Cela pourrait être deux copains jouant dans une cours de récréation, ou deux chats de la même portée qui s'essaient avec espièglerie à la découverte du monde, ou le titre du sempiternel Disney de Noël, celui que l'on sort pour les fêtes et où les mamies en mal d'imagination emmènent leurs petits-enfants, engraissant ainsi la niaiserie américaine, pardon: états-unienne. Rien de tout cela. Et bien pire.
Félix et Léo, ce sont les deux héros d'un joli conte proposé par Sébastien Watel dans un film d'animation d'une petite demi-heure. Félix et Léo, ce sont respectivement un poisson-chat (forcément, quand on s'appelle Félix) et un poisson-lune. Félix et Léo, ce sont deux poissons garçons. Et Félix et Léo s'aiment!
Horreur, damnation, censure, interdiction. Les bien-pensants au cul serré n'ont pas tardé à lever le bouclier de la décence et de la protection de l'enfance. Quoi, violer ainsi la conscience de nos enfants! Le film, Le Baiser de la lune, destiné à lutter à la base contre l'homophobie ambiante, restera donc dans les tiroirs pour l'instant, en tout cas ne sera pas diffusé dans les écoles.
Une dame très célèbre pour ses prises de position radicales au moment de l'installation du pacs a encore fait entendre sa voix dans le concert des brebis outragées: "On ne peut pas imposer des préoccupations d'adultes à de jeunes enfants." Ah bon! C'est nouveau, ça! Mais alors que de voiles il faudra tendre dans les rues, sur l'écran de télévision ou de l'ordinateur, sur les publicités dans nos villes, sur les illustrations enjolivant nos produits alimentaires! Des voiles épais pour cacher toute la pornographie qui s'y déploie à longueur d'année. Il faudra aussi ne pas lever les enfants trop tôt sous prétexte que les parents travaillent, ne pas leur imposer les disputes d'un couple en désaccord de plus en plus prononcé, ne pas leur partager les semaines entre deux habitats, entre deux familles, entre deux univers. Dieu, que le monde des adultes est laid. Cachons-le leur et faisons de notre progéniture des oies blanches.
D'autre part, les enfants à qui devait être projeté le film sont des CM1 et CM2, donc plus de la toute prime enfance et, à mon avis, déjà un peu grands pour un conte plus en accord avec le monde des 5 ou 6 ans qu'avec le leur, déjà plus déluré. Est-il si impensable que cela, dans une société qui, en paroles souvent à défaut des actes, tient à se battre officiellement contre toute forme de discrimination, de montrer que l'amour entre deux êtres du même sexe n'est pas sale et peut amener, pour peu qu'on lui laisse sa chance, à l'épanouissement et au bonheur de ceux qui le vivent? Craint-on une contagion, une contamination, un prosélytisme? Pour qui? Pour quoi? Ne sait-on pas tous aujourd'hui qu'être homosexuel n'est pas un choix mais un état de nature, qu'aucun vice, qu'aucune tare ni maladie ne se cachent derrière cette réalité-là?
Je suis profondément écœuré et déçu que la France, nation des Lumières il y a à peine trois siècles, en soit descendue à ce degré d'obscurantisme. Allez, Félix et Léo, vous repasserez, allez nager dans d'autres eaux. Ici, les nôtres sont décidément trop troubles.
mardi 16 février 2010
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12 commentaires:
N'est ce pas un peu tôt en maternelle ? Je préfère que la sensibilisation soit faite au collège, qu'ils puissent comprendre.
Aussi jeunes, tout peut se brouiller dans leur esprit et, qui sait, ce peut être l'effet inverse de ce qui est recherché qui prenne le dessus !
A cet âge, je ne pense pas qu'ils comprennent tout.
On voit, Petrus, que tu n'as pas mis les pieds depuis longtemps dans une cour d'école: au collège, il est beaucoup trop tard.
Bien évidemment, j'abonde dans ton sens. Personnellement, je n'ai vu que des extraits du dessin animé en question, et il m'a en plus paru très très très cryptique. Non seulement on a camouflé l'idée d'amour entre deux être de même sexe dans une histoire, peut-être mignonne, mais très "obscure", mais en plus ça choque encore les dames patronesses. Au final, rien n'est satisfaisant. Il ne s'agissait pourtant pas de projeter la vie de Caligula.
Moi, ce qui m'irrite le plus, c'est cette idée de ne pas diffuser de choses "pouvant heurter la sensibilité des plus jeunes...". Ne parlons ni de télé, ni d'internet, ni de pub. Soit. Restons dans le cadre de l'école primaire. Pense-t-on à pousser des cris d'orfraies si un instituteur évoque la shoah et les chambres à gaz, dans le cadre d'une leçon d'histoire ? Non, et c'est heureux. Pourtant, c'est bien susceptible de "choquer" aussi, il me semble ?
Luc (ne pas inverser le prénom- Chatel ne tient pas à se mettre à dos, à la veille des élections régionales, tous les réacs qui hésitent entre l'UMP et le FN.
Il faut donc montrer au bon peuple que la morale est bien gardée et que les petits poissons ont le temps de devenir grands.
Luc Chatel a une arête en travers dans le gosier, il devrait changer de supermarché et de poissonnier.
Mon cher Calyste, je reconnait ne pas fréquenter des gosses mais je pense, peut-être à tort, qu'il n'est pas trop tard en 6e et qu'il est préférable d'expliquer à des jeunes ayant la capacité d'apprendre...
Mais la capacité d'apprendre, ils l'ont bien avant, heureusement!
De toutes façons, il n'est jamais trop tard pour bien faire, Petrus.
Entièrement d'accord avec toi, Lancelot.
Belle métaphore filée, Dominique.
Les mythologies nationales (droits de l'homme, avancées sociales, etc.) sont de plus en plus intenables...
Et intenues!
Mon homosexualité s'est manifestée très clairement au CP (et j'avais un an d'avance, donc pas bien vieux!). Je n'avais pas le concept, j'ai souffert de ne pas comprendre ce qui m'arrivait. Donc la sixième, pour moi, c'eût été bien tard oui...
Je croyais la chasse aux sorcières un temps révolu au Moyen-Age.
Je suis une incorrigible optimiste à ce que je vois...
Nous avons entendu cette polémique, lamentable. Pour la Boue-thym, rien d'étonnant, mais j'ai entendu un extrait d'une intervention de Ro*bert Mé*nard (que je croyais naïvement plus libéral et moins sectaire) qui m'a fait tressaillir. Bien sûr qu'il faudrait montrer ça aux gamins, avec un accompagnement ad hoc.
Je ne sais pas si le choix des poissons est volontaire, mais c'est a priori le cas. Certaines espèces ont en effet la faculté d'être hermaphrodites et de changer de sexe, phénomène parfois gênant quand c'est la pollution chimique des eaux qui l'impose et peut entraîner la raréfaction voire la disparition de certaines espèces.
Quelle science, Cornus. Moi, ça me passionne, ce que tu m'apprends. Et je ne suis pas en train de te faire une blague: c'est vrai!
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