samedi 1 mars 2008

Bibliothèque enfantine.

Cet après-midi, en poursuivant l'éternel rangement de mon appartement, j'ai retrouvé un sac rempli de livres que j'avais complètement oubliés depuis le déménagement de ma mère.

En l'ouvrant, j'ai eu la joie de reconnaître nombre de mes livres d'enfance. Abîmés par la poussière et l'humidité de la cave où mon père les avait entreposés, certains incomplets ou sans couverture mais bien reconnaissables. Il y avait là parmi mes toutes premières lectures. Presque toutes appartiennent aux Bibliothèques Verte, Rose ou Rouge et Or.

A l'intérieur de la couverture cartonnée, j'inscrivais mon nom suivi de la mention LU entre parenthèses. Mon écriture d'enfant me fait sourire aujourd'hui, mais je me souviens encore quel trésor chacun de ces livres constituait pour moi. N'ayant jamais reçu de mes parents aucune somme fixe d'argent de poche, je devais amasser centime par centime le prix d'un de ces précieux ouvrages, ce qui me prenait parfois des semaines. Je déposais mon pécule dans une boîte à dragées rose qui fermait avec un élastique et que je dissimulais derrière d'autres livres, à l'abri des convoitises de mon frère, dans la vitrine du cosy où je dormais avec lui .

Dès que j'avais la somme requise, je partais au bourg voisin, éloigné d'à peu près quatre kilomètres où se trouvait un petit bazar avec un rayon librairie. Le moment du choix était un grand moment, cela n'a toujours pas changé. Ce bazar a existé tel quel jusqu'à l'an dernier. De retour au village, je commençais à dévorer, presque toujours installé à la belle saison dans le jardin, sous la tonnelle de vieilles roses.

Parmi les livres retrouvés, il y a aussi les quelques prix, peu nombreux, que j'ai obtenus au lycée, en français, latin ou grec.

Mais je crois que ceux auxquels je tiens le plus, ce sont ceux que me donnait une vieille paysanne, notre voisine, qui prétendait être la cousine de Jeanne d'Arc, laquelle lui parlait régulièrement, selon elle. A part cette fantaisie historico-mystique, cette femme était totalement "normale": elle aimait trop ses bêtes pour jamais les tuer ni les manger. La viande qu'elle achetait au boucher n'était pas pour elle mais pour ses nombreux chiens et chats.

Cet amour des bêtes l'amenait à ne lire que des romans qui traitaient de ce sujet et, une fois qu'elle les avait lus, elle me les apportait et me les donnait. Je me souviens très bien de son tablier sombre, de son vaste chapeau de paille noir qui dépassait à peine du chemin creux et de ses petites galoches d'enfant qui ne touchaient pas le sol quand elle était assise sur une chaise. J'aimais aller chez elle, dans la seule pièce qu'elle habitait et où elle passa la nuit de la mort de son mari allongée près de lui en attendant le matin. Cette pièce où vivaient aussi chiens, chats et volailles sentait fort l'urine et la poussière, mais je pouvais y fureter à mon aise et partir à la chasse à un autre trésor qui bientôt seconda celui des livres: les timbres.

J'ai tous ces livres sous les yeux en ce moment. De quelques-uns, je n'ai jamais oublié les titres: Michel mène l'enquête, de Georges Bayard (auteur que j'ai rencontré peu de temps avant sa mort, l'ayant invité au collège pour le faire parler de son art aux élèves), Alice et le fantôme, de Caroline Quine, Le Mystère du Carillon , de Enid Blyton, Belle et Sébastien, de Cécile Aubry, et puis des auteurs plus "prestigieux": Curwood (Nomades du nord), Beecher Stowe (La Case de l'oncle Tom), Daudet (Lettres de mon moulin), Jules Verne (20000 Lieues sous les mers), Hector Malot (Sans Famille), Hugo (Les Misérables), Dickens (David Copperfield), Balzac (La Peau de chagrin), ...

Une mention spéciale pour Les Clés du Royaume, de Cronin, qui fut, avec l'éducation familiale maternelle, à l'origine de ma première vocation: pendant des années, je voulus entrer dans les ordres et devenir missionnaire. Cela ne s'est pas réalisé, pas tout à fait. J'expliquerai peut-être un jour pourquoi.

Ce soir, ces livres de mon enfance vont rejoindre une étagère de bibliothèque qu'ils ont bien méritée après ces années d'exil dans une cave humide.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très belle évocation. J'ai aussi pas très loin de moi des livres de la bibliothèque rouge et or qui étaient assez coûteux et que mon père m'offrait. Puis, je me suis inscrite dans une bibliothèque en trichant sur mon âge pour avoir accès aux livres de Mauriac, Zola et d'autres encore que je lisais en cachette bien sûr. Anna F.

Anonyme a dit…

Vend tbe "Le Club des Cinq et l'île au trésor", "Fantômette contre Fu-Man-Chu" dans la Bibliothèque verte, "Jojo Lapin va au marché" et "Oui-Oui s'ennuit" dans la Rose. Faire offre.

Enid Blyton