Jour de pluie, sans cesse, du matin au soir. A peine une courte éclaircie après le repas de midi. Juste de quoi rappeler qu'il est toujours là, derrière les nuages. Comme je suis dépendant de la présence ou non du soleil au-dessus de ma tête.
Pourtant la grisaille n'a pas réussi aujourd'hui à entamer mon optimisme. D'abord parce que je n'ai que peu eu le temps de la contempler: six heures de cours et une réunion, ça occupe, le restant étant consacré à terminer la correction des copies.
Ensuite parce que, ces temps-ci, je trouve un certain charme à ces ciels brouillés, voire carrément gâtés. La pluie abîme les pivoines dans les jardins mais leur ruine est souvent encore splendide quand le soleil revient. Il y a, près des vestiges de l'aqueduc, un jardin privé foisonnant de fleurs en jungle, devant lequel je m'arrête chaque fois que je monte à Fourvière. C'est là qu'étaient hier ces tiges généreuses ployées sous leur charge aquatique. Une légère caresse et tout s'écroulerait à jamais, comme les piles érodées de l'aqueduc tout proche, dont la base ressemble de plus en plus à un trognon de pomme dévoré à belles dents.
J'ai aussi un certain plaisir avec le crachin. Quand je cours, il me rafraîchit sans trop me mouiller et c'est comme une impression érotique, une main qui frôle sans vraiment toucher, qui attise et ne donne pas, qui fait que, bientôt, c'est soi qui réclame. Courir est un acte d'amour. Il y a du faire l'amour dans la course et la pluie en est un prémice comme la sueur une jouissance.
En ville, le crachin installe un parfum de nostalgie que j'apprécie s'il ne dure pas trop longtemps. Lyon est belle sous un peu de brume. C'est une ville de demi-teintes, pour laquelle une pluie fine ajoute à son mystère naturel.
J'aimais sortir sous l'orage dans mon enfance. Ma mère, bien entendu, nous l'interdisait. Mon rêve était de me promener nu dans la nature sous les trombes d'eau et les gifles du vent. Ce rêve, je l'ai réalisé des dizaines d'années plus tard, au bord du lac Léman, un soir de tempête. Je me suis déshabillé entièrement et, seul, j'ai marché le long du rivage, jusqu'à ce que le froid me transperce. Je crois que ce que l'on ressent alors enivre encore plus que le vin, une impression d'être englobé dans l'univers, d'être un élément du cosmos, un élément fragile, un des plus faibles, mais le seul à penser qu'il en est un.
Depuis, je n'ai jamais plus utilisé de parapluie.
vendredi 30 mai 2008
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