jeudi 20 octobre 2011

Couettes et taie de traversin.

J'ai vécu, au début des années soixante-dix, dans une communauté composée essentiellement d'anciens séminaristes qui se lançaient sur le marché du travail et de prêtres plus ou moins en rupture de ban avec leur institution. Je fus le premier laïc pure souche à y pénétrer.

Au fil des années, pourtant, ce cercle un peu fermé s'est ouvert largement vers l'extérieur et a accueilli, outre des hôtes de passage plus ou moins en difficulté sociale, nombre d'individus de tous âges dont certains des plus originaux. Ainsi un vendeur de Conforama qui avait tendance à se servir dans les rayons et son amant prestidigitateur (qui, à son départ à la cloche de bois, nous laissa colombes et lapins que nous fûmes obligés, pour un temps, de parquer dans la salle de bains).

Un soir, le vendeur, grand sire, invita le directeur de son magasin et tout le gratin annexe à une petite sauterie en l'absence du "chef" de la communauté, un prêtre ouvert mais qui tenait tout de même à conserver une certaine respectabilité au moins de façade. Apéritif, repas, l'ambiance était assez détendue pour que le jeune home propose, après le digestif, un petit spectacle de sa création.

Il disparut un moment dans sa chambre et réapparut bientôt moulé dans une taie d'oreiller (c'est dire s'il était mince!), des couettes sur la tête et une brosse à dents en guise de micro. Et nous eûmes droit, bon an mal an, à la moitié au moins du répertoire de Sheila, son idole de la chanson. Cela tenait plus du grotesque et du vulgaire, mais en fin de soirée arrosée, n'est-ce pas...

Alors qu'il entamait "Les Rois Mages", ce ne fut pas Gaspard, Melchior et Balthazar qui apparurent soudain dans l'appartement mais, o malheur, le chef que l'on n'attendait pas ce soir-là. Et, comble de malchance, il était accompagné de sa cousine carmélite qui avait obtenu une autorisation spéciale de sortie. Lorsqu'il comprit (il eut vite fait) ce qui se passait dans les murs, il dirigea prestement la cousine dans la cuisine pour qu'elle échappe à ce spectacle peu en accord avec son statut.

Sheila tentait désespérément de regagner sa chambre au plus vite, mais, engoncé dans une taie de traversin, allez courir sans encombres! Dix minutes plus tard, tous les spectateurs extérieurs étaient partis, mis à la porte sèchement et une explication orageuse et musclée commençait. Quant à moi, je n'ai jamais autant ri de ma vie, en tout cas pour la fin un peu tronquée du show improvisé.

8 commentaires:

Ipsa a dit…

Goûteuse tranche de vie improbable...la nostalgie n'est pas que névralgie.

Calyste a dit…

Ipsa: J'ai beaucoup d'autres anecdotes du même acabit de cette époque. Peut-être les raconterai-je un jour.

laplumequivole a dit…

Pauvre petite carmélite, confinée dans la cuisine, privée de polochon !

Calyste a dit…

La Plume: et je ne l'ai jamais vue. Le lendemain matin, à mon réveil, elle était déjà partie. Sans doute avait-elle préféré regagner sa clôture devant le spectacle du monde!

ipsa a dit…

La morale fut sauve:Paul Hochon termina la soirée seul,la carmélite ayant reconnu sans peine Satan dans sa taie...

Calyste a dit…

Ipsa: tiens, ta dernière phrase a l'air d'une contrepèterie!

Cornus a dit…

Elle a raté une bonne occasion pour s'instruire, la carmélite !

Calyste a dit…

Cornus: ça faisait un peu désordre, tout de même, pour quelqu'un dans un ordre!