Ma mère me parlait depuis longtemps de Tatania.
Ce nom me faisait rêver. D'autant qu'elle me la décrivait comme allant toujours pieds nus, été comme hiver, qu'il fasse chaud, qu'il gèle à pierres fendre ou qu'il pleuve. J'imaginais la fille de quelque dieu scandinave, fine et diaphane,dans son palais de glace, resplendissante de lumière argentée, dont les mots en sortant de la bouche formaient autant de cristaux ou de diamants.
Tatania était en fait une des malades soignées dans la clinique psychiatrique, dont l'autre particularité, à part les pieds nus, était sa foi profonde. Un vieux prêtre ne venant qu'une fois par semaine donner la communion, c'est elle qui s'en chargeait les autres jours, au cours d'un bref office à la chapelle.
Un jour, je l'ai croisée: une petite femme un peu enveloppée, à l'allure pressée et bougonne. Ses pieds: deux terminaisons tordues et calleuses, proches du cep de vigne, sans doute plus dures que n'importe quelle semelle. Elle n'a même pas levé les yeux sur nous. Peut-être un mauvais jour.
Une autre fois, Tatania est devenue Tatiana. Ma mère avait toujours mal prononcé. Elle s'appelait donc Tatiana. Adieu Tatania et son palais des glaces; bonjour, Tatiana. Il fallait que je m'habitue. Bien sûr, ça me plaisait moins: on pensait plutôt au patinage artistique au mieux, au lancer du disque au pire. Mais bon, puisque c'était son nom.
Eh bien, pas du tout. Dernier épisode aujourd'hui, définitif celui-ci. Tatania ne s'appelle pas Tatiana, pas non plus Natatia, Natacha, Tiatana. Non, elle s'appelle....Yvette. Je renonce à me créer des images mentales!
Non, pour moi, elle reste Tatania, la princesse aux pieds nus.
vendredi 21 mars 2008
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2 commentaires:
HUMM J'aime ce billet !!!
Yvette Horner ?
Là, l'imaginaire pourrait de nouveau s'activer.
J'ai remarqué que, quand on projette toujours des idées sur quelqu'un ou quelque chose (un voyage, une exposition)... on est toujours déçu. C'est le propre du réel que d'être réceptif...
Well written article.
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