J'ai, depuis un moment déjà, lâché mon projet d'"autobiographie". Parce que j'éprouve une petite difficulté: la prochaine étape, hormis la photo d'enfant pour laquelle je n'ai guère eu le temps de fouiller les archives familiales, doit être la narration d'un souvenir d'enfance joyeux. Or, j'ai beau cherché, je n'en trouve pas!
Entendons-nous bien: je ne suis pas en train de jouer les "Cosette", d'essayer de me faire plaindre en me mettant à larmoyer sur une enfance difficile. Non, j'ai été, je pense, assez heureux dans mon enfance, de toutes façons déjà barricadé dans mon monde intérieur dont seul Pierre, des années plus tard, a trouvé une des clés de sortie.
Mais de la joie, de la grande, de la vraie, de la débarrassée de toute autre pensée, je ne me souviens pas d'en avoir jamais éprouvé. J'ai des souvenirs tendres, des souvenirs nostalgiques, d'autres tristes ou dramatiques, pas de vraiment joyeux. Chacun de ces moments se surimprimait à un ailleurs où j'étais chez moi et où la réalité n'avait que peu d'impact. Ainsi ne pouvais-je être totalement joyeux, pas plus que réellement malheureux non plus. Je gardais toujours un recul, bien involontaire de ma part, face au vécu, face à ce qui m'arrivait, si bien que je n'étais jamais où je devais être. Le "hic et nunc" n'était pas fait pour moi. La joie implique un abandon total au moment présent, une reddition sans condition aux sensations de ce moment, une sortie de soi-même, une exposition aux autres dont j'aurais été bien incapable, quand bien même je l'aurais voulu.
En fait, mon seul souvenir pleinement joyeux, je le connais. Il n'appartient pas à mon enfance, mais à mon âge d'homme. Il n'est ancien que d'une année, même pas. Ce sentiment extrême que l'on nomme la joie, je l'ai connu le jour où j'ai participé au semi marathon de Lyon. Cela peut sembler étonnant, voire absurde, pourtant, si j'essaie de mettre un instant sur ce que je pense correspondre au sentiment de joie, c'est à ce jour-là que je songe.
J., d'ailleurs, me l'avait dit ensuite: à chaque fois qu'il me voyait passer devant lui, j'arborais un large sourire qui ne me quitta pas tout au long du parcours. Joie intense, encore plus profonde à l'arrivée. Joie de sentir mon corps m'obéir, ce corps à qui, pendant des années, je n'avais rien demander d'autre que d'accompagner mes désirs sensuels. Joie de le percevoir dans ses rouages, de sentir que la mécanique fonctionnait bien, merveilleusement bien, que je pouvais encore exiger davantage de lui, qu'il m'accompagnerait sans souffrir jusqu'au bout de l'effort.
Et, au bout, derrière la ligne d'arrivée, la satisfaction ineffable d'y être parvenu, d'avoir réalisé mon projet, mon rêve. Moi l'incapable, moi celui qui avait toujours besoin de béquilles, de soutien, de réconfort, je venais de créer quelque chose par moi-même, seul, quelque chose que j'aimais, que je ne songeais pas une seconde à minimiser, quelque chose qui m'appartenait. A ce moment-là, le regard des autres, leur appréciation m'indifféraient. Je n'y pensais même pas, peut-être pour la première fois de ma vie. Ce que j'avais fait m'appartenait vraiment et rien ne pouvait ternir cette joie. J'en étais étourdi moi-même, tant la sensation était nouvelle.
Je vais, cette année, me réinscrire pour cette compétition. J'ai déjà recommencé à courir un peu plus chaque semaine. Pourtant je doute de retrouver une seconde fois cette pureté de diamant de la joie de ma première participation. Nous verrons bien.
mardi 24 mars 2009
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2 commentaires:
Comme toi je n'irais pas cherché dans l'enfance le souvenir d'une vraie joie (sans doute y en eut-il, mais elle n'aura pas marqué). Ce genre de souvenir, chez moi, sont indissociable de Pêr, de ces vacances, par exemple, passées ensemble il y a plus de dix ans dans les Cévennes. J'imagine que pour beaucoup, il faut une certaine maturité pour ressentir cette plénitude de la joie.
Pour moi, Kab-Aod, la joie est d'essence spitituelle. Une sorte de plénitude atteinte. Y faut-il la maturité? Sans doute que oui.
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