Kikou m'avait, hier soir, réservé une place au théâtre. Il fallait absolument que je vienne. Résultat: après une journée où j'ai eu à peine un quart d'heure pour déjeuner, j'ai poursuivi sur le même rythme le soir, ne craignant qu'une seule chose: m'endormir dans mon fauteuil.
De fauteuil, point. Une banquette, certes agrémentée d'un coussin, mais peu propice à l'endormissement. Une petite salle d'une quarantaine de places à peu près: l'Espace 44, à la Croix-Rousse, rue Burdeau. La pièce: Prof, de Jean-Pierre Dopagne, un auteur belge, mise en scène et jouée par Michel Bernier. Rien à voir avec le film du même nom au pluriel, heureusement. Et d'emblée, malgré la chaleur, je n'ai pas eu envie de dormir.
L'histoire est celle d'un enseignant idéaliste, dont le père paysan, qui savait lire un peu mais non point écrire, lui fait poursuivre des études pour qu'il ne soit pas, à son tour, un cul terreux, pour qu'il exerce le plus beau métier du monde: professeur.
Au début, prof de littérature, il y croit: comme son ancien maître qu'il vénère, il va faire connaître Hector et Andromaque, Agamemnon et Célimène, Scapin et Monsieur Jourdain à des centaines de jeunes esprits tout prêts à recueillir cette manne céleste. Las! Il ne rencontre que la passivité, voire la violence du milieu scolaire, celles des élèves mais aussi celles des cadres, des collègues qui parfois la retournent contre eux-mêmes.
Alors, un jour, il craque: il s'arme d'une mitraillette et descend sa classe de terminale. Tous meurent, ou presque. Condamnation à la prison à perpétuité. Comment ce prof brisé se retrouve-t-il sur scène, dans un théâtre, face au public qui vient voir le "monstre"? Je ne vous le dirai pas.
Moments de rire, grinçant souvent, de provocation bien sûr, mais c'est une pièce avant tout émouvante, et au final, optimiste. La volonté du père de faire de son fils quelqu'un de bien, la découverte par ce fils des grands destins de la littérature moderne ou antique, des auteurs "éternels" comme Hugo ou Sophocle, la naissance de sa vocation grâce à ce maître habité, les moments d'évocation d'Athènes ou d'Olympie, sont bouleversants. Moi aussi, j'ai été, tout jeune, envahi par cette fièvre d'apprendre et de communiquer, et de la même façon.
Après la représentation, partage d'un verre de vin, ou de jus d'orange, avec les autres spectateurs et le comédien qui, lui aussi, fut un jour prof, le plus beau métier du monde, celui qui, comme la terre, fait germer.
samedi 29 mars 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire