Comment parler de ce roman que je viens de reposer à l'instant même, au bout de 800 pages de lecture attentive et conquise? Je crois que c'est un des plus beaux livres que j'aie lus.
Constamment, moi qui lis vite, je ralentissais ma lecture, je voulais m'imprégner, m'imaginer (me mettre en images) totalement, me délecter des mots, des fulgurances, des chemins que ces lignes ouvraient dans mon esprit. Je voyais le nombre de pages restant s'amenuiser au fil des soirées, j'en éprouvais de la tristesse, je bénissais son épaisseur qui m'empêchait de le transporter avec moi au collège, comme je le fais toujours d'un livre dans mon cartable, même si, bien souvent, je n'ai pas une minute pour l'entrouvrir.
La bonne grosse montagne en sucre (The Big rock Candy Mountain) de Wallace Stegner, publié en 1943 n'est peut-être pas un chef-d'oeuvre, c'est en tout cas un des livres qui m'accompagnera ma vie durant, un de ceux que j'aurais emportés sur l'île déserte.
Il nous raconte l'histoire d'une famille américaine, les Mason, entre les années 10 et 30,à la recherche du confort et de la réussite pour les uns, du bonheur et de la tendresse pour les autres.
Il y a le père, Harry, dit Bo, et son rêve chimérique, sans cesse recommencé, de décrocher la timbale, de s'approprier un morceau de cette grosse montagne en sucre sur les pentes de laquelle il parviendra sans jamais pouvoir en profiter.
Il y a Elsa, la mère, le personnage central du roman à mon avis, sans doute un des plus beaux portraits de mère de la littérature internationale, amoureuse de son mari et obstinée jusque dans cet amour qui la détruit et la façonne à la fois.
Il y a les deux fils: Chet, l'aîné, tôt disparu car trop aimé et trop contraint par son père, l'image viril du successeur, et Bruce, le cadet, d'abord timoré et pleurnichard, s'imposant à la fin comme le dépositaire de tous les souvenirs de sa famille.
Lorsqu'il ressortit au grand soleil,il n'éprouvait pas de chagrin, ni pour son père, ni pour sa mère ou son frère, dont les tombes se voyaient là-bas, recouvertes d'une herbe rase, à côté du trou fraîchement creusé. Il ne pensait qu'à l'éclat de ce soleil magnifiquement radieux, comme porteur d'un message ou d'une bénédiction, et il vit devant lui la vaste étendue des collines verdies par le printemps qui s'étageaient jusqu'aux pics déchiquetés dominant Dry Canyon. Le passé affluait en lui, cette impression qu'il avait déjà eue à trois ou quatre reprises de porter en lui toute l'histoire de sa famille, et il repensait (...) aux émerveillements et aux joies de ses jeunes années, et à l'ombre qui planait dans l'arrière-fond des souvenirs de sa petite enfance, d'une époque fort ancienne, cette ombre dont le sens se dévoilait lentement et incomplètement.
(Traduction de Eric Chédaille, Editions Phébus)
C'est un livre simple, dans ses mots comme dans sa visée, et beau de cette simplicité.J'y ai, moi, bien sûr, senti frémir le vent dans les hautes herbes de la Prairie.
mercredi 9 janvier 2008
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1 commentaire:
Bonjour.
Juste un petit mot pour dire le plaisir que j'ai pris à parcourir ton blog.
Et Wallace Stegner est un auteur qui m'accompagne depuis quelque temps ! Je suis toujours ravi qu'on en parle et qu'on le conseille. J'avais remarqué la photo du livre dans un de tes posts précédents.
"La Bonne grosse montagne..." est le seul de ses romans traduits en français que je n'ai pas encore lu ; voilà en revanche qui est intolérable !
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