lundi 15 février 2010

Mille e tre

Mes amants n'appartiennent pas aux classes riches:
Ce sont des ouvriers faubouriens ou ruraux,
Leurs quinze et leurs vingt ans sans apprêts, sont mal chiches
De force assez brutale et de procédés gros.

Je les goûte en habits de travail, cotte et veste;
Ils ne sentent pas l'ambre et fleurent de santé
Pure et simple; leur marche un peu lourde, va preste
Pourtant, car jeune, et grave en l'élasticité;
(...)

Leur pine vigoureuse et leurs fesses joyeuses
Réjouissent la nuit et ma queue et mon cu;
Sous la lampe et le petit jour, leurs chairs joyeuses
Ressuscitent mon désir las, jamais vaincu.
(...)

Antoine, encor, proverbial quant à la queue,
Lui, mon roi triomphal et mon suprême Dieu,
Taraudant tout mon cœur de sa prunelle bleue
Et tout mon cul de son épouvantable épieu.

Paul, un athlète blond aux pectoraux superbes
Poitrine blanche, aux durs boutons sucés ainsi
Que le bon bout; François, souple comme des gerbes
Ses jambes de danseur, et beau, son chibre aussi!
(...)

Et vous tous à la file ou confondus en bande
Ou seuls, vision si nette des jours passés,
Passions du présent, futur qui croît et bande,
Chéris sans nombre qui n'êtes jamais assez!

Paul Verlaine, Hombres, 1891, in Poèmes érotiques, JC Lattès 1979.

A quoi sert de ranger des placards!

" Si l'on accepte la liberté d'expression, on s'aperçoit que toute vulgarité est bannie de ces vers." (Marcel Béalu). Qui en effet aujourd'hui pourrait écrire cela?

PS: Le titre, traduisible prosaïquement par 1003, est sans doute inspiré par un air de Don Juan de Mozart, quand son valet, Leporello, déroule le catalogue des conquêtes (féminines) de son maître.

5 commentaires:

Lancelot a dit…

J'adore le dernier vers... ('ver'?)
(interrogation subite : on a tellement l'habitude de mettre "vers" au pluriel que.... je m'interroge. mais "ver"...? Ca fait trop 'lombric', non ?).

Sinon, tu as pratiqué des coupures ? Pour la censure...? ;-) Dommage, si c'est le cas !

Calyste a dit…

Non, pas de censure, surtout pas! Simplement quelques passages à la construction grammaticale un peu complexe ou de moindre intérêt. Et puis ce poème est très long. Je voulais juste en donner une idée. Pas mal, hein. On voit Verlaine autrement, après ça.

KarregWenn a dit…

Eh oui ! Et on se rengorge dans les salons de gauche en bavardant sur notre contemporaine liberté d'esprit et d'expression ! Tu parles, Charles !

christophe a dit…

Obscur et froncé comme un oeillet violet
Il respire, humblement tapi parmi la mousse
Humide encor d'amour qui suit la pente douce
Des fesses blanches jusqu'au bord de son ourlet.

Des filaments pareils à des larmes de lait
Ont pleuré, sous l'autan cruel qui les repousse,
À travers de petits caillots de marne rousse,
Pour s'en aller où la pente les appelait.

Ma bouche s'accoupla souvent à sa ventouse ;
Mon âme, du coït matériel jalouse,
En fit son larmier fauve et son nid de sanglots.

C'est l'olive pâmée, et la flûte caline ;
C'est le tube où descend la céleste praline :
Chanaan féminin dans les moiteurs éclos !

Calyste a dit…

Ne métaphorons pas, foutons,
Pelotons-nous les roustons
Rinçons nos glands, faisons ripailles
Et de foutre et de merde et de fesses et de cuisses.