samedi 12 janvier 2008

Five easy pieces.

Vus dans le métro ces derniers jours:

- les visages fatigués des voyageurs, les traits tirés, les yeux fuyants, la mine absente, au mieux indifférente. Un regard qui se pose et glisse sans accrocher, une silhouette qui vient remplacer une silhouette à chaque station, d'autres êtres aperçus furtivement dans l'autre rame et dont on peut croiser le regard parce qu'il n'a pas le temps de se détourner avant de disparaître. Une écrasante marée de couleurs ternes, manteaux, pantalons, souliers, capuches, écharpes, cagoules, tous noirs, gris, sales, usés, froissés, tachés. Les odeurs de parfums lourds se mêlant, ou tentant de remédier, aux restes de transpiration de la veille, auxquels vient s'ajouter le doucâtre écoeurement des croissanteries industrielles. On finit sa nuit, en rêvant d'être au soir.

- un jeune homme debout jetant des regards insistants sur un autre jeune homme, assis à côté de moi. Le voyageur sur pattes est mignon, ce que je peux voir de mon voisin sans risquer un torticolis semble aller dans le même sens. Que va-t-il se passer? Rien. Dès que des places se libèrent, le jeune homme debout va s'asseoir, en choisissant une qui lui fait nous tourner le dos. Pourquoi ne pas avoir prolongé ce moment de cache-cache, où l'on se regarde sans se regarder, où l'on ne sait rien encore de l'autre, où tout est plaisir, où tous les possibles vous sourient? Tout doit-il passer par le virtuel aujourd'hui? Le désir non satisfait dans l'instant meurt-il aussitôt comme une plante qu'on oublie d'arroser?

- une grosse dame assise en face de moi, anorak vert pomme, cheveux blond vénitien permanentés de frais, doigts boudinés accrochant fermement son sac à main sur son giron, le regard furieux fixé sur deux jeunes femmes de vingt ans environ, brunes et belles toutes deux,qui parlent entre elles une langue que je ne reconnais pas . La femme, caricature de la concierge ou de la femme de ménage, doit être italienne du nord, Trentin ou Vénétie, les jeunes filles orientales, peut-être d'une république musulmane de l'ex URSS. Si les yeux de la dame pouvaient traduire en paroles ses pensées intimes à ce moment-là, ils diraient sans doute : " Ma ché, ié né comprends pas ché si puo parler oune langue cosi! Certo, cé sont des salvages."
Belle exemple d'intégration!

Entendu dans le métro ces derniers jours:
- le silence assourdissant dans le wagon du funiculaire lorsque, après être entré en gare, il va doucement finir son trajet contre la butée. Et cela, à la montée seulement, alors que seule la descente est susceptible d'impressionner. Pourquoi?
On se surprend soi-même à retenir son souffle, à l'unisson de ses compagnons de voyage.

Pensé dans le métro ces derniers jours:
- il me tarde d'être sur un vélo!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Sourire à la terne marée est difficile.
Comme une provocation : que me voulez-vous avec votre sourire ?...
Méfiance envers cette femme verte, une martienne souriante...
Le regard, le contenu d'un regard, parfois arrête le leur et un infime échange passe, une lèvre tremble, une main ordonne une mèche, le regard revient, devenu humain.