(Billet écrit hier)
Ce séjour en Savoie aura été bien particulier. Je l'abrège un peu, je pars demain matin, au lieu de déjeuner ici, comme prévu. Ainsi je pourrai voir J. à midi. J'ai envie.
J'écris en ce moment, comme les deux précédents billets, sur du papier brouillon, Emile m'ayant refusé l'accès à son ordinateur. Pourquoi? Aucune idée: je n'ai pas compris ses explications. En tout cas, cela ne tient pas à des "dégâts" que j'aurais provoqués lors d'une précédente utilisation. Je crois qu'en fait, il ne sait pas vraiment s'en servir, à part une ou deux fonctions, toujours les mêmes. Cela relève encore pour lui de la magie. Ainsi a-t-il été tout surpris lorsque je lui ai appris que l'on pouvait, de chez quelqu'un d'autre, consulter ses propres mails.
Rassuré sur le fait que je n'avais pas provoqué de catastrophe dans ses fichiers, je n'ai pas insisté, tant il semblait bloqué sur ses positions. J'ai simplement profité de son absence ce matin pour taper le premier billet. Les autres attendront mon retour à Lyon. Impression mitigée, en faisant cela, comme un gosse se cachant dans les toilettes pour fumer sa première cigarette. J'ai pourtant dépassé l'âge, et l'envie (de la cigarette).
Mardi, à peine arrivé, j'ai vu débarquer Hubert. J'avais prévenu Emile de ne pas l'informer de ma visite, lui expliquant que je tenais à J., que j'avais depuis quelques mois découvert ce que pouvait être la fidélité, que cet état me comblait. Ce n'est pas de ma part un choix délibéré, une contrainte que je m'impose: simplement, je n'ai pas envie d'autre chose que ce que J. m'apporte. L'arrivée d'Hubert m'a donc mis dans l'embarras, car, à chacun de mes séjours ici, nous nous sommes adonnés à la frénésie des sens, pour le plus grand plaisir de chacun des deux. Il s'attendait à ce que, cette fois encore, il en soit ainsi. J'ai mis en avant mon mal de dos (réel) pour m'abstenir. Bien que ne me sentant pas très solide dans ma résolution, j'ai tenu bon. Et la joie que j'en retire est infiniment plus profonde que celle d'une jouissance suivie comme son ombre par le regret et la tristesse.
Hier, nous sommes allés aux champignons dans les bois environnants. Je les ai laissé partir tous les deux, Emile et Hubert, s'enfoncer dans les sous-bois. J'aurais, en les suivant, eu encore plus de mal à résister au désir charnel si la tentation se manifestait à l'extérieur, dans le cadre de la nature. Je n'ai pas trouvé un seul champignon. J'ai fait des photos, j'ai humé, j'ai touché, j'ai vu. Je ne regrette rien. Pas une seconde je ne me dis: voilà une occasion sottement gâchée de "s'en payer une tranche". Au risque de paraître un peu "réac.", je dirais même que mon estime de moi s'en trouve accrue en ce moment. Plus de victoire trop facilement remportée, plus de reddition trop rapidement accordée. Je sais maintenant ce qui me construit et ce qui me détruit.
Hormis cette promenade dans les bois, j'aurais regardé la campagne à travers la vitre. Pas de jardinage, à cause du dos, pas de course à pied, pour la même raison, pas de sexe non plus. Juste un grand bien être de sentir peu à peu les noeuds se desserrer, les nerfs, les muscles se relâcher, le sommeil se faire sa place la nuit mais le jour aussi, avec le livre sur les genoux, dans le grand fauteuil d'Emile, pendant qu'il travaille à son bureau, tout près de moi.
Je n'ai pu m'empêcher d'acheter encore des livres, à la grande surface la plus roche que je sais, pour une fois, bien approvisionnée: un ouvrage de Boris Cyrulnik sur la résilience (tiens, tiens?) et le dernier essai de Marie de Hennezel, La Chaleur du coeur empêche nos corps de rouiller..
Je rentrerai demain en paix, avec moi, avec aussi, je l'espère, mon corps, avec Emile, qui a le droit de vieillir, en paix et heureux de déjeuner encore une fois avec J.
Les merles seuls vont me manquer, et leur façon quasi provocante de s'inviter à picorer la terre qu'Emile vient fraîchement de retourner, et de marcher autour de nous comme ces petits jouets dont on a trop remonté le mécanisme. Je n'ai pas encore fini de les observer.
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4 commentaires:
Le séjour a été court mais bénéfique, je l'espère ! Quelques jours sans clavier ni écran, ça ne fait pas de mal...
Vache ! J'ai pas encore lu le billet mais ton écriture ressemble beaucoup à la mienne !
J'envie ces quelques jours que tu as passé. La "métaphore" des champignons m'a fait sourire :)
Encore un point commun, pour l'écriture!
Oui, j'ai besoin de quitter la ville... et d'y revenir, vite.
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