vendredi 8 août 2008

Raconter le bonheur.

Raconter le bonheur, c'est rembourser. Un peu.

Voilà ce que j'écrivais en commentaire à l'un des billets de Nicolas. Voilà ce sur quoi je vous demandais de vous exprimer par vos commentaires à vous.

Je vais avoir du mal à expliquer ce que je voulais dire.

D'abord, raconter le bonheur. Le dire, l'écrire surtout, ou le montrer en images. Je sais, les bons sentiments ne font pas forcément de bons livres. Ils ne font pas non plus que des navets. Je crois que beaucoup de gens aiment cette représentation "fictive" du bonheur des autres: on achète des revues people, on regarde les mariages princiers à la télévision, on lit des collections à l'eau de rose. Et l'on pleure, et l'on aime pleurer.

Curieusement, lorsque c'est un vrai bonheur qui s'étale devant nos yeux, la réaction n'est pas la même. Un peu nous émeut. Beaucoup nous agace, on jalouse ou l'on trouve cela mièvre. Des amoureux qui passent leur temps à s'embrasser devant vous, c'est vite exaspérant. On les trouve bêtes et l'on présage déjà la fin des beaux jours.

On a souvent honte, aujourd'hui, d'être heureux. Le noir se porte si bien! Mais le noir n'est deuil que chez nous. il n'est pas le contraire du bonheur. Dire que l'on est heureux expose au jugement de simple d'esprit, de demeuré gentil. Pourquoi? Est-on plus intelligent lorsque l'on souffre? Ou fait-on semblant souvent de souffrir pour être plus intéressant aux yeux des autres. La profondeur se creuserait avec les larmes?

Rembourser, oui, peut surprendre. J'ai toujours considéré que le bonheur n'était pas un état naturel. Il se crée, se consolide, à très long terme, ou nous tombe dessus comme l'éclair, en un instant pour disparaître presque aussi vite. Nous sommes à la merci du bonheur. Pour moi, le bonheur, c'est un plus, que l'on a ou pas mérité, ça n'a pas d'importance, mais une sorte de supplément gratuit pour lequel dire merci s'impose.

Je sais, cela peut choquer de vouloir dire merci pour quelque chose d'aussi personnel que le bonheur. Et puis dire merci à qui? Ça non plus, ça n'a pas d'importance. Merci à son dieu, si l'on est croyant, merci au soleil lorsqu'il nous réchauffe, au vent lorsqu'il nous caresse, à l'eau que l'on boit et qui nous lave, à la fleur qui nous embaume, au regard qui nous séduit, à la main qui nous guide, au rire qui nous transperce. Ou merci pour ce mot de merci. Pour moi, prier, c'est dire merci, sous n'importe quelle forme.

Ce bonheur qui nous étreint parfois ne nous appartient pas. Il est nôtre un instant et l'on doit le transmettre, pour qu'il ne se perde pas, comme dans une chaîne idiote, le dire pour le faire connaître, reconnaître des autres lorsqu'ils le verront chez eux. Et puis ne pas dire le bonheur est une souffrance aussi grande que de vivre le malheur en silence.

Alors, il faut prendre ses mots, les aligner, construire, comme un mauvais mur de pierres sèches ou assemblées d'un ciment, une phrase qui boîte, une phrase qui au mieux ne montrera que l'ombre, le reflet du bonheur vécu. Mais une phrase, un texte, comme un soupir, un râle, qui nous empêchera d'en mourir, qui inondera l'autre du trop-plein et le préparera à la sienne ondée. La phrase comme le mur tombera mais l'empreinte en restera dans l'air, comme un parfum longtemps après que l'autre qui le portait s'en est allé.

Un peu. Parce que les mots sont blessés. Parce que c'est au-delà d'eux, dans l'intervalle entre les lignes, dans les silences, le rythme du souffle, que se cache ce que l'on veut vraiment dire. Et parce qu'on ne peut tout rendre de ce bonheur qui nous façonne et nous grandit, qui, nourriture vitaminée, se transforme en quelque chose qui est nous, nous unique qui ne peut se donner. Se laisser voir seulement, dans quelque amour.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai regardé partout mais n'ai pas trouvé d'adresse : j'aurais préféré vous envoyer un mail pour développer puisque je pense que cela aurait été nécessaire. J'ai peur qu'en faisant trop court, cela ne fasse trop carré, mais bon...
Serait-ce rembourser? Je pense plutôt que si on a la chance de connaître le bonheur, on a presque une obligation de transmission de ses effets bénéfiques. Faire profiter les autres des bonnes dispositions qui sont les siennes. Je pense que le bonheur est avant tout intérieur, une disposition de l'esprit, une vocation, une ouverture qui n'a souvent pas grand chose à voir avec les situations extérieures. Bien sûr, cela aide d'avoir de bonnes circonstances de vie, mais ce n'est pas tout. Il faut aussi avoir véritablement le goût d'être heureux, la capacité de l’être. Ne connaissons-nous pas tous des gens qui nous sembleraient avoir tout pour être heureux et pourtant ne le sont vraiment pas ou sont incapables de l'être, alors qu'à l'opposé, certains qui ont des conditions de vie personnelle ou de santé terribles dégagent un bonheur surprenant? Bon, c'est trop court, et cela risque de mal exposer ce que je voulais vraiment vous dire. Il faudrait encore décrire ce qu'est le bonheur, de quoi il se compose. Il me semble que le bonheur a peu à voir avec les gens et les circonstances de la vie : ceux-ci ne peuvent pas plus nous le donner que l'enlever. Ils peuvent seulement temporairement, je dis bien temporairement, augmenter ou diminuer les dispositions au bonheur, c'est selon. Et tout en disant merci (dans mon cas c'est à Dieu), il me semble qu'il faut aussi demander la sérénité et la disposition d'esprit pour être heureux, pour bien accueillir les gens et les circonstances de la vie et aussi ce qu'il faut pour être une bonne courroie de transmission. Ah que j'aurais aimé vous écrire ailleurs et autrement, plus longuement et éviter d'être mal comprise. Mais bon, j'ose cliquer...

Anonyme a dit…

Silence...merci.

Calyste a dit…

Merci, Sylvia, de votre long commentaire, si sincère. Mais si nous devons partager, transmettre notre bonheur, n'est-ce pas justement parce qu'il peut en rendre heureux d'autres, qui ne trouvent pas cette ressource en eux-mêmes, avec toute la bonne volonté du monde?

Oui, Oceania.