'empire romain que je connais relativement peu. La période comprise entre Constantin, immédiatement avant, et Théodose, immédiatement après, est en effet, souvent sacrifiée dans les études classiques et il faut un effort personnel pour s'y intéresser.

Mais tout aussi intéressantes m'ont semblé les longues réflexions sur les excès d'un christianisme bientôt triomphant face aux religions plus anciennes, qu'elles soient d'Etat ou rendues obscures par les rites d'initiation aux mystères de certaines (Mithra, par exemple). Il est passionnant de voir ce monde, qui est, ou a été, largement le nôtre dans la sphère occidentale, émerger peu à peu et, déjà, développer les chancres qui le rongeront tout au long jusqu'à aujourd'hui.

Julien est présenté comme un homme qui se pose des questions, largement ouvert à l'oecuménisme ou plutôt à la diversité cultuelle, mais on sent poindre chez lui un aspect de folie qui, sans doute, l'a perdu aux yeux de ses ennemis. A noter que l'humour n'est pas absent de ces lignes, en particulier dans les échanges entre les deux vieillards que sont Libanios et Priscus.

En extrait, cette description des Gaulois par l'Auguste Julien. S'y reconnaître qui voudra.

Il n'est pas facile de comprendre les Gaulois. Leurs façons nous sont étranges, bien qu'ils soient depuis des années des citoyens romains. Je crois que c'est le plus beau peuple du monde. Les hommes et les femmes sont grands, avec la peau claire, souvent des yeux bleus et des cheveux blonds. Ils ne cessent de laver leurs vêtements et leur corps. On peut aller d'un bout à l'autre de la province sans apercevoir un homme ou une femme portant des vêtements sales ou déchirés. Auprès de chaque taudis, si pauvre soit-il, il y a du linge à sécher.
Mais malgré leur beauté, ils sont extraordinairement querelleurs. Les hommes aussi bien que les femmes parlent d'une voix étrangement forte, braillant les voyelles et faisant durement sonner les consonnes. (...). Ils adorent la bataille. Ils ont tout à la fois la force et l'ardeur. Et leurs femmes aiment se battre aussi. Il n'est absolument pas insolite d'entendre un Gaulois au coeur de la bataille appeler son épouse à l'aide. Quand elle fait, la force de son mari s'en trouve décuplée. J'ai vu de mes propres yeux des Gauloises attaquer l'ennemi, grinçant des dents, les tendons du cou gonflés, leurs grands bras blancs battant l'air comme les ailes d'un moulin à vent, pendant que leurs pieds frappent comme les traits d'une catapulte. Elles sont redoutables. (...). Les Gaulois (...) seraient les plus grands soldats du monde à deux raisons près: ils supportent mal la discipline militaire et ils boivent. Aux moments les moins importuns, le commandant de troupes gauloises risque de trouver ses soldats complètement ivres, sous prétexte que tel ou tel jour est saint et doit être célébré en buvant un peu de vin ou l'une de ces puissantes boissons qu'ils préparent à partir de grains et de légumes.

( Trad. de Jean Rosenthal.)

Aucun commentaire: