lundi 1 février 2010
Théorème
Curieux comme je n'aime plus épuiser les choses. Une fête, un film, une émission de radio, un article de journal: je pars toujours avant la fin, même si, surtout si ça m'intéresse. J'ai déjà fait cela aussi avec quelques livres. Volonté de prolonger le plaisir à ma seule guise, de préserver et prolonger le rêve ébauché ou la réflexion entreprise.
Ce soir, pourtant, le sujet de L'Humeur vagabonde me touchait particulièrement. On y apprenait en début d'émission la nouvelle sortie du film, remasterisé, de Per paolo Pasolini, Théorème (Teorema,en italien). Je ne l'ai pas vu en 68, à sa sortie où il provoqua, en Italie surtout, un énorme scandale mais eut l'honneur du prix de l'OCIC (Office Catholique International du Cinéma), mais quatre ou cinq ans plus tard, à mon arrivée à Lyon. C'est Pierre qui le premier me parla de ce film qui l'avait bouleversé. Ma réaction fut la même que la sienne. L'histoire de cet inconnu beau comme le jour arrivant dans une riche famille bourgeoise d'industriels du nord de l'Italie, ne prononçant pratiquement pas une parole et bouleversant profondément la vie et l'être même de chacun des membres de cette famille, père, mère, fille, fils et bonne comprise, avant de s'en retourner, me marqua à un point tel qu'encore aujourd'hui, j'ai des fulgurances d'images qui me viennent (les nuages caressant le sommet des monts pelés, la brume d'une jachère au bord d'une rivière,...), des souvenirs de musique (Requiem de Mozart) ou de longues citations en voix off (extraites du prophète Osée, si j'ai bonne mémoire).
Sans doute ces images ont-elles vieillies, le jeu des acteurs en particulier, même si l'affiche réunit de grands noms de cette époque: Terence Stamp, Silvana Mangano, Laura Betti, Massimo Girotti et ce fou de Ninetto, acteur fétiche de Pasolini dans le personnage d'Angelino, le messager. Anne Wiazemsky, la petite-fille de François Mauriac, alors même pas âgée de vingt ans, y tenait le rôle de la fille, un an après avoir tourné La Chinoise avec Godard. Elle était d'ailleurs l'invitée de L'Humeur vagabonde ce soir sur France Inter.
Vieilli tout cela sans doute et Wiazemsky, trop jeune à l'époque, n'a pas apporté un témoignage très détaillé en début d'émission. Deux plaisirs immenses tout de même: celui d'avoir entendu pour la première fois de ma vie, je crois, la voix de Pasolini, s'exprimant, très bien, en français, voix jeune et légère collant mal avec le personnage tourmenté; celui, d'autre part, de retrouver deux personnages inoubliables des ondes dans ces années-là: Jean-Louis Bory et Georges Charensol, dans une émission du Masque et la Plume où les deux critiques s'écharpaient de connivence sur le film de Pasolini.
Vieilli? Et pourtant: le message de ce film n'est-il pas toujours d'actualité? Cette théophanie, cette hiérophanie dont Pasolini lui-même parlait dans une interview, nombreux sont ceux qui l'attendent, comme un bouleversement, comme une remise en cause totale de l'être et de l'avoir, comme un retour sur le chemin qui nous était destiné.
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2 commentaires:
Je n'ai pas écouté l'émission dont tu parles (j'écoute maintenant peu la radio en dehors de la musique, et c'est dommage), mais ta note me ramène à 2 ou 3 choses qui elles ne sont pas d'hier.
Théorème, mon 1er contact avec Pasolini, que je n'allai voir, en 68, qu'à cause de ce scandale dont tu parles. J'en étais sortie, comment dire, ébranlée, alors que ni Dieu ni le sacré ne faisaient partie de mon paysage, c'est le moins qu'on puisse dire. Je crois me souvenir que la beauté des acteurs et leur jeu n'étaient pas étrangers à la force d'attraction du film. Qu'en serait-il aujourd'hui, tiens j'irai vérifier ça. Beaucoup des très grands films de cette époque ont mal vieilli.
Quant à l'évocation de jean-Louis Bory, qu'est-ce que j'aimais cet homme-là, son enthousiasme communicatif, sa culture, et son humour vachard ! J'étais suspendue tous les dimanches soir à mon poste...et dans la semaine j'allais voir en urgence TOUS les films dont ils avaient parlé, en séchant allègrement mes cours. Pas beau, ça !
Alors, nous avons dû voir des tas de films communs! Il faudra que l'on en parle un jour!
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