Voilà le livre que j'ai mis deux mois à lire. Trois cents petites pages en soixante jours. Un record! C'est dire ma passion pour la chose écrite en ce moment. Le roman n'y est pour rien: il est bon, sinon je l'aurais abandonné en cours de route. De facture et d'écriture classiques, il est sans doute plus dilué que La tombe des lucioles du même auteur, mais se lit avec intérêt.
Surtout ne pas s'arrêter au titre, plutôt aguicheur pour un lectorat français. Y a-t-il la même provocation dans le titre original japonais? Pas de scènes érotiques ou pornographiques complaisamment décrites pour exciter l'imagination. Les moments chauds sont abordés crument mais avec une sorte de recul, d'un point de vue clinique qui désamorce tout potentiel salace. Il ne s'agit pas, de la part de Nosaka, d'une forme de pudibonderie, je ne crois pas en tout cas, mais plutôt d'une volonté de s'en tenir à ce qui me semble être son propos, c'est-à-dire l'exposition d'une fable morale. Je prends ici le mot fable au sens étymologique latin d'histoire racontée.
Un homme, petit revendeur de clichés osés, décide un jour de se mettre à son compte pour gagner plus d'argent plus facilement et se lance dans le tournage de films pornographiques puis l'organisation de soirées à thème où l'élément féminin est recruté, sous de faux prétextes, par deux de ses amis plus jeunes. Alors que cette bande s'organise, la femme de Subuyan, l'homme mûr, meurt, lui laissant à charge sa fille à elle qu'il convoite rapidement. Mais rien ne semble tout à fait marcher comme il l'aurait souhaité: un des membres de la bande le double et s'installe à son propre compte, les soirées organisées qu'il aurait voulues un feu d'artifice des sens se transforment chaque fois en échanges bestiaux et sales, l'unique occasion de copuler avec sa belle-fille aboutit à un fiasco complet pour déficience physique de sa part, déficience qui le poursuivra tout au long du livre alors que l'ardeur qu'il mettra à réchauffer sa libido ne servira à rien. Lui-même tire une sorte de leçon de ses expériences et se demande si, en fin de compte, l'amour de la pornographie chez un homme n'est pas un indice de son impuissance.
Implacable réquisitoire contre l'animal humain, qu'il soit homme ou femme, le roman se termine pourtant par une belle page "poétique": Subuyan, qui avait toujours espéré retrouver sa virilité en retrouvant sa belle-fille disparue après leur "nuit d'amour", est étendu, mort, sur un lit. Cette belle-fille tant désirée et tant fantasmée, découvre, interloquée, quand enfin elle vient le voir à l'hôpital, dépassant du sous-vêtement du cadavre, un spectacle inattendu: le sexe de son beau-père dans un état de splendide turgescence.
Les Pornographes, Nosaka Akiyuki. Roman traduit du japonais par Jacques Lalloz, Picquier poche.
vendredi 5 février 2010
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
3 commentaires:
Ouah, ça a l'air très rigolo, j'adore, j'ADOOORE la chute ! Il faut en tirer une adaptation pour l'écran. Une adaptation pornographique, ça va de soi...
L'amour de la pornographie chez un homme n'est-il pas un indice de son impuissance ? Ohlà. Vaste débat. Encore faut-il déterminer ce qu'on entend par "amour". Peut-on être simplement "sympathisant" avec la chose sans pour autant avoir besoin de Viagra...? :-D
Vous nous dites tout jusqu'au bout... Ne faut-il pas laisser une once de mystère ?
Je crois qu'une adaptation pornographique tuerait l'essence même de ce livre, Lancelot, car là n'est pas son but.
Le dévoilement de la fin , à mon avis, Dominique, n'altère en rien le plaisir pris à lire ce roman.
Enregistrer un commentaire