Ma mère m'a raconté hier pour la énième fois une petite anecdote concernant mon enfance.
J'étais un garçon un peu mou, lymphatique, qui ne causait véritablement que deux tracas à ses parents: je refusais systématiquement d'aller à l'école, prenant appui pour cela sur des colères mémorables, et je faisais pipi au lit.
Le premier souci était vite réglé: alors que ma grand-mère, affolée par mes cris et honteuse devant les gens qui nous croisaient dans la rue, me ramenait à la maison, ma mère, manu militari, me faisait reprendre en sens inverse le chemin parcouru et là, plus question de la faire céder. Peut-être avais-je la prémonition que je fréquenterais longtemps ce lieu, plus longtemps en tout cas que tous mes petits camarades.
Pour le deuxième tracas, le remède était plus délicat à trouver, mais, les années passant, on ne pouvait tolérer plus longtemps cet état de faits. En désespoir de cause, on fit appel à Soeur Marie de Béthanie, une religieuse qui vivait au bourg avec ses compagnes et faisait office d'infirmière pour administrer quelques piqûres et changer les pansements souillés. Ma mère, élevée dans la religion, et mon père (P2), bien que profondément anticlérical à l'époque, appréciaient cette femme simple et directe, au physique rond et et aux gestes confortables.
Elle vint donc se rendre compte de visu de la situation et diagnostiqua une grande fainéantise de ma part: je préférais être mouillé que me lever pour uriner. Je n'ai gardé aucun souvenir de l'entrevue, je me souviens en revanche très bien de la phrase qu'elle m'a assénée à la fin et que ma mère m'a redite hier soir: " Si cela ne s'arrête pas, nous serons obligés de t'emmener dans la grande maison à côté de la petite." Et elle conseilla à mes parents de me faire boire chaque soir un peu de vin chaud noyé dans un grand verre d'eau. Curieux remède. Est-ce cette potion ou la phrase qui agit? Jamais plus je ne mouillai mon lit.
Mais la phrase est toujours là, dans les méandres de ma mémoire, où elle a sans doute laissé une trace indélébile. Est-ce à cause d'elle, à cause de la peur qu'elle provoqua certainement chez l'enfant que j'étais et qui s'imagina -comment?- la grande maison, que je n'arrive jamais à me coucher de bonne heure?
vendredi 11 janvier 2008
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