samedi 21 mars 2009

500/cinq sens.

Avant de sortir, il me reste pourtant quelque chose à faire. Lancelot m'a lancé un défi: il faut que je rentre en lice et déploie mes "talents" sur le thème suivant:
« Écrire un article relatant ce que vous feriez s’il vous restait 500 euros et 500 secondes à vivre. Vous avez carte blanche, que ce soit en 500 mots ou en 500 lignes, laissez libre court à votre imagination. »

Je demande auparavant à Patrick de m'excuser: il m'avait lancé la même invitation et j'avais botté en touche par manque de temps. Mais aujourd'hui, c'est samedi, et puis peut-on refuser deux fois une invitation sans risquer de passer pour mal élevé?

8 minutes 20 secondes, donc. Je sais parfaitement ce que je ferais.

Je prendrais ma tenue de coureur. 8 minutes, c'est le temps pour parcourir environ deux kilomètres. Un peu moins mais la perspective de la dernière ligne droite me donnerait des ailes. Je rejoindrais ce parc que j'aime tant. Il ferait beau, quelle que soit la saison, et la nature serait généreuse.

Que faire des 500 euros? J'avais pensé, au départ, les emporter avec moi, en coupures de cent euros, et en lâcher un toutes les cent secondes afin d'en faire profiter les chanceux sur mon chemin. Mais, risquant ainsi d'avoir à mes trousses une meute de poursuivants intéressés, je ne tenterais pas l'expérience. J'aime courir seul. J'ai déjà dit le plaisir que c'est, une fois le corps à son rythme trouvé, de sentir la mécanique se débrouiller seule, en rouages bien huilés, et de voir son esprit s'envoler vers des songes mouvants, vers ce que je trouve être une forme de spiritualité. La course est pour moi une forme de prière. Je distribuerais donc ces cinq billets à ceux qui assisteront par hasard à mon départ.

Libéré de ce fardeau, je tenterais une dernière fois de faire exulter cette machine qui me sert de corps, elle qui m'a toujours bien servi, je lui donnerais son ultime plaisir, je la mènerais jusqu'au bout de son désir. Je verrais défiler les lieux familiers, la ville d'abord puis les grilles du Parc, les serres et les parterres, les jardins et le zoo, les grands platanes malades et les frères coureurs, les familles et les enfants. Je ferais un dernier tour, sachant trouver où se cache l'arbuste qui sent bon, où le soleil est le plus doux sur la peau, où le travesti lit sur un banc, où la vieille dame donne à manger aux écureuils, où les bosquets s'agitent parfois de frénésies furtives. Je verrais et me souviendrais des jours anciens, de tous ces bonheurs, de toutes ces jouissances et de tous ces rêves.

Mais comme le temps passe. Il faudrait se hâter. Je le verrais là bas, au bout du chemin, mi ombre et mi soleil. Il m'attendrait, fidèle au dernier rendez-vous. Sans que je le lui aie dit, il saurait qu'il doit être là, au bout de ces secondes qui s'égrènent. Mes dernières foulées. Déjà je capterais son sourire dans les yeux, déjà je sentirais l'odeur de sa nuque, je percevrais les anciennes étreintes, celles où nous gémissions, je réchaufferais sa main dans la mienne. Une partie de moi s'arrêterait à le contempler, se demandant encore pourquoi lui, pendant que l'autre franchirait les derniers mètres, abolissant l'espace entre nos deux corps qui bientôt s'assembleraient exactement, comme les deux dernières pièces d'un puzzle.

Et, quand je serais dans ses bras, quand tout serait en place, comme mortaise et tenon, comme vague et rivage, qu'il aurait mis mes mains sous sa chemise, à même sa peau pour les réchauffer, je poserais mes lèvres sur les siennes, et, à l'ultime seconde, lui donnerais mon dernier souffle, qu'il aspirerait pour qu'il soit sien, et je garderais les yeux ouverts sur le ciel et son regard.

Prochains chevaliers au départ: Fabrice, Petrus, S.(Tranches de vie) et Querelle.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Si 8 minutes est le temps pour courir tes deux kilomètres, ça fait plus que 20 secondes pour la tendresse. Diantre, partir sur une frustration. :)

Calyste a dit…

La course fait aussi partie du plaisir, Olivier, et vingt secondes bien employées, c'est toute une vie de tendresse! Sincèrement, si mes derniers instants ressemblaient à ça, je ne me sentirais pas frustré. Plutôt comblé!

Anonyme a dit…

Il faut aussi que les autres écrivent un billet sur ce sujet alors ?

Anonyme a dit…

Courir les bras ouverts vers celui qui vous attend, longues et souples enjambées, le coeur léger, léger...
Enfin, tes bras !...
Ont-ils gardé la forme de mon corps ?
Te reconnais-tu au creux de mon coeur, là où tu veilles depuis si longtemps ?

Nous sommes arrivés à destination, il manque deux pièces dans le ciel du puzzle, viens, prenons place...

Patrick a dit…

Hé ! Ce n'est pas qu'il soit si particulier, mais je tiens à mon -K.

Très belle image que cette étreinte en bout de course. Mais je n'ai pas pu m'empêcher d'y penser : lorsque mon ami revient de courir, je préfère qu'il ne me touche pas et qu'il file sous la douche directement...

Calyste a dit…

Tu as tout compris, Petrus, et j'espère bien que tu le feras!

Un contre-champ bien beau, Océania, que vous m'offrez là.

Toutes mes excuses, Patrick: c'était un lapsus calami. Pour l'arrivée d'une course, je ne crains pas une sueur "fraîche", je trouve même ça assez excitant.

Anonyme a dit…

Quelle horreur!... je veux parler du sujet, pas de la réponse. 8mn!!! c'est beaucoup trop court....ou trop long! Si j'aime bien l'idée de la course, faut au moins 20mn avant que les endorphines viennent me titiller les neurones, plus 10mn d'échauffements (c'est pas parce qu'on doit mourir qu'il faut pas se soigner!), plus 10mn supplémentaires pour profiter de la course....je réclame un minimum de 40mn!!
Pis alors, 500euros!! ..c'est mesquin, ridicule!..faut payer beaucoup plus pour se débarrasser de moi...Non, 500€ c'est presque insultant! tiens j'préfère vous le faire gratos!
Hein?.. on m'a rien demandé? ...ah bon , tant pis... ;-))

Calyste a dit…

J'ai bien pensé à toi, Piergil, mais pas de blog, pas de chaîne!

Anonyme a dit…

Et me voici, en retard, comme d'habitude, mais présent à la ligne d'arrivée....

Tant pis pour la distribution de sous dau départ : je préfère être là pour te dire au revoir, et faire sa connaissance, et vous sourire, à tous les deux, avant le départ définitif.

Mais que dis-je ? Après avoir participé moi-même à la chaîne, je suis parti depuis plusieurs jours déjà. On se retrouve "de l'autre côté"...? On va en avoir, des choses, à se dire...

Calyste a dit…

Oui, mais nous avons l'éternité!