mercredi 3 février 2010

Il y a des jours...

Il y a des jours comme ça, de pur bonheur. Ce jour, aujourd'hui, c'était un après-midi: bien être absolu.

Après une tentative de sieste perturbée par le coup de fil d'une collègue pour notre prochain travail Français/Arts sur la satire au Moyen Age et la caricature plus généralement, je me suis dis que je perdais mon temps avec ce beau soleil. Direction d'abord la pharmacie parce qu'on a beau être très fort, très beau, très intelligent comme c'est mon cas, un rhume, c'est un rhume et, à ce point d'humeur liquide, ça ne passe pas tout seul.

Puis la descente de Gambetta, comme on dirait la descente de l'Orénoque: mêmes surprises, mêmes mouvements, mêmes explosions de couleurs. Je suis sûr maintenant que c'est ma rue préférée à Lyon, bien loin devant les artères de la presqu'île, faussement snobs et pétillantes. Ici, rien n'est feint, tout s'expose, du petit salon de coiffure qui jouxte un supermarché indien au vieux magasin de vêtements qui se dit spécialiste des grandes tailles et a conservé sa longue banque de bois lissé où, sans doute, autrefois, un tailleur prenait la mesure de son mètre, au café si petit que l'on s'y tient debout. J'aime cette artère pour sa vie incessante, bigarrée, aux multiples ethnies se côtoyant sans se heurter. Je l'aime aussi car, le soir, au soleil couchant, elle est dans l'axe de la chute et recueille, bien après les autres, les derniers rayons de lumière.

Et puis, au bout, c'est l'ouverture, comme un delta, une embouchure donnant sur le Rhône et ses berges et, au-delà du pont, sur les immeubles bourgeois de la Presqu'île et les hauteurs de Fourvière dominées par la Basilique. Dans cet espace soudain retrouvé, qui, après l'agitation de la rue, prend son temps au bord de l'eau en terrasses, péniches et bassins reflétant les nuages, la lumière n'est jamais banale: elle éclabousse le Rhône en scintillements aquatiques éclairant jusqu'au dessous des ponts, elle caresse les toits d'ardoise de l'Université, cisèle les ombres sur les degrés de l'amphithéâtre des berges où elle attire des couples qui oublient qu'ils n'y sont pas seuls, elle découpe avec une netteté de glacier les lignes géométriques de l'architecture des quais, précisant les couleurs pastel, ou noie l'horizon dans une brume que les Romantiques n'auraient pu que célébrer. Voilà pourquoi j'aime ce coin de Lyon, la Guillotière, la populaire, la belle que je ne me lasse jamais de photographier.

Passé le pont, je suis allé m'acheter des livres, geste habituellement assimilable chez moi à un moment de manque, un sentiment de vide. Aujourd'hui, l'inverse: j'avais, au début de ma sieste, fini enfin un roman que j'avais entre les mains depuis près de deux mois. Le roman n'est pour rien dans ce long temps de lecture: je n'avais pas envie, simplement. Mais cet après-midi, en marchant, j'ai pensé que le dernier tome du journal de Pascal Sevran, celui qu'il rédigeait au moment de sa mort devait être sorti en poche. A peine cette idée en tête, j'en ai eu la certitude absolue et je l'ai trouvé, je dirais, pour moi, naturellement. Et ma joie fut décuplée car, en parcourant les rayons, j'y ai découvert un nouveau Pontalis, des petits récits de Kawabata que je ne connaissais pas et un gros recueil de nouvelles policières narrant les Untold Stories de ce cher Watson, enquêtes de son ami Holmes jamais racontées par le docteur, le tout par un auteur français, René Reouven, qui a sans doute volé l'idée à l'américain John Dickson Carr qui fit de même en collaboration avec Adrian Conan Doyle.

Au retour, des photos, des photos encore dans le splendide éclairage de fin d'après-midi. Lyon est toujours belle, il y a des jours, comme ça, où elle est sublime.

7 commentaires:

KarregWenn a dit…

Ta belle humeur aujourd'hui transparait tellement bien dans ta note qu'on se voit bien t'accompagnant. On se prend un petit café ?

Samuel a dit…

Merci pour cette promenade lyonnaise. Comme avec Leopold Bloom dans Dublin, j'ai pu suivre tes pérégrinations en visualisant ces lieux que je connais si bien.
Cependant, mon voyage s'est arrêté à ta traversée du pont qui t'a mené sur la Presqu'île, ne sachant dans quelle librairie tu t'es rendu!
Jolie note pour une jolie balade. Merci!

Calyste a dit…

Une melle hubeur avec un gros rhube; Dabe K.

Calyste a dit…

Bien que je l'aie acheté depuis longtemps, Samuel, je n'ai pas encore lu Ulysse. Jamais eu le courage à ce jour. L'effort en vaut-il la "chandelle"? Conseille-moi!

piergil a dit…

A lire ces lignes, on aurait envie d'aller passer ces vacances à Lyon la belle...
Tiens, une question qui me turlu depuis longtemps: comment reconnait-on le sexe d'une ville?
( question sans intérêt, c'est juste histoire de mettre un bout de sexe dans mon com !)
;-))

karagar a dit…

quand je lis tes textes évoquant Lyon, c'est à une imagination vierge qu'ils parelnt cr je ne connais pas cette ville.

Calyste a dit…

Mais qu'importe le sexe pourvu qu'on ait l'ivresse, Piergil!

Et la défloration de cette virginale imagination a-t-elle été agréable, Karagar?