J'espère que Christophe ne m'en voudra pas trop de lui avoir emprunté son titre. C'est en fait lui qui m'a fait repenser à ce vieux monsieur que j'ai vu aujourd'hui, et j'ai voulu établir comme un pont entre ces deux billets.
Oui, je l'avais déjà oublié, cet homme occupant la chambre de l'autre côté du couloir, face à celle de ma mère. Hier, il n'était pas là. Aujourd'hui, je l'ai découvert au moment du repas. Toutes les portes étaient ouvertes, pour faciliter le service.
De ce côté, une femme, encadrée de ses deux enfants, ma sœur et moi, à qui l'on coupe son pain, à qui l'on mélange ses cachets à la nourriture pour qu'ils soient plus facilement avalés, à qui l'on rappelle qu'il ne faut pas oublier de boire, pour qui l'on modifie l'orientation des stores pour éviter le soleil sur le visage.
De l'autre, cet homme, un vieillard maigre, au visage en couteau, un peu perdu, une peu figé déjà, seul assis dans un fauteuil trop grand pour lui, devant son plateau servi qu'il semble regarder sans le voir. Bientôt pourtant, il esquisse quelques gestes. Par pudeur, je détourne les yeux. Lorsque je le revois, il est penché en avant, la tête touchant presque le bol de soupe. Il me fait penser à un vieux rapace flairant quelque reste de nourriture que les autres, plus vigoureux, ont bien voulu lui laisser. Il flaire mais ne va pas jusqu'à manger.
J'en ai les larmes qui me montent aux yeux. On a l'habitude de voir de vieilles femmes, les vieillards mâles sont plus rares et l'on dirait pour cela qu'ils sont plus fragiles encore. Voir cet homme en fin de vie, imaginer quelle elle fut, cette vie, ce qu'il en reste encore dans sa tête trop lourde pour être soutenue. Quelles étaient ses pensées à ce moment précis? En avait-il de claires ou bien le fumet du velouté suffisait-il à ses interrogations?
samedi 14 mars 2009
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4 commentaires:
Fin de vie, fin de film... Les images se bousculent, le générique final arrive plus tôt que prévu.
Un reste de conscience repasse les séquences heureuses en boucle : la soupe est alors comme un bain de jouvence, l'enfance retrouvée pour quelques instants...
Et puis l'avenir n'a plus à être lu dans la limpidité d'une boule de cristal!
Poufff... ce style de note me fait peur... Je préfère ne pas penser à ce que sera la fin de ma vie.
Mais c'est vrai qu'on ne peut pas toujours détourner les yeux....
Hier, je le voyais encore. Il s'est levé pour fermer la porte.
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