Lyon est-elle une ville du sud?
Telle est la question qui nous agitent depuis quelques jours, Phil, Fabrice et moi. Les deux derniers habitent Lyon en ce moment, le premier y a séjourné longtemps. Je pense pour ma part, et là on va me traiter d'élève des Jésuites, que oui et non.
Géographiquement d'abord, la Capitale des Gaules ouvre la porte vers la vallée du Rhône et le littoral méditerranéen. Déjà à l'époque romaine, avant l'invasion de César, elle se situait sur la frontière entre la Gaule libre et la Provincia, assujettie par les Romains. Elle fut longtemps également sur les limites entre langue d'Oc et langue d'Oil, entre Franco-provençal et Occitan.
Quand on descend du nord par la Bourgogne ou la Franche-Comté, on perçoit rapidement le changement de paysages, d'habitat, de toitures, qui ira en s'intensifiant jusqu'à Valence.
D'autre part, il y a certains jours, à Lyon, comme un air d'Italie, d'Ombrie ou de Toscane. Lorsque je travaillais, à l'époque pour financer mes études, aux Antiquités Historiques, près de Fourvière, j'avais tous les matins devant les yeux un des plus beau panorama qui soit: le lever de soleil sur la ville basse, une légère brume entourant les monuments qui se débarrassaient peu à peu de sa gangue et émergeaient au gracile soleil des premières heures. De par la qualité de la lumière, la couleur des pierres et la "tessiture" de l'air, je me suis souvent cru près de Florence ou d'Assise.
Alors, du sud? Pas vraiment. Ce qui diffère, ce n'est pas le Mistral: nous avons une sorte d'équivalent. C'est bien sûr le climat, même si, certains jours comme en ce début de semaine, le thermomètre monte plus haut à Lyon qu'à Marseille. C'est surtout, à mon avis, la qualité des rapports humains. On a coutume d'entendre dire que les lyonnais sont froids, distants, prétentieux, qu'il n'est pas facile de s'intégrer dans cette ville. Tout cela est faux.
Je suis arrivé à 18 ans de Saint-Etienne, ville voisine mais totalement différente, plus débonnaire, plus ouverte comme dans le sud, et j'avais en tête ces qualificatifs sur ceux qui peuplaient la mince langue de terre entre Rhône et Saône. Je suis aujourd'hui à Lyon depuis 38 ans et je m'y sens très heureux. Ce que l'on prend en effet pour de la froideur n'est en fait que de la pudeur, une certaine réserve visant à ne pas imposer sa présence à l'autre comme si cette présence allait forcément être appréciée (caractéristique du sud). Et ça, ça me plaît énormément.
De plus, si le contact n'est pas immédiat et se mérite, contrairement au sud où l'on vous frappe très rapidement dans le dos quitte à vous oublier le lendemain, l'amitié une fois installée est d'une fidélité sans limites. Les lyonnais sont aussi fidèles en amitié qu'ils sont sérieux et organisés dans leur travail. Des amis partis s'installer dans le midi, à Montpellier par exemple, n'ont pu s'y intégrer et sont remontés très vite dans la région Rhône-Alpes. C'est vrai, le lyonnais se rapproche davantage du strasbourgeois (ville et région que j'aime) que du marseillais, et je ne vais pas m'en plaindre.
Je suis bien conscient que tout ce que je viens d'écrire est schématique, généralise abusivement (j'ai moi-même des amis dans le midi. Pardon, Amédé! Toutes mes excuses, Danielle) et n'est pas exhaustif, je sais bien aussi que je ne suis pas totalement impartial, mais je pense que c'est justement ce qui fait l'intérêt de ce genre de billet: ouvrir la discussion, comparer les expériences, les sentiments, les coups de coeur ou les coups de gueule, échanger nos propos tout en restant, comment dire, des "gentlemen" bien entendu.
samedi 5 juillet 2008
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6 commentaires:
Merci pour le billet ! C'est bien ce que je te disais ailleurs, Lyon est une ville-frontière, plus proche du nord mais avec des accents sudistes. Ancien Strasbourgeois, je me souviens des gens qui disaient que les Alsaciens avaient pris les qualités des Français et des Allemands, mais sans les défauts. Lyon, c'est un peu pareil, la ville a pris les qualités des nordistes et des sudistes !
Pour ce que tu dis in fine dans ton billet, inutile de te dire que j'y adhère...Restons entre nous, entre gens raisonnables et de bonne compagnie.
Je me souviens d'un ami lyonnais qui me disait que même en étant très intégré à Lyon, si j'étais invité à dîner, évidemment que mes hôtes recompteraient les petites cuillères après mon départ. Nous sommes dans le cliché et la légende. Je ne crois pas à celles qui disent les populations.
Ensuite, en tant que Cévenol, bien sûr je dirais que Lyon n'est pas une ville du sud. On parle même du nord en positionnant Lyon dans le midi. Mais je sais aussi qu'elle n'est pas dans le nord non plus.
Mais il est vrai que c'est à partir de Lyon qu'effectivement le paysage change nettement.
Et puis, Lyon est si belle, assurément.
Je vous conseille de lire un très vieux roman dont j'ai oublié l'auteur, et dont le titre est approximativement: "Calixte ou l'introduction à la vie lyonnaise". Bien qu'il date de très longtemps, quand je l'ai lu à mon arrivée à Lyon, j'y ai lu ce que j'avais devant les yeux. En plus, c'est à mourir de rire, sur les défauts des lyonnais. Parce qu'il en ont, bien sûr, Olivier.
Bien sûr, nous sommes dans le cliché, ne serait-ce que parce que les populations sont maintenant très brassées, cependant je crois aux particularismes locaux, tellement forts qu'ils parviennent à imprégner peu à peu les nouveaux arrivés.
Là où je pense que nous sommes tous d'accord, c'est sur la beauté de la ville, depuis que de très gros efforts ont été faits pour la nettoyer et l'ouvrir sur l'extérieur.
S'agissant de la langue, Lyon est en plein pays franco-provençal (voir la carte sur Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Orthographe_de_r%C3%A9f%C3%A9rence_B#Aire_de_diffusion_du_francoproven.C3.A7al)
Dans son livre, Jean Dufour décrit les manières de la bourgeoisie lyonnaise : je connais quelques grands bourgeois lyonnais dont j'ai eu l'occasion de visiter les appartements dans le cadre de mon métier. On retrouve la progression expliquée par Dufour : plus on est intime avec un lyonnais, plus on pénètre loin dans l'appartement. Les premières pièces sont dépouillées, les splendeurs et les richesses sont enfermées dans les pièces réservées aux vrais amis et non aux simples connaissances. Les lyonnais sont pudiques.
Lyon a beaucoup été influencée par la renaissance italienne parce que des italiens formaient une vraie nation dans la ville aux XVe et XVIe siècles : banquiers, marchands, venus de Florence, Milan, Gênes... Se seraient-ils plus et installés dans une ville qui n'aurait pas été du Sud ? ;-)
Mais tout change et Lyon s'ouvre au monde.
Lyon est assurément une belle ville mais pour habiter son centre, la presqu'île, Dieu qu'elle est finalement petite...
Je ne connais pas cette ville aussi bien que vous et vous en parlez très bien. C'est aussi une ville secrète et ésotérique. "Lyon ville de la soie et du compas" disent les anciens.
Mais je connais bien le caractère des lyonnais. Secret mais sûr. Distant je ne sais pas. Mais très réservé, une réserve qui parfois ressemble à de l'indifférence, sauf si on "creuse" un peu. Il faut juste apprivoiser cette réserve pour éviter qu'elle ne devienne intimidante et pesante.
Merci, Fabrice, pour le nom de l'auteur. Je n'étais pas loin: j'avais en tête Norbert Dufourq, mais lui a écrit une célèbre histoire de la musique et je savais que ce n'était pas l'auteur de Calixte. Je me souviens, pour ma part, d'un passage où Dufour explique qu'un lyonnais n'a jamais, au grand jamais, de chaussures neuves. Et d'un autre où, lors d'un voyage à Paris, le futur gendre rencontre le futur beau-père aux Folies Bergères: "ils se regardèrent mais ne se virent pas"...
Anna, je crois que vous savez bien creuser. Pour apprivoiser, j'en suis sûr.:-))
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