dimanche 15 mars 2009

Accepter.

A midi, pendant le repas avec J. et une partie de sa famille, la discussion est venue à un moment sur la colère que l'on peut ressentir à l'encontre de Dieu au moment de la mort d'un proche. J'ai commencé à parler et puis je me suis tu, vite, par pudeur et pour ne pas plomber l'ambiance. C'est pourtant un point auquel je réfléchis encore souvent.

Lorsque ma petite sœur est morte, par accident, une hydrocution en tombant à la mer, elle avait onze ans, moi dix-huit. J'ai trouvé cette mort intolérable. Le curé de la paroisse, à mon retour, ne m'a pas aidé à me réconcilier avec Dieu, bien au contraire. Je ne pouvais comprendre comment cette mort était possible, comment Dieu, s'il était bon comme on me l'avait appris (ou plutôt comme j'avais par moi-même décidé de le voir, car la formation religieuse de l'époque penchait davantage du côté du dieu vengeur de l'Ancien Testament), pouvait-il permettre cette injustice: tuer un être qui n'avait fait aucun mal, qui avait à peine vécu?

J'ai mis très longtemps à me réconcilier avec l'idée même du spirituel. En fait, cette attirance ne m'a jamais quitté, mais je tombais de trop haut pour ressentir autre chose que de la haine. Elle a mis longtemps à s'apaiser.

Aujourd'hui, j'ai changé. J'ai près de quarante ans de plus. Je n'en suis plus à ma première mort. Je les vis presque sereinement. Presque, parce que l'attachement profond aux êtres que j'ai perdus demande le temps d'accepter l'absence, de pouvoir vivre avec des pointillés de plus en plus nombreux, mais Dieu n'est plus en cause dans cette douleur. Elle est purement humaine, physique, animale.

Certains départs m'ont même amené à progresser dans mon acceptation de Dieu. Celui de Pierre surtout, celui d'Amédé aussi. Tous les deux étaient profondément croyants, sans jamais imposer leur foi aux autres autrement que par leur façon de vivre. Je les ai enviés longtemps, j'aurais voulu connaître leur confiance, leur abandon, leur sérénité. Aujourd'hui, je comprends.

Dieu n'a rien à faire dans la mort. Dieu est ailleurs. Je le sais maintenant par la prière. Tout à l'heure, je suis allé sur la tombe de Pierre et j'ai récité le Notre Père, comme chaque fois, comme presque chaque jour maintenant, où que je me trouve. Et comme chaque fois, comme chaque jour, en disant ces paroles simples, je me suis senti enveloppé de paix. La paix est venue avec l'acceptation. Je ne cherche plus à raisonner, je ne cherche plus à comprendre. Je sais que je peux aujourd'hui vivre cette paix, en me laissant porter, en oubliant mes questions, mon orgueil, mes réticences, en m'abandonnant à quelque chose que je ne peux expliquer mais que je ne tarderai probablement plus maintenant à nommer foi.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Alors la foi, c'est la paix.
La foi est la sagesse qu'on acquiert après des années de refus et de révoltes, inutiles mais nécessaires pour se construire.

Une idée apaisante.

Anonyme a dit…

La foi est faite pour ceux qui en ont besoin, pour plagier Max Jacob.

Anonyme a dit…

Lors des deuils que j'ai dûs traverser je ne me souviens pas avoir nourri un sentiment d'incompréhension à l'égard de la dite "bonne volonté" de Dieu. Mais je serais bien embêté de l'expliquer à un non-croyant pour qui l'argument de l'injustice serait imparable.
La Foi est un mystère : bien malin celui qui saurait en sonder la nature...

Calyste a dit…

J'ai encore du mal à en parler.