Je parle depuis quelque temps déjà de mes lectures d'adulte, des lectures uniquement pour mon plaisir. Mais, de par mon métier, je me dois aussi de parcourir une quantité assez imposante de livres pour la jeunesse que nous envoient complaisamment chaque année les différents éditeurs.
Et dans cette avalanche de nouveaux titres à chaque rentrée des classes, bien peu valent la peine d'être retenus.
La littérature pour la jeunesse est en effet devenue une manne pour les maisons d'éditions et certains auteurs peu regardants à la qualité. Il suffit de parcourir les programmes officiels et de calquer sur leurs objectifs une histoire plus ou moins teintée d'amour et d'aventure. On publie le bouquin et l'on est sûr de faire de bonnes ventes. Certaines femmes écrivains sont devenues spécialistes de ce genre de littérature préemballée, prémâchée et préoubliée (je ne peux, hélas, citer de noms!). Je ne devrais même pas employer le mot "littérature". Disons que ce sont des produits de consommation qui tendent de plus en plus à ressembler aux autres.
Aussi, lorsque l'on découvre une perle rare dans cette avalanche de nullités sur l'antiquité égyptienne, grecque ou romaine pour les 6° ou sur le Moyen-Age et la Renaissance pour les 5°, on s'empresse de la faire également découvrir aux élèves, et, en général, ça marche.
J'ai envie de vous en présenter régulièrement quelques-uns ici. Cela peut aider certains dans leurs achats, et d'ailleurs les titres que je vous proposerai sont également lisibles par des adultes. Pour ma part, j'ai éprouvé un grand plaisir à leur lecture.
Commençons par un qui me tient particulièrement à coeur. D'abord parce que je le trouve très beau, ensuite parce que je l'ai lu dans la chambre d'hôpital de Pierre, pendant son agonie, quand déjà il n'était plus là. Ce livre a accompagné ces moments difficiles et les a, un peu, allégés par sa beauté.
Il s'agit de La Rivière à l'envers de Jean-Claude Mourlevat, que j'ai déjà évoqué précédemment. Le tome 1, Tomek, est une pure merveille. Cet orphelin qui tient une épicerie a pour cliente, un jour, une jeune fille qui veut lui acheter de "l'eau de la rivière Qjar". Cette eau donne l'immortalité à celui qui la boit et elle la recherche afin de sauver son oiseau de compagnie. La jeune fille disparue, Tomek décide de partir à la recherche de cette étrange rivière qui remonte à sa source. Il confie les clés de son épicerie à grand-père Icham, l'écrivain public, et s'en va. Le livre est le récit de ce voyage, récit plein de poésie et d'inventions, avec la Forêt de l'Oubli ou les Mots qui réveillent, avec le village des Parfumeurs et la carriole de Marie et son âne.
Le garçon est le héros de ce tome, le deuxième sera celui de la jeune fille, Hannah. Mourlevat a également écrit un autre roman que j'aime beaucoup, dans un registre beaucoup plus noir et grinçant: La Balafre.
L'épicerie de Tomek était la dernière maison du village. C'était une petite boutique toute simple avec, au-dessus de la vitrine, l'inscription EPICERIE peinte en lettres bleues. Quand on poussait la porte, une clochette tintait joyeusement, ding ding, et Tomek se tenait devant vous, souriant dans son tablier gris d'épicier. C'était un garçon aux yeux rêveurs, assez grand pour son âge, plutôt osseux. Il ne servirait à rien de faire le détail des articles que Tomek vendait dans son épicerie. Un livre entier n'y suffirait pas, alors qu'un seul mot convient pour le dire, et ce mot c'est justement: "tout". Entendons par là des choses utiles et raisonnables, comme les tapettes à mouches et l'élixir "Contrecoups" de l'abbé Perdrigeon, mais aussi et bien sûr des objets indispensables comme les bouillottes en caoutchouc et les couteaux à ours.
La rivière à l'envers, Jean-Claude Mourlevat, Pocket Jeunesse.
vendredi 16 mai 2008
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